Retour à lAccueil
VIE DIVINE DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE MARIE
Vénérable Marie d’Agréda
retrouver beaucoup de livres de Saints sur JesusMarie.com
CHAPITRE PREMIER.
LA TRÈS SAINTE VIERGE DANS LENTENDEMENT DIVIN SES SAINTS PARENTS
CHAPITRE II.
IMMACULÉE CONCEPTION DE MARIE SES SAINTS EXERCICES DANS LE SEIN DE SAINTE ANNE
CHAPITRE III.
DE LHEUREUSE NAISSANCE DE MARIE. PRÉMICES DE SA VIE TOUTE MERVEILLEUSE
CHAPITRE IV.
SAINTES OCCUPATIONS, ET SA PRÉSENTATION AU TEMPLE
CHAPITRE V.
BIENHEUREUSE MORT DE SES SAINTS PARENTS. PERSECUTIONS QU ELLE SOUFFRE.
CHAPITRE VI.
SES ÉPOUSAILLES AVEC LE CHASTE SAINT JOSEPH
CHAPITRE VII
COMMENT LE TRÈSHAUT PRÉPARA LA SAINTE VIERGE ET LA COMBLA DE GRÂCES POUR LA RENDRE DIGNE DÊTRE LA MÈRE DE DIEU
CHAPITRE VIII.
ANNONCIATION DE LA SAINTE VIERGE ET INCARNATION DU VERBE
CHAPITRE IX.
VISITE DE LA SAINTE VIERGE A SAINTE ELISABETH. NAISSANCE DE SAINT JEAN-BAPTISTE
CHAPITRE X.
RETOUR DE LA SAINTE VIERGE A NAZARETH
CHAPITRE XI.
VOYAGE DE LA SAINTE VIERGE A BETHLÉEM. NAISSANCE DE JÉSUS
CHAPITRE XII.
CIRCONCISION DE NOTRE-SEIGNEUR
CHAPITRE XIII.
ARRIVÉE DES ROIS MAGES. ADORATION DE LENFANT
CHAPITRE XIV.
PRÉSENTATION AU TEMPLE
CHAPITRE XV.
FUITE EN EGYPTE
CHAPITRE XVI.
MASSACRE DES INNOCENTS
CHAPITRE XVII.
RETOUR DEGYPTE A NAZARETH.
CHAPITRE XVIII.
MALADIE ET PRÉCIEUSE MORT DE SAINT JOSEPH
CHAPITRE XIX.
PRÉLUDES DE LA PRÉDICATION DE JÉSUS-CHRIST
CHAPITRE XX.
PRÉDICATION DE NOTRE-SEIGNEUR, ET COOPÉRATION DE LA SAINTE VIERGE.
CHAPITRE XXI.
ENTRÉE TRIOMPHANTE DE JÉSUS-CHRIST A JÉRUSALEM
CHAPITRE XXII.
LA DERNIÈRE CÈNE
CHAPITRE XXIII.
COMMENCEMENT DE LA PASSION JUSQUAU PRÉTOIRE DE CAÏPHE
CHAPITRE XXIV.
SUITE DE LA PASSION JUSQUA LA SENTENCE DE MORT
CHAPITRE XXV.
JÉSUS MONTE AU CALVAIRE, SA MORT
CHAPITRE XXVI.
TRIOMPHE DE NOTRE-SEIGNEUR SUR LA CROIX CONTRE LA MORT ET CONTRE LENFER. CONCILIABULE DES DÉMONS CONTRE LE GENRE HUMAIN
CHAPITRE XXVII
COUP DE LANCE AU DIVIN CÔTÉ, SÉPULTURE, ET RETOUR DE LA SAINTE VIERGE AU CÉNACLE
CHAPITRE XXVIII.
RÉSURRECTION DU SEIGNEUR, ET GRANDE JOIE DE LA DIVINE MÈRE. AUTRES MERVEILLES
CHAPITRE XXIX.
ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST AU CIEL. ET FAVEUR SINGULIÈRE DE LA DIVINE MÈRE
CHAPITRE XXX.
DES SAINTS EXERCICES DANS LE CÉNACLE AVANT LA PENTECÔTE
CHAPITRE XXXI.
VENUE DE LESPRlT-SAlNT. CE QUI ARRIVE A LA SAINTE VIERGE
CHAPITRE XXXII.
LES APOTRES SORTENT DU CENACLE POUR PRÊCHER. MIRACLES OPÉRÉS PAR LA DIVINE MÈRE
CHAPITRE XXXIII.
A LES APOTRES ET LES DISCIPLES SASSEMBLENT POUR RÉSOUDRE QUELQUES DOUTES. SAINT PIERRE CÉLÈBRE LA PREMIÈRE MESSE. CE QUE FAIT LA TRÈS-SAINTE VIERGE
CHAPITRE XXXIV.
ON FAIT CONNAITRE UN NOUVEAU MIRACLE DE JÉSUS POUR LA TRÈS SAINTE VIERGE
CHAPITRE XXXV.
LA TRÈS SAINTE VIERGE CONNAIT QUE LUCIFER SE PRÉPARAIT A PERSÉCUTER LÉGLISE, CE QUELLE FAIT POUR DÉFENDRE LES FIDÈLES
CHAPITRE XXXVI.
PRUDENCE DE LA VIERGE MÈRE DANS LE GOUVERNEMENT DES FIDÈLES. CE QUELLE FIT AVEC SAINT ETIENNE
CHAPITRE XXXVII.
LA SAINTE VIERGE ENVOIE LE SYMBOLE AUX DISCIPLES. LES APÔTRES SE PARTAGENT LES PROVINCES DU MONDE. CONVERSION DE SAUL. AUTRES MIRACLES DE LA GRANDE REINE
CHAPITRE XXXVIII.
NOUVELLES TRAMES DE LUCIFER CONTRE LÉGLISE. LA SAINTE VIERGE PART DE JÉRUSALEM, ET OPÈREDE NOUVELLES MERVEILLES
CHAPITRE XXXIX.
MARTYRE DE SAINT JACQUES, IL EST ASSISTÉ DE LA DIVINE MÈRE. EMPRISONNEMENT DE SAINT PIERRE ET SA DÉLIVRANCE. DIVERSES MERVEILLES
CHAPITRE XL.
VERTUS HÉROÏQUES QUE LA SAINTE VIERGE EXERCE A LA MORT DHÉRODE. FRUIT DU ZÈLE DE SAINT JEAN A ÉPHÈSE. TRIOMPHE DE MARIE CONTRE LUCIFER
CHAPITRE XLI.
LA TRÈS-SAINTE VIERGE RETOURNE A JÉRUSALEM SES AUTRES VICTOIRES CONTRE LUCIFER
CHAPITRE XLII.
DERNIER TRIOMPHE DE LA DIVINE MÈRE. ÉTAT OU LE SEIGNEUR LÉLEVA
CHAPITRE XLIII.
CE QUE FIT LA DIVINE MÈRE LORSQUE LES SAINTS ÉVANGILES FURENT ÉCRITS
CHAPITRE XLIV.
EXERCICES DE DÉVOTION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE, ET PRÉPARATION A LA SAINTE COMMUNION
CHAPITRE XLV.
FÊTES CÉLÉBRÉES PAR LA REINE DES ANGES
CHAPITRE XLVI.
LARCHANGE GABRIEL ANNONCE A LA SAINTE VIERGE SON HEUREUSE MORT. MERVEILLES QUI ARRIVENT
CHAPITRE XLVII.
LHEUREUSE MORT DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE. ET SÉPULTURE DE SON CORPS TRÈS-PUR
CHAPITRE XLVIII.
ENTRÉE TRIOMPHANTE DE LÂME AUGUSTE DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE DANS LE CIEL, ASSOMPTION DE SON CORPS. ET SON COURONNEMENT
Haut du document
CHAPITRE PREMIER
LA TRÈS SAINTE VIERGE DANS LENTENDEMENT DIVIN SES SAINTS PARENTS.
Avant de commencer à écrire la vie admirable de la divine Mère de Dieu, il est nécessaire de faire connaître le rang sublime quelle eut de toute éternité dans lentendement divin. Quoique lintelligence divine une, indivisible et très simple, conçoive dans un acte infiniment simple, ny ayant pour elle ni temps passé, ni futur; néanmoins selon notre manière de comprendre nous distinguons comme différents moments. I. Dieu dans les profondeurs de léternité connaît ses attributs, ses perfections avec une inclination infinie à se communiquer au dehors, comme souverain bien infini. II. Il décrète de faire cette communication de lui-même au dehors par la participation et la manifestation de ses grandeurs. III. Il détermine lordre, la manière et la disposition de cette communication, décrétant que le Verbe divin se rendrait visible dans la sainte humanité. IV. Il décréta les dons et les grâces quil devait donner à lhumanité divinisée du Christ, chef de toutes les créatures. Alors réglant léconomie parfaite de lIncarnation, il y comprit la Vierge Mère avant tout autre décret concernant la création des autres créatures. Dieu encore détermina de. créer un lieu où le Verbe incarné put habiter avec sa divine Mère; et premièrement pour eux seuls .il décréta de créer le ciel et la terre, avec les astres, les éléments et tout ce quils contiennent, et secondairement
pour les hommes qui devaient être les vassaux de ce grand roi et de cette grande reine. V. Il décréta la création de la nature angélique pour être en présence de la Majesté divine pour lhonorer et laimer: elle devait servir aussi le Verbe Éternel fait homme et sa très sainte mère leur reine. A ce moment appartient la création du ciel empyrée, pour que la gloire de Dieu sy dévoile et que les bons y soient récompensés, ainsi que la prédestination des bons anges et la réprobation des mauvais; la création de la terre pour les autres créatures et de lenfer dans son centre pour le châtiment des esprits rebelles. VI. Il décréta de créer un peuple et une société dhommes semblables au Christ et ses frères. Dieu ordonna les faveurs et les grâces quil devait donner à ce peuple par les mérites du Christ, et la justice originelle de lhomme sil y voulait persévérer. Il prévit la prévarication et la chute dAdam, et en lui celle de tous ses descendants, à lexception de la divine mère, qui ne fut pas comprise dans ce décret postérieur. Il décréta que ce malheur serait réparé et que lhumanité du Christ serait passible.
Pour lexécution de ces décrets dans le temps, Dieu créa le ciel et la terre, et la lumière non seulement matérielle, mais aussi intellectuelle, cest-à-dire les anges et à la division de la lumière des ténèbres arriva la séparation des bons et des mauvais esprits. Les anges demeurèrent quelque temps dans létat dépreuve quon peut diviser en trois instants: au premier ils furent créés et ornés des dons de la nature et de la grâce; au second, la volonté de leur créateur leur fut proposée, pour la suivre, et obtenir la fin pour laquelle ils avaient été créés. Il leur donna de très vives lumières sur le bien et le mal, les récompenses et les châtiments éternels. Les uns furent obéissants les autres rebelles; les bons furent confirmés en grâce et récompensés de la gloire éternelle;
les obstinés furent châtiés et précipités dans lenfer pour y être éternellement tourmentés. Le motif de cette rébellion et de cette disgrâce fut que les anges ayant eu une très claire connaissance de lêtre divin avec lunité dessence et la trinité des personnes, ils reçurent commandement dadorer Dieu comme leur créateur. Ils obéirent tous à ce précepte, mais avec quelque distinction. Lucifer se soumit parce quil crut impossible de faire le contraire; mais il ne le fit pas avec une parfaite charité, et bien que cette lâcheté à opérer ces premiers actes ne le privât point de la grâce, sa mauvaise disposition vint de là, car ses vertus et son esprit en furent affaiblis. Dieu leur manifesta quil devait créer une nature humaine, et que la seconde personne de la très sainte Trinité devait sincarner et élever la nature humaine à lunion hypostatique; ils reçurent le commandement dadorer cet homme-Dieu et de le reconnaître pour chef de toutes les créatures. Lucifer résista à cet ordre et provoqua ses adhérents à faire de même, il leur persuada quil serait leur chef et quil constituerait un royaume indépendant du Christ. Mais sa méchanceté saccrut lorsquil lui fut proposé de reconnaître comme reine et souveraine, une vierge, mère du Christ, qui devait être enrichie des dons de grâce et de gloire, de manière à surpasser toutes les autres créatures angéliques et humaines. Il résista par dhorribles blasphèmes et condamna ces décrets divins comme injustes et injurieux à sa grandeur. Cette superbe présomption irrita si fort le Seigneur, quil annonça au serpent dans le paradis terrestre quElle (Marie) lui écraserait la tête, ipsa conteret caput tuum.
Après avoir précipité du ciel les anges rebelles et Lucifer leur chef, Dieu créa les autres créatures sur le modèle du. Christ et de la vierge mère comme leurs divins exemplaires ; mais surtout il forma Adam et Eve en tout semblables à ces
divins originaux. Il leur donna le mouvement et une entière-perfection, enfin il les bénit en considération de leur parfaite ressemblance avec leurs modèles. Le Seigneur cacha à Lucifer la création dAdam et dEve pendant une partie du temps quils vécurent ensemble. Dieu agit ainsi pour jeter le démon dans le doute, si Eve était celle qui devait lui écraser la tête, et Adam le Verbe incarné. La rage de cet implacable ennemi commença à dresser des embûches ;. ayant réussi à perdre la femme et par son moyen lhomme, il en triompha orgueilleusement avec ses démons. Mais sa satisfaction ne fut pas de longue durée, parce quil vit combien Dieu sétait montré miséricordieux à légard des criminels et quil leur rendrait sa grâce et son amitié par le moyen de la pénitence; et ce lui fut un nouveau tourment douïr la menace quune femme lui écraserait la tête.
Le genre humain se multiplia par la bénédiction divine,. et le Seigneur se choisit un peuple élu, et dans ce peuple une lignée illustre et sainte, de laquelle il devait descendre selon la chair. Il fit des faveurs signalées à ce peuple, et lui révéla des mystères profonds: il suscita de saints patriarches et prophètes, qui devaient lui montrer en figure le Verbe incarné et lui annoncer de loin sa venue si désirée. Enfin le temps marqué approchant , Dieu envoya au monde deux flambeaux très éclatants, qui annonçaient la prochaine aurore du soleil de justice Jésus, notre Sauveur. Ces deux flambeaux furent saint Joachim et sainte Anne, que la volonté divine avait préparés et créés afin quil fussent les parents de la vierge mère de Dieu. Joachim avait sa maison avec ses parents et amis à Nazareth, petite ville de Galilée. Cétait un homme juste et saint, éclairé dune lumière spéciale qui lui faisait connaître les mystères des saintes écritures et le sens des prophéties. Sainte Anne avait sa maison à Bethléem; elle était
chaste, humble et belle; elle avait aussi de grandes illustrations sur les sens profonds des divines prophéties. Larchange Gabriel fut envoyé en forme corporelle à sainte Anne, pour lui ordonner de prendre Joachim pour époux. Il alla peu après vers Joachim et lavertit en songe de prendre sainte Anne pour épouse. Le saint mariage saccomplit sans que lun découvrit à lautre son secret. Les deux saints époux habitèrent à Nazareth, et suivirent les voies du Seigneur, donnant la plénitude des vertus à toutes leurs oeuvres. Ils faisaient tous les ans trois portions de leur revenu; ils offraient la première au temple , ils distribuaient la seconde aux pauvres , et destinaient lautre pour lhonnête entretien de la famille. Les saints époux passèrent vingt ans sans avoir aucun enfant, ce qui était réputé comme une honte; cest pourquoi ils essuyèrent de leurs voisins plusieurs opprobres, parce quon croyait que ceux qui navaient pas denfants nauraient aucune part au futur Messie. Ils étaient même injuriés par les prêtres comme des êtres inutiles et Joachim étant allé au temple pour prier, un prêtre appelé Issachar, le renvoya parce quil offrait étant stérile, et dès lors indigne doffrir des sacrifices. Le saint homme se retira tout affligé; il sen alla à une maison de campagne, priant le Seigneur avec larmes de lui donner un enfant, et il fit voeu de le lui consacrer dans son temple. Lange du Seigneur apparut à sainte Anne, et lui déclara, quil serait agréable à la divine Majesté quelle demandât une postérité. La sainte fit ce qui, lui était dit et promit à Dieu de lui consacrer le fruit quil daignerait lui accorder. Les demandes de saint Joachim et de sainte Anne arrivèrent en présence du trône de la divine Majesté. Larchange Gabriel fut envoyé à saint Joachim: le Très-Haut, lui dit-il, a exaucé tes prières , et Anne ton épouse concevra et enfantera une fille qui sera bénie entre
toutes les femmes, et que les nations reconnaîtront pour bienheureuse; le Seigneur veut que dès son enfance, elle lui soit consacrée dans le temple. En même temps sainte Anne était élevée dans une contemplation très-sublime, et toute absorbée dans le mystère de lincarnation, elle priait avec ferveur le Seigneur de la rendre digne de voir et de servir cette femme si heureuse et si favorisée qui devait être la mère du Messie attendu. Ce fut alors que le saint archange Gabriel se présenta à elle, lui annonçant que Dieu la choisissait pour être la mère de la très sainte mère de son divin fils. Toute remplie dune surprise et dune joie inexprimable, elle alla au temple remercier le Seigneur et lui rendre de dignes actions de grâces. Elle rencontra saint Joachim et lui manifesta les promesses de larchange, sur quoi ils allèrent tous deux au temple renouveler leurs voeux et rendre de vives actions de grâces à lauteur de ces merveilles. Ils sen retournèrent à la maison, sentretenant entreux des faveurs signalées quils avaient reçues du Très-Haut, et ils se communiquèrent à cette occasion la première Visite de lange ainsi que lordre quils avaient reçu de se marier ensemble et dont ils navaient jamais parlé. La prudente sainte Anne ne découvrit point à son époux que lenfant promise dût être la mère du Messie, car larchange le lui avait défendu.
La plénitude des temps étant arrivée, les trois personnes divines, suivant notre faible manière de concevoir, dirent entre-elles: « Il est temps que nous commencions louvrage de notre bon plaisir, et que nous créions cette pure créature qui nous est chère sur toutes les autres : il faut quelle soit exempte de la loi ordinaire de la génération de tous les mortels, afin que la semence du serpent infernal nait aucune part en elle. Il est juste que la divinité choisisse pour sen revêtir une matière très-pure et qui nait jamais été souillée parle péché;
notre équité et notre providence demandent ce qui est le plus décent, le plus parfait, et le plus saint; et cela sexécutera parce quil nest rien qui puisse résister à notre volonté. Le verbe qui doit se faire homme et servir de maître aux hommes, leur enseignera avec plus defficacité à honorer leurs parents, en donnant le premier lexemple, dhonorer celle quil n choisie pour sa mère; entre les honneurs quil lui rendra, le premier sera la grâce de ne jamais être assujettie à ses ennemis. Puisquil doit être le rédempteur du genre humain, il est convenable quil exerce dabord cet office à légard de sa propre mère: elle doit avoir une rédemption particulière et pour cela être préservée par avance du péché; ainsi elle sera toute pure et immaculée, et le fils de Dieu se réjouira en voyant entre sa mère terrestre et son père céleste la ressemblance la plus parfaite qui soit possible entre Dieu et la créature.» Tel fut le décret que les personnes divines manifestèrent aux anges bienheureux. Avec une profonde humilité prosternés devant le trône divin, ils louèrent Dieu et lui rendirent de très-vives actions de grâces, davoir enfin exaucé la prière quils faisaient depuis la grande bataille avec Lucifer pour laccomplissement du mystère de lincarnation qui leur avait été révélé. Chacun deux désirait avec une sainte émulation dêtre employé pour former la cour du fils de Dieu et de sa très-pure et sainte mère.
Vingt ans sétaient déjà écoulés depuis le mariage de saint Joachim avec sainte Anne: Joachim avait donc soixante ans et sainte Anne en avait quarante-quatre. Suivant la promesse divine, ils engendrèrent cet enfant qui devait être la mère de Dieu dune manière vraiment merveilleuse. Tout sy passa selon lordre commun des autres conceptions, néanmoins la vertu du Très-Haut ôta à celle-ci ce quil y avait dimparfait et de désordonné, ne lui laissant que le pur nécessaire,
selon les lois de la nature, afin que le corps le plus excellent qui fut et qui sera jamais entre les pures créatures fut formé sans la moindre imperfection. La vertu divine se découvre surtout dans lopération miraculeuse qui enleva à sainte Anne sa stérilité naturelle. Mais cette opération fut surtout merveilleuse en ce que la grâce éloigna entièrement des saints Parents toute sorte de sensualité et que laiguillon du péché originel ny eut aucun part: ainsi donc, ce qui servit à cette très pure conception nétant accompagné daucune imperfection, le péché ne sy trouva point et ny eut aucun pouvoir. La sagesse et le pouvoir du Très-Haut prirent un soin tout particulier de la formation du corps très-pur de Marie, il fut composé selon le poids et la plus parfaite mesure, tant en la quantité quen la qualité des humeurs naturelles afin que par la juste proportion de ce mélange incomparable, il aidât sans empêchement les opérations dune âme aussi sainte que celle qui devait lanimer. Ce petit corps reçut un tempérament si accompli et des facultés si riches que la nature n aurait jamais formé, à elle seule, rien de semblable. Suivant notre manière de concevoir, Dieu mit plus de soin à le composer et à le former quil nen mit à former tous les cieux et tout ce que renferme lunivers.
Haut du document
CHAPITRE II
IMMACULÉE CONCEPTION DE MARIE SES SAINTS EXERCICES DANS LE SEIN DE SAINTE ANNE.
La conception du corps très-pur de Marie se fit en un jour d dimanche, correspondant à celui de la création des anges
dont elle devait être la reine et la souveraine. Et bien que selon lordre commun, les autres corps aient besoin de plusieurs jours pour être entièrement organisés, afin que lâme raisonnable y soit infuse, néanmoins dans cette occasion le temps nécessaire fut considérablement abrégé, et ce qui se devait opérer naturellement en quatre-vingts jours, se fit avec plus de perfection en sept. Le samedi suivant, le plus proche de cette conception, le Très-Haut créa lâme auguste quil Unit à son corps. Cest ainsi quentra dans le monde la créature la plus pure, la plus parfaite, la plus sainte et la plus belle que Dieu ait jamais créée et quil doit créer jusquà la fin des temps. Cest à cause de ce mystère que le saint esprit a ordonné que léglise consacrerait le samedi à la très-sainte Vierge, comme le jour auquel elle avait reçu le plus grand bienfait, lorsque son âme très-sainte fut créée et unie à son corps, sans que le péché originel ni le moindre de ses effets sy trouvassent. Le jour de sa conception que léglise célèbre aujourdhui, nest pas celui de la conception du corps, mais celui de linfusion de lâme sans aucune trace du péché originel. A linstant de linfusion de lâme la très sainte trinité répéta ces paroles proférées à la création de lhomme, faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram: par la vertu de ces divines paroles, lâme très-heureuse de Marie fut remplie de grâces, de dons, de privilèges et de faveurs pardessus les premiers des Séraphins, avec lusage le plus parfait de la raison qui devait être proportionnée aux dons de la grâce quelle recevait. Alors le Seigneur répéta les paroles prononcées par lui lors de la création, et erant valdè bona, témoignant ainsi la rare complaisance quil prenait dans cet ouvrage si glorieux. Au temps de linfusion de lâme dans le corps, le Très-Haut voulut que sainte Anne ressentit et reconnut dune façon très
10
relevée la présence de la Divinité. Elle fut remplie du saint Esprit et ravie en une extase très sublime, où elle reçut de très hautes connaissances des mystères les plus cachés. Cette allégresse et cette joie toute spirituelle ne furent pas passagères, mais durèrent tout le reste de sa vie quoiquelles fussent plus fréquentes pendant quelle gardait dans son sein le trésor du ciel.
Quoiqualors la très sainte âme de Marie fut douée de toutes les perfections et de lhabitude infuse de toutes les Vertus, plus quaucun saint et même que tous les saints ensemble, il ne fut pas néanmoins nécessaire quelle les pratiquât toutes aussitôt, mais seulement celles qui convenaient à létat où elle était. Elle pratiqua donc en premier lieu les vertus théologales, la foi, lespérance et la charité, et particulièrement la vertu de charité, contemplant Dieu comme le bien souverain avec tant dattention et damour quil nest pas au pouvoir de tous les séraphins darriver à un degré si éminent. Elle pratiqua aussi les autres vertus qui ornent et qui perfectionnent la partie raisonnable. Elle eut la science infuse, les vertus morales, les dons et fruits de lEsprit Saint en un degré éminent et correspondant aux vertus théologales; de sorte quelle fut dès le premier instant de sa conception plus sage, plus prudente, plus éclairée sur Dieu e sur toutes ses oeuvres que toutes les créatures ensemble Cette grande perfection de Marie ne consistait pas seulement dans les habitudes qui lui furent infuses, mais dans les acte quelle put exercer dès cet instant par le pouvoir divin qui la secondait. Pour en toucher seulement quelque chose, elle connut Dieu tel quil est en lui-même comme créateur et glorificateur; elle lhonora, le loua, le remercia; par de actes héroïques elle laima, le craignit et ladora, et lui fit des sacrifices de louanges et de gloire pour son être im-
11
muable. Elle connut les dons quelle avait reçus pour lesquels elle rendit de très humbles actions de grâces accompagnées de profondes inclinations corporelles quelle fit dès le sein de sa mère avec son petit corps, et elle mérita plus en cet état par ces actes que tous les saints dans le plus haut degré rie leur perfection et de leur sainteté. Elle eut outre les actes de la foi infuse, une haute connaissance de la divinité et de la très-sainte trinité, et quoiquelle ne la vit pas dans cet instant intuitivement, elle la vit néanmoins abstractivement, et cette manière de la connaître fut la plus parfaite par laquelle Dieu puisse se manifester à lentendement humain dans ce monde. Elle connut en cet instant la création, la chute des anges, celle dAdam et les effets de sa faute, le purgatoire, les limbes, lenfer et toutes les choses renfermées en ces lieux; tous les hommes , tous les anges, leurs ordres, leur dignité et leurs opérations et encore toutes les autres créatures avec, leurs instincts et leurs qualités. Elle connut aussi toute sa généalogie et tout le reste du peuple saint et choisi de Dieu, les patriarches et les prophètes, et combien sa Majesté divine avait été admirable dans les dons, grâces et faveurs quil leur avait accordés. Mais cest une chose digne dadmiration que, ce corps étant si petit dans le premier instant de sa conception, néanmoins par la puissance divine la connaissance et la douleur quelle avait de la chute dAdam lui faisait verser des larmes, et elle commençait dès lors dans le sein maternel à exercer loffice de corédemptrice du genre humain. Elle offrit ces larmes unies aux désirs des patriarches; et cette offrande fut agréable à Dieu et plus efficace pour obtenir la rédemption que toutes les prières des hommes et des saints anges. Elle pria spécialement pour ses parents quelle connut en Dieu avant de les voir corporellement, et elle exerça en même temps envers eux la vertu de lamour,
12
du respect et de la gratitude de fille. Les visions de cette sainte enfant furent continuelles et sans interruption durant les neuf mois quelle demeura renfermée dans le sein de sa mère, et trois fois elle fut élevée à une très haute contemplation quoique abstractive de la très-sainte Trinité. La première eut lieu le premier instant quelle fut animée, la seconde au milieu des neuf mois, et la troisième le jour qui précéda sa naissance. Elle soccupa dans ces neuf mois à des actes héroïques dadoration et damour de Dieu, à des demandes continuelles en faveur du genre humain, à une sainte communication avec les anges. Elle ne ressentit point la clôture de la prison du sein maternel, ni les incommodités de cet état naturel, et linterdiction de lusage des sens extérieurs ne lui causa aucune peine. Elle fit à Dieu avec une entière ferveur la demande de mourir, avant de venir à la lumière du monde, si elle devait manquer en un seul point à son amour et à son service. Ce fut dans la dernière vision abstractive de la très-sainte Trinité quelle eut le jour qui précéda sa naissance. Cette prière ayant été faite, le Très-Haut lui donna sa bénédiction, et lui commanda de sortir du sein maternel à la lumière matérielle de ce soleil visible.
Dieu, pour augmenter davantage la gloire et la vertu de sainte Anne, voulut que dans le temps de sa grossesse elle eut à souffrir diverses afflictions. Lucifer, découvrant une si grande sainteté clans cette femme, eut le soupçon que lenfant quelle avait dans son sein pouvait être cette illustre femme qui devait le fouler aux pieds et lui briser la tête. Dans sa rage il mit en oeuvre divers moyens pour la faire périr. Il osa la tenter de plusieurs fausses persuasions et de défiances sur sa grossesse, pour la faire chanceler dans sa foi; mais ce fut en vain. Il tâcha dabattre la maison quhabitait la Sainte afin que lébranlement et la terreur qui en
13
résulterait fissent périr lenfant dans son sein. Mais il ne put réussir, parce que les anges qui gardaient la très-sainte enfant lui résistèrent. Il pervertit et irrita certaines femmelettes qui sacharnant avec rage contre notre sainte, lui firent de sensibles affronts et de grandes railleries sur sa grossesse; ces artifices furent encore inutiles, bien que les pauvres femmes eussent consenti aux mauvaises suggestions de Lucifer.
Haut du document
CHAPITRE III
DE LHEUREUSE NAISSANCE DE MARIE. PRÉMICES DE SA VIE TOUTE MERVEILLEUSE.
Les neuf mois étant accomplis, sainte Anne fut éclairée dune lumière intérieure, par laquelle le Seigneur lui fit connaître que le temps de ses heureuses couches était venu. Prosternée en présence de la majesté divine, elle demanda humblement au Seigneur de lassister de ses grâces, et tout-à-coup elle sentit dans son sein un doux mouvement, qui lui fit comprendre que sa très-chère enfant voulait venir à la lumière. Dans cet état de la sainte mère, la très-sainte enfant vint au monde le huit septembre, à minuit; et afin quelle ne vit ni ne sentit sa naissance, elle fut ravie en une extase très-sublime en paradis. La sainte mère voulut elle-même lenvelopper de ses langes, la recevoir dans ses bras, sans permettre que dautres mains la touchassent et elle put remplir elle même cet office parcequelle ne ressentit pas les
14
douleurs de lenfantement. Sainte Anne ayant reçu cette chère enfant dans ses bras adresse à Dieu cette prière: « Seigneur, dont la sagesse est infinie, créateur de tout ce qui a lêtre, je vous offre humblement le fruit de mes entrailles que jai reçu de votre infinie bonté et je vous remercie du fond du coeur. Faites de la fille et de la mère selon votre très-sainte volonté, et regardez de votre trône notre petitesse. Je félicite les saints pères des limbes et tout le genre humain, à cause du gage assuré que vous leur donnez de leur prochaine rédemption. Mais comment me comporterai-je envers celle que vous me donnez pour fille, ne méritant pas dêtre sa servante? Comment oserai-je toucher la véritable arche du testament? Donnez-moi Seigneur la lumière qui mest nécessaire pour connaître votre sainte volonté, pour lexécuter suivant votre bon plaisir et dans les services que je dois rendre à ma fille.» Le Seigneur lui fit entendre de traiter cette sainte enfant en ce qui concernait lextérieur, comme une mère traite sa fille; mais de lui conserver dans son intérieur le respect quelle lui devait.
Les anges vénérèrent leur reine entre les bras de sa mère et ceux qui étaient préposés à sa garde se découvrirent à, ses yeux; ce fut la première fois quelle les vit sous une forme corporelle. Ils étaient mille, désignés par Dieu pour sa défense dès le premier instant de sa conception. Quant ils leurent adorée, Dieu envoya le saint archange Gabriel, afin quil annonçât cette bonne nouvelle aux saints pères des limbes; et dans le même instant il envoya une multitude innombrable danges pour prendre et transporter dans le ciel en corps et en âme celle qui devait être la mère du verbe éternel. La petite Marie entra dans le ciel par le ministère des anges, et prosternée avec amour devant le trône royal du Très-Haut, elle fut reçue de Dieu lui-même dans son trône. Elle fut mise
15
à son côté en possession du titre de sa propre mère et de reine de toutes les créatures, bien quelle ignorât alors la fin de ces profonds mystères, le Seigneur les lui cachant pour sa plus grande gloire. Il fut déterminé dans le conseil divin de donner un nom à cette enfant bien aimée, et aussitôt on entendit une voix sortant du trône de Dieu, qui disait: n notre élue doit sappeler Marie. Ce nom doit être merveilleux et magnifique : ceux qui linvoqueront avec une affection dévote, recevront des grâces très-abondantes; il sera terrible contre lenfer et écrasera la tête du serpent » Le Seigneur commanda aux esprits angéliques dannoncer cet heureux nom à sainte Arme, afin que ce qui avait été arrêté dans le ciel fut manifesté sur la terre. Les saints anges exécutèrent les ordres de Dieu. Ayant chacun un bouclier lumineux où le nom de Marie était gravé, ils annoncèrent à sainte Anne que cétait le nom quelle devait lui imposer. Marie fut donc remise entre les bras de sa mère, qui ne saperçut point de cette absence, parce que pendant assez longtemps, sainte Anne eut une extase dune très-haute contemplation, et parce quun ange occupa la place de la très sainte enfant, ayant un corps aérien semblable au sien.
Il est bon de connaître le continuel exercice auquel était occupée la sainte enfant. Au commencement de chaque jour, elle se prosternait intérieurement en la présence du Très- Haut, et le louait pour ses perfections infinies; elle lui rendait des actions de grâces de lavoir tirée du néant, et se reconnaissant louvrage de ses mains, elle le bénissait, lexaltait, ladorait comme son souverain Seigneur et créateur de tout ce qui a lêtre. Elle élevait son esprit pour labandonner aux mains de Dieu; avec une profonde humilité et une parfaite résignation, elle priait Dieu de disposer delle selon sa sainte volonté; pendant ce jour là et pendant tous ceux qui lui resteraient
16
à vivre et de lui enseigner ce qui lui serait le plus agréable pour laccomplir exactement. Cette sainte habitude quelle prit dès sa naissance, elle la conserva pendant tout le cours de sa vie, sans jamais y manquer, quelques occupations et travaux quelle eût: elle la répétait même plusieurs fois le jour dans laccomplissement de ses innocentes actions.
Les soixante-six jours de la purification étant passés, sainte Anne alla au temple portant dans ses bras sa très pure enfant : elle se présenta à la porte du tabernacle avec loffrande que la loi exigeait. Le saint prêtre Siméon ressentit une joie extraordinaire et sainte Anne entendit alors une voix qui lui dit daccomplir le voeu quelle avait fait doffrir sa fille au temple dès lâge de trois ans. En entrant dans ce temple sur les bras de sa mère, cette aimable enfant voyant de ses yeux tant de magnificence consacrée au culte divin, en éprouva dans son esprit des effets merveilleux, et ne pouvant se prosterner à terre pour adorer la divinité, elle y suppléa du moins en esprit. Elle pria humblement le Seigneur de la recevoir en ce lieu, au temps que sa sainte volonté avait déterminé. En témoignage de lacceptation que le Seigneur en faisait, une très claire lumière. descendit du ciel dune manière sensible sur la mère et sur lenfant. Ayant fini sa prière et présenté son offrande, sainte Anne revint à sa maison de Nazareth. La très sainte enfant était traitée dans la maison paternelle comme les autres enfants de son âge. Elle prenait les mêmes aliments queux, mais en très petite quantité, son sommeil était court, quoiquelle se laissât coucher quand on le voulait; elle nétait pas importune et ne pleurait jamais pour les petits chagrins ordinaires aux autres enfants, mais elle était très douce et très paisible et elle dissimulait cette merveille en versant souvent des larmes pour les péchés des hommes, afin den obtenir le pardon, et de hâter la venue du ré-
17
dempteur. Son visage était ordinairement joyeux, mais pourtant sérieux et plein de majesté et il ny avait dans ses actions jamais rien de puéril. Elle recevait dans de certaines rencontres les caresses quon lui faisait, mais à légard de celles qui nétaient point de sa mère, elle les modérait par son sérieux: Aussi le Seigneur inspira à saint Joachim et à sainte Anne un grand respect et une grande modestie en sorte quils étaient fort réservés et fort prudents dans les démonstrations sensibles quils lui donnaient de leur tendresse. Lorsquelle était seule, ou quon la mettait dans son berceau pour dormir, ce quelle ne faisait que fort sobrement, et sans jamais interrompre les actions intérieures du saint amour, elle conférait sur les mystères du Très-Haut avec les anges. Elle fut sujette à la faim, à la soif et aux peines corporelles parce quil était convenable quelle imitât Jésus. La faim, la soif étaient plus grandes pour elle que pour les autres enfants, et la privation de nourriture lui était plus dangereuse, à cause de la perfection de son tempérament; mais si on ne lui en donnait pas à temps, ou quon y excédât, elle prenait patience jusquà ce que loccasion se présentât de la demander par quelque signe. Elle ne ressentait pas de peine dêtre enveloppée dans ses langes, à cause de la connaissance quelle avait que le verbe incarné devait être ignominieusement garrotté. Lorsquelle était seule, elle se mettait en forme de croix, parce quelle savait que le rédempteur du monde devait mourir ainsi. Elle rendait très fréquemment des actions de grâces pour les aliments qui la nourrissaient, pour les influences des planètes, des étoiles, des cieux, reconnaissant tout cela pour un bienfait de la bonté divine; si elle manquait de quelque chose, elle ne se troublait point, sachant que tout est une pure grâce et un bienfait du Seigneur.
Nous avons dit quune de ses principales occupations était
18
de sentretenir avec les Anges, lorsquelle était seule. Pour mieux faire entendre tout ceci, il faut donner une idée précise sur la manière dont ils se rendaient visibles à ses yeux, et dire quels étaient ces esprits angéliques. Ils avaient été pris des neuf choeurs, cent de chaque choeur, et choisis parmi ceux qui sétaient le plus distingués par leur amour pour le Verbe incarné et sa très sainte mère, dans le combat contre Lucifer. Lorsquils lui apparaissaient ils avaient la forme de jeunes hommes dune merveilleuse beauté. Leur corps participait fort peu du terrestre, et il était comme un cristal très pur et rayonnant de la lumière du ciel. Ils joignaient à cette beauté une gravité noble, et un air majestueux. Leurs vêtements étaient semblables à un or très pur émaillé et embelli des plus riches couleurs. On découvrait néanmoins que tout cela nétait pas fait pour être touché, mais pour la vue seule, comme la lumière du soleil. Ils avaient sur la tête une belle couronne des fleurs les plus riches et les plus variées, qui exhalaient un parfum céleste. Ils portaient en leurs mains des palmes entrelacées, qui signifiaient les vertus que Marie devait pratiquer, et la gloire quelle devait obtenir. Ils avaient aussi sur leurs poitrines des devises qui avaient quelque rapport à celles des ordres militaires, il y avait un chiffre qui voulait dire: Marie Mère de Dieu. Cette devise était resplendissante, cétait un de leurs plus beaux ornements; mais la sainte vierge ne la comprit que lorsquelle conçut le Verbe incarné. Les effets que ces esprits célestes produisaient dans lâme de Marie ne se peuvent expliquer dans le langage humain. Outre les neuf cents anges dont nous avons parlé, soixante-dix Séraphins dentre les plus proches du trône, choisis parmi ceux qui se distinguèrent le plus par la dévotion à lunion hypostatique des deux natures divine et humaine, assistaient leur jeune reine. Lorsquils se rendaient visibles, elle les voyait sous la même forme
19
quIsaïe les vit, ayant six ailes, deux qui voilaient leur face, deux qui voilaient leurs pieds, et ils volaient avec les deux autres, signifiant ainsi le mystère caché de lIncarnation et lessor ardent de leur amour envers Dieu. Leur manière de communiquer avec la vierge était la même quils gardent entr eux, les supérieurs illuminant les inférieurs; car bien que la Reine du ciel leur fût supérieure en dignité et en grâce, néanmoins dans sa nature lhomme comme le dit David, a été fait moindre que les anges. Il y avait encore douze anges dont a fait mention Saint-Jean (Apoc. ch. 21, v. 12.) Ils étaient de ceux qui se distinguèrent le plus par leur amour pour la rédemption des hommes. Ils furent choisis afin quils coopérassent avec Marie au privilège quelle a dêtre mère de miséricorde et médiatrice du salut du monde. Ces douze anges lui apparaissaient corporellement comme les premiers, et ils portaient plusieurs couronnes et plusieurs palmes réservées pour les dévots de cette divine reine. Leur emploi particulier était de lui faire connaître dune manière toute spéciale la charité du Seigneur envers le genre humain. Les dix-huit anges qui complétaient le nombre de mille, étaient de ceux qui se distinguèrent le plus par leur affection envers les souffrances du Verbe incarné. Ces anges apparaissaient à Marie avec une admirable beauté. Ils étaient ornés de plusieurs devises de la passion et dautres symboles mystérieux de la rédemption. Ils avaient une croix sur la poitrine et une autre sur le bras; lune et lautre dune singulière beauté et dune splendeur extraordinaire. La sainte vierge se servait souvent de ces anges quelle envoyait en ambassade à son très aimable fils pour le bien des âmes. Tous ces mille anges assistèrent à la garde dé cette grande reine, sans y jamais manquer en rien, comme nous le verrons, en plusieurs occasions, dans la suite de cette
20
vie, et ils jouissent maintenant dans le ciel dune joie toute particulière, par sa présence et par sa compagnie.
La sainte enfant neut jamais limpossibilité de parler quéprouvent les autres enfants; néanmoins pendant les dix-huit premiers mois, elle ne voulut point prononcer une parole; cachant par ce moyen la science et la capacité quelle possédait, et évitant létonnement quon aurait eu dentendre parler un enfant qui ne faisait que de naître. Elle se dispensait seulement de cette loi du silence, lorsque dans la solitude elle priait le Seigneur, ou parlait avec les anges de sa garde. Le temps étant arrivé où la divine Marie devait rompre ce saint silence, le Seigneur lui déclara quelle pouvait commencer à parler avec les créatures humaines. Avant dexécuter cet ordre, elle supplia le Seigneur dans une humble et fervente prière de lassister dans cette dangereuse et difficile action de parler, afin quelle ny commît jamais aucune faute. Le Seigneur lui ayant promis sa divine assistance, elle délia sa langue pour la première fois et les premières paroles quelle proféra furent pour demander la bénédiction de ses parents. Ceci arriva au dix-huitième mois de sa naissance. Pendant les dix-huit autres qui restaient pour achever les trois ans où elle entra au temple, elle nouvrit presque jamais la bouche que pour répondre à sa mère qui sentretenait avec elle de Dieu, de ses mystères et surtout de lincarnation du Verbe divin. Il était admirable de voir le soin quelle mettait dans un âge si tendre à faire les choses les plus basses et les plus humbles, comme de nettoyer et de balayer la maison, et alors les saints anges laidaient à recueillir ce fruit dhumilité. La maison de Joachim nétait pas fort riche, mais pourtant elle nétait pas des plus pauvres; cest pourquoi sainte Anne habillait sa fille le mieux possible, dans les limites de lhonnêteté et de la modestie. Dès que la sainte enfant commença à parler, elle
21
pria ses parents de la vêtir plus pauvrement dun habit grossier et de couleur de cendres, et leur témoigna le désir quil eût déjà été porté. Sainte Anne ne jugea pas à propos de la vêtir dhabits aussi grossiers quelle le demandait, elle la satisfit néanmoins pour la couleur et pour la forme qui rappelaient un peu lhabit quon met aux enfants par dévotion. Elle ne répliqua pas une parole, et se montra très soumise àsa mère, compensant par cet acte dobéissance lacte dhumilité quelle ne pouvait pas faire.
Haut du document
CHAPITRE IV
SAINTES OCCUPATIONS, ET SA PRÉSENTATION AU TEMPLE.
Une de ses occupations était de se retirer dans la solitude pour jouir de Dieu, avec plus rie liberté et pleurer en secret les péchés des hommes. Son affection envers les pécheurs et envers les pauvres était toute particulière. Ayant passé lâge de deux ans, elle demandait souvent laumône à sa mère pour ceux qui étaient dans le besoin. Elle retranchait quelque chose de ses repas pour leur donner. Elle ne donnait point laumône aux pauvres comme un bienfait, mais comme en leur payant une juste dette. Elle signala spécialement son humilité lorsquelle se laissa montrer à lire par autrui, quoiquelle fut la mère de la divine sagesse, et quelle se laissa enseigner des choses quelle savait par science infuse depuis le premier instant rie sa conception. Quand vint le temps
22
de la conduire au temple pour remplir le voeu quavaient fait à Dieu ses parents, elle fut la première à les supplier humblement daccomplir leur promesse sans tarder; et elle fit à Dieu de ferventes prières, pour quil leur inspirât de lexécuter promptement. Le Seigneur exauça les humbles prières de sa bien aimée, et ses parents pour obéir aux inspirations du ciel, se séparèrent de cette sainte et très-aimable enfant, non sans un vif chagrin. Sainte Anne principalement eut une plus grande douleur que ne leut Abraham, lorsquil reçut lordre de sacrifier son fils Isaac. Les trois ans accomplis, Joachim et sainte Anne accompagnés de quelques uns de leurs parents et dune suite nombreuse desprits angéliques, qui chantèrent dans tout le voyage des cantiques de louanges au Très-Haut, partirent de Nazareth et vinrent à Jérusalem, portant dans leurs bras la jeune et bienheureuse enfant. Arrivée au temple, Sainte Anne entendit une voix qui disait: « venez mon épouse et mon élue: venez dans mon temple où je veux que vous moffriez un sacrifice de louange et de bénédiction.» Ils la conduisirent dans lappartement des vierges, où elles étaient élevées toutes ensemble dans une sainte retraite jusquà lâge du mariage. Elles étaient principalement de la tribu royale de Juda, et de la tribu sacerdotale de Lévi. Lescalier pour aller à cet appartement avait quinze degrés; un des prêtres qui étaient venus la recevoir la mit sur le premier degré, et Marie lui en ayant demandé la permission se tourna vers ses parents, leur demanda leur bénédiction à genoux, leur baisa les mains et les pria de la recommander à Dieu. Ceux-ci la lui donnèrent avec beaucoup de tendresse et de larmes. Alors elle monta toute seule les quinze degrés avec une ferveur et une modestie admirable. Le saint vieillard Siméon lui donna pour maîtresse la prophétesse Anne qui avait été prévenue pour cet emploi dune grâce spéciale de Dieu, Ayant été remise à
23
sa maîtresse, la jeune enfant se mit à genoux, lui demanda sa bénédiction et la pria de lui enseigner tout ce qui était nécessaire: ensuite elle alla offrir ses services à toutes les vierges, les salua et les embrassa chacune en particulier ave tendresse et les remercia de lavoir reçue pour compagne toute indigne quelle en fût. Après avoir rempli ce devoir elle se prosterna à terre et baisa le pavé comme étant celui de la maison de Dieu, puis rendit grâce au Seigneur de ce grand bienfait. Ensuite elle sadressa à ses douze anges dont nous avons parlé plus haut, et les pria daller consoler ses parents dans leur tristesse. Les anges partis, le Très-haut ordonna aux soixante Séraphins qui lassistaient de la transporter dans lempyrée; cela fut aussitôt exécuté, et elle vit là lessence divine dune vision intuitive; prosternée humblement devant le trône de Dieu, elle lui demanda deux grâce avec une singulière ferveur; lune de souffrir beaucoup pour son amour, lautre de pouvoir faire en sa présence, quatre voeux, ceux de pauvreté, de chasteté, dobéissance et de clôture perpétuelle dans le temple. Le Seigneur agréa demande, mais il accepta seulement le voeu de chasteté et non les autres. Il régla seulement la manière dont elle devait conduire par rapport à ceux-ci: cétait dagir comme si elle en eut fait voeu solennel. Après cette claire vision Dieu, elle fut encore retenue dans le ciel par une extase imaginative dans laquelle elle fut parée par les anges dune manière admirable. Ils illuminèrent dabord tous ses sens dune clarté qui la remplit de grâce et de beauté; puis elle fut revêtue dune robe magnifique, avec une ceinture de pierres précieuses de diverses couleurs, transparentes et resplendissantes: cette ceinture signifiait la pureté et les héroïques y tus de son âme très sainte. On lui mit au cou un collier dun prix inestimable, avec trois grandes pierres, symbole des
24
trois vertus théologales, la foi, lespérance et la charité, elles pendaient sur sa poitrine, comme pour marquer le lieu où ces vertus résidaient. On lui mit aux doigts sept anneaux dune rare beauté pour marquer les sept dons du Saint-Esprit. La très-sainte Trinité lui posa sur la tête, comme à la reine du monde, une couronne impériale dune inestimable valeur. Le vêtement dont elle était revêtue était semé de chiffres dun or très fin et très éclatant qui disaient, Marie fille du père Éternel, Épouse du Saint Esprit, et Mère de la véritable lumière: ces dernières paroles ne furent comprises que des anges. Lauguste fille parée ainsi, plut tellement à Dieu, quil lui commanda de demander tout ce quelle souhaiterait, lassurant que rien ne lui serait refusé. La demande quelle fit au Seigneur fut quil envoyât au monde son fils unique pour racheter les hommes; quil augmentât son saint amour chez ses parents et les comblât des dons de sa main bienfaisante; quil consolât les pauvres et les affligés, quil les soulageât dans leurs peines et leurs travaux. Elle ne demanda ensuite pour elle que laccomplissement dé sa sainte volonté.
Après cette admirable vision, les anges la remirent dans le temple doù elle avait été enlevée, où elle rentra plus humble que jamais. Elle commença aussitôt à pratiquer ce quelle avait promis en la présence du Seigneur. Elle alla trouver sa maîtresse et lui remit tout ce que sa mère lui avait donné pour ses besoins ou pour ses plaisirs, excepté un simple habit et un livre de prière manuscrit, et elle la pria de donner aux pauvres ces petites choses. Ses actions et ses pratiques de sublime vertu furent si parfaites quelle surpassa par ses mérites ceux de tous les Séraphins. Pour entrer en quelque détail, après avoir remis à sa maîtresse tout dé quelle avait, elle demanda très-humblement aux saints prêtres et à sa
25
maîtresse de lui prescrire tout ce quelle aurait à faire. La très-humble enfant à genoux, les mains jointes et la tête inclinée, écouta les ordres de Siméon: « Ma fille, dit-il, vous assisterez avec beaucoup de respect et de dévotion aux cantiques du Seigneur, vous prierez, le Très-Haut pour les nécessités de son saint temple et de son peuple, et pour la venue du Messie. Vous vous retirerez à la troisième heurt pour vous reposer, et vous vous lèverez à la pointe du jour pour prier le Seigneur jusquà lheure de tierce, et ensuite vous vous occuperez à quelque travail manuel. Vous observerez la tempérance dans les repas que vous prendrez après le travail, ensuite vous irez recevoir les instructions de votre maîtresse. Vous emploierez le reste de la journée à lire les divines écritures; vous serez en toute chose humble, affable et obéissante. » Lenfant sainte écouta à genoux le discours du prêtre, et après lui avoir demandé sa bénédiction et baisa la main, elle résolut dans son coeur dobserver exactement ce quon lui prescrivait, et cest ce quelle fit en effet. Elle demanda en outre à sa maîtresse la permission de servir toute les autres vierges, et de semployer aux emplois les plus humbles, comme de balayer la maison, et de laver la vaisselle et après lavoir obtenue, elle se montra admirable pour prévenir les autres dans ces choses si humbles et si pénibles Elle demandait chaque jour le matin et le soir la bénédiction à sa maîtresse, lui baisait la main, et quelquefois les pied quand elle lui en donnait la permission. Elle employait beau coup de temps à lire les divines écritures, plus particulière ment Isaïe, Jérémie, et les psaumes, parce quils contiennent dune manière plus expresse les mystères du Messie et cou de la loi de grâce.
26
Haut du document
CHAPITRE V
BIENHEUREUSE MORT DE SES SAINTS PARENTS. PERSECUTIONS QU ELLE SOUFFRE.
Six mois après quelle fut entrée dans le Temple, son bienheureux père Joachim tomba malade. Dieu layant révélé à la très sainte enfant, elle pria le Seigneur pour lui et lui envoya douze Anges pour lassister et le consoler. Ayant appris le jour et lheure à laquelle il devait mourir, elle lui envoya tous les anges de sa garde. Le saint non-seulement les vit, mais les reconnut pour les anges qui gardaient sa très chère fille Marie. Les Anges sentretinrent avec lui de plusieurs mystères, et par le commandement de Dieu, lui révélèrent avant sa mort, que Marie avait été choisie par le Tout-Puissant pour être la mère du Messie, ce quil ignorait encore. Il fut chargé de porter cette heureuse nouvelle aux saints pères des Limbes. Lorsque les saints anges tenaient ce discours à Joachim, son épouse sainte Anne était présente lassistant au chevet de son lit, et elle entendit tout par la permission divine. Quand ils eurent fini, saint Joachim perdit la parole,. et commença à agoniser, partagé entre la joie dune nouvelle si agréable et la douleur de la mort. il mourut paisiblement à lâge de soixante-neuf ans et demi; à quarante-six ans il avait épousé sainte Anne et vingt ans après leur mariage, ils eurent la très pure Marie, qui avait trois ans et demi lors de la mort de son père. Le saint patriarche étant mort, les saints anges sen retournèrent vers leur reine et lui apprirent tout ce qui était arrivé. La très sage fille cacha ce quelle en savait lorsque sa mère lui en envoya la nouvelle par une lettre écrite à sa maîtresse Anne la prophétesse. Ce fut la première
27
affliction que ressentit la jeune Marie dans cet âge si tendre. Peu auparavant le Seigneur lui avait dit dans une de ses visions: Vous êtes ma bien aimée, et je vous aime dun amour infini, cest pourquoi je ne veux pas vous priver des plus grands trésors que je réserve à ceux que jaime, savoir la croix et les afflictions. Elle répondit avec plus de fermeté de coeur que tous les saints et les martyrs, que sil lui permettait de faire choix de quelque chose elle ne voulait que souffrir pour son amour jusquà la mort. Dieu agréa cette demande et après la peine extérieure de la mort de son père, il commença à lexercer par des afflictions intérieures. Il la priva de la communication sensible des saints anges et des visions continuelles dont le Seigneur lui faisait part. Ses tourments furent plus grands que ceux de tous les saints ensemble; parce que son coeur aimait Dieu dun amour incomparable et plus que tous les Séraphins. Craignant davoir perdu ses faveurs et les témoignages de son amour par sa négligence ou son ingratitude, elle saffligeait au-delà de ce quil est possible dexprimer. Elle aurait perdu mille fois la vie si Dieu ne la lui eût conservée par un miracle de sa puissance.
Ses afflictions saccrurent de celles que lui suscita lenfer Lucifer voyant une si grande Vertu dans cette jeune enfant commença à craindre que ce ne fut celle qui devait un joui lui écraser la tête. Il fit part à ses démons de ses soupçons et leur commanda de lattaquer par les plus fortes tentations. Il mit tous ses moyens en oeuvre et redoubla toutes ses infernale suggestions. Marie le repoussa avec le bouclier invincible de loraison, et les armes si puissantes de la sainte Écriture sapercevant que tous ses artifices et ses assauts intérieur ne pouvaient rien contre son coeur embrasé dun pur amour Lucifer usa dun autre moyen; ce fut dirriter contre elle ses compagnes. Il leur suggéra la pensée quelles seraient
28
comptées pour rien auprès de Marie et quelle seule serait estimée et aimée de la maîtresse et des prêtres. Ces mauvaises. suggestions firent une telle impression dans le coeur de ces jeunes filles quelles commencèrent à la haïr, à la détester, à la mépriser et à la traiter dhypocrite. Elles tinrent entrelles une conférence où elles résolurent de lui enlever les bonnes grâces des supérieurs, et de la faire chasser du temple. Elles lui dirent mille imprécations et lui firent mille outrages. La très prudente Vierge répondit avec une profonde humilité quelle ferait tous ses efforts pour samender, mais ses douces réponses namollirent point le coeur de ses compagnes, parce le Démon les irritait toujours davantage. Elles cherchaient toutes les occasions de la maltraiter et elles mirent en oeuvre mille moyens. Un jour, elles lemmenèrent dans une chambre retirée, laccablèrent doutrages et même de coups. Elles haussèrent tellement la voix quelles furent entendues des prêtres du temple qui accoururent au bruit. Ils en demandèrent la cause, et elles répondirent toutes avec beaucoup dindignation, quil nétait pas possible de vivre en paix avec Marie, que son caractère était terrible, quelle était hautaine et pleine dhypocrisie. Les prêtres et la maîtresse la menèrent à une autre chambre et la reprirent avec sévérité, la menaçant de la congédier du temple. La très humble enfant avec une grande modestie, les remercia de leur réprimande et les pria de lui pardonner, promettant de se mieux conduire en toutes choses dans la suite. Elle sen alla incontinent joindre ses compagnes, se prosterna à leurs pieds, et leur demanda pardon. Elles la reçurent dans leur compagnie, parce quelles crurent que cet acte était une punition imposée parles prêtres. Mais le dragon infernal augmenta la fureur de ces filles, et elles continuèrent à la discréditer avec un effronterie plus grande, inventant de nouveaux mensonges pour la perdre!
29
Le Très-Haut ne permit jamais quon inventât des choses considérables ni indécentes, mais seulement des choses puériles; tout cela donna occasion à Marie dexercer les vertus, et surtout sa très grande humilité en ne se défendant jamais de ces fausses imputations. Dieu mit enfin un terme aux épreuves de son épouse immaculée. Il apparut en songe à Siméon et à Anne, leur faisant connaître que Marie était très agréable à ses yeux, et quelle était très innocente de tout ce dont on laccusait. Après cet avis du Seigneur, ils appelèrent la très sainte enfant, et lui demandèrent pardon davoir trop. facilement ajouté foi aux fausses accusations de ses compagnes. Elle leur répondit avec une humilité toujours plus profonde. Les prêtres ainsi désabusés, la persécution cessa, et le Seigneur adoucit le mauvais vouloir des filles qui la faisaient souffrir. Mais ses afflictions intérieures causées par labsence de son bien-aimé Seigneur ne cessèrent pas. Elles durèrent dix ans pendant lesquels elle souffrit au-delà de tout ce quil est possible dexprimer. Le Très-Haut, il est vrai, découvrit sa face dans cet intervalle, afin quelle reçut quelque soulagement, mais ce ne fut pas fréquemment. Cette absence si pénible était convenable, afin que Marie se disposât par lexercice de toutes les vertus à la sublime dignité de mère de Dieu, à , laquelle le Très-Haut la destinait de toute éternité.
A la douzième année de son âge, les anges lui manifestèrent que la fin de la vie de sa sainte mère Anne sapprochait. Dieu commanda à ses anges de porter réellement la sainte enfant auprès de sa mère malade, tandis quun dentreux. prendrait sa place en prenant un corps aérien semblable au sien. Les anges obéirent au divin commandement et la très sainte enfant consola sa chère mère. Elle lui demanda sa bénédiction et la fortifia de ses saintes et ferventes paroles, et lembrassa pour la dernière fois. Sa prudente mère ne lui découvrit pas le mystère du choix qui avait été fait delle pour être la mère du Messie attendu. Elle lexhorta à ne pas sortir du temple avant davoir embrassé un état, à ne le faire quavec le consentement des prêtres du Seigneur, et si cétait la volonté de Dieu quelle se mariât, à prendre son époux dans la tribu de Juda et dans la famille de David. Elle lui recommanda de faire part aux pauvres de ses biens, et de demander incessamment au Tout-Puissant la venue du Messie. Sainte Anne avait un coeur magnanime, une intelligence élevée, une taille médiocre, quelque peu au-dessous de celle de sa très sainte fille Marie, le visage rond, la couleur blanche et vermeille, et les manières toujours égales. Elle vécut cinquante-six ans, à vingt-quatre ans elle se maria à saint Joachim, elle passa vingt sans enfants, à quarante-quatre ans elle mit au monde la sainte Vierge. Elle vécut encore douze ans, trois en sa compagnie, et neuf pendant quelle était dans le temple. Elle avait quarante-huit ans lorsque saint Joachim mourut. Quelques auteurs ont écrit quelle se maria trois fois, et quen chaque fois, elle fut mère dune des trois Maries. Mais le Seigneur ne ma révélé que son mariage avec saint Joachim; et ne ma pas fait connaître quelle ait eu dautre fille que la très sainte Vierge mère de Dieu.
31
Haut du document
CHAPITRE VI
SES ÉPOUSAILLES AVEC LE CHASTE SAINT JOSEPH.
La divine enfant fut rapportée par les anges dans le temple. Elle leur fit de douces plaintes et damoureuses instances, afin quil lui découvrissent la faute qui la privait de la présence de son divin époux. Le Seigneur entendit enfin ses plaintes et se manifesta à son épouse par une vision abstractive de sa divinité. Il dissipa ses ténèbres et remplit son âme de célestes consolations et des joies les plus pures. A lâge de treize ans et demi il lui arriva ce que lÉcriture nous dit être arrivé à Abraham lorsquil lui fut commandé de sacrifier son fils Isaac. Elle avait fait voeu de virginité perpétuelle en présence de Dieu et des saints anges, et elle navait rien de plus à coeur que de conserver toujours ce beau lys de pureté. Mais le Seigneur lui commanda de prendre létat du mariage, sans lui découvrir encore quelle fut choisie pour être la mère de Dieu. A cet ordre inattendu elle resta très affligée, mais elle suspendit son jugement, et croyant plus fermement quAbraham lui-même, elle espéra contre lespérance, et se résigna à la divine volonté. Dieu dit en songe à Siméon de chercher un époux pour la fille de Joachim et de rassembler tous les prêtres et les docteurs pour leur exposer que cette enfant était orpheline et quelle navait aucune volonté de sengager dans le mariage; mais que la coutume étant quaucune fille ne sortit du temple sans sétablir, il était convenable de lui trouver un mari. Le saint vieillard obéit aux ordres divins. Il exposa la chose aux prêtres, qui furent davis quil fallait prier le Seigneur de leur faire connaître quel était celui quil avait choisi pour son époux à cette enfant. Ils
32
fixèrent donc un jour auquel tous les jeunes hommes de la famille de David, qui étaient présents à Jérusalem devaient se rassembler dans le temple; ils choisirent celui où Marie achevait, la quatorzième année de son âge. Simon voulut alors donner connaissance à la sainte enfant de leur résolution et lengager à recommander cette affaire au seigneur. A cette nouvelle elle ressentit une si vive affliction quelle seraiL morte si Dieu ne leut fortifiée de sa divine vertu. Il lui donna cet avis neuf jours avant celui qui avait été fixé; en ce temps là, tandis que la sainte vierge redoublait ses prières afin que la divine volonté saccomplit sur elle, le seigneur lui apparut et lui dit: Mon épouse et ma colombe, apaisez votre coeur affligé; je suis attentif à vos désirs et à vos prières, le prêtre sera conduit par ma lumière; je vous donnerai un époux qui ne sopposera pas à vos désirs, et je vous viendrai en aide avec ma grâce. Je chercherai un homme parfait et selon mon coeur et je le choisirai parmi mes serviteurs; non pouvoir est infini et il sera toujours avec vous pour votre protection. Ces paroles du seigneur apaisèrent le coeur de la pure vierge et elle pria de nouveau le Très-Haut de lui conserver la pureté. Elle sadressa aussi à ses anges qui la .consolèrent par les raisons tirées de la puissance de Dieu et de son amour infini envers elle. Le jour fixé arriva, tous les jeunes hommes de la famille de David sassemblèrent et Joseph originaire de Nazareth, mais alors habitant à Jérusalem se trouva avec eux. Il était âgé de trente-trois ans, était bien fait de corps, dun visage agréable et dune modestie et dune grâce incomparable. Dès sa douzième année il avait fait voeu de chasteté. Il était parent au troisième degré de la sainte vierge. Les prêtres se mirent- en prières afin de régler avec lassistance divine ce quil fallait faire. Le seigneur inspira à Simon de faire prendre une baguette sèche à chaque
33
prétendant et il leur dit que chacun demandât à Dieu de manifester sa divine volonté. Lorsquils étaient tous en prière, on vit fleurir la baguette que tenait saint Joseph et voler au-dessus de sa tête une blanche colombe entourée dune splendeur admirable. En outre saint Joseph entendit une voix qui lui dit intérieurement : Joseph mon serviteur, Marie doit être votre épouse, recevez-la avec soin et respect, car elle est agréable à mes yeux, juste, très-pure de corps et desprit et vous ferez ce quelle vous dira. Sur la déclaration du ciel les prêtres donnèrent la très-sainte Vierge pour épouse à saint Joseph, comme choisi de Dieu. Marie baisa la main à Siméon et à Anne sa maîtresse et sortit du temple avec son époux et quelques serviteurs du saint lieu et ils allèrent ensemble à Nazareth. Arrivés là, les saints époux visitèrent leurs parents et leurs amis ainsi quon la pratique dans ces sortes doccasions et ils se retirèrent enfin à leur maison. Alors la très-pure Vierge pria les anges de lassister dans ce premier entretien quelle devait avoir seule à seule avec un homme. Ils furent tous présents en forme visible; ils donnèrent une grande force à ses paroles et enflammèrent de charité le coeur de saint Joseph. Elle fit alors connaître à son époux le voeu de perpétuelle chasteté quelle avait fait, le suppliant de laider à laccomplir; saint Joseph lui découvrit de son côté celui quil avait fait à lâge de douze ans. Le coeur des deux chastes époux fut rempli de consolation en voyant loeuvre du seigneur dans la conformité de leurs sentiments; ils renouvelèrent leurs voeux, promirent dy être fidèles et de sentraider pour leur perfection. Après ces promesses, ils partagèrent, lhéritage que saint Joachim et sainte Anne leur avait laissé, ils en offrirent une part au temple, lautre fut réservée pour les pauvres; ils gardèrent la troisième pour leur entretien Saint Joseph avait appris dans sa jeunesse le
34
métier de charpentier comme un emploi honnête, dans le dessein de gagner sa vie. Il demanda à la sainte Vierge son épouse, sil lui serait agréable quil exerçât ce métier. La sainte Vierge y Consentit, en lavertissant que le Seigneur voulait quils fussent pauvres et quils secourussent les pauvres. Elle lui demanda la permission de distribuer des aumônes, ce que le saint époux lui accorda volontiers. Dieu pour augmenter dans saint Joseph le respect et la vénération quil devait à son épouse, voulut quelle répandît dans son époux par sa vue et sa présence une crainte respectueuse qui ne peut sexprimer en paroles. Ces effets résultaient dune rayonnante splendeur de la divine lumière, unie à une majesté ineffable dont saint Joseph était pénétré. Le saint mariage fut célébré le huit septembre, Marie ayant quatorze ans accomplis et saint Joseph trente-trois.
Haut du document
CHAPITRE VII
COMMENT LE TRÈSHAUT PRÉPARA LA SAINTE VIERGE ET LA COMBLA DE GRÂCES POUR LA RENDRE DIGNE DÊTRE LA MÈRE DE DIEU
La sainte Vierge soccupa à des oeuvres de profonde humilité et dhéroïques vertus pendant les six mois et dix-sept jours qui sécoulèrent depuis le mariage jusquà lincarnation du verbe éternel. Pour accomplir ce mystère avec plus de décence le Seigneur prépara la sainte épouse dune manière singulière les derniers jours qui précédèrent son incarnation
35
dans son sein virginal. Le premier jour de cette préparation, Marie se levant à minuit, selon sa coutume, pour louer le Seigneur; les anges lui parlèrent ainsi : épouse de notre divin maître, levez vous, car sa divine majesté vous appelle. Elle répondit : le Seigneur ordonne à la poussière de se lever de la poussière, et se tournant vers lui, mon divin maître dit-elle; que voulez-vous faire de moi? à ces paroles gon âme fut élevée à un nouveau séjour plus rapproché du Seigneur. La divinité lui fut manifestée dune manière abstractive et elle connut avec une grande clarté les oeuvres du second jour de la création du monde. Le Seigneur lui découvrit quelle devait lui demander avec instance laccomplissement de lincarnation. Dans cette vision elle connut en particulier comment elle était formée de la ville matière de la terre; elle eut une si profonde connaissance de son être terrestre quelle shumilia profondément et sabaissa plus que tous les enfants dAdam bien quils soient remplis de misères. Le Seigneur lui donna cette connaissance pour creuser dans son coeur des fondements dhumilité qui fussent en proportion avec lédifice quil voulait élever en elle; et comme la dignité de mère de Dieu est en quelque sorte infinie, il fallait que lhumilité qui devait lui servir de fondement fut sans bornes.
Le second jour elle connut tout ce qui était du second jour de la création du monde. Dieu lui donna un plein pouvoir sur les cieux et tous les éléments; principalement pour deux raisons : la première, parce que la Vierge étant exempte du péché originel, devait dès-lors être exempte de toutes les misères des enfants dAdam, contre lesquels Dieu avait donné aux créatures, en punition du péché, le pouvoir de venger loutrage fait au créateur. La seconde, parce quil était convenable que toutes les créatures obéissent à celle à
36
qui le créateur même devait obéir. Mais elle nusa jamais de lempire quelle avait sur les vents, la mer, le froid, le chaud, les saisons, si ce nest lorsque la gloire de Dieu le demandait.
Le troisième jour elle reçut la science infuse de tout ce qui fut fait au troisième jour de la création. Elle connut avec une grande clarté les propriétés des eaux, les herbes, les fruits, les plantes, les métaux, les pierres, les minéraux et la connaissance quelle en eut surpassa celle dAdam, de Salomon et des autres hommes. Elle reçut un si grand pouvoir quaucune créature ne pouvait lui nuire, si elle ne le permettait. Mais elle nusa jamais de sa science ni de son pouvoir pour se préserver des souffrances; quelquefois seulement elle sen servit pour les pauvres. Dieu lui donna aussi la connaissance de lamour infini de Dieu jour les hommes et cette vue fit naître en elle un si grand désir de nous sauver et de réparer nos malheurs, pour plaire à Dieu, quelle serait morte mille fois, si le Seigneur ne lui eût conservé la vie par sa puissance. Sa grande charité et son ardent désir de sauver les pécheurs la disposait de plus en plus à être la mère du sauveur, et puisque son fils devait sauver le monde par le moyen de sa passion, usant de son pouvoir sur les créatures elle. le mir commandait de lui faire supporter ce quelles devaient faire souffrir à leur créateur.
Le quatrième jour elle fut élevée à une plus haute connaissance des divines grandeurs; elle vit tout ce qui fut créé et ordonné au quatrième jour de la création. Elle connut larrangement, le nombre, les propriétés, la matière, la forme et les influences des planètes, des étoiles et de tous les corps célestes, sur lesquels elle reçut un empire absolu, dont elle se servit quelquefois pour son fils, particulièrement en Egypte où les chaleurs sont très-grandes. Elle commanda au soleil de tempérer son ardeur pour le divin enfant, mais non
37
pour elle qui ne voulut jamais être privée de souffrir. Le Seigneur lui révéla en ce jour par une lumière particulière la nouvelle loi de grâce que le sauveur du monde devait instituer avec les sacrements quelle devait contenir, les dons abondants et les grâces préparés à ceux qui voudraient profiter des mérites de la rédemption. Mais connaissant létat de corruption du monde, qui mettait obstacle par des péchés innombrables à lamoureuse volonté du Très-Haut pour le salut éternel de tous, elle éprouva un nouveau genre de martyre causé par la douleur quelle avait de la perdition des hommes. Elle fit à Dieu de ferventes prières, afin quà lavenir personne ne fût damné, et que tous obtinssent la gloire éternelle. Son coeur fut inondé dune grande amertume par la folie et la dureté des pécheurs à résister à linclination miséricordieuse de Dieu pour leur salut éternel et cette amertume se prolongea pendant tout le temps de sa vie mortelle.
Le cinquième jour, le Seigneur lui découvrit combien les hommes avec leurs péchés mettaient obstacle à laccomplissement de lincarnation, le petit nombre de ceux qui en profiteraient et correspondraient à un si grand bienfait. Elle connut dans cette vision toutes les créatures passées, présentes et futures, avec leurs bonnes et leurs mauvaises actions, et la fin quelles auraient. Dieu lui donna aussi la connaissance de tout ce quil avait créé au cinquième jour de la création, et le pouvoir sur toutes les oeuvres de ce jour. Il lui demanda en outre quel était son nom, elle répondit : je suis fille dAdam, formée par vos mains dune vile matière. Le Très-Haut lui répartit : désormais vous vous appellerez lélue pour mère de mon fils unique, les esprits bienheureux entendirent seuls ces dernières paroles, elle nentendit que le nom délue. Le coeur enflammé damour, elle de-
38
manda au Seigneur avec de très-vives instances laccomplissement de lincarnation, la très-sainte Trinité lui en fit la promesse, et remplie de joie elle demanda la bénédiction qui lui fut accordée aussitôt.
Le sixième jour, Marie persévérant neuf heures dans la prière, les oeuvres du sixième jour de la création lui furent montrées. Elle connut toutes les espèces danimaux avec leurs qualités et leurs fonctions; il lui fut accordé sur eux un empire absolu et le commandement leur fut donné de lui obéir en toute chose : ils le firent dans quelques circonstances, comme le boeuf et lâne qui se prosternèrent devant le Seigneur, au jour de sa naissance. En outre de la connaissance des créatures privées de raison, elle connut parfaitement la manière dont fut créé le premier homme, elle vit la parfaite harmonie du corps humain avec ses facultés et son tempérament; la nature et les perfections de lâme raisonnable et son union avec le corps. Elle connut létat de la justice originelle et comment il fut perdu par Adam; elle comprit la manière dont il fut tenté et vaincu, les effets de sa faute et la fureur des démons contre le genre humain. Dans cette connaissance, elle se chargea de pleurer ce premier péché et tous les autres qui en résultèrent comme si elle en eut été coupable. On peut donc appeler heureuse la faute dAdam, pour avoir fait couler des larmes si précieuses. Se reconnaissant descendante de parents si ingrats envers Dieu, elle shumilia et sabaissa dans son néant, non pour avoir eu part à la faute dAdam, mais parce quelle avait la même nature et était aussi sa fille.
Le septième jour, elle fut transportée par les anges dans lempyrée où Dieu lappelait à célébrer de nouvelles épousailles. A cet effet Dieu commanda à deux séraphins de lassister en forme visible; ensuite il la fit revêtir dune robe
39
dun éclat extérieur en rapport avec la beauté intérieure . de lâme. Cette robe semblable à une longue tunique était si resplendissante que si un seul rayon fut parvenu jusquà la terre il leut mieux éclairé que le soleil et même que si les étoiles eussent été des soleils. Les séraphins lui mirent une riche ceinture, symbole, de la crainte de Dieu, comme la robe était limage de son incomparable pureté et de sa grâce. Ils lornèrent de beaux cheveux à fils dor liés avec une précieuse attache, pour faire comprendre que toutes ses pensées devaient être animées de la plus ardente charité dont lor était le symbole. Ils lui mirent aux pieds une belle chaussure pour signifier que tous ses pas et ses mouvements devaient être dirigés aux fins les plus hautes de la gloire de Dieu. Ses mains furent ornées de riches bracelets signifiant la magnanimité qui lui était donnée, et ses doigts de bagues. précieuses, pour signifier les dons du saint Esprit. Elle reçut aussi un collier dun éclat merveilleux doù pendait un chiffre avec trois pierres précieuses qui correspondaient par les trois vertus théologales aux trois personnes divines. On lui mit aux oreilles de beaux pendants pour préparer son ouïe à lambassade de larchange quelle devait bientôt recevoir. Aux extrémités de la robe pendaient des chiffres qui signifiaient, les uns Marie mère de Dieu, et les autres, Marie vierge et mère.
Le huitième jour, elle fut transportée de nouveau en paradis en corps et en âme, à la grande admiration des esprits bienheureux pour son incomparable beauté dans laquelle le Très-Haut prit aussi ses complaisances, et pour lhonorer davantage il déclara aux anges quelle était leur reine, Ils la reconnurent et lacceptèrent tous avec joie et chantèrent avec une harmonie inexprimable des hymnes de reconnaissance au Seigneur, et ce jour fut pour eux celui dune joie
40
et dun bonheur plus grand que ne lavait été aucun autre depuis leur création. Le Très-Haut parla ensuite ainsi à Marie : « Mon épouse et mon élue, puisque vous avez trouvé grâce à mes yeux, demandez moi sans crainte ce que vous souhaitez; je vous assure comme Dieu fidèle à ses promesses et roi tout puissant, que je vous ne refuserai ce que vous demanderez quand même ce serait une partie de mon royaume. » Lauguste Vierge humiliée et abaissée dans son néant lui répondit : « Je ne demande pas une partie de votre royaume pour moi, mais je le demande humblement tout entier pour le genre humain. Je demande, ô roi tout puissant, de nous envoyer par votre miséricorde infinie votre fils unique notre rédempteur. » Le Seigneur lui dit : « Vos supplications me sont agréables, et vos prières me sont chères, il sera fait selon vos demandes et mon fils unique descendra bientôt sur la terre. » Remplie de joie par cette divine promesse, elle fut rapportée par les anges sur la terre.
Le neuvième et dernier jour, elle fut portée de nouveau dans lempyrée en corps et en âme. Dans une vision abstractive de Dieu, elle connut les choses créées de tout lunivers, quelle avait vu auparavant dans ses parties. Elle comprit lharmonie, la connexion, lordre et la dépendance que les choses ont entre elles, et la fin que Dieu a donnée aux diverses créatures. Alors lui fut placée sur la tête comme reine de toutes les oeuvres de la toute puissance divine, une magnifique couronne incrustée dor avec un chiffre quelle ne comprenait pas, et qui signifiait Mère de Dieu. Des dons ineffables lui furent encore donnés comme dernière disposition à cette éminente et incomparable dignité. Ce quil faut surtout admirer, cest quen recevant des faveurs si extraordinaires et si mer
41
veilleuses, il ne vint pas en pensée à lhumble vierge quelle était choisie pour mère du messie attendu, tant était profond dans son coeur le bas sentiment delle-même.
Haut du document
CHAPITRE VIII
ANNONCIATION DE LA SAINTE VIERGE ET INCARNATION DU VERBE.
La plénitude des temps étant accomplie dans lequel le fils unique devait sincarner, Dieu le fit connaître à larchange Gabriel, non par la voie ordinaire en éclairant lange inférieur par le supérieur, mais immédiatement, et lui révéla lordre et les paroles mêmes de son ambassade. Gabriel ayant reçu lordre de Dieu descendit de lempyrée en forme visible accompagné de milliers danges. Son visage était dune rare beauté, ses vêtements dun éclat admirable, il avait sur la poitrine une belle croix qui annonçait le mystère ineffable de lincarnation. Il se dirigea vers la pauvre maison de Marie qui avait alors quatorze ans, six mois et dix-sept jours. Sa taille surpassait celle des autres filles de son âge, elle était bien proportionnée et très belle; sa couleur, son air et ses manières étaient admirables et il ne se trouvera jamais aucune créature qui puisse légaler. Son habit était pauvre et modeste, mais propre et dune couleur approchant de la cendre, larrangement et la forme de ses vêtements étaient sans recherche et respiraient la modestie et la décence. A larrivée de larchange, elle était dans une sublime contempla-
42
tion des mystères quelle avait vus les jours précédents. Elle souhaitait vivement dêtre la servante de cette bienheureuse femme qui devait être la mère du Messie. Lenvoyé céleste entra dans la chambre de lhumble Vierge, accompagné dune multitude innombrable desprits bienheureux; non seulement il empêcha que la Vierge le saluât à son ordinaire, mais sinclinant lui-même il la salua avec un profond respect et lui dit; Ave Maria gratia plena. A ces paroles Marie se troubla à cause de sa profonde humilité, sestimant la dernière des créatures, et aussi parce quelle ne comprenait pas quelle put être fidèle à son voeu de chasteté et néanmoins être mère. Larchange ayant expliqué les difficultés, la Vierge satisfaite inclinant la tête donna son consentement à lineffable mystère de lincarnation du verbe. Toute absorbée dans la pensée que le Seigneur la voulait pour mère, elle se livra à des actes ardents damour et de conformité à la divine volonté, son chaste coeur naturellement comprimé par lardeur de ses mouvements et de ses affections distilla trois gouttes de sang qui tombèrent dans son sein virginal et le saint esprit en forma le petit corps du sauveur. Ainsi le coeur très pur de Marie par la force de lamour divin fournit seul la matière dont ce côrps fut composé. Le corps divin de Jésus-Christ fut donc réellement formé au moment où inclinant la tête, Marie les mains jointes prononçait ces paroles; ecce ancilla domini, fecit mihi secundum verbum tuum. En ce moment la très sainte âme du sauveur fut créée et infuse dans ce corps, et la divinité sunit à lhumanité par lunion hypostatique. Tout ceci saccomplit un vendredi, le vingt-cinq du mois de mars, à laurore, à la même heure où Adam avait été créé, trois mille neuf cent soixante ans auparavant.
Au moment où le verbe éternel sincarnait, les cieux et
43
toutes les créatures donnèrent des signes de respect à leur créateur. Ils témoignèrent dune rénovation intérieure et dun changement pour la présence vivifiante du rédempteur de lunivers. Les hommes ne connurent pas ce renouvellement merveilleux, parce que Dieu ne voulut le découvrir quaux anges. Le Très-Haut répandit seulement dans le coeur de quelques justes une émotion et une joie extraordinaire dont ils ne comprirent pas la raison, quoique plusieurs. conçussent le soupçon que cétait un effet de la venue si désirée du Messie. Larchange saint Michel en apporta la nouvelle aux saints pères des limbes qui en éprouvèrent une émotion plus grande et une joie inexprimable. Lenfer éprouva aussi leffet de la venue du sauveur, car les démons ressentirent une peine et une tristesse inaccoutumées et une force impétueuse du pouvoir divin qui semblable aux flots dune mer irritée les renversa tous au fond des cavernes, mais ils nen découvrirent pas la raison. Dès que par lopération du Saint-Esprit lincarnation du verbe fut accomplie dans le sein virginal de Marie, elle fut élevée à une vision intuitive de Dieu où elle comprit avec les plus hauts mystères la signification des chiffres qui lui avait été toujours cachée. Le divin enfant croissait par la substance de sa mère, comme les autres enfants, mais avec cette différence que la matière dont ii était nourri était admirable. Pour le comprendre il faut remarquer que les actes faits avec ferveur et les affections amoureuses meuvent le sang et les humeurs, et le sang et les. humeurs mis en mouvement dans Marie par des actes héroïques et dune ardente charité envers Dieu, servaient daliment au saint enfant. Ainsi lhumanité du verbe était naturellement nourrie, et la divinité prenait en même temps ses complaisances dans les héroïques vertus que pratiquait la Vierge mère, qui donnait un aliment substantiel
44
par la force du divin amour. Dans la pensée que sa nourriture devait servir d’aliment au divin enfant, elle la prenait avec un si grand amour et des actes si héroïques de vertu que les anges étaient ravis d’admiration de voir la sainte Vierge rendre des actions si communes aussi agréables à Dieu et d’un si grand mérite pour elle. Le petit corps du Seigneur au premier instant de sa conception ne fut pas plus grand qu’une abeille, et lâme auguste et très-sainte qui lui fut unie, exerça aussitôt tous les actes et d’une manière héroïque. I. Connaître et voir intuitivement la divinité comme elle est en elle-même et comme elle est unie à la sainte humanité. II. Se reconnaître dans son être humain inférieur à Dieu et s’humilier profondément. III. Aimer Dieu d’un amour béatifique. IV. S’offrir en sacrifice de salut, acceptant son être passible pour la rédemption du monde. V. Prendre possession du lit virginal de Marie et y mettre ses complaisances. VI. Remercier le Père éternel de l’avoir créée avec de si grands dons et grâces, et de lavoir exemptée du péché originel. VII. Prier pour sa sainte mère et saint Joseph, demandant pour eux le salut éternel. Ces actes avaient un si grand mérite qu’ils auraient été suffisants pour racheter une infinité de mondes, et l’acte d’obéissance de s’assujettir à la souffrance et celui d’empêcher que la gloire de son âme ne rejaillît sur son corps, avait un mérite surabondant pour notre rédemption. La sainte Vierge pratiqua les mêmes actes que notre Seigneur à mesure qu’il les exerça. Elle s’humilia profondément en présence de la divine majesté , et adora le Seigneur dans son être infini et dans son union avec la nature humaine. Elle rendit gloire à Dieu au nom de tous les hommes, et particulièrement de l’avoir choisie pour mère de son fils; elle s’offrit humblement à le nourrir, le servir et laccompagner, et à coopérer autant
45
qu’elle le pourrait à l’ oeuvre de la rédemption; elle demanda la grâce d’exercer avec zèle ses devoirs dans cette oeuvre si grande. A ces actes héroïques intérieurs qu’elle pratiqua aussitôt il près la conception du verbe, elle joignit les extérieurs. Elle se prosterna à terre et l’adora profondément , elle continua ses adorations et ses prosternations pendant toute sa vie; de minuit à minuit elle faisait trois cents génuflexions, et même au-delà lorsqu’elle n’était pas occupée à autre chose ou en voyage. Tous ses actes étaient èn hommage du divin enfant. Le jour de l’incarnation, les anges qui l’assistaient se rendirent visibles à ses yeux, remplis d’allégresse et adorant dans son sein leur Dieu fait homme. Ils s’offrirent de la servir comme leur reine, de l’aider dans son travail et dans tout ce qu’elle voudrait leur commander, et ils firent ce qu’ils disaient jusqu’à la servir à table lorsqu’elle était seule en l’absence de Joseph son époux. Pendant qu’elle avait dans son sein le divin enfant elle jouissait ordinairement de sa présence de plusieurs manières : mais celle qui lui donnait la plus grande consolation était de voir dans son sein comme au travers d’un pur cristal, l’humanité sainte qui recevait la lumière de la divinité. Elle éprouvait une grande satisfaction en voyant les petits oiseaux qui venaient adorer dans son sein leur créateur et le louer par leurs chants joyeux et leurs doux. mouvements. Dieu l’ordonna ainsi plusieurs fois pour la consolation de sa chère mère, souvent ils lui apportaient de belles fleurs qu’il1 laissaient tomber dans ses mains, et ils s’arrêtaient attendant ,qu’elle leur commandât de chanter. D’autres fois pour éviter les rigueurs de la saison, les pauvres oiseaux se réfugiaient auprès d’elle et la douce reine non-seulement les recevait mais leur donnait aussi la nourriture, toute joyeuse de leur innocence.
46
Haut du document
CHAPITRE IX
VISITE DE LA SAINTE VIERGE A SAINTE ELISABETH. NAISSANCE DE SAINT JEAN-BAPTISTE.
Dans la vision quelle eut après lincarnation, la sainte Vierge connut que lé Seigneur avait pour agréable quelle visitât sainte Elisabeth, afin de sanctifier par la présence de son divin fils le précurseur qui allait naître. Elle conféra de ce voyage avec saint Joseph, qui offrit avec un grand respect de laccompagner. Ils fixèrent le jour du départ, qui fut le quatrième après lincarnation du verbe. Ils préparèrent les choses nécessaires, cest-à-dire un âne que leur prêta un voisin , quelques fruits, du pain et quelques poissons et ils partirent de Nazareth, pour la maison de Zacharie, éloignée de quatre jours de marche par un chemin rude et pénible. La sainte Vierge se servait quelquefois du petit animal dans son voyage pour obéir à son époux, mais elle marchait souvent à pied. Elle pria plusieurs fois saint Joseph de se servir d~ la pauvre monture, mais le saint ne voulut jamais le faire. Ils restaient de longues heures en silence, la sainte Vierge chantait alors avec les anges visibles pour elle seule des hymnes au Très-Haut, saint Joseph sentretenait avec Dieu dans loraison. ils soccupaient ensuite à de saints entretiens dont le saint époux se sentait extraordinairement enflammé et pénétré; ne sachant doù lui provenait cette grande ferveur, il voulut le demander à la sainte Vierge, mais il nen eut pas le courage; la prudente Vierge ne voulut pas le lui découvrir, quoiquelle pénétrât son intérieur. Le voyage dura quatre jours pendant lesquels plusieurs miracles furent opérés lun fut de rendre la santé à une fille
47
malade. La reine de lunivers ordonna aux humeurs par le pouvoir suprême quelle avait sur les créatures, de se remettre dans leur état naturel. Les saints pèlerins arrivèrent enfin à Juda, cétait le nom de la ville où sainte Elisabeth habitait; elle fut détruite dans la suite, et il resta seulement cette maison qui devint un temple. Zacharie ne demeura pas toujours à Juda, mais aussi à Hébron, où il avait une maison, et il y mourut. Avant darriver à Juda, Joseph voulut prévenir Zacharie, mais sainte Elisabeth éclairée de lesprit saint, était venue à la rencontre de la sainte Vierge avec quelques personnes de sa famille et la joignit aussitôt. La très-pure Vierge salua la première Elisabeth avec ces paroles : Le Seigneur soit avec vous ma cousine. Elisabeth répondit La mère du Très-Haut vient à moi! Que le Seigneur vous récompense dêtre venue me donner cette consolation. Après ce salut, elles se retirèrent en particulier, et la mère de la grâce salua de nouveau, en disant : Dieu vous sauve, ma chère cousine, et sa divine lumière vous communique la grâce et la vie. A ces paroles, Elisabeth fut remplie de lesprit saint, et éclairée intérieurement elle connut en un instant les plus hauts mystères. Lorsque Marie proférait les paroles déjà rapportées, Dieu regarda saint Jean, et lui accorda en ce moment le parfait usage de la raison, il le purifia du péché originel et le remplit de lesprit saint. Dans le même temps saint Jean vit aussi le verbe incarné, les entrailles de Marie lui servant comme de cristal, et prosterné il adora le rédempteur du monde. Cette adoration produisit un tressaillement de joie du saint enfant dans le sein dElisabeth et ravie dadmiration de ces merveilles, les yeux fixés sur Marie elle dit les paroles rapportées par saint Luc: Vous êtes bénie entre toutes les femmes. Le jeune Baptiste comprit le sent de ces paroles. La sainte Vierge répondit dune voix douce
48
et modeste par le cantique Magnificat anima mea dominum. Elisabeth ensuite soffrit elle-même et toute sa famille à la sainte Vierge pour la servir, et la pria daccepter une chambre dont elle faisait usage pour prier le Seigneur. Marie accepta cette chambre avec un remerciement sincère et personne ny entra désormais excepté sainte Elisabeth. La nuit arriva au milieu de leur doux entretien, la Vierge mère demanda en se retirant la bénédiction à Zacharie comme prêtre du Seigneur. Elle ne sempressa pas de remédier à son état de mutisme, mais elle pria pour lui et lui porta une tendre compassion. Saint Joseph, après trois jours, demanda la permission de revenir à Nazareth, offrant de revenir au premier avis de sa sainte épouse. Après son départ, la sainte Vierge régla sa manière de vivre dans cette maison, et ce fut celle quelle observait à Nazareth. Elle faisait de ses mains les langes de lenfant qui devait naître. Après une douce contestation, elle obtint de pratiquer lobéissance, et quElisabeth aurait le commandement. Elle soccupa des ouvrages qui lui furent imposés de sa sainte cousine; tout ce que faisait la mère de sa sagesse, Elisabeth le gardait avec une grande vénération sans jamais lemployer pour aucun usage.
Dans la compagnie de la mère de Dieu, Elisabeth séleva à une très-haute sainteté, elle vit plusieurs fois la sainte Vierge entourée de splendeurs et soulevée de terre; en la voyant toute absorbée en Dieu, elle se prosternait devant elle pour adorer le verbe fait homme renfermé dans son chaste sein. Elle ne découvrit jamais à personne ce mystère caché excepté à Zacharie, et à son fils, et à celui-ci seulement après la naissance du divin enfant. Il y avait dans la maison dElisabeth, une servante dun mauvais naturel, colère, médisante et habituée aux jurements; à cause de ces péchés, plusieurs démons la possé-
49
daient déjà depuis quatorze ans. La sainte Vierge découvrant le mauvais état de cette malheureuse femme et le motif pour lequel le démon lavait possédée, pria le Seigneur pour cette âme; elle lui obtint la contrition et le pardon de ses péchés. Elle ordonna aux esprits infernaux de ne plus la tourmenter, mais de se tenir toujours éloignés delle comme ils avaient fait lorsque la Vierge entra sur le seuil de la maison. Il y avait une autre femme dans le voisinage de la maison dElisabeth, qui nétait pas meilleure que la précédente. Dès quelle eut appris quil était arrivé dans ce lieu une jeune étrangère, modeste, humble et retirée. Quelle est celle-ci, dit-elle, dont la vie est si singulière? Je veux voir qui elle est. Elle alla poussée par la curiosité à la maison dElisabeth voir létrangère; mais à la vue de la très-pure Marie, tous ses sentiments dépravés furent changés; elle pleura amèrement ses péchés, sans connaître encore la cause de ce changement si subit. La mère de Dieu fit aussi la conquête dun grand nombre dautres âmes, mais toujours en secret sans que personne remarquât que la grâce et la conversion étaient leffet de lefficacité de ses prières. Il y avait plus de deux mois que la Vierge habitait chez Elisabeth et sanctifiait toute cette famille par ses actions et ses exemples dhumilité. Elisabeth prévoyant le prochain départ de sa sainte cousine, commença à ressentir la perte quelle allait faire. Un jour elle sefforça de lui persuader de changer son habitation de Nazareth à Juda; elle lui dit quon appellerait saint Joseph, et que sa maison, sa famille et sa personne seraient à leur service, Lhumble Vierge écouta cette proposition, mais elle lui dit quelle ne pouvait rien décider sans le bon plaisir de Dieu et de son époux, quelle exposerait à Dieu ses désirs dans la prière et ferait connaître son invitation à saint Joseph. Sainte Elisabeth fut satisfaite elle la pria seulement de ne pas la
50
quitter jusquà la naissance de lenfant. La sainte Vierge se retira dans son oratoire, pour connaître la volonté du Seigneur. Elle fut aussitôt ravie en extase et le Seigneur lui fit comprendre quelle devait rester jusquà la naissance de lenfant qui devait naître bientôt, et retourner à Nazareth lorsque la circoncision serait faite.
Lorsque le temps fut accompli, le Seigneur fit connaître à Jean-Baptiste lheure où il devait venir au monde. Le saint enfant à cet avis resta en suspens sur ce quil devait faire: dun côté les lois de la nature lobligeaient de naître, la volonté du Seigneur lordonnait aussi, dun autre côté il considérait sérieusement les dangers du périlleux voyage quil entreprenait dans cette vie si fragile. Il se tourna donc vers Dieu avec une entière obéissance et une grande confiance dans sa bonté: Seigneur dit-il, que votre divine volonté sexécute, accordez-moi demployer ma vie à votre service, et donnez-moi votre bénédiction pour venir à la lumière du monde. Le saint enfant mérita pal- cette prière que la divine majesté lui accordât de nouveau à sa naissance sa bénédiction et sa grâce. Dès quil fut né, Elisabeth en fit donner avis à la Vierge quelle navait osé inviter dêtre présente. Marie lui envoya les langes préparées de ses mains pour envelopper lenfant, et peu après elle vint elle-même par linspiration divine. Elisabeth était déjà assise sur son lit; la sainte Vierge prit lenfant dans ses bras et loffrit aussitôt au Père éternel. Il témoigna une grande joie de se voir dans les bras de la mère de Dieu, il sinclina en signe de respect et fit dautres gestes daffection envers elle, mais elle conserva toujours sa dignité, et elle ne le baisa pas même une seule fois comme il est en usage de le faire à cet âge. Elle narrêta point sa vue sur lui, toute absorbée dans la con-
51
templation de la beauté de sa grande âme, de sorte quelle ne laurait pas reconnu des yeux du corps,
Le huitième jour, il fut circoncis et appelé Jésus avec toutes les circonstances rapportées par saint Lue. Zacharie recouvra la parole et ce fut par le moyen de Marie qui usant du pouvoir quelle avait sur les créatures délia sa langue afin quil bénît en cette occasion le Seigneur. Il le fit à ladmiration de tous les assistants qui ne comprirent point comment sétait opéré le miracle. Après la circoncision, saint Joseph vint de Nazareth pour ramener son épouse. Elle le reçut avec une grande joie et un profond respect, se mit à genoux devant lui le priant de la bénir; et ensuite elle se prépara pour le départ. Elisabeth voulut profiter de la présence de la mère de la sagesse et la supplia de lui laisser quelques instructions pour lui servir de règlement de vie après son départ. Ses raisons et ses prières furent si vives que la Vierge en fut attendrie et ne put lui refuser une si juste consolation : « Elevez toujours, lui dit-elle, votre coeur et votre esprit à Dieu, et avec la lumière de la grâce que vous avez, ne perdez jamais de vue lêtre immuable de Dieu éternel infini et sa bonté incompréhensible qui la porté à tirer les hommes du néant pour les élever à la gloire, et les enrichir de ses dons précieux. Vous devez apporter tous vos soins à dégager votre coeur de toutes les choses du inonde afin que libre et détaché il puisse atteindre sa fin. Pour cela, ma chère cousine, je vous recommande de le purifier de ce qui est terrestre, afin que délivrée des embarras de cette vie, vous répondiez aux desseins de Dieu, et que vous puissiez suivre sans peine et avec joie le Seigneur, lorsquil faudra laisser ce corps et tout ce quil aime. Maintenant, cest le temps de souffrir et de mériter la couronne, sachons nous en rendre dignes et marcher avec diligence pour arriver à lunion intime avec notre véritable
52
et souverain bien. Mettez un grand soin pendant votre vie obéir à Zacharie votre époux et votre chef, à le servir et laimer. Offrez votre fils à Dieu son créateur, et en lui, pour lui, vous pouvez laimer comme mère. Employez votre zèle afin que Dieu soit craint et honoré dans votre maison toute votre famille. Soyez attentive à soulager les pauvres ceux qui sont dans le besoin autant quil vous sera possible. Secourez-les des biens temporels que Dieu vous a libéralement donnés pour les distribuer généreusement à ceux qui en sont privés. Nous sommes tous enfants du même père qui est aux cieux, auquel appartiennent toutes les choses créées il nest pas raisonnable que le père étant riche, un enfant soit dans labondance, et les autres soient pauvres et délaissés. Continuez ce que vous faites, et exécutez ce que vous avez dans lesprit puisque Zacharie le remet à votre disposition; vous pouvez être libérale avec la permission de votre époux. Vous mettrez en Dieu votre espérance dans tout les peines quil vous enverra. Vous serez bonne, doue humble, bienveillante et très-patiente avec tout le monde quoiquil y en ait qui vous causent de la peine, dans la pensée que ce sont des instruments pour votre mérite. Bénissez éternellement le Seigneur pour les mystères si élevés qu vous a manifestés, et demandez toujours avec zèle et charité le salut des âmes. Priez Dieu, afin quil me gouverne et me dirige pour traiter dignement et selon sa volonté le mystère que sa bonté immense a confié à une si vile et si pauvre servante. » Ainsi parla la sainte Vierge à sa cousine au m ment de son départ, et se mettant à genoux elle lui demanda la bénédiction. Ensuite elle alla prendre congé de Zacharie et humblement prosternée à ses pieds, lui demanda aussi la bénédiction. Les paroles de la bénédiction du prophète furent presque toutes tirées de la sainte écriture. Que le Dieu tout-
53
puissant vous assiste toujours et vous délivre de tout mal; quil vous défende par sa protection et vous remplisse de la rosée du ciel et de la graisse de la terre. Que les peuples vous servent, et les tribus vous vénèrent parce que vous êtes le tabernacle de Dieu. Vous serez la maîtresse de vos frères et les fils de votre mère fléchiront le genou devant vous. Celui qui vous exaltera et vous bénira, sera exalté et béni et celui qui ne vous louera pas, sera maudit. Que toutes les créatures connaissent Dieu en vous et que par vous le nom du Très-Haut soit glorifié. Après cette bénédiction, elle baisa la main au saint prêtre qui en fut tout attendri, Il garda toujours le secret de ces mystères. Une seule fois quil y avait dans le temple une assemblée de prêtres, poussé par lesprit de Dieu il dit tout à coup ces paroles : Je crois fermement que le Très-Haut nous a visités en envoyant au monde le Messie qui doit racheter son peuple. Siméon à ces paroles fut saisi dune grande émotion; ne permettez pas, dit-il, ô Dieu dIsraël, que votre serviteur quitte cette vallée de larmes avant davoir vu notre salut et le rédempteur de son peuple.
La sainte Vierge ayant pris congé des saints époux, voulut avant de partir voir encore Jean-Baptiste; elle le prit dans ses bras et lui donna plusieurs bénédictions mystérieuses. Le saint enfant parla à la sainte Vierge par la permission de Dieu, mais à voix basse, et lui demanda son intercession et sa bénédiction. Il lui baisa trois fois la main, et adora dans son sein le verbe incarné. Lenfant divin le regarda en même temps avec tendresse et bienveillance; ce que la Vierge mère vit et admira avec une grande joie.
54
Haut du document
CHAPITRE X
RETOUR DE LA SAINTE VIERGE A NAZARETH.
Les saints hôtes retournèrent enfin à leur pauvre maison de Nazareth. Le voyage dura quatre jours entiers, et ils nusèrent jamais du pouvoir quils avaient sur les créatures, quoique la chaleur, les rochers, les épines, leur causassent de grandes incommodités. Ils opérèrent plusieurs miracles et délivrèrent secrètement plusieurs infirmes et plusieurs pauvres de diverses infirmités et misères. A son arrivée à Nazareth, lhumble vierge balaya les chambres et mit en ordre la pauvre maison; les saints anges lassistaient dans cet humble travail. Elle règla les actes de vertu quelle devait pratiquer avec une exactitude parfaite. Ces vertus héroïques, observées avec soin par Lucifer, lui firent soupçonner, si celui qui devait le vaincre et le terrasser, pouvait naître dune femme plus profondément vertueuse. il assembla un conciliabule de démons dans lenfer pour leur proposer ses doutes et leur faire part de ses soupçons. La résolution de cette maudite assemblée, fut demployer toutes sortes de tentations pour vaincre et opprimer cette femme. Le verbe incarné connut tous les desseins de Lucifer et pour revêtir notre invincible reine dune nouvelle force, il se tient debout dans le tabernacle virginal comme celui qui voudrait se mettre en défense. Dans cette posture il pria le père éternel de renouveler ses faveurs à sa chère mère. Voici lordre de la bataille: Lucifer conduisit les sept légions des principaux chefs quil avait désignés comme tentateurs des hommes pour les sept péchés capitaux. La sainte Vierge était alors en oraison, et par la permission du Seigneur les sept légions vinrent lune après lautre faire tous les efforts que peuvent inspirer la
55
malice, la rage et la nécessité dobéir au prince des ténèbres. La prudente Vierge connut tous leurs artifices et les dissipa par sa grande sagesse et son incomparable attention. Tous ses ennemis avec leurs ruses et leur mille suggestions ne purent pas réussir à la distraire ni lempêcher de faire toutes ses héroïques actions même les pins petites avec toute la perfection possible. Les puissances infernales furent entièrement vaincues. Lucifer en fureur, appela ses légions et voulut renouveler le combat se mettant lui-même à leur tête. Il employa contre la seule Vierge toutes les forces par lesquelles il a introduit dans le monde tant derreurs et tant de coupables désordres. Il mit, mais en vain tout en oeuvre contre elle; il lui fut également inutile de se servir pour instrument de la malice de quelques voisins, afin de tourmenter Marie et saint Joseph. Tous ses artifices ne servirent quà leur faire exercer des actes héroïques de vertus et à augmenter le mérite de leur victoire. Mais lépreuve la plus grande où Dieu mit la sublime sainteté de ces deux saints époux, est celle dont nous devons maintenant parler. Marie était déjà dans le cinquième mois de sa grossesse, lorsque saint Joseph sen aperçut dans la disposition de la sacrée personne, parce quétant très-proportionnée dans son corps elle pouvait moins le cacher. Cette connaissance pénétra de douleur le coeur de saint Joseph, et par lamour très-vif quil lui portait et par le danger où il la voyait dêtre lapidée conformément à la foi. Il recourut à Dieu dans loraison, car il soupçonnait dans cette grossesse quelque mystère caché, mais il nen était pas assuré et il ne savait à quoi se résoudre; Dieu voulait avant de lui découvrir le secret lui donner loccasion dexercer plusieurs actes héroïques de vertu. La peine quil ressentait dans son coeur était si grande quelle paraissait au dehors, et sur son visage on voyait une pro-
56
fonde tristesse. La sainte Vierge navait pas besoin de ces signes extérieurs pour connaître laffliction de son époux, car elle voyait clairement tout ce qui était dans son coeur, mais elle ne lui découvrait pas le secret des mystères. Elle abandonnait tout à la divine providence, quoiquelle aimât tendrement son époux et quelle eût une tendre compassion pour son douloureux martyre. Les soupçons croissant de plus en plus le saint devint toujours plus pensif et mélancolique; quelquefois il parlait avec plus de sévérité quauparavant, mais la prudente reine nen fit jamais aucune plainte; elle avait des manières plus douces, elle le servait à table, le faisait asseoir et lui présentait à manger. Mais saint Joseph était dans une incertitude toujours plus grande; ne sachant ce quil devait croire, on de ses yeux, pour qui la grossesse était évidente, ou la pureté incomparable et la bonté quil voyait dans son épouse. Dans ces perplexités il résolut de séloigner avant les couches. La sainte Vierge connut aussitôt la résolution de son époux, elle sadressa à ses anges pour porter remède à un si grand mal. Les anges envoyèrent plusieurs inspirations à saint Joseph pour le persuader de la pureté irrépréhensible de sa sainte épouse. Ces inspirations retardèrent lexécution de sa résolution, mais ses soupçons loin de diminuer, croissant toujours, et ne pouvant trouver aucun rem~de à sa peine, il résolut enfin de se retirer après avoir passé deux mois dans cette accablante tristesse. Il prépara donc un petit paquet et un peu dargent gagné par son travail. Avant de quitter la maison, il pria le Seigneur et lui demanda son assistance, il protesta quil .ne séloignait pas de son épouse dans la crainte quelle fût adultère, mais parcequil la voyait enceinte et ne pouvait en comprendre la cause ni la manière. Il fit voeu daller visiter le temple de Jérusalem et doffrir à Dieu une partie de son argent afin que sa chaste épouse fut
57
préservée des calomnies des hommes. Après ce voeu il se retira pour prendre un peu de repos afin de pouvoir se lever à minuit comme il lavait résolu et partit. La sainte Vierge était dans son oratoire et considérait par une lumière divine tout ce que faisait saint Joseph, elle voyait le paquet quil avait préparé, le peu dargent quil avait pris et le voeu quil avait fait den offrir une partie à Dieu. Touchée de compassion, elle recommanda de nouveau ardemment au Seigneur cette affaire et ses prières furent si vives que le Seigneur enfin lexauça. Tandis que saint Joseph prenait un peu de repos, Dieu envoya, larchange Gabriel qui lui découvrit le mystère de la fécondité de sa chaste épouse. Saint Joseph ne le vit pas, il entendit seulement la voix intérieure et comprit le mystère. Il séveilla, et se mettant à genoux il adora avec une profonde humilité le Seigneur, et lui rendit de vives actions de grâce de lavoir choisi pour être lépoux de sa mère. Il demanda pardon de son trouble et de ses soupçons, mais il nosa pas visiter la sainte Vierge qui était retirée et était élevée à une haute contemplation. Il délia le petit paquet et pratiqua plusieurs actes de vertu et lorsque lheure fut venue il alla à la chambre de Marie, se jeta à ses pieds, lui demanda pardon, lui offrit dêtre son serviteur et lui fit la promesse de la reconnaître désormais pour sa reine. La sainte Vierge fit lever son époux, et sans quil put lempêcher elle se prosterna à ses pieds et lui donna les raisons qui lui avaient fait cacher le mystère. Elle le supplia de ne pas changer la conduite quil avait gardée jusqualors; car son devoir à elle était dobéir, et à lui de commander; saint Joseph fut tout renouvelé à cette occasion dans son intérieur et rempli du St.-Esprit. Il entonna un cantique de louanges et Marie lui répondit en disant de nouveau le cantique: Mon âme glorifie le Seigneur: elle fut ravie en une extase
58
très-sublime et fut environnée dun globe de lumière, à la grande admiration de saint Joseph qui ne lavait jamais encore vue dans une semblable gloire. Le saint connut alors le mystère de lincarnation et vit le fils de Dieu dans le sein virginal. Il comprit que la vierge son épouse avait été linstrument de la sanctification de Jean-Baptiste et dElisabeth, et quelle était la cause de la plénitude de la grâce quil avait lui-même reçu de Dieu avec une abondance plus grande que celle qui avait été accordée à saint Jean-Baptiste. Saint Joseph ainsi éclairé résolut de traiter la sainte Vierge avec un plus grand respect et il commença à lui témoigner sa vénération. Lorsquelle lui parlait, ou quelle passait devant lui, il fléchissait respectueusement le genou. Il ne voulut plus permettre quelle le servit et soccupât aux emplois humbles et bas, comme balayer la maison, laver la vaisselle et autres choses semblables, il voulut lui-même le faire pour ne pas déroger, disait-il, à la dignité ineffable de reine et de mère de Dieu. Lhumble Vierge sopposa à cette manière dagir; elle le pria de ne fléchir le genou devant elle, parce quon ne pouvait distinguer si cétait pour elle ou pour le divin fils quelle avait dans son sein. Saint Joseph obéit et fléchit seulement le genou lorsquelle ne le voyait pas. Le débat fut plus grand pour les emplois humbles et vils, parce que saint Joseph ne pouvait consentir à ce que no,tre auguste reine soccupât à des choses si basses et il sefforçait de la prévenir. Lhumble Vierge tâchait de faire ce qui lui était possible, mais tandis quelle était en prières le saint pouvait facilement la prévenir pour plusieurs viles actions. La sainte Vierge ne sachant comment le vaincre, sadressa au Seigneur et le pria de commander à son époux de ne pas lempêcher dexercer ces vils emplois. Le Très-Haut lexauça, et il ordonna aux anges gardiens de saint
59
Joseph de lui faire entendre intérieurement de conserver un grand respect et une grande vénération intérieure à sa sainte épouse, mais de ne pas lempêcher dexercer les oeuvres extérieures, parce que son divin fils était venu au monde pour servir avec sa mère, et non pour être servi. Le saint suivit cet avis avec une entière soumission.
La maison des saints époux était divisée en trois petites chambres ou compartiments qui composaient toute leur habitation. Elle était suffisante parce quils navaient point de serviteur ni de servante; il nétait pas convenable quil y eût des témoins des merveilles si extraordinaires que le Seigneur opérait en ce lieu. Saint Joseph dormait dans une chambre, et travaillait dans lautre, la troisième était pour la vierge mère. Elle ne sortait pas de sa maison sans une très-grave raison, et si elle avait besoin de quelque chose, elle se servait dune pieuse femme voisine qui en récompense de ses services reçut de grandes grâces pour elle et pour sa famille. Plusieurs fois aussi les saints époux se trouvèrent dans un extrême besoin, parce que saint Joseph ne travaillait pas pour gagner de largent, mais seulement pour recevoir laumône quon lui donnait sans jamais rien exiger. Le Seigneur après avoir exercé leur patience les secourait de mille manières; quelquefois par le moyen des oiseaux qui leur apportaient des fruits , du pain et même des poissons. Ils furent aussi secourus par le ministère des anges; un jour où ils navaient rien à manger , ils se retirèrent pour prier et ils trouvèrent la table couverte de fruits, die bon pain, de poisson et dune sorte de mets dun goût et dune douceur admirables. La manière la plus ordinaire de les secourir était par le moyen de sainte Elisabeth, qui après la visite de la sainte vierge leur envoya toujours des dons. La sainte vierge dormait sur un pauvre lit de planches que lui avait fait saint Jo-
60
seph. Elle avait deux couvertures dont elle senveloppait toute habillée pour prendre le peu de repos qui lui était nécessaire pour conserver la vie. Saint Joseph ne la vit jamais dormir et ne sut jamais par expérience si elle dormait quand elle se couchait. Son vêtement de dessous était une tunique ou chemise dun tissu comme de coton plus douce quune étoffe en laine. Elle ne quitta jamais cette chemise en forme de tunique après quelle fut sortie du temple, elle ne susa ni ne se salit, et personne ne laperçut pas même saint Joseph qui ne vit jamais que le vêtement de dessus, visible pour tous. Ce vêtement était dune couleur de cendre, et elle changeait seulement celui-ci et le voile, non parce quils étaient sales, mais afin quon ne connût quils étaient toujours dans le même état par un miracle évident. Tout ce qui touchait son corps virginal ne se gâtait point et nétait point sali, parce quelle ne suait jamais et quelle navait aucune des infirmités quéprouvent les corps assujettis au péché. Elle était toute pure et tout ce quelle faisait était parfait et extrêmement beau. Elle mangeait très peu, mais cependant elle le faisait tous les jours et toujours avec saint Joseph; elle ne mangea jamais de viande, quoique son époux en mangeât, et quelle même lapprêtât. Sa nourriture était du pain ordinaire, des fruits, des herbes cuites et des poissons. Elle nen prenait que ce qui était nécessaire pour lentretien de sa vie selon son tempérament, et jamais elle nexcéda en rien comme mère de sagesse. Il en était de même pour le boire. Elle observa toute la vie pour la quantité cette juste proportion dans le manger, mais elle le changea pour la qualité suivant les occasions.
Le temps de lheureux enfantement approchait, cest pourquoi la sainte vierge commença à préparer les langes. Saint Joseph donna plusieurs ouvrages travaillés de ses mains
61
et obtint en retour deux pièces de laine, lune blanche et lautre de couleur foncée, toutes les deux de-s meilleures quil était possible davoir. Elle en fit les langes pour le divin enfant. Elle fit les chemises dune toile très-fine quelle avait travaillée elle-même après lannonciation. Elle lavait filée et tissée entièrement de ses saintes mains et toujours à genoux avec des larmes de tendre dévotion, elle avait ainsi fait les langes. Elle offrit au temple ce qui lui en resta. Elle enferma les chemises avec les langes dans un petit coffre quelle porta ensuite à Bethléem. Mais avant de les renfermer, elle les arrosa dune eau de senteur quelle avait composée avec des fleurs et des herbes recueillies par saint Joseph. Mais En préparation intérieure fut bien plus grande, elle prépara sa grande âme par des actes héroïques de vertu et damour ardent pour recevoir dans ses bras le Dieu enfant. Elle préparait elle-même au Seigneur ce temple dont Salomon lavait fait la figure. Dans tous ses actes elle se conformait à ceux que pratiquait son divin fils dans son sein virginal. Lorsquelle le voyait se mettre à genoux pour prier le père éternel ou quil se mettait en forme de croix comme pour essayer ce quil devait y souffrir, sa digne mère attentive à toutes ses actions sappliquait eu elle-même à limiter avec une entière perfection.
62
Haut du document
CHAPITRE XI
VOYAGE DE LA SAINTE VIERGE A BETHLÉEM. NAISSANCE DE JÉSUS.
Dans le temps de cette sainte préparation il parut un édit de César-Auguste, comme le rapporte saint Luc. Saint Joseph en apprit la nouvelle avec une vive affliction parce que la grossesse de son épouse était fort avancée, et quil était obligé ou de la laisser seule ou de lemmener avec lui dans ce pénible voyage. Il engagea la sainte vierge à prier le Seigneur et à lui recommander cette affaire. Elle le fit quoiquelle nignorât point la divine volonté et elle connut quelle devait partir aussi elle-même pour Bethléem. Ils préparèrent tout pour le départ et confièrent la maison à une pieuse voisine. Saint Joseph chercha une mouture pour servir dans ce voyage et il la trouva avec peine à cause du grand nombre de personnes qui en cherchaient. La sainte vierge prit les langes préparées et au moment du départ elle se mit à genoux pour demander la bénédiction à son époux et elle partit avec lui de Nazareth pour Bethléem.
En outre des anges ordinaires, Dieu ordonna à neuf mille autres de laccompagner et à dautres de porter les messages de Dieu à la sainte vierge et de la sainte vierge à Dieu. Ils étaient tous visibles à ses yeux. Le voyage dura cinq journées, parce quils marchaient peu chaque jour. Ils éprouvèrent de grandes peines à cause de la multitude des personnes qui allaient à Jérusalem. La nuit ils ne trouvaient jamais à se loger, si ce nest dans quelque recoin du vestibule, parce quils étaient pauvres et que les plus riches étaient toujours mieux accueillis. A ces incommodités il faut joindre la mauvaise saison avec le froid, la pluie, la neige
63
et le vent, et après tout cela ils ne trouvaient pour se reposer que la terre ou une étable au milieu des animaux qui, plus reconnaissants envers leur créateur, honoraient à leur manière leur Dieu dans le sein de la sainte mère. Les saints pèlerins étaient surtout affligés dentendre des paroles indécentes et de voir le mauvais état de quelques âmes dont notre reine découvrait lintérieur. Cette affliction était si grande quelle en perdait connaissance de douleur. Les saints anges lassistaient pour lui procurer quelque repos et larchange saint Michel ne quitta jamais ses côtés et la soutint plusieurs fois. Dans les misérables auberges où ils sarrêtaient, les anges les environnaient et faisaient autour deux comme un mur impénétrable. ils chantèrent plusieurs fois dans le voyage pour soulager les souffrances quils enduraient, et la nuit ils éclairaient leur marche, et la lumière quils donnaient était dune si grande clarté pour la sainte vierge et saint Joseph que celle des étoiles et des planètes né leût pas égalée dans leur plus grand éclat.
Ils arrivèrent au milieu de ces souffrances et de ces célestes consolations à Bethléem, le samedi au coucher du soleil. lIs cherchèrent un logement dans la ville chez les amis et les parents de saint Joseph. Mais ce fut en vain, personne ne voulut les recevoir et plusieurs les congédièrent avec mépris et avec des injures. La sainte Vierge savait bien que personne ne les recevrait, mais pour pratiquer lhumilité et la patience elle suivait son époux de maison en maison, de porte en porte dans les rues. En cherchant ainsi un logement ils rencontrèrent la maison où lon tenait les registres, ils firent inscrire leur nom et payèrent leur tribut pour ne pas être obligés de revenir. Ils continuèrent à chercher un abri mais ils nen trouvèrent point quoiquils le demandassent à plus de cinquante maisons et auberges. Il était neuf heures du
64
soir, lorsque saint Joseph accablé de tristesse se tourna vers son épouse: Je me souviens, dit-il, quil y a une grotte hors des murs qui sert pour les bergers; allons-y et si elle nest pas occupée, nous y prendrons le logement quil est impossible ici de trouver. La sainte vierge le consola par ses douces paroles; et ils se mirent en marche accompagnés des saints anges qui les éclairaient dans les ténèbres. Cette grotte était si misérable que malgré la multitude des personnes de toute condition qui étaient à Bethléem, personne neût la pensée de sy retirer. Les saints hôtes y entrèrent, et ils reconnurent aussitôt à la lumière que donnaient les anges combien ce lieu était humble et pauvre. ils se mirent à genoux et rendirent des actions de grâces à Dieu pour ce bienfait, La sainte vierge pria le seigneur de récompenser avec libéralité les habitants de Bethléem qui en lui refusant leur maison lui avaient procuré un si grand bien. La grotte était taillée dans le roc et destinée à loger des animaux. Les anges se rangèrent autour sous une forme visible même à saint Joseph. La sainte vierge qui savait ce qui devait être opéré en ce lieu cette nuit, commença aussitôt à nettoyer cette grotte pour pratiquer lhumilité et pour orner le mieux quil était possible ce temple à Dieu dans ce lieu abandonné. Saint Joseph et les saints anges lui vinrent en aide, et en peu de temps elle fut entièrement nettoyée; bien plus elle fut remplie de célestes parfums. Saint Joseph alluma un peu de feu pour se garantir du grand froid quil faisait dans cette nuit et après sêtre réchauffés ils prirent un peu de nourriture avec une joie incroyable. Ils passèrent quelque temps dans de saints entretiens. La sainte Vierge pria ensuite son époux de prendre à lécart un peu de repos, et saint Joseph pria la sainte Vierge den faire autant de son côté. Il prépara avec les hardes quils avaient une crèche qui se trouvait
65
dans la grotte pour servir aux animaux. Après avoir disposé ce lit à son épouse il se retira dans un coin de la grotte et il se mit en oraison. Il fut ravi en une extase très-sublime, dans laquelle il vit tout ce qui arriva dans cette nuit; il ne reprit lusage de ses sens que lorsque sa divine épouse lappela. En même temps la sainte Vierge fut élevée à une haute contemplation, où elle vit intuitivement la divinité dune manière si ineffable que la langue humaine ne pourrait lexprimer. Son ravissement en Dieu dura une heure entière et ce fut celle qui précéda lenfantement. Ayant repris ses sens, elle connut que le saint enfant commençait à se mouvoir dans son chaste sein, et ce mouvement ne lui causait point de douleur, mais au contraire une joie inexprimable, avec des effets surnaturels si sublimes que lentendement de lhomme ne saurait les comprendre. Son corps devint si beau et son visage si resplendissant quelle ne paraissait plus une créature terrestre. Elle était à genoux, les yeux élevés vers le ciel, les mains jointes sur la poitrine et dans cette position humble et pieuse, sortant de son divin ravissement, elle donna au monde le fils unique du père éternel, et le sien, Jésus-Christ notre sauveur, Dieu et homme, à minuit, un jour de dimanche, lan du monde trois-mille-neuf-cent-soixante, conformément à ce que tient la sainte Eglise romaine.
Le saint enfant vint au monde très-beau et tout resplendissant, sans blesser la sainte virginité, parce quil pénétra le sein virginal comme un rayon de soleil. Il navait point cette espèce de tunique quon appelle secondine, dans laquelle les autres enfants sont enveloppés. Il vint au monde glorieux et transfiguré, car la gloire de son âme sainte rejaillissait alors sur son corps. Aussitôt quil fut né, les saints archanges Michel et Gabriel, le prirent dans leurs mains et montrèrent
66
à la divine mère son fils tout resplendissant, comme le prêtre montre au peuple la sainte hostie. Pendant quils le tenaient ainsi, lenfant divin parla à sa mère et les premières paroles quil prononça furent celles-ci : « Mère, devenez semblable à moi qui pour lêtre humain que jai reçu de vous, veux vous donner un être de grâce plus élevé, et qui étant de pure créature, soit semblable au mien qui suis Dieu et homme. » Elle répondit humblement : « Trahe me post te, curremus in odorem unguentorum tuorum. Elle ouït aussi la voix du Père éternel qui disait Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me plais uniquement: Après ces entretiens si remplis de profonds mystères le divin enfant cessa dapparaître transfiguré, il suspendit les dons de gloire de son saint corps par un miracle non moins merveilleux, et se montra dans son être naturel passible. La sainte Vierge ladora de nouveau dans cet état avec une profonde humilité et une grande vénération. Elle le reçut à genoux de la main des saints anges, et se répandit en actes damour, elle loffrit au Père éternel comme son fils unique et aux hommes comme leur Sauveur. Tandis que la divine mère le tenait dans ses bras, les: dix-mille anges ladorèrent les premiers, ensuite tous les esprits célestes descendus dans la grotte entonnèrent à sa louange le nouveau cantique : Gloria in excelsis deo etc. II était déjà temps de rappeler saint Joseph de son extase, afin quil vît avec ses sens le grand mystère quil avait connu par révélation dans son ravissement divin. Etant revenu de son extase, le premier objet que vit le saint époux fut le divin enfant dans les bras de la très-sainte Vierge. Il ladora avec une profonde humilité, et lui baisa les petits pieds avec respect. Après cette adoration, Marie demanda à son divin fils la permission de sasseoir, saint Joseph lui donna les langes quelle avait apporté avec elle et elle len enve-
67
loppa avec une dévotion et un respect inconcevables. Ensuite elle le coucha dans la crèche, en y mettant un peu de paille et de foin pour servir au premier lit que voulut sur la terre le verbe incarné. Dès que lenfant fut placé dans la crèche, il vint aussitôt par lordre de Dieu des champs un boeuf qui entra dans la grotte et se joignit à lâne quils avaient amené de Nazareth. La divine mère leur commanda dadorer à leur manière leur créateur. Les animaux obéirent aussitôt et réchauffèrent le Saint enfant de leur haleine vérifiant ainsi la prophétie dIsaïe : Cognovit bos possessorem suum, et asinus proesepe domini sui.
Les saints anges ne restèrent pas seulement autour de la crèche et dans la grotte, mais ils allèrent en divers endroits annoncer la naissance du fils de Dieu. Saint Michel alla aux limbes, en donner la nouvelle aux saints pères. En lapprenant saint Joachim et sainte Anne puèrent larchange de re- commander à Marie leur fille dadorer et de vénérer en leur nom le Dieu enfant, ce quelle fit aussitôt. Un autre archange en prévint Elisabeth et saint Jean-Baptiste, dautres lannoncèrent à Siméon, à Zacharie et à Anne la prophétesse et dautres aux trois rois mages, en outre de létoile qui fut formée cette nuit et apparut à leurs yeux. Saint Lue rapporte en particulier lambassade faite aux bergers, qui vinrent adorer le divin enfant. Ils en furent éclairés dans leur coeur, et plusieurs méritèrent le bonheur que quelquun de leurs enfants fussent mis à mort par Hérode dans le massacre des innocents. Sainte Elisabeth ne vint pas à Bethléem, Dieu lordonna ainsi afin que ce mystère ne fut pas rendu plus public quil ne le voulait. Elle envoya un messager à la sainte Vierge pour la féliciter et pour lui apporter des présents. Elle en garda une partie et distribua le reste aux pauvres. Tous les justes ressentirent quelques effets divins au moment
68
où le rédempteur vint au inonde; ce qui étaient en grâce; éprouvèrent une nouvelle joie intérieure et surnaturelle dont ils ignoraient la cause, mais plusieurs eurent la pensée que cétait lheure où le messie était né. Il y eut encore plusieurs miracles dans cette sainte nuit dans les créatures; les influences des planètes furent renouvelées, et le soleil avança sa course; plusieurs arbres donnèrent des fleurs et dautres des fruits; quelques temples des idoles furent renversés et plusieurs même entièrement ruinés et les démons en furent chassés. Les hommes attribuèrent à diverses causes ces effets merveilleux. Tout cela fut caché aux démons, qui ne connurent ni ladoration des pasteurs, ni les ambassades des anges, ni la venue des mages, ni lapparition de létoile. Dieu leur cacha toutes ces choses afin quils ne connussent point la venue du messie, comme en effet ils ne la surent jamais dune manière certaine. En voyant cet enfant si pauvre et abandonné et ensuite se soumettant à la circoncision, Lucifer en conclut quil nétait pas le messie. Son esprit orgueilleux, altier et superbe ne pouvait comprendre cette sublime pauvreté et cette humilité. Les bergers restèrent dans la grotte depuis laurore jusquà midi, la sainte Vierge leur parla et les exhorta à la persévérance dans le service de Dieu, elle leur donna à manger et les congédia ensuite remplis de consolation. Ils revinrent plusieurs autres fois et apportèrent avec eux les présents que permettait leur pauvreté. Après que les saints hôtes furent partis de Bethléem, ces pieux bergers racontèrent aux autres tout ce quils avaient vu et entendu. Tous ne les crurent pas parce quon les regardait comme des personnes simples et crédules. Hérode fut du nombre de ceux qui crurent en eux, non par une foi sainte et par dévotion, mais dans la crainte de perdre son royaume. La Vierge mère ne cessait jamais de prier Dieu
69
pour tous ceux qui se rendaient indignes de connaître la véritable lumière du monde et elle employa n ces prières la plus grande partie du temps quelle demeura dans la grotte. Lorsquil fut temps de donner le sein virginal au saint enfant pour lallaiter, elle lui demanda avec humilité la permission de le faire. Sil fallait le confier à saint Joseph, le saint fléchissait trois fois le genou et baisait respectueusement la terre et la Vierge mère en faisait autant lorsquelle le recevait du saint époux. Elle le tenait toujours sur ses bras, excepté lorsquelle voulait prendre un peu de repos, et alors elle le confiait à saint Joseph. Elle le remettait aussi aux saints archanges Michel et Gabriel, parce quils lui avaient dit de le leur confier, lorsquelle voulait prendre sa nourriture ou son repos. Dans le temps de son repos Dieu lui accorda un sommeil miraculeux, car elle ne perdait jamais en dormant les forces pour tenir le saint enfant dans ses bras, et elle ne cessait de le contempler par son entendement intérieur, comme si elle leut vu de ses yeux et elle connaissait tous les actes quil faisait à lextérieur et dans son intérieur.
Haut du document
CHAPITRE XII
CIRCONCISION DE NOTRE-SEIGNEUR
Le temps dêtre circoncis, suivant là loi, étant arrivé, la divine mère demanda avec ferveur à Dieu de lui inspirer sa divine volonté, et le Seigneur lui révéla quil devait être circoncis. Elle en parla donc à saint Joseph et lui demanda
68
humblement son avis sans lui faire connaître la révélation du Seigneur. Saint Joseph fut davis quil fut circoncis puisquil était revêtu de lhumanité comme les autres hommes. On prépara donc le remède pour guérir la blessure et une fiole de cristal pour y mettre les saintes reliques avec des linges ou devaient tomber les gouttes de ce sang qui devait être le premier versé pour la rédemption des hommes. On parla ensuite du nom quil fallait donner au saint enfant et ils convinrent, suivant la révélation de lange, de lui donner le nom de Jésus. Marie et Joseph sentretenaient sur ce sujet, lorsquil descendit du ciel des légions danges chacun avec une devise où était gravé le nom de Jésus si resplendissant quil surpassait en éclat la lumière. Ils se rangèrent autour de la grotte et saint Miche! et saint Gabriel annoncèrent aux saints époux que cétait le nom quil fallait donner au divin enfant. Il y avait à Bethléem une synagogue où lon noffrait point de sacrifices car ils ne pouvaient soffrir quà Jérusalem. Un prêtre y lisait la sainte loi au peuple, et les mères lui apportaient leurs enfants, non que ce fut une obligation, mais parce quelles pensaient quils courraient moins de dangers sils étaient circoncis par un prêtre. Le sainte Vierge voulut quil fut le ministre de la circoncision de son fils, à cause de la dignité de lenfant. Saint Joseph appela donc le prêtre, et ayant jeté les yeux sur le divin enfant il se sentit embrasé dune sainte ardeur, sans en comprendre la cause. Il dit à la divine mère de se. retirer à lécart et de confier lenfant à son père où à un des ministres quil avait amené avec lui. Il agissait ainsi afin que la mère ne fut pas trop affligée à la vue de ce sacrifice. La Vierge mère voulait obéir au prêtre, mais elle avait aussi le désir de tenir dans ce temps en ses bras son divin fils. Elle prit donc le parti de prier le prêtre de lui permettre dêtre présente, et quil ne
71
craignit rien de son courage. Cette faveur lui fut accordée elle démaillota le saint enfant, et lenveloppa dun linge pour le préserver du froid et pour recueillir le sang divin. Le prêtre accomplit son ministère et circoncit lenfant qui pleura un peu non seulement à cause de la douleur de la blessure, mais surtout à cause de la dureté des coeurs des hommes. Sa tendre mère compatit vivement à sa douleur, elle recueillit les sacrées reliques et le sang précieux, et ayant remis tout cela aux mains de saint Joseph elle enveloppa lenfant dans ses langes et pansa la blessure avec le remède préparé à cet effet. En ce moment le divin enfant témoigna aussi sa mère son amour et sa compassion. Le prêtre demanda le nom quils voulaient lui donner, Marie gardait le silence par humilité et saint Joseph aussi, et tandis que le prêtre attendait tous les deux dirent en même temps Jésus est son nom. Le prêtre lécrivit dans le registre, et ressentit en le faisant une émotion intérieure qui lui fit verser des larmes. Il dit i ses, parents: Cet enfant sera un grand prophète du Seigneur ayez en soin; dites-moi si je puis vous secourir dans votre indigence, je le ferai volontiers, et il les quitta. Après le départ du prêtre, les saints époux sentretinrent de nouveau des mystères de la circoncision; ils composèrent des cantiques de louanges pour le saint nom de Jésus, et ils prièrent les anges de chanter à la gloire de leur Dieu humanisé, ce quils firent aussitôt.
72
Haut du document
CHAPITRE XIII
ARRIVÉE DES ROIS MAGES. ADORATION DE LENFANT.
La circoncision étant faite, saint Joseph exposa à la Vierge mère les incommodités de ce lieu. Elle avait une grande affection pour cette grotte humble et pauvre, comme miroir de toutes les saintes vertus et elle savait par la révélation de Dieu que les saints rois mages devaient y venir adorer son fils. Néanmoins elle ne découvrit pas son désir de rester en ce lieu, ni larrivée prochaine des trois mages, elle se montra docile à faire tout ce que commanderait son époux. Le saint eut voulu que sa très-pure épouse fit connaître plus clairement sa volonté, il se mit en prière et larchange saint Michel lui découvrit que cétait la volonté de Dieu quils attendissent en ce lieu larrivée des mages qui depuis dix jours sétaient mis en voyage et étaient déjà peu éloignés. A cet avis les saints époux résolurent dattendre en ce lieu. Ils le nettoyèrent de nouveau et le mirent le mieux quil était possible à labri des rigueurs de la saison. La sainte Vierge se servit souvent du suprême pouvoir quelle avait sur les créatures, et commanda aux vents, à la pluie et au froid de ne pas faire souffrir leur créateur et de tourner toutes leurs rigueurs contre elle seule. II arriva plusieurs fois que le divin enfant était réchauffé dans les bras de sa mère sans ressentir les incommodités du vent et du froid, tandis que sa mère en éprouvait toutes les rigueurs. Sa manière de le nourrir était de lallaiter trois fois le jour, et son lait ne se corrompit jamais, comme il arrive souvent pour les autres mères. Elle lallaitait toujours avec un grand respect et une grande vénération, elle lui demandait humblement la permis-.
73
sion de sasseoir lorsquelle y était obligée, et elle restait à genoux la plus grande partie du temps quelle tenait le sain enfant dans ses bras. Elle lui baisait respectueusement les pieds et pour le baiser au visage elle lui en demandait la permission, lenfant Jésus répondait aux affectueuses caresses de sa mère par un air agréable, tantôt il sinclinait sur son sein, tantôt il embrassait amoureusement son cou de ses tendres bras, à la manière des autres enfants à légard de leur mère.
Au milieu de ces douces occupations, arrivèrent les trois mages, qui avaient connu par les anges et par létoile la naissance du Sauveur. Ils gouvernaient trois états voisins lun d lautre, mais très peu étendus. Ils se connaissaient entre eux e ils sétaient entretenus plusieurs fois de tout ce qui regardai le gouvernement, la justice et les vertus morales. Ils partirent en même temps de leurs états, sans rien savoir les un des autres et chacuns prépara lor, lencens et la myrrhe con duit par lesprit de Dieu dans le choix de ces dons mystérieux. Lange qui avait annoncé le mystère aux mages, avait en même temps formé une étoile, et lavait placée à une telle distance et hauteur quelle put être aperçue de tous les trois, quoiquils fussent à des endroits différents. En suivant chacun ce guide, ils se trouvèrent ensemble et sétant communiqués leur révélation, ils poursuivirent le voyage avec leurs serviteurs et leurs chameaux. Létoile était dans la région de lair, et sa lumière était différente de celle du soleil et des autres étoiles. La nuit elle éclairait de ses rayons comme une torche ardente et le jour elle se distinguait de la clarté du soleil par une activité extraordinaire. Lorsque les rois furent réunis, elle se rapprocha deux et sabaissa, d plusieurs degrés, de sorte quelle leur donnait une plus grande consolation. Arrivés à Jérusalem, il arriva tout ce que
74
rapportent les évangélistes. Sortis de la ville ils se dirigèrent vers Bethléem, et arrivés en ce lieu, létoile diminua sa grandeur et entra dans la sainte grotte où elle se plaça sur la tête du saint enfant. Lorsque les saints rois entrèrent, la sainte Vierge tenait lenfant Jésus dans ses bras avec une modestie et une beauté incomparable. il y avait une certaine splendeur sur son visage, mais la lumière qui paraissait sur le divin visage de Jésus était beaucoup plus éclatante et ses rayons éclairaient cette humble grotte. Les saints rois saisis dadmiration se prosternèrent à terre et adorèrent avec une foi vive lenfant; dans cette adoration ils reçurent de grandes lumières sur la personne de Jésus-Christ, sur la divine mère et sur les saints anges qui les assistaient. Ils se relevèrent et félicitèrent la sainte mère de son bonheur, ils lui témoignèrent leur vénération en fléchissant le genou devant elle et ils lui demandèrent humblement la main à baiser selon la coutume de leur pays, mais la prudente reine retira modestement la sienne et leur donna à baiser celle du saint enfant. Ils félicitèrent à plusieurs reprises tantôt la sainte Vierge, tantôt saint .Joseph qui fut toujours présent, et qui eut leurs congratulations davoir été choisi pour époux de la Vierge mère de Dieu, enfin ils demandèrent la permission daller à Bethléem chercher un logement. Ils louèrent une maison et ils sentretinrent tous trois ensemble avec une abondance de larmes de tout ce quils avaient vu. ils envoyèrent ensuite leurs serviteurs à la sainte grotte pour apporter des présents afin de soulager la pauvreté des époux; cétaient des choses apportées de leurs pays jointes à dautres achetées à Bethléem. La sainte Vierge accepta de ces dons autant quil était nécessaire pour venir en aide à quelques pauvres, qui attirés par sa bonté et sa bienveillance, venaient souvent la visiter dans la grotte. Le jour suivant, les mages allèrent de nou-
75
veau à la grotte offrir les présents mystérieux quils avaient préparés par linspiration de Dieu et qui furent ceux dont parle lévangéliste, lor, lencens et la myrrhe. Ils se prosternèrent de nouveau à terre et adorèrent humblement lenfant. ils sentretinrent ensuite longtemps, avec la divine mère et la consultèrent sur plusieurs des mystères de la foi et la manière de gouverner leurs états. La sainte Vierge reçut les dons mystérieux offerts à Jésus qui témoigna par un air agréable quil les recevait avec complaisance; et il leur donna sa bénédiction. ils présentèrent ensuite à la, Vierge mère des pierres précieuses, à lusage de leurs pays, mais lamante de la pauvreté les refusa avec de douces manières; elle fut satisfaite de leur affection et de leur générosité, et leur donna à son. tour quelques linges dont le divin enfant avait été enveloppé. Avec ces linges qui exhalaient un doux parfum, les saints rois opérèrent plusieurs miracles dans leurs pays. Ils offrirent de faire construire une maison plus commode pour lhabiter et de la pourvoir de tout ce quelle désirerait et pour elle-même et pour son fils, mais lhumble Vierge ne voulut rien accepter. Les bons rois jouissaient dun si doux et si agréable plaisir en entendant les discours de la sainte Vierge et les sages réponses quelle faisait à leurs demandes, quils, ne pouvaient se résoudre à partir, il fut nécessaire quun ange du Seigneur les prévint de se retirer dans leur pays. Ils sortirent enfin de la sainte grotte, après avoir reçu la bénédiction de Jésus, de Marie et de saint Joseph. Dans la nuit, un ange les avertit de prendre un autre chemin pour, retourner dans leur patrie, et létoile les guida dans leur voyage. Ces rois étaient de la Perse, de lArabie et de. Saba, pays de lorient de la Palestine. Après le départ des saints rois il séleva un doute entre la saint Vierge et saint Joseph pour la distribution des présents reçus
76
des mages, la sainte Vierge désirait que saint Joseph les distribuât à son gré et saint Joseph voulait quelle en disposât. Enfin ils convinrent ensemble den offrir au temple une partie qui fut la myrrhe et lencens avec une partie de lor, de donner lautre partie au prêtre qui avait circoncis lenfant afin quil servît pour lui et pour la synagogue; de distribuer la troisième au pauvres, ce qui fut ainsi fait. il y avait à une petite distance de la grotte une pauvre maison quhabitait une femme pauvre aussi, mais pleine de piété; ayant vu les incommodités que souffraient les saints hôtes dans la grotte, elle alla les trouver et leur offrit sa petite maison, misérable sans doute, mais au moins préférable à la grotte. Elle parla avec tant de bonté et de charité que la sainte Vierge après en avoir conféré avec saint Joseph se détermina à accepter cette aimable invitation.
Ils quittèrent donc la sainte grotte et allèrent à la pauvre maison qui était située auprès des murs de Bethléem. Tous les anges les accompagnèrent sous la forme humaine et merveilleusement resplendissants, ce quils firent toutes les fois que les saints époux allèrent de leur habitation visiter la sainte grotte. Dieu y mit un ange avec une épée à la main pour la garder, afin quaucun animal ny entrât et cet ange continue encore aujourdhui à protéger ce saint lieu.
Haut du document
CHAPITRE XIV
PRÉSENTATION AU TEMPLE.
La très-sainte Vierge et saint Joseph restèrent avec le divin enfant dans la pauvre maison de Bethléem, jusquau
77
temps prescrit par la loi de le présenter au temple, qui étaIt de quarante jours. Le temps étant accompli, ils résolurent daller à Jérusalem, et doffrir suivant la loi le fils unique du père éternel, connaissant le désir quil avait dêtre soumis à la loi et dêtre offert à son divin Père. Ayant fixé le jour du départ, il prirent congé de la pieuse femme quils laissèrent comblée de célestes bénédictions. Ils allèrent dabord visiter la sainte grotte, et prosternés à terre, ils vénérèrent ce lieu sacré avec de tendres émotions. Après avoir accompli cette dévotion, la sainte Vierge demanda pour satisfaire sa profonde humilité la permission à son époux de faire le voyage à pied nu, et de porter dans ses bras le saint enfant. Saint Joseph lui accorda sa dernière demande, mais non la première dans la crainte quelle éprouvât une trop grande souffrance. Lhumble Vierge ne répliqua rien, elle demanda avec saint Joseph la bénédiction à son fils, qui la leur donna dune manière visible et ils se mirent en voyage; elle fut accompagnée non-seulement des dix mille anges qui lassistaient depuis lincarnation mais de plusieurs autres légions. Il faisait un froid très-vif qui népargnait pas son créateur ,et plusieurs fois le saint enfant en pleura dans les bras de sa mère, comme homme véritable. Touchée de ces souffrances elle se servit de son autorité sur les créatures, et changea ces rigueurs à un temps très-doux pour son fils, mais elle nusa jamais pour elle de ce pouvoir.
Les trois saintes personnes sapprochaient déjà de Jérusalem, lorsque Dieu par des lumières intérieures prévint saint Siméon et Amie la prophétesse que le Messie venait pour être présenté au temple, mais dans un état pauvre et humble Siméon et Anne sétant communiqués leurs saintes inspirations résolurent denvoyer un des serviteurs à la rencontre sur le chemin de Bethléem pour les conduire dans sa maison, sans
78
lui découvrir la qualité des personnes au-devant des quelles il allait. Le serviteur exécuta avec soin ce quon lui avait ordonné, il rencontra les trois pauvres pèlerins, les conduisit dans sa maison et vint en donner avis au saint prêtre. Pendant ce temps la sainte Vierge et saint Joseph recherchèrent ce quils devaient faire, ils arrêtèrent que le soir même Joseph irait offrir au temple les présents des rois mages, afin que loffrande restât plus secrète, et au retour il achèterait les tourterelles quil fallait offrir le jour suivant en public. Il exécuta ponctuellement tout cela, et le matin la Vierge mère ayant enveloppé lenfant divin dans ses langes et préparé toutes choses, se dirigea vers le temple accompagnée de saint Joseph et de milliers danges en forme humaine, visibles à ses yeux. Étant arrivée, elle se prosterna à terre, et adora le Très-Haut, en ce moment la très-sainte Trinité se manifesta à elle par une vision intellectuelle et elle entendit une voix qui dit : Hic est filius meus dilectus, in quo mihi benè complacui. En même temps Siméon conduit par lesprit de Dieu vint au temple, et sapprochant du lieu où était Marie avec Jésus, il les vit tous rayonnants dune vive lumière. Anne vint aussi au temple conduite par lesprit de Dieu et vit la même chose. Siméon prit lenfant dans ses bras, loffrit au père éternel et entonna le célèbre cantique : Nunc dimittis servum tuum, domine, secundum verbum tuum in pace. Il annonça ensuite la passion cruelle quelle devait souffrir dans son coeur à la vue des souffrances de Jésus. Lorsque le saint prêtre prophétisa la passion, lenfant inclina humblement la tête pour témoigner quil acceptait la prophétie et voulait laccomplir. Après cela la sainte Vierge prit congé du prêtre à qui elle demanda la bénédiction et baisa la main, elle se tourna ensuite vers sainte Anne sa maîtresse et la pria de la bénir. Étant sortis du temple,
79
ils retournèrent à la maison que leur avait fait préparer Siméon où ils restèrent encore plusieurs jours. Ils allaient chaque jour au temple renouveler leur offrande, et ils restaient en prières, depuis lheure de tierce jusquau soir, dans le lieu le plus humble et le plus retiré du temple.
Haut du document
CHAPITRE XV
FUITE EN EGYPTE.
Le cinquième jour après la présentation, la très-sainte Vierge eut une vision abstractive de la divinité dans Laquelle elle fut avertie de senfuir en Egypte, parce quHérode cherchait à faire périr le messie qui venait de naître , et de ne point craindre les incommodités et les fatigues du voyage parce que Dieu lassisterait en toutes choses. Elle répondit avec humilité : Ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum. Ensuite elle pria le Très-Haut de faire supporter à elle seule toutes les souffrances. Néanmoins en considérant les peines que souffrirait un enfant si jeune dans lexécution de cet ordre, elle fut touchée de compassion et ne put retenir ses larmes. A la vue de cette tristesse, saint Joseph qui ne savait rien se troubla un peu, mais il nosa point linterroger. Son trouble ne fut de longue durée, car dans la même nuit, lange du Seigneur lui apparut et lui dit de fuir en Egypte, comme le rapporte saint Mathieu. Le saint se leva aussitôt, il appela la sainte Vierge et lui annonça lordre quil avait reçu. Elle se montra prompte à
80
partir avec son époux affligé, sans manifester quelle eut aussi reçu cet ordre. Elle sapprocha du berceau où dormait le saint enfant, et layant découvert elle le trouva endormi, elle se mit à genoux et le prit doucement dans ses bras, mais il séveilla et se mit à verser beaucoup de larmes, ensuite il donna la bénédiction à la sainte Vierge et à saint Joseph qui la lui avaient demandée. Elle lenveloppa de ses langes et ils partirent sans retard, peu après minuit, avec la monture quils avaient amenée de Nazareth.
La sainte Vierge désirait aller visiter dans ce voyage la sainte grotte de Bethléem, mais les dix mille anges qui laccompagnaient lui représentèrent le danger quil y avait de la part dHérode. Sans rien répliquer, elle se soumit à la volonté du Seigneur, et se contenta de saluer de loin ce lieu sacré et de le vénérer. Elle se consola avec lange à qui Dieu avait confié la garde de la sainte grotte et qui vint de Bethléem pour adorer son Dieu humanisé dans les bras de sa sainte mère. Elle désirait aussi passer par Hébron où se trouvait en ce moment sainte Elisabeth et qui était peu éloigné de son chemin, mais saint Joseph par crainte dHérode napprouva pas cette résolution. Lhumble Vierge sans dire un mot, demanda la permission denvoyer au moins un de ses anges à Elisabeth non seulement pour la saluer, mais aussi, pour la prévenir de mettre en sûreté son fils Jean-Baptiste. Lange accomplit son ambassade et Elisabeth lui ayant demandé de venir adorer le saint enfant, il le lui défendit pour ne pas retarder le voyage. Elle envoya un de ses serviteurs qui apporta des vivres pour les saintes personnes, des langes pour le divin enfant et un peu dargent avec lequel la sainte Vierge dans sa pauvreté pourvut aux plus pressants besoins de son jeune enfant et de son saint époux, et elle distribua le reste aux pauvres.
81
Ils sarrêtèrent deux jours à la ville de Gaza éloignée de vingt lieues de Jérusalem, dans un logement que leur avait procuré le serviteur dElisabeth. Ensuite laissant les lieux habités de la Judée, ils savancèrent vers lEgypte par la route du désert appelé Bersabée. Ils voyagèrent au milieu de lhiver dans ce désert, qui a cent soixante mille environ jusquà Héliopolis aujourdhui le Caire dEgypte, obligés de dormir toujours à découvert, sans aucun abri. Ils passèrent la première nuit au bas dune colline, la reine de lunivers sassit à terre avec son enfant dans les bras. Elle prit un peu de nourriture quils avaient apportée de Gaza, et saint Joseph fit avec son manteau une petite tente sous laquelle se mirent a labri la sainte Vierge et le divin enfant. Le second jour ils continuèrent leur voyage, mais les vivres leur manquèrent; cest pourquoi ils souffrirent beaucoup en ce jour et des fatigues de la route et parce quils navaient rien pour manger, ce qui leur arriva encore un autre jour. La sainte Vierge demandait souvent à son fils si les rigueurs du froid et de la mauvaise saison lincommodaient, le saint enfant répondait: ma mère, il mest doux et agréable de souffrir pour lamour de mon père éternel et des hommes à qui je suis venu donner lexemple, dautant plus que je suis en votre compagnie. Le saint enfant versait quelquefois des larmes, mais cétait des larmes damour et de compassion pour les hommes, sa miséricordieuse mère imitait son exemple. Pour se soulager dans ce pénible voyage la sainte Vierge le remettait souvent à saint Joseph qui tantôt le pressait sur son sein, tantôt lui baisait les petits pieds, ou lui demandait avec humilité la bénédiction. Lune des plus cruelles souffrances quils éprouvèrent dans ce pénible voyage fut un vent impétueux qui séleva, accompagné de pluie et dun grand froid, de sorte que malgré tous les efforts de la Vierge mère pour
82
protéger son enfant bien aimé alors âgé de cinquante jours, il était si transi de froid quil en versait souvent des larmes. Il devint donc nécessaire duser du pouvoir que la sainte Vierge avait sur les créatures, elle commanda, et le vent et la plaie cessèrent aussitôt. Pour récompenser ce soin amoureux de sa chère mère, le saint enfant ordonna aux saints anges dassister leur reine et de la préserver des rigueurs du temps. Les anges exécutèrent les ordres, ils formèrent un globe lumineux dont ils enveloppèrent non seulement la divine mère et leur créateur mais aussi saint Joseph. Ce ne fut pas le seul bienfait que le Dieu enfant opéra en leur faveur, il les protégea contre la faim dans ce désert où ils navaient rien, ordonnant aux anges de les pourvoir des vivres nécessaires, et ils apportèrent aussitôt un pain blanc, des fruits exquis et une liqueur très agréable. Le Seigneur prit encore soin de les recréer dune manière agréable, cest pourquoi lorsquils sarrêtaient pour respirer un peu, il venait des montagnes voisines un grand nombre doiseaux les réjouir, tantôt par leurs doux chants, tantôt en se mettant sur leurs épaules et sur les mains et louant à leur manière leur créateur et la divine mère. Les anges accompagnaient ces chants de leur douce harmonie, pour ranimer le coeur des pèlerins accablés de fatigue.
Le désert de Bersabée est celui du pain mystérieux cuit sous la cendre, lorsque le prophète fuyait la persécution de Jésabel. Après un long circuit de soixante mille environ fait par lordre de Dieu avec dindicibles souffrances, ils arrivèrent enfin en Egypte. En arrivant le saint enfant leva les yeux au ciel et pria le père éternel pour ces misérables peuples tourmentés des démons, dans le nombre infini didoles quils adoraient. Usant de son suprême pouvoir sur lenfer, à sa première entrée dans ce vaste royaume, il précipita tous les démons dans les abîmes, renversa à terre toutes les idoles
83
et détruisit les temples de lidolâtrie. La miséricordieuse mère coopérait à tout par ses ferventes prières. Cet évènement imprévu apporta un grand trouble parmi les Egyptiens qui en ignoraient la cause; néanmoins quelques uns des plus sages savaient par la tradition de leurs anciens quun roi des juifs devait venir dans leur pays, et quà son arrivée les idoles seraient brisées et les temples renversés. Dans ce trouble plusieurs allèrent trouver la sainte Vierge et saint Joseph, pour leur demander comme étrangers sils connaissaient la cause de cet étrange évènement. La mère de la divine sagesse profitait habilement de cette occasion pour les instruire, leur ouvrir les yeux sur leurs fausses divinités et leur enseigner les dogmes de la vraie foi. Ils poursuivirent leur voyage au milieu de ces prodiges, chassant les démons des corps des possédés, et ils arrivèrent à Heliopolis près de la Thébaïde. En entrant dans la ville un arbre qui était près de la porte se courba jusquà terre pour rendre hommage à son créateur et le remercier de la manière quil pouvait de lavoir délivré dun démon, qui depuis longtemps y était vénéré des Egyptiens. Un grand nombre de personnes connurent ce fait et plusieurs auteurs en ont conservé le souvenir qui sest perpétué à travers les siècles (voir Nic. Sozomène, Broch.); comme aussi celui de la fontaine miraculeuse où burent la sainte Vierge et saint Joseph, dont le souvenir sest conservé jusquà présent parmi ces peuples et dont leau opère encore des miracles.
Lucifer fut confondu de ces évènements, et voyant tous ses compagnons précipités dans lenfer, enflammé de fureur il sortit de labîme pour en chercher la cause. Il parcourut lEgypte et ne découvrant rien, il jugea que la sainte Vierge était la cause de tout Je mal, car il navait aucun soupçon du fils, le croyant né à la manière des autres enfants. Revenu
84
dans lenfer il fit part à ses compagnons de ses soupçons, et il les ramena au-dehors pour faire de nouveau la guerre à cette femme si terrible pour eux. Mais le Très-Haut ne le permit pas, et ils ne purent pas lapprocher pour la tenter, il les retint toujours éloignés de deux milles sans quils pussent venir plus près. Lucifer faisant tous ses efforts pour sapprocher le pouvoir de Dieu le précipita de nouveau avec tous ses compagnons au fond des abîmes, et il ne leur permit point den sortir pendant un temps assez long.
Les saints époux sarrêtèrent à Heliopolis pour y faire leur séjour. Ils trouvèrent une maison, qui était selon le désir de la sainte Vierge pauvre et un peu éloignée de la ville. En y entrant la sainte Vierge, se mit à genoux et en baisa le pavé; elle offrit au Seigneur toutes les peines quelle souffrirait en ce lieu jusquà son départ. Ensuite amie de la propreté, elle se mit à la nettoyer et à la mettre en ordre. Mais sils avaient dans cette pauvre maison ce qui était suffisant pour se loger, ils manquaient néanmoins du nécessaire pour vivre, car Dieu avait cessé alors de les secourir miraculeusement comme il lavait fait dans le désert. Ils étaient en ce moment dans un lieu habité, cest pourquoi ils pouvaient vivre comme font les pauvres par laumône. Saint Joseph se mit donc à aller de porte en porte demander la charité, par amour de Dieu. Dans les trois premiers jours, ils neurent pas dautre nourriture que les morceaux de pain que saint Joseph avait reçus de la charité des habitants. La sainte Vierge restait avec le saint enfant dans la pauvre maison sans aucune commodité, sans une seule planche pour lit, dans la plus extrême misère. Le saint commença à gagner quelque chose par son travail et ils achetèrent un lit pour la sainte Vierge, et un berceau pour lenfant, le saint patriarche ne voulut point dautre lit que la terre nue. La maison fut pri-
85
vée dustensiles, jusquà ce quil put pourvoir par son travail à ce qui était le plus nécessaire pour vivre lui même et sa petite famille. Cette pauvre maison était divisée en trois chambres, lune servait doratoire à la sainte Vierge qui sy retirait pour prier , elle y gardait aussi le berceau du saint enfant. Lautre servait à saint Joseph pour prier et se reposer, la troisième servait de boutique pour y travailler du métier de charpentier. La sainte Vierge voyant quil fallait que le saint époux redoublât son travail pour fournir à lentretien de la famille, lui vint en aide avec le travail de ses saintes mains, elle demanda de louvrage à quelques femmes qui lui étaient affectionnées, et comme tout ce quelle faisait était parfait, le bruit sen répandit bientôt et elle nen manqua jamais dans la suite. Elle partagea son temps, le jour fut pour le travail, elle consacra la nuit aux exercices de piété, car elle ne voulait pas que Dieu les secourût par des miracles, lorsquils pouvaient vivre par leur industrie. Mais dans son travail la grande reine ne perdait jamais de vue ni son fils ni son Dieu, et ne cessait jamais ses divines contemplations. Elle ne fit que transporter à la nuit les exercices purement spirituels quelle faisait auparavant dans le jour. Le saint enfant se réjouit beaucoup de la prudence de sa mère, cest pourquoi il lui donna une exacte distribution des heures de sa journée, lui indiquant en particulier à quoi elle devait les employer suivant son bon plaisir. Elle se dirigea daprès ce règlement quelle avait reçu de Jésus, pendant tout le temps que la sainte, famille resta en Egypte. Voici la manière de se conduire pendant son travail, elle était toujours auprès de son enfant et à genoux devant le berceau où il reposait, elle avait avec lui de saints colloques, et elle chantait à sa louange des hymnes et des cantiques qui seraient sils avaient été écrits plus nombreux que les psaumes
86
et les cantiques qui se chantent dans la sainte Église. La sainteté avec laquelle vivait cette sain te famille se répandit dans la ville, cest pourquoi il accourait des gens de toute condition. Ils en rapportaient de grâces nombreuses, et Je concours saccrut à un point que la sainte Vierge demanda à Dieu, comment elle dev,ait se conduire dans ce cas. Le Seigneur lui répondit, quelle devait les instruire tous des vérités de la foi et de la connaissance de Dieu. Lobéissante reine exécuta les ordres, et le fruit quelle produisit dans les âmes fut Si grand quil serait trop long de raconter les prodiges et les conversions admirables quelle opéra. Elle sappliquait surtout au soin des pauvres infirmes, et elle usait en leur faveur de sa sagesse, de son pouvoir et particulièrement de sa grande charité. A cause des grandes et excessives chaleurs de lEgypte il y eut la peste à Héliopolis, et dans tout ce temps son zèle et ses fatigues pour les malades furent incroyables. Le nombre des personnes qui accouraient fut si grand quelle obtint du Seigneur que saint Joseph put lui venir en aide dans ses oeuvres merveilleuses. Le plus souvent donc il guérissait et instruisait les hommes, et elle les femmes; cest pourquoi laffection des habitants du pays saccrut pour eux. Le profit spirituel que ces peuples en retirèrent est incroyable, par reconnaissance ils leur apportaient des dons et des présents, mais la grande reine nacceptait rien pour elle-même, et elle distribuait aux pauvres ce quil nétait pas quelquefois possible de refuser.
87
Haut du document
CHAPITRE XVI
MASSACRE DES INNOCENTS.
Il y avait six mois quils étaient en Egypte, lorsque Hérode, devenu furieux à la nouvelle des diverses choses quil apprit être arrivées aux rois Mages à Bethléem, et au saint enfant à Jérusalem, ordonna le cruel massacre .des innocents. Aussitôt que lordre barbare du roi commença à sexécuter, notre grande reine vit que son fils priait le père éternel pour les parents de ces enfants et quil offrait ces jeunes victimes qui mouraient, comme les prémices de sa rédemption. Elle vit quafin que ces innocents fussent sacrifiés au nom de leur rédempteur, il demanda pour eux lusage de la raison et quil récompensât leur mort par la gloire et la couronne des martyrs. La sainte Vierge connut que le père éternel avait accordé au verbe incarné toutes ces demandes. Elle désirait connaître ce qui était arrivé à Elisabeth et à Jean-Baptiste dans cette cruelle persécution, mais elle nosait point à cause du respect quelle lui portait et de la prudence avec laquelle elle agissait en matière de révélations, néanmoins elle en fit lhumble demande à son très-saint fils. Le Seigneur contenta son pieux désir et lui fit savoir, que Zacharie était mort quatre mois après son enfantement virginal, et quElisabeth alors veuve sétait retirée sans autre compagnie que son fils Jean, dans le désert, pour éviter la persécution dHérode, et quelle était cachée dans une grotte où elle passait sa vie dans de grandes mortifications. Elle apprit aussi du Seigneur que sainte Elisabeth mourrait dans trois ans, et que Jean-Baptiste continuerait de vivre dans le désert. La sainte Vierge daprès ces nouvelles envoya visiter souvent sa sainte cousine par ses anges et lui fit apporter plusieurs fois de la nourriture, qui fut le meilleur
88
mets quelle eût au désert. Lorsque Elisabeth fut sur le point de mourir, elle lui envoya plusieurs de ses anges pour lassister et ensuite pour lensevelir dans cette solitude. Après sa mort, elle envoya jusquà sept ans au jeune Jean-Baptiste la nourriture nécessaire, qui était du pain et quelque autre mets. Après sept ans elle ne lui envoya plus rien, parce qualors il put déjà se procurer par son industrie sa nourriture, qui consista en herbes, en miel sauvage et en sauterelles.
Elle vit comme si elle eût été présente le cruel massacre des innocents qui furent égorgés par la jalousie insensée dHérode, elle en connut le nombre et elle vit quil était accordé à tous, (et les uns avaient 8 jours, les autres deux mois, les autres six, mais aucun plus de deux ans), lusage de la raison, afin quils offrissent volontairement à Dieu leurs vies. Ils reçurent une profonde connaissance de lessence divine; et les vertus infuses de charité parfaite, despérance, de foi et de vertus de religion avec lesquelles ils exercèrent des actes héroïques de foi, despérance, damour de Dieu et de vénération. Elle vit une multitude danges qui assistaient à leur martyre et qui les accompagnaient aux limbes, afin de les amener plus tard dans le paradis. A cette vue enflammée du saint amour, la grande reine entonna, remplie de joie, le cantique; Laudate pueri dominum, et les anges laccompagnèrent.
Un jour tandis que la sainte Vierge sentretenait avec saint Joseph son chaste époux de lincarnation du verbe, le saint enfant voulut donner une consolation à son saint tuteur en lui parlant de vive voix, ce quil navait encore jamais fait. La première parole quil lui dit fut de lappeler père. Cette parole pénétra tellement le cur de saint Joseph, que ce fut un miracle quil ne se liquéfiât point damour. Cela arriva un an après larrivée en Egypte. La sainte, Vierge avait tou-
89
jours tenu emmailloté le saint enfant pendant cette première année, mais jugeant avec raison quelle pouvait enfin cesser, elle lui en demanda la permission. II lui fit alors cette réponse: « Ma mère, les liens de mon enfance mont paru doux à cause de lamour que je porte aux âmes que jai créées, et que je suis venu racheter; à mon âge parfait je dois être arrêté, lié, conduit à mes ennemis et par eux à la mort, et si ce souvenir mest agréable dans la vue de plaire à mon père éternel, tout le reste me sera facile. Je ne veux avoir quun habit dans ce inonde, car je désire seulement ce qui mest nécessaire pour me couvrir. Quoique tout ce qui est créé soit à moi, je veux enseigner aux hommes par mon exemple à rejeter tout ce qui est superflu. Vous me revêtirez donc, ma chère mère, dune longue tunique de couleur sombre qui me servira toujours, elle croîtra aussi avec moi, et ce sera sur elle quon jettera le sort à ma mort, car elle ne doit pas même être laissée à ma libre disposition, afin que tous les hommes sachent que je suis né, que jai vécu et suis mort pauvre. » La Vierge lui dit alors : je vous demande la permission de vous mettre aux pieds une chaussure, afin que dans un âge si tendre, vos pieds ne soient pas blessés, je désire aussi que vous mettiez cette espèce de toile sous votre tunique pour protéger vos membres contre le rude vêtement de laine. Le Seigneur répondit: Ma mère, je consens à ce quà cet âge vous me mettiez quelque pauvre chaussure, jusquau temps de ma prédication où je marcherai pieds nu, mais je ne veux pas me servir de linge, pour enseigner au monde et à ceux qui mimiteront dans la suite, en grand nombre la pauvreté dans les habits. La Vierge mère ayant connu la volonté de son cher fils lui prépara. les sandales de ses propres mains, ainsi que la tunique sans couture quelle tissa avec de la laine, tout dune pièce, et cette tunique saccrut
90
ensuite toujours à proportion que Jésus grandissait. Elle ne vieillit jamais et ne se salit point pendant trente-deux ans quil la porta, et jamais elle ne perdit ni la couleur ni le lustre quelle avait la première fois quil la revêtit.
La consolation de la sainte Vierge et de saint Joseph fut incroyable, lorsquils virent marcher le saint enfant. Il marchait en leur présence sans être soutenu, mais il dissimulait cette merveille pour les étrangers. La sainte Vierge continua néanmoins à lallaiter trois fois le jour encore pendant six mois. Dans la suite aussi elle lui donnait trois fois une légère nourriture, le matin, à midi et le soir, mais jamais il nen demandait. Lorsquil fut devenu grand il mangea à la même heure que les saints époux, cétait lui qui donnait la bénédiction au commencement du repas et qui disait laction de grâces à la fin. Aussitôt que Jésus commença de marcher, il allait souvent pour prier dans le petit oratoire de sa mère, Elle ne savait pas si elle devait le laisser seul ou le suivre pour limiter en tout et copier ses divines actions, mais il lengagea lui même à entrer et à rester avec lui. Par cet ordre du Seigneur, elle devint de nouveau le disciple de son divin fils, et dès ce moment il se passa entre eux des. mystères si cachés et si grands, quil nest pas possible à la langue humaine de les raconter. Nous ne devons pas omettre, que dans les saints exercices spirituels que faisaient Jésus et Marie, plusieurs fois dans ces prières, le Sauveur pleura et eut des sueurs de sang. Sa chère mère essuyait ce sang précieux et ces saintes larmes occasionnées, comme elle le découvrait dans lintérieur de son fils, par la perte des réprouvés et des hommes ingrats envers leur rédempteur. Après avoir atteint lâge de six ans, il commença à sortir quelquefois de la maison pour visiter les infirmes, les consoler et les fortifier dans leurs afflictions. Un grand nombre denfants ac-
91
couraient vers lui, et il leur enseignait k tous la pratique des saintes vertus et la voie du salut éternel. Dans la maison il commença à prendre dans la conversation un air plus sérieux que lorsquil était plus petit. Il cessa les caresses dont il usait à légard de sa mère et de saint Joseph, et il apparut sur son visage une si grande majesté, que sil ne lavait tempérée par une incomparable douceur, personne neût osé lui parler par la crainte respectueuse quil imprimait.
Haut du document
CHAPITRE XVII
RETOUR DEGYPTE A NAZARETH.
Après six ans dexil en Egypte, le Père éternel ordonna expressément au Verbe incarné de retourner h Nazareth. Sa mère qui priait à côté de son fils, le vit dans son coeur se conformer à la divine volonté; lange dans le même temps avertit saint Joseph du départ, comme le rapporte lévangéliste. Après avoir tout réglé entre eux, ils distribuèrent aux pauvres les ustensiles de leur maison qui étaient peu nombreux, et cette aumône se fit par lentremise du divin enfant, qui avait coutume de faire aussi les autres petites aumônes. Ils partirent dHéliopolis, accompagnés encore des saints anges, à travers ces mêmes déserts où ils étaient passés sept ans. auparavant. La sainte Vierge était sur la pauvre monture avec lenfant sur les bras, saint Joseph marchait devant sa sainte épouse, il se soulageait dans ses peines, tantôt en priant, tantôt par des saints entretiens avec la divine mère,
92
ou bien en contemplant le divin enfant et en lui chantant quelques saints cantiques. Ils épuisèrent en quelques jours la petite provision quils avaient prise, mais le fils multipliait le pain et ordonnait aux anges de les secourir dans cette nécessité. Après les souffrances de ce long et pénible voyage ils arrivèrent aux confins de la Palestine ou le saint époux apprit que le cruel Hérode était déjà mort et quArchélaüs son fils régnait en Judée. Il jugea bon de faire un détour et de traverser le pays de la tribu de Dan et dIssachar dans la partie inférieure de la Galilée, ils suivirent la côte de la Méditerranée laissant à main droite Jérusalem et arrivèrent enfin à Nazareth. Ils rendirent des actions de grâces à Dieu, et saint Joseph chercha aussitôt la sainte femme leur ancienne voisine, à qui ils avaient confié leur maison de Nazareth. En entrant dans la maison, la sainte Vierge se prosterna à terre et remercia de nouveau le Très-Haut de les avoir délivrés des mains dHérode. Elle mit en. ordre les choses de la maison et se livra à ses occupations ordinaires, suivant son règlement de vie.
Le Seigneur voulant que sa sainte mère fut un exemplaire de toutes les vertus, quoique pure créature, sappliqua avec un soin tout spécial à la perfectionner, pendant les vingt-trois années quil passa avec elle dans cette sainte maison. Pour léprouver dans la grandeur du saint amour et dans lexercice de toutes les plus héroïques vertus, il la priva de la vue intérieure de son intérieur qui lui donnait une consolation inexprimable. Il commença à agir envers elle avec une plus grande gravité, il lui parlait rarement et se retirait souvent à lécart. La tendre Vierge mère, ne connaissant pas le motif de cette manière dagir, avait recours à sa profonde humilité, elle sestimait indigne de cette faveur, et elle saffligeait moins davoir perdu la vue de son
93
Seigneur, quelle néprouvait de peine dans la crainte de lavoir dégoûté par son ingratitude. Jésus ressentait vivement les afflictions de sa chère mère, mais il ne voulut jamais lui en témoigner extérieurement quelque compassion. Quelquefois lorsque sa mère lappelait pour prendre la nourriture nécessaire à lentretien de sa vie, il naccourait pas aussitôt comme auparavant, ensuite il arrivait et ne la regardait point. Il ne disait pas un seul mot, mais dans cette manière dagir extérieurement si sévère, il éprouvait une joie intérieure inexprimable, en voyant une si inébranlable et si grande vertu dans une pure créature. Il montrait encore un plus grand sérieux lorsquelle le conduisait pour dormir, car tandis quelle lui demandait pardon à genoux de son peu de zèle et de soin envers lui dans ce jour, il ne répondait rien à ces humble paroles, quoiquil la vit toute baignée de larmes, mais il lui commandait de se retirer. Cette dure et cruelle épreuve qui faisait éprouver à sa tendre et bonne mère une souveraine douleur et à Jésus une grande complaisance à la vue de la grandeur de lamour divin de sa mère, dura plusieurs jours. Enfin après trente jours de ce douloureux martyre, elle vint se prosterner à ses pieds et le supplia instamment avec larmes de lui découvrir, si elle avait bus quelque négligence à le servir, mais de ne pas continuer plus longtemps de la priver de la douce correspondance de son amour. Le Seigneur alors lui dit : Levez-vous, ma mère. A ces amoureuses paroles, la tendre mère accablée de douleur se sentit renaître, elle fut aussitôt transformée et élevée à une extase très-sublime, où toute sa tristesse se changea en un doux contentement intérieur de lâme. Mais à cette affliction il en succéda bientôt une autre.
La loi de Moyse ordonnait que trois fois dans lannée les Israélites iraient à Jérusalem adorer Dieu dans son temple.
94
Cette loi à la vérité nobligeait pas les femmes, néanmoins on avait résolu que saint Joseph irait seul pendant deux fois, mais quà la troisième la sainte Vierge y viendrait avec son Fils. Ce voyage était de plusieurs milles, Jésus malgré cela voulut toujours le faire à pied, quoiquil souffrit beaucoup dans cet âge si tendre. La première fois seulement il permit quon le prît quelque fois sur le bras, tantôt sa mère et tantôt saint .Joseph, et quon lui fit faire ainsi un péu de chemin. Le soir dans les hôtelleries et dans le chemin il ne quittait jamais les côtés de sa mère, enfin quelle pût toujours le considérer et limiter exactement dans ses actions. Ils firent un de ces voyages lorsque Jésus avait déjà douze ans, et ce fut pour la grande fête des Azymes, qui durait sept jours entiers. Le dernier jour de cette solennité, ils se mirent en marche pour retourner à Nazareth et le Seigneur mit à profit cette, occasion pour se séparer de ses parents. Pour exécuter son dessein, il se prévalut de lusage et de la coutume des juifs qui, étant en très grand nombre, se divisaient en divers groupes, les femmes marchant séparées des hommes pour la plus grande décence. Les enfants qui étaient venus à la fête pouvaient se trouver dans la compagnie ou du père ou de la mère, cest pourquoi saint Joseph put penser que Jésus était avec sa mère, et la sainte vierge quil était avec saint Joseph. Cependant la pensée de la sainte vierge fut détournée du Seigneur par une très-haute contemplation, revenue ensuite à elle-même et ne voyant pas Jésus auprès delle, elle pensa quil était avec saint Joseph. Le divin enfant se sépara deux en sortant de la porte de la ville ou la foule était très grande. Ils marchèrent un jour entier, mais toujours dans ce même ordre, les femmes avec les femmes et les hommes ensemble. Enfin lorsque la foule se divisait par divers chemins et que chacun se réunissait avec ceux de sa
95
famille aux endroits désignés, la sainte vierge et saint Joseph se retrouvèrent et en ne voyant. pas le saint enfant, ils restèrent muets et confondus de douleur sans pouvoir se parler; enfin ayant repris un peu de force, ils résolurent de revenir sur le chemin quils. avaient fait dans ce jour afin de le chercher, en proie tous les deux à une douleur inexprimable, et saccusant chacun. de sa propre négligence. La sainte vierge en demanda des nouvelles à ses anges, qui ne lui en donnèrent point. Les époux affligés soupçonnèrent quArchelaüs ayant eu connaissance de lenfant lavait fait arrêter, ou quil sétait enfui de lui-même pour quelque faute de leur part. Ils continuèrent dans ces affligeantes pensées à le chercher en pleurant, sans pouvoir prendre aucune espèce de repos ni de nourriture. Ils le cherchèrent chez leurs amis et leurs. connaissances dans Jérusalem, mais personne ne leur en donna des nouvelles. Étant sortis de nouveau de la ville, ils résolurent daller le chercher auprès de saint Jean-Baptiste dans le désert, mais ils en furent détournés par les anges. Le troisième jour, ils voulaient aller à Bethléem pour voir sil nétait pas allé visiter la sainte grotte, mais ils en furent encore dissuadés par les anges. Ils retournèrent à Jérusalem et en cherchant dans les rues, ils donnèrent le signalement, pour le reconnaître, de ses cheveux, de son visage , de sa taille et de ses habits,. Une femme leur répondit quun enfant semblable était venu demander laumône à sa porte, et en la lui donnant elle avait ressenti une tendre compassion dans son coeur, de voir un enfant si gracieux et si aimable, sans personne qui en prit soin. Sur ces paroles, la mère affligée se dirigea avec saint Joseph vers lhospice des pauvres, et elle apprit encore là, quun enfant semblable à celui quelle décrivait, était venu consoler les pauvres, mais quil était parti et on ne savait pour quel lieu. Alors la vierge affligée eut la pensée avec son époux quil
96
était au temple, et ayant interrogé ses anges gardiens ils lui répondirent de ly chercher. Ils se dirigèrent vers le temple et y arrivèrent lorsque la dispute des rabbins et des scribes de la loi, à laquelle Jésus avait pris part, était sur le point dêtre terminée; ils entendirent seulement les dernières raisons données par le saint enfant pour prouver la venue du Messie, qui était le sujet de la discussion. La sainte vierge, ravie de joie davoir retrouvé son trésor, sapprocha de son fils, et en présence de tous les assistants lui dit les paroles rapportées par saint Luc: Filii quid fecisti nobis sic? ecce pater tuus et ego dolentes quaerebamus te. Jésus fit à ses paroles la réponse rapportée aussi par saint Luc. Ils sortirent du temple et se dirigèrent vers Nazareth; aussitôt que la sainte vierge fut dans un lieu solitaire, elle fit ce quelle navait pas osé faire au temple en présence de la multitude, cest-à-dire, se jeter selon sa coutume aux pieds de jésus et lui demander sa bénédiction. Il la consola par de douces paroles et lui fit connaître plus parfaitement quil ne lavait jamais fait tous les mystères de son coeur et les fins élevées pour lesquelles il avait agi ainsi.
Lévangéliste na écrit autre chose des dix-huit années que Jésus demeura à Nazareth, sinon quil était soumis à ses parents, et erat subditus illis; cest que les choses quil y fit furent si divines et si élevées quaucune intelligence humaine ne peut les comprendre. Notre grande reine reçut en ce lieu la connaissance de tous les mystères, des rites et des cérémonies de la sainte Eglise ; . elle connut la fausseté des hérésies, les erreurs des gentils et tous les évènements de la loi évangélique. Elle comprit la doctrine des quatre évangiles qui devaient être écrits, avec tous les mystères quils contenaient, et cela avec une telle clarté et une telle profondeur quil est impossible à la langue humaine de lexprimer.
97
Dans une vision de la divinité, elle reconnut que Dieu la voulait pour maîtresse de la nouvelle loi de grâce, et elle reçut les lumières qui étaient nécessaires pour une oeuvre de cette importance. Le Seigneur employa trois ans pour instruire sa mère dune manière parfaite, et chaque jour il lui faisait trois instructions, Il opérait aussi par la force du saint amour, et il ne sécoula pas un instant, où il najoutât des grâces aux grâces reçues, des dons à ses dons, une nouvelle sainteté à sa sainteté, des faveurs aux faveurs déjà accordées. Entre autres choses, non-seulement elle connut quil y aurait le saint sacrement de lautel, mais elle sut quil serait établi avant sa mort et quelle le recevrait plusieurs fois. Dans cette connaissance elle sabaissa dans son néant et rendit à Dieu de vives et sincères actions de grâces, dès ce moment elle commença à offrir toutes ses pensées et toutes ses actions pour se préparer à recevoir dans la suite la très-sainte communion. Pendant le grand nombre dannées qui sécoulèrent jusquà linstitution de la sainte Eucharistie, elle ninterrompit jamais cette préparation, et elle eut toujours présente à sa pensée ce mystère ineffable. Ces merveilles saccomplirent ordinairement dans lhumble oratoire, que notre reine avait dans sa pauvre maison. Jésus sy entretenait longuement avec sa mère de profonds mystères, ils y priaient ensemble, tantôt à genoux, tantôt en forme de croix, quelquefois ils étaient soulevés de terre, et en lair aussi ils étaient en forme de croix. Il lui parlait quelquefois comme un maître, dautres fois comme un fils, tantôt il était transfiguré dans son corps, comme plus tard sur le Thabor, tantôt il était comme dans sa, passion et avait des sueurs de sang.
La Vierge mère, au milieu de ces divins enseignements et de ces saints exercices, atteignit sa trente-troisième année. Cest lâge où le corps humain a toute sa perfection natu-
98
relie et où il commence à décliner, mais dans Marie on ny vit jamais aucun changement, et son admirable complexion ne saltéra ni ne changea point, elle se conserva jusquà soixante-dix ans dans le même état quelle était à lâge de trente-trois ans. Le Seigneur lui accorda ce privilège, afin quelle restât toujours semblable à la sainte humanité de son fils, quant à létat de sa plus grande perfection, cest-à-dire de trente-trois ans. La même faveur ne fut pas accordée à saint Joseph, aussi la sainte Vierge voyant le changement opéré dans son époux, lui parla un jour et le pria de cesser le pénible métier avec lequel il gagnait pour vivre lui-même et sa famille, parce quelle travaillerait à sa place et gagnerait par les ouvrages de ses mains ce qui était nécessaire à lentretien de la maison. Le saint patriarche opposa de grandes difficultés pour ne pas céder à la proposition de sa sainte épouse, mais enfin il sy soumit. Ils distribuèrent aux pauvres les outils de son métier, parce quils ne voulaient rien de superflu dans la maison, et saint Joseph soccupa entièrement à la contemplation du grand mystère dont il avait reçu le dépôt et à la pratique des saintes Vertus. La sainte Vierge procurait par son travail tout ce qui était nécessaire, sans jamais sortir de sa retraite, car quelques dévotes femmes voisines, qui, laimaient à cause de. ses vertus lui procuraient de louvrage pour gagner lentretien de sa famille. Un grand gain nétait pas nécessaire parce que leur nourriture ordinaire était très-frugale; le divin fils ni la mère ne mangeaient jamais de la viande, mais seulement des poissons, des fruits, des herbes et encore même avec une grande sobriété. Elle accordait très-peu de temps au repos et elle employait plusieurs heures de la nuit au travail des mains, car Dieu le lui avait permis, maintenant plus quen Egypte. Lorsque tout cela ne suffisait pour traiter dune manière
99
convenable le vieux saint Joseph qui avait besoin de plusieurs choses, Dieu y pourvoyait par miracle, tantôt en multipliant le peu quils avaient; tantôt en faisant apporter ce qui manquait par les anges gardiens de la Vierge mère.
Haut du document
CHAPITRE XVIII
MALADIE ET PRÉCIEUSE MORT DE SAINT JOSEPH.
Les douleurs et les souffrances causées par les continuelles indispositions du saint vieillard allaient toujours croissant, et saggravaient de plus en plus avec les années. La sainte épouse de son côté pleine de sollicitude augmentait son travail, pour pourvoir non-seulement fournir à son entretien, mais encore afin de procurer quelque soulagement à son époux bien-aimé. Elle se servit plusieurs fois du pouvoir, quelle avait sur les créatures et ordonna aux viandes davoir un meilleur goût et dêtre plus agréables au malade. Elle lui donnait à manger toujours à genoux et elle le déchaussait aussi, lorsquil ne pouvait le faire lui-même. Pendant les trois dernières années, dans lesquelles ses douleurs saccrurent encore davantage, elle lassista le jour et la nuit excepté le temps où elle était occupée à servir et à donner à manger à Jésus. Non contente de ces soins si pénibles, elle demanda au Seigneur, quafin de diminuer les souffrances à son époux, il les envoyât à elle-même. Elle commandait aux douleurs de sadoucir, et elle ordonnait aux anges de le consoler tantôt en lui apparaissant en forme visible, tantôt en sentrete-
100
nant avec lui des perfections de Dieu, ou en lui faisant entendre de célestes mélodies. Il y avait déjà huit ans, que Dieu éprouvait par diverses maladies la vertu du saint patriarche, pour sa plus grande récompense, lorsque la sainte Vierge voyant que le temps de sa mort approchait, pria son divin fils de vouloir bien lassister à ce dernier moment si dangereux. Le miséricordieux Jésus lui promit non-seulement de lassister, mais de lélever à un rang si élevé que les anges mêmes en seraient ravis dadmiration. En effet les cinq derniers jours de sa sainte vie, il ne séloigna jamais de son côté ni le jour ni la nuit à moins que la douce reine ny fût présente. Pendant ces neuf jours, les anges par son ordre firent entendre trois fois le jour des chants célestes, dans cette petite chambre, et on y respirait un doux parfum de paradis qui ranimait et fortifiait le saint moribond. Le jour qui précéda sa bienheureuse mort, il fut ravi en une extase qui dura vingt-quatre heures, le Seigneur augmentant ses faibles forces pour la supporter. Il vit clairement dans cette extase lessence divine, et tous les mystères de lincarnation et de la rédemption quil avait crus jusqualors, lui furent découverts sans voile. La très-sainte Trinité le nomma son messager pour annoncer aux saints pères des Limbes leur prochaine rédemption. Revenu de son extase, le visage tout resplendissant il demanda la bénédiction à sa sainte épouse, mais lhumble reine au lieu de le bénir pria son divin fils de le faire, ensuite elle se mit à genoux et pria son époux de la bénir, et après avoir reçu sa bénédiction, elle baisa sa main avec respect. Saint Joseph demanda pardon à sa sainte épouse du peu dégard quil avait eu pour sa dignité et pour ses mérites, et la pria de lassister à ce dernier moment. Il sadressa ensuite à son fils et le remercia de toutes les faveurs quil avait reçues de. sa main libérale et dans sa maladie
101
en particulier; il fit tous ses efforts pour se mettre à genoux, mais Jésus qui était à ses côtés le pressa dans ses bras, dans lesquels sa très-sainte lune sexhala au milieu de saints entretiens. Le Seigneur ferma lui-même ses yeux de ses divines mains.
Aussitôt quil fut mort, les anges firent entendre une céleste harmonie dans cette sainte maison et la sainte Vierge leur commanda de conduire cette grande âme aux Limbes, où étaient les saints pères. Elle prépara le saint corps pour être enseveli, elle-même lenveloppa de ses propres mains et le Seigneur le revêtit dune splendeur admirable. Il faut remarquer que la mort de ce saint patriarche ne fut pas causée seulement par ses grandes et particulières maladies, mais le feu ardent de la charité concourut encore à la lui donner, son coeur était consumé de feux si ardents quil fut conservé plusieurs fois en vie par miracle; Dieu donc, suspendant son concours, la nature ne put résister à la force des élans de son amour et le lien qui tenait unie son âme sainte à son corps fut rompu. Ce genre de won fut plutôt le triomphe de lamour divin, que la peine du péché originel.
Saint Joseph mourut à lâge de soixante ans. Il avait vécu vingt-sept ans avec la sainte Vierge quil laissa veuve à lâge de quarante-un ans et six mois. La sainte Vierge ressentit une grande douleur naturelle de cette mort, parce quelle laimait avec une tendre affection, et son amour était dautant plus grand, quelle connaissait mieux la sublime sainteté où il avait été élevé. Elle savait quil avait été sanctifié à lâge de sept mois dans le sein de sa mère, et que le feu de la concupiscence avait été comme éteint, tout le temps de sa vie. Jamais il néprouva le plus léger mouvement dimpureté, ou daffection déréglée; à lâge de trois ans, lusage de la raison lui avait été accordé et il avait eu la
102
science , infuse et une augmentation de grâce au plus haut degré. Le don de la contemplation lui avait été accordé et à lâge de sept ans il était dune sainteté consommée. Il égalait les séraphins en pureté et jamais il neut aucune pensée, ni aucune représentation contre cette divine vertu. Enfin à cause de ses vertus héroïques il avait été jugé digne dêtre le père nourricier et adoptif du fils de Dieu. Sachant toutes ces choses et dautres encore, la Sainte Vierge ne pouvait point ne pas ressentir la douleur de cette grande perte.
Dieu a accordé divers privilèges à saint Joseph : I. Ceux qui linvoqueront avec dévotion, seront protégés du ciel pour la vertu de chasteté et pour triompher des tentations des sens. II. Ils recevront des grâces particulières pour sortir du péché. III. Ils obtiendront la véritable dévotion à la sainte Vierge. IV. Ils feront une bonne et bienheureuse mort et ils seront protégés à ce dernier moment contre le démon. V. Ils seront délivrés, quand il sera expédient, des maladies du corps et ils trouveront un soulagement dans leurs peines. VI. Ils auront des successeurs dans leurs familles, sils sont mariés. VII. Les démons craindront extrêmement linvocation du nom glorieux de saint Joseph.
Après la mort du saint patriarche, la sainte Vierge connut que Dieu voulait que désormais elle soccupât moins au travail des mains, mais quelle sadonnât davantage aux exercices intérieurs, car quelques heures de travail par jour suffisaient pour son entretien. Dès ce moment elle devait restreindre sa dépense à un très-léger repas par jour, puisque le motif de manger deux fois avait cessé, qui était de tenir compagnie au saint vieillard. Elle suivit aussitôt exactement cette manière de vivre, conformément à lordre du Seigneur et plusieurs fois elle ne mangeait que du pain et seulement le soir.
103
Le respect et la vénération de la Vierge mère pour son divin fils furent toujours très-grands, néanmoins après la mort de saint Joseph son chaste époux ils augmentèrent encore, particulièrement par les actes extérieurs. Se trouvant alors seule avec les anges, elle se prosternait souvent à terre jusquà ce que Jésus lui ordonnât de se lever. Elle lui baisait fréquemment les pieds et les saintes mains et elle lui présentait toujours la nourriture à genoux. Elle eut avec ses anges de saints débats dhumilité, parce quelle voulait faire toutes les actions humbles et basses de la pauvre maison, comme balayer les chambres, et laver la vaisselle, mais les anges la prévenaient souvent pour remplir aussi leur emploi de fidèles serviteurs de leur reine. A la vérité, lorsque la sainte Vierge les priait de ne point le faire, ils lui obéissaient aussitôt. Elle était très-attentive à tout ce quelle Voyait faire à son divin fils, et comme Jésus en considérant lingratitude des hommes et en voyant que plusieurs se perdraient, quoiquil offrît sa vie pour eux, saffligeait extrêmement jusquà suer plusieurs fois du sang, ainsi Marie pour ces mêmes motifs, était pénétrée dune grande douleur et versait quelquefois des larmes de sang. Le Seigneur rempli de compassion ordonna plusieurs fois aux anges de la consoler par de célestes mélodies, dautres fois il la soutenait dans ses propres bras. Elle connut aussi plusieurs prédestinés, principalement les apôtres, les disciples et les fidèles de la primitive église, aussi quand elle vit ceux qui suivaient le rédempteur, elle les connaissait avant de leur avoir parlé et déjà elle avait prié pour eux. Il y a beaucoup dautres mystères qui, eurent lieu entre Jésus et Marie dans ce temps particulièrement dans les quatre dernières années, ils sont réservés pour le bonheur particulier des prédestinés dans le ciel.
Haut du document
CHAPITRE XIX
PRÉLUDES DE LA PRÉDICATION DE JÉSUS-CHRIST.
Jésus ayant atteint sa vingt-septième année, commença à se préparer à la prédication. Il sortait donc plus souvent de la maison, et quelquefois il restait trois jours entiers sans retourner vers sa mère. Elle souffrait beaucoup de cette absence, aussi elle envoyait souvent les saints anges auprès de lui, pour quils linformassent dans le plus grand détail, de ses occupations. Lorsquil restait ensuite à la maison, elle le recevait prosternée à terre et lui rendait des actions de grâces, pour les grâces quil avait accordées aux pécheurs. Elle le servait comme une tendre et affectueuse mère quelle était, et lui préparait quelque petit mets pour soulager sa sainte humanité qui en avait besoin, car il était resté quelque fois trois jours sans prendre du repos ni aucune nourriture. Non contente de cela, elle offrait de laccompagner dans ses courses, pour aider aussi ceux qui entendraient ses divines paroles. Le Seigneur agréa cette offre, et lui donna la permission de le suivre, aussi dès ce moment toutes les fois que le divin maître sortait de Nazareth, la divine mère allait avec lui. Notre-Seigneur commença à parcourir les environs de Nazareth en annonçant le Messie, et il accompagnait ses enseignements dinspirations intérieures de la grâce, afin quon fût préparé à le recevoir. Il proportionnait ses instructions à la qualité des personnes qui lécoutaient, aux savants il alléguait le témoignage des prophéties, il parlait aux ignorants de la venue des Mages et du massacre des innocents et ainsi dune manière différente suivant la capacité et les diverses dispositions des personnes. Le fruit de ces divins enseignements fut grand et abondant, quoiquil le fit en secret et non comme
105
plus tard dans le temps de la prédication publique. Il visitait souvent les malades et assistait les moribonds qui étaient à lagonie, il donnait aussi la santé du corps à un grand nombre, sans quils en connussent la cause. La Vierge mère se trouvait ordinairement présente et coopérait avec lui, mais elle instruisait les femmes plus que les hommes, car le nombre de ceux qui suivaient Jésus était bien petit en ce temps là, le moment nétant pas encore venu pour les appeler à sa suite. La compagnie ordinaire de Jésus était seulement sa mère et les anges qui, lorsquils retournaient à la maison leur servaient comme dabri, pour les défendre contre les rigueurs du temps. Ils enseignaient à toute sorte de personnes la venue du Messie sauveur du monde, les pauvres néanmoins étaient les plus privilégiés, parce quils sont mieux disposés à recevoir la divine lumière, car leurs péchés sont plus légers, leur sollicitude des choses de ce monde moindre, et ils ont plus dhumilité.
En ce temps là, la voix du Seigneur se fit entendre à Jean-Baptiste, fils de Zacharie, comme le rapporte lévangéliste. Il entendit cette voix dans une extase, dans laquelle Dieu lui fit comprendre quil devait sortir du désert et préparer les voies à la prédication du verbe. Le saint précurseur sortit donc du désert vêtu dune peau de chameau, les pieds nus, le visage pâle. Il avait un air plein de gravité, avec une modestie incomparable et une humilité profonde; son âme était forte, généreuse et enflammée de charité pour Dieu et pour le prochain. Il était tel, en un mot, quil le fallait pour être le précurseur du verbe incarné et le prédicateur des hébreux, peuple dur, ingrat, opiniâtre, gouverné par des magistrats idolâtres et conduit par des prêtres avares et orgueilleux. Les anges avaient fait à Jean-Baptiste dans le désert une belle croix, devant laquelle il faisait plusieurs exercices de
106
mortification, et souvent il sy mettait en prière en forme de croix. Il ne crut pas convenable de laisser ce trésor dans le désert et il lenvoya par les anges en don à la sainte Vierge, qui la reçut avec une grande vénération et une douleur très- amère, à cause du mystère que sa vue représenta à son esprit. Elle la mit dans son oratoire, jusquau temps où les apôtres se dispersèrent dans le monde, et elle la leur donna avec plusieurs autres choses, comme nous le verrons clans la suite.
Jésus était parvenu à la trentième année de son âge. La Vierge mère qui avait atteint le comble de son amour envers lui, étant un jour élevée à une très-haute contemplation, entendit une voix sortie du trône de Dieu qui dit: Marie ma fille et mon épouse, offrez-moi votre fils en sacrifice. Lobéissante Marie le fit aussitôt avec une si grande et si inexprimable intensité damour, que ce sacrifice fut incomparablement plus agréable à Dieu que celui dAbraham, et que tous ceux qui lui avaient été offerts jusqualors. En récompense, la sainte Vierge fut élevée à une claire vision de la divinité, où il lui fut donné de voir tous les mystères de la rédemption des hommes, par le moyen de la prédication, de la passion et de la mort de son fils, à laquelle elle devait elle-même coopérer par son consentement. Revenu de son extase, Jésus vint se présenter à elle, pour lui demander la permission daller accomplir en faveur des hommes tout ce quelle savait que Dieu lui avait imposé, lui promettant de revenir vers elle, et de lavoir dès-lors pour compagne dans tous ses travaux. La sainte Vierge se jeta à ses pieds, et Jésus embrassa sa mère, et fondant tous les deux en larmes ils firent loblation deux-mêmes pour le salut du monde. Le rédempteur se dirigea vers le Jourdain où Jean-Baptiste prêchait et baptisait les pécheurs. Il se mêla parmi. la foule
107
et demanda dêtre baptisé par Jean-Baptiste, celui-ci éclairé dune nouvelle lumière intérieure shumilia en sa présence, demanda son baptême et rendit témoignage de lui. Ensuite il obéit au Sauveur et le baptisa comme il est raconté dans lévangile. En ce moment on entendit une voix du ciel qui dit: hic est filius meus delectus, et on vit le Saint-Esprit descendre sur lui en forme de colombe, ainsi la divinité de Jésus-Christ fut confirmée par ces témoignages éclatants. Jésus exauça dans la suite la prière de Jean, il le baptisa de sa main, et lui conféra le premier le grand caractère de chrétien, instituant à cette occasion le sacrement de baptême, quoique la promulgation en ait été différée jusquaprès la résurrection.
Jésus se dirigea du Jourdain vers le désert accompagné des anges, et parvint à lendroit que sa divine volonté avait désigné. Cétait un lieu désert au milieu des broussailles et des rochers ou se trouvait une grotte entièrement cachée. Il se prosterna à terre avec une profonde humilité, et remercia le Père éternel de lui avoir donné ce lieu si propre à la retraite, et il continua sa prière en forme de croix, priant pour le salut des hommes. Ce fut sa prière la plus ordinaire dans ce désert, et il la fit le plus souvent en forme de croix et plusieurs fois il eut des sueurs de sang dans ses prières. Plusieurs bêtes sauvages vinrent reconnaître leur créateur, mais surtout les oiseaux qui chantèrent de joie en se voyant en présence de leur Dieu fait homme. Aussitôt que notre grande reine sut que son divin fils était dans le désert, elle se retira aussi dans sa chambre pour limiter en tout, selon sa coutume. Elle pleurait fréquemment et souvent avec des larmes de sang les péchés des hommes. Les anges lui apprenaient à chaque instant ce que faisait Jésus-Christ, la manière dont il priait, et toutes ses divines occupations. Elle lui envoya diverses ambassades, et leur commandait de le visiter en son nom,
108
et leur donnait quelque fois des linges faits de ses propres mains pour lessuyer, lorsque accablé de fatigue dans ses prières il avait des sueurs. Sa retraite fut si grande pendant ces quarante jours, que les voisins crurent quelle était partie de Nazareth, comme ils savaient que Jésus lavait fait. Elle tint toujours fermée la porte de sa pauvre maison, et elle soccupa le jour et la nuit à faire tout ce que faisait le rédempteur son fils dans le désert. Elle ne prit pendant ces quarante jours aucune espèce de nourriture; elle se prosternait à terre trois cents fois par jour, comme le faisait Jésus son fils dans le désert, elle sunissait à lui dans ses adorations, ses génuflexions et ses prières, et les faisait à la même heure que lui. Lorsquil fut tenté par le diable, elle vit toute la terrible bataille de Lucifer, et limita dans tous les actes par lesquels son divin fils le confondit; elle participa ainsi à son glorieux triomphe, et elle lui en envoya des félicitations par ses anges. A leur retour par lordre de Jésus-Christ, les anges lui servirent une part des mets quils avaient apportés du ciel, et elle fut aussi fortifiée par le ministère des anges dans son long jeûne. Les quarante jours étant passés, avant de quitter le désert, le fils de Dieu rendit grâces au Père éternel et fit une très-fervente prière pour ceux qui, à son exemple se retiraient ou pour toute la vie, ou pour quel- que temps dans la retraite, pour sy appliquer à la contemplation et aux saints exercices, en se séparant du monde. Le Très-Haut lui promit de les favoriser, de faire entendre à leurs coeurs des paroles de vie éternelle, et de les prévenir de grâces toutes particulières. Il alla ensuite trouver Jean- Baptiste, qui rendit de nouveau témoignage de lui à ceux qui lécoutaient, il partit de ce lieu et sarrêta dix mois dans la Judée, éclairant les personnes humbles et simples de larrivée du Messie, dans les pays quil parcourait. Notre grande
109
reine de son côté sortit aussi de sa retraite et instruisit plusieurs personnes des pays voisins, en leur annonçant la venue du Messie rédempteur du monde, sans découvrir celui qui létait.
Haut du document
CHAPITRE XX.
PRÉDICATION DE NOTRE-SEIGNEUR, ET COOPÉRATION DE LA SAINTE VIERGE.
Notre-Seigneur commença à annoncer publiquement, quil était le Messie attendu. Il attira à sa suite deux disciples de Jean-Baptiste, lun deux fut saint André, et lautre saint Jean lévangéliste. Après ceux-ci il appela saint Pierre, ensuite saint Philippe, qui apprit à Nathanaël la venue du Messie, il le conduisit à Jésus et celui-ci devint le cinquième disciple du Sauveur. Il vint, avec ces cinq disciples dans la Galilée, prêcher publiquement et baptiser. En même temps le Très-Haut annonça à la sainte Vierge, que cétait sa volonté quelle accompagnât son fils pour laccomplissement de loeuvre de la rédemption. Elle se montra entièrement docile aux desseins du Très-Haut, et elle lui demanda avec humilité de lui accorder, ou de mourir à la place de son fils, ou au moins dexpirer avec lui.
Les disciples étant instruits du mystère de lincarnation, furent enflammés du désir de voir, de connaître et de vénérer la mère du Sauveur. Ils demandèrent cette faveur avec de vives instances au Seigneur, et layant obtenue ils se di-
110
rigèrent avec le divin maître vers Nazareth. La sainte Vierge eut connaissance de cela, et aussitôt elle prépara avec diligence sa pauvre maison, et prit soin dapprêter le repas pour ses hôtes. Elle vint à la porte pour recevoir le Sauveur, prosternée devant lui, elle baisa ses pieds et lui demanda humblement la bénédiction; elle fit tout cela en présence des disciples, afin quils apprissent avec quel respect et quelle vénération ils devaient traiter leur divin maître. Elle reçut dans sa maison les cinq disciples et les servit à table, mais non pas à genoux, comme elle faisait pour son fils. Dès que les disciples se furent retirés pour dormir, le Seigneur entra dans loratoire de sa mère, qui se prosterna. à ses pieds et lui demanda pardon du peu de soin quelle mettait à le servir. Le Seigneur la consola par des paroles de vie éternelle, il la fit lever avec bonté, mais avec une grande majesté et sérénité, car il agissait en ce temps avec elle, avec plus de gravité, pour lui donner occasion de mériter davantage. La très-pure Marie pria son fils de lui donner le sacrement du baptême quil avait institué, il y consentit pour lunir à la société de ceux qui le suivaient, et pour célébrer avec une plus grande solennité ce sacrement, il ordonna que des milliers danges descendissent du ciel en forme visible, et Jésus, en leur présence baptisa sa très-sainte mère. En même temps, on entendit la voix du Père éternel qui dit : celle-ci est ma fille bien-aimée en qui je prends mes complaisances, et celle du verbe incarné ; celle-ci est ma mère bien-aimée que je me suis choisie, elle massistera dans toutes mes oeuvres, et celle du Saint-Esprit; celle-ci est mon épouse choisie entre mille.
Après son baptême, la grande reine fut invitée à des noces, que célébraient à Cana, des parents au quatrième degré du coté de sainte Anne. La sainte Vierge y alla et ap-
111
prit aux époux larrivée de son fils avec ses disciples. ils eurent la pensée à la persuasion de la divine mère, de linviter aux noces, et ils le firent en effet. Le Seigneur entra dans la maison et salua les conviés par ces paroles: que la paix du Seigneur et sa lumière soient avec vous. Il fit ensuite une exhortation à lépoux, lui enseignant ce qui regardait son état, et les moyens à suivre pour y être saint et parfait. La sainte Vierge fit la même chose à lépouse, et tous les deux dans la suite restèrent très-fidèles à leurs devoirs. Saint Jean était présent avec les disciples du Seigneur à ces saintes instructions, mais il est faux quil fut lépoux comme quelques uns lont cru. Notre-Seigneur et sa sainte mère mangèrent à table des mets quon leur servit, mais avec une grande sobriété, quils cachèrent avec soin. Ils voulurent goûter ces mets, quoiquils nen mangeassent pas dans leur maison, car ils ne voulaient pas en sen abstenant entièrement, montrer quils condamnaient la vie commune des hommes, mais au contraire la perfectionner par leurs exemples, saccommodant à tout sans aucune singularité dans ce qui nest pas répréhensible et peut se faire avec perfection.
A cette occasion saccomplit le miracle de leau changée en vin, au grand étonnement de celui qui présidait le repas comme intendant, et qui était prêtre de la loi. Il sétonna, parce quétant à la première place, et le Seigneur avec sa mère occupant les dernières, il navait pas encore appris le miracle, lorsquil goûta le vin. La réponse de Jésus à sa mère, quid mihi et tibi mulier, ne fut pas faite en manière de reproche, mais avec une grande douceur; il ne lappela pas mère, mais femme, parce que depuis quelque temps il nusait plus avec elle de la même tendresse de paroles quauparavant. Saint Jean appelle ce miracle, le premier des
112
miracles du Seigneur, parce quil fut le premier dont il se déclara lauteur, mais il en avait opéré un grand nombre dautres en secret.
De Cana Jésus vint à Capharnaüm, et amena avec lui sa mère avec ses nouveaux disciples, ils restèrent là quelques jours, et aussitôt il commença sa prédication dans les divers lieux circonvoisins. Plusieurs femmes pieuses sunirent à la Vierge mère pour plus de décence et de bienséance. La sainte Vierge instruisait ces saintes femmes et leur répétait ce quelle avait appris dans les enseignements de Jésus. Elle opéra aussi plusieurs, miracles et prodiges, elle guérit des aveugles, des boiteux, des malades, elle chassa les démons et ressuscita même des morts, par le pouvoir quelle avait reçu de son divin fils. Les souffrances que ressentit la Vierge mère dans tous ses voyages pour nous furent si grandes, que jamais nous ne pourrons suffisamment les reconnaître. Plusieurs fois elle souffrit de si grandes peines, quil fut nécessaire que Dieu la secourût miraculeusement, et dautres fois il rendit son corps si léger, quelle nen sentait pas le poids et quelle pouvait se mouvoir sans peine, comme si elle volait. Lorsque le Seigneur prêchait, elle écoutait attentivement comme un simple disciple, quoique le doigt de Dieu eût gravé dans son coeur toute la loi évangélique. Elle prêtait la plus grande attention à la divine parole, et lécoutait à genoux pour lui rendre lç respect qui lui était dû, ainsi quà la personne qui prêchait. En outre, voyant que le Seigneur en prêchant priait intérieurement le Père éternel, afin que la semence de la divine parole portât des fruits, elle faisait aussi la même prière. Elle connaissait lintérieur, de ceux qui assistaient à la prédication de Jésus, létat de grâce ou de péché dans lequel ils se trouvaient et selon la diversité de ces états, elle éprouvait en elle-même des sentiments
113
différents. A la vue des âmes qui ne recevaient pas la divine parole elle éprouvait une profonde affliction, et déplorait leur malheur avec des larmes de sang. Au contraire à la vue des âmes qui correspondaient à la grâce, elle bénissait mille fois le Seigneur. Les conversions quelle opéra par ses ferventes prières, par ses instructions, et par ses saintes conversations sont innombrables. Elle parlait tantôt aux hommes, tantôt aux femmes, mais jamais en public, ni dans le lieu destiné aux ministres de la parole de Dieu. Elle parlait et mangeait, et avait des rapports avec les disciples, et les saintes femmes qui suivaient Jésus, mais toujours avec poids et mesure. Notre-Seigneur agissait de même, afin que personne ne fût offensé, et ne pensât pas quil nétait pas homme véritable et fils naturel de la très-pure Marie.
Lhumilité de Marie fut extrêmement admirable en plusieurs occasions. Le Seigneur opérait presque tous les miracles par son entremise et à son intercession, et elle était connue pour la mère de ce maître si célèbre dans la Palestine par ses miracles, il devait dès lors en résulter une grande gloire pour elle, mais elle shumiliait au-dessous de la poussière, et sabaissait au-delà de ce que pourraient tous les hommes, elle sefforçait même dempêcher lhonneur qui pouvait lui en revenir, lorsquelle était présente aux grands miracles quopérait le Seigneur. Les évangélistes en rapportent deux occasions; la première fut lorsque le rédempteur délivra du démon le muet; car en ce moment une pieuse femme, cria en lhonneur de la très-sainte Vierge : beatus venter qui te portavit. En entendant ces paroles, lhumble reine pria intérieurement le Seigneur de détourner delle cette louange, ce que Notre-Seigneur fit aussitôt par ces paroles: bienheureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent. Lautre occasion fut celle que raconte saint Luc au
114
chapitre huitième. En voyant la gloire qui devait lui revenir, à cause du concours du peuple accouru pour entendre son divin fils, jusquà ne pouvoir elle-même lapprocher, elle pria aussi intérieurement de détourner delle cette gloire. Le Seigneur lexauça et lorsquune voix cria, voici voire mère et vos parents, notre Seigneur répondit ; ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent ma parole et lobservent.
Le démon étonné des nombreuses conversions qui étaient opérées par le Sauveur, eut de grands soupçons sil nétait pas le Messie, ruais comme Jean-Baptiste en opérait daussi nombreuses de son côté, il ne savait distinguer qui des deux létait. Il employa alors divers moyens pour le savoir, lun fut de pousser les Pharisiens à envoyer cette ambassade rapportée par lévangéliste. Mais la réponse du précurseur quil était la voix, le jeta dans une perplexité et une incertitude plus grande, car il doutait si cette parole, je suis la voix, ne cachait pas quelque mystère, et ne voulait pas signifier quil était la voix du Père, cest-à-dire le verbe éternel. Quoiquil en fut, il se mit à chercher le moyen de le faire mourir et il se servit à cet effet dHérode et dHérodiade. La très-sainte Vierge vit toutes ses choses, et apprenant que Jean- Baptise était en prison, elle envoya ses anges le fortifier et lui apporter quelquefois la nourriture nécessaire; sachant ensuite quil devait être décollé, elle pria Jésus de lassister en personne, afin de rendre sa mort plus précieuse à ses yeux. Le Seigneur le lui promit et le fit. Il commanda à la divine mère de le suivre, et aussitôt ils se trouvèrent par la vertu divine dans la prison, où le précurseur était renfermé chargé de chaînes et couvert de plaies, car ladultère Hérodiade avait ordonné à six serviteurs de le flageller lun après lautre, sans miséricorde, dans le dessein de lui enlever la vie,
115
avant même que le festin et le bal eussent lieu. A larrivée du Seigneur et de sa sainte mère la prison fut remplie de splendeur, les chaînes de Jean-Baptiste tombèrent à terre et ses plaies furent guéries. Le saint se prosterna à terre et leur demanda la bénédiction. Après quelques saints entretiens, il entra dans la prison un bourreau envoyé par Hérode, qui lui trancha la tête en présence de Jésus et de Marie, qui le fortifiaient. Lorsque la tête fut coupée, il séleva une dispute entre les bourreaux, pour savoir celui qui devait la porter à Hérode. En ce moment la reine du ciel la prit dans ses mains, et loffrit au Père éternel. Le Sauveur envoya son âme accompagnée de légions danges aux limbes, où son arrivée causa une nouvelle joie aux saints pères, à cause de lespérance prochaine de leur rédemption. Le saint précurseur reçut toutes ses faveurs par le moyen de la très-sainte Vierge Marie.
Il ne fut pas seul à recevoir des grâces de la miséricordieuse mère, car tous les saints apôtres lui durent les faveurs les plus importantes. Saint Jean reçut par elle la grande science quil eut, et son beau titre de disciple bien-aimé du Seigneur. Lapôtre saint Pierre lui dut sa conversion, après les trois reniements de son maître, et saint Jacques son glorieux martyre. Ainsi tous les autres, et surtout la Magdeleine quelle instruisit , non-seulement dans les mystères de la rédemption, mais à qui elle enseigna comment elle devait régler sa vie, dans sa retraite de Marseille. Plusieurs fois elle la consola dans ce désert, tantôt par des ambassades danges en son nom, tantôt par sa présence, en allant la visiter souvent elle-même. Seul lapôtre Judas ne sut pas mettre à profit linappréciable affection de la grande reine~ Judas vint à la suite de Jésus excité extérieurement par sa doctrine et intérieurement par un esprit bon, et il le pria de le recevoir
116
au nombre de ses disciples. Le Seigneur qui ne rejette personne le reçut, et lui accorda plusieurs faveurs, il se fit même remarquer parmi les autres disciples, et il fut choisi pour un des douze apôtres. La sainte Vierge laima aussi, quoique par sa science infuse elle connût déjà la trahison quil commettrait. Elle connaissait que le naturel de Judas ne se laisserait pas vaincre par la rigueur, mais quil sendurcirait au contraire toujours davantage, cest pourquoi elle le traita avec une grande bienveillance et douceur. La bonté de la reine du ciel fut si grande, que les disciples ayant plusieurs fois discuté quel était le plus favorisé de la sainte Vierge, Judas ne soupçonna jamais quil put être exclu de cette prérogative. Judas était peu~ favorisé par son naturel, et les apôtres nétant pas encore confirmés en grâce, avaient leurs défauts, limprudent se permit de censurer ceux de ses frères, les jugeant plus grands quils nétaient et ne fit pas attentions aux siens. Ce défaut saccrut au point quil en vint à la médisance, et il critiqua surtout saint Jean, comme plus aimé de Jésus et de Marie. Par ces fautes il ouvrit la porte à de plus grandes encore. Sa charité envers le prochain et envers Dieu commença à se refroidir, de sorte quil en vint à regarder les apôtres avec quelque envie, et à trouver à redire à leurs actions mêmes les plus saintes. La Vierge mère voyait le dérèglement de ce malheureux disciple et sefforçait dy apporter remède avant quil augmentât, elle lui parla plusieurs fois, lavertissant. avec une grande douceur et avec les raisons les plus fortes, mais au lieu de se corriger il se laissa tenter par le démon et en vint à sirriter contre la douce colombe, cachant ses fautes avec une grande hypocrisie. De cette aversion pour la sainte Vierge, il passa au mépris pour son divin maître, il condamna sa doctrine et trouva trop dure la vie apostolique. Malgré la conduite in-
117
digne de Judas, ni Jésus, ni la Vierge Marie ne lui montrèrent jamais un visage irrité et différent de celui quils lui avaient témoigné au commencement de sa vocation. Ce fut la raison pourquoi le mauvais état de Judas fut si caché aux apôtres, quoiquils en eussent quelque Soupçon en le voyant se conduire si mal à lextérieur. Pour ce même motif, lorsque Jésus dit à la cène légale, lun de vous me trahira, ils furent tous incertains sur qui tombait cette sentence, sans quils soupçonnassent Judas, quils avaient toujours vu traité avec tant de bonté par le Rédempteur. Une autre occasion le poussa à la trahison. Le nombre des disciples sétant accru, le Seigneur voulut que lun deux eut la charge de recevoir et de garder les aumônes pour les distribuer ensuite, et payer le tribut aux princes. Le Seigneur fit part de ce dessein à tous ses apôtres, sans en désigner aucun. Le désir davoir cet emploi vint aussitôt à Judas, et il pria saint Jean, afin quil le lui obtint par le moyen de la sainte Vierge; mais celle-ci, connaissant que cétait un effet dambition, ne voulut pas en faire la demande à son divin fils. Ce moyen ne lui ayant pas réussi, Judas alla trouver saint Pierre pour le prier ainsi que les autres apôtres de laider à obtenir cet emploi, mais ce moyen encore neut pas de succès. Alors Judas toujours plus opiniâtre dans son désir, eut le courage de prier lui-même la sainte Vierge, et se montra disposé à la servir elle-même et son fils dans cet emploi quil exercerait, disait-il, avec plus de soin que les autres. Elle lui répondit de bien considérer ce quil demandait et quil valait mieux se confier à la volonté de Dieu, qui savait ce qui lui était convenable. Le malheureux disciple sirrita intérieurement à cette réponse, la sainte Vierge sen aperçut, mais elle le cacha avec prudence. Il avait de la honte à faire lui-même cette demande à son maître, mais son ambition lemporta,
118
et sous le spécieux prétexte de faire le bien à son service et de veiller au bonheur du petit troupeau, il le pria de lui donner le soin de recevoir et de distribuer les aumônes. Le
Seigneur lui répondit: Sais-tu ô Judas, ce que tu demandes? Ne sois pas si cruel envers toi-même pour chercher ton malheur et te procurer les armes qui peuvent causer ta mort. Judas répartit: Je désire de vous servir et demployer toutes mes forces pour le bien de votre société, et je vous servirai mieux dans cet office que dans aucun autre. Le Seigneur, par cette obstination de Judas, justifia sa conduite en permettant quil entrât dans cette charge dangereuse et sy perdit. Après avoir obtenu cet emploi si désiré, sa joie dura peu, en voyant que contre son attente fondée sur les miracles du Seigneur, il ne recevait pas daumônes aussi abondantes quil lavait pensé. Il sattristait aussi lorsquil voyait la grande reine libérale envers les pauvres, et sirritait contre le Seigneur, lorsquil nacceptait pas les grandes aumônes qui lui étaient souvent offertes, et la chose en vint à ce point plusieurs mois avant la mort du Sauveur, quil séloignait souvent des autres apôtres et quittait même son divin maître, dont il ne pouvait plus supporter la compagnie.
Il y avait déjà deux ans et demi que notre Seigneur prêchait, et le temps de revenir vers son Père éternel approchait. Pour prévenir ses disciples contre le scandale quils recevraient de sa mort, il voulut se montrer à eux transfiguré. Il choisit à cet effet le Thabor, montagne de la Galilée, éloignée de quelques milles de Nazareth, vers lorient, et ayant pris Pierre, Jacques et Jean il se transfigura devant eux, avec les circonstances que raconte lévangéliste. Dans le temps que les anges allèrent chercher lâme de Moyse et dElie, la sainte Vierge fut de son côté portée par les anges, et non-seulement elle vit la sainte humanité transfigurée plus
119
clairement et plus longtemps que les apôtres, mais encore elle vit intuitivement la divinité. Limpression que cette vision glorieuse fit dans son âme fut si profonde quelle ne seffaça jamais tout le temps quelle vécut; Jésus à cette occasion demanda au Père éternel que tous ceux qui auraient mortifié leurs corps et auraient souffert pour son amour, participassent aussi à la gloire de son corps et que leurs âmes résuscitassent dans la joie de cette gloire, au jour du jugement général.
Après la transfiguration, le Seigneur vint à Nazareth, où sétait retirée la Vierge mère, pour dire le dernier adieu à sa patrie, et aller de là à Jérusalem, afin dy souffrir sa passion. Il alla à Nazareth avec ses disciples, et quelques jours après il partit, accompagné de sa mère bien-aimée, des apôtres, des disciples et de quelques femmes dévotes, et traversa la Galilée pour aller à Jérusalem. En ce temps-là, il opéra en passant à Béthanie la résurrection de Lazare. Ce miracle opéré dans le voisinage de Jérusalem, irrita contre lui les princes des prêtres et les pharisiens, qui pleins de jalousie assemblèrent un conseil, où ils résolurent de faire mourir linnocent Jésus, et ils ordonnèrent que si quelquun en avait des nouvelles, il les leur fit connaître. Le Seigneur, revint de nouveau; après six jours à Béthanie, et il fut reçu avec sa mère et ses disciples; des deux soeurs de Lazare. Alors Magdeleine répandit deux fois dans sa maison et dans celle du pharisien le parfum mystérieux sur la tête et les pieds du Seigneur. Judas en murmura et dès ce moment il résolut de procurer la mort du Seigneur et il le dénonça auprès des prêtres et des pharisiens. Il alla à cet effet les trouver secrètement et leur dit que son maître enseignait des doctrines contraires à la loi de Moyse, au gouvernement et à lempereur romain, quil aimait la bonne chère, et fréquentait les
120
gens de mauvaise vie, et quil conduisait avec lui des hommes et des femmes. Toutes ces démarches du traître et méchant apôtre furent connues de Jésus, qui comme Dieu voyait tout, et de la Vierge mère, mais elle ne lui en fit jamais aucune remontrance, et jamais ils ne donnèrent aucun signe de haine, comme modèles de la plus parfaite bonté. La grande reine sefforça par des paroles pleines de douceur et damour darrêter sur les bords de labîme lingrat et perfide disciple, et pour satisfaire un peu son avarice, elle lui donna plusieurs choses quelle avait reçues de Magdeleine et quelle avait acceptées pour les donner à Judas. Mais rien ne fut capable de toucher ce coeur perfide et endurci, et ne pouvant manifester au-dehors la rage de son coeur, il en devint encore plus irrité contre linnocente reine, néanmoins il accepta avec avidité ce quelle lui avait offert.
Après que Magdeleine eut répandu le parfum, le Seigneur se retira dans loratoire des saintes soeurs, et la sainte Vierge ayant laissé Judas dans son obstination, vint le trouver pour se livrer aussi selon sa coutume, à la prière et aux saints exercices quil pratiquait. Là, il soffrit de nouveau au Père éternel et Marie limita aussi dans cette offrande héroïque; et cette oblation fut si agréable au Père éternel quil descendît en forme visible pour laccepter. Alors , la sainte Vierge vit la très-sainte humanité de son fils élevée à la droite du Père; et entendit ce verset des psaumes : Dixit dominus domino meo , sede a dextris meis. La sainte Vierge fut toute environnée dune splendeur admirable. Enflammés dune ardente charité pour le genre humain, Jésus et Marie passèrent toute la nuit en de saints entretiens.
121
Haut du document
CHAPITRE XXI
ENTRÉE TRIOMPHANTE DE JÉSUS-CHRIST A JÉRUSALEM.
Le jour qui correspond à celui du dimanche des rameaux étant arrivé, le Seigneur alla à Jérusalem accompagné dune multitude danges qui louaient par de saints cantiques son ardente charité pour les hommes. Lorsquil fut près de la ville sainte, il envoya deux de ses disciples à la maison dun homme riche, qui habitait auprès de Bethphagé, et avec son consentement ils amenèrent à Jésus une ânesse et lAnon, sur lesquels les disciples mirent leurs vêtements et le rédempteur y monta. En outre de tout ce que rapportent les évangélistes de ce grand fait, il arriva encore plusieurs autres choses. Larchange saint Michel fut envoyé aux Limbes pour faire connaître aux pères ce glorieux triomphe. Tous ceux qui dans la Judée et dans lÉgypte avaient connu le Sauveur, ressentirent une grande joie spirituelle intérieure et adorèrent en esprit le Seigneur. Dieu ordonna dans ce jour si glorieux que personne ne mourût dans tout lunivers. Tous les démons furent forcés de rester dans le plus profond des abîmes. Arrivé à .Jérusalem, le Seigneur descendit de lânon et savança à pied du côté du temple, où il renversa par terre les tables de ceux qui vendaient et achetaient, et les chassa du temple. Ensuite il se mit à enseigner et à prêcher sans prendre aucune nourriture, car, parmi tant de peuple et de personnes même de considération qui lavaient acclamé en criant: hosanna in excelsis! personne ne linvita à manger dans sa maison, cest pourquoi il se retira le soir à Béthanie. La Vierge mère y était restée tout le jour, renfermée dans sa
122
chambre, doù elle vit en esprit tout ce qui arriva à son fils dans la ville et dans le temple, elle vit les acclamations que les anges faisaient dans le ciel et sur la terre, et tout ce qui arriva aux démons. Ce triomphe fit soupçonner à Lucifer que Jésus était le vrai Messie, cest pourquoi il résolut de ne pas lui faire donner la mort, mais de lempêcher au contraire de toutes ses forces, car il craignait que par Cette mort il ne détruisit son empire. Il alla donc pour dissuader Judas du dessein de vendre le Seigneur, et de traiter avec les princes des prêtres et les pharisiens; il lui apparut même dune manière visible, et lui offrit largent quil voudrait, sil voulait changer son désir et son dessein. Mais lingrat ne mérita pas dêtre aidé de la grâce pour ce changement. Lucifer voyant ce moyen inutile, essaya de persuader au conseil de ne pas le faire mourir un jour de fête, de crainte quil ne sélevât quelque tumulte parmi le peuple. Ce moyen ne lui ayant pas réussi, il essaya auprès de la femme de Pilate, afin quelle engageât son mari à ne pas le condamner à mort, et il insinua aussi à Pilate diverses suggestions.
Jésus revenu à Béthanie, y resta jusquau jeudi pour instruire ses disciples et sentretenir avec sa très-sainte mère, néanmoins, le lundi et le mardi il alla au temple de Jérusalem. Il régla dans ses entretiens avec la Vierge mère, tout ce quelle devait faire dans tout le cours de sa passion et de sa mort. Dans ses discours et ses entretiens, il ne lui parla pas avec la tendresse dun fils, mais comme un roi, avec gravité et majesté. Le jeudi, à laurore il appela sa mère, qui se prosternant aussitôt à ses pieds: parlez Seigneur, dit-elle, votre servante est à vos pieds. Le Seigneur la releva, et lui annonça que lheure de sa cruelle passion était venue; non seulement il lui demanda la permission de mourir pour le salut éternel des hommes, mais encore il lexhorta à co-
123
opérer elle-même à la rédemption. Qui pourrait jamais exprimer lineffable douleur qui pénétra le coeur très-pur de la Vierge mère, lorsquelle se sépara de son tendre et bien-aimé Jésus. Mais elle se résigna avec la plus parfaite soumission à sa volonté, lui demanda la grâce daller avec lui, et de pouvoir participer avec magnanimité aux souffrances si terribles et si cruelles de la croix. Elle le pria de lui donner avant de mourir son corps divin dans le saint sacrement quil devait instituer, comme il le lui avait révélé. Le Seigneur y condescendit avec amour, et il ordonna à ses anges de lassister dès ce moment en forme visible, et il lui recommanda de le suivre constamment avec les trois autres saintes femmes. Il lui donna enfin la divine bénédiction, en proie tous les deux à une ineffable et profonde douleur. Jésus ayant pris congé de sa tendre mère sortit de Béthanie un peu avant midi, accompagné de ses anges. La sainte Vierge vint peu après accompagnée des saintes femmes. Le Seigneur instruisait ses disciples en marchant, et la divine mère faisait la même chose pour les saintes femmes. Judas nétait pas présent lorsque le Seigneur dit : Scitis, quia post biduum pascha fiet, et filius hominis tradetur ut crucifigatur. Il allait demander avec perfidie, tantôt aux Apôtres, tantôt à la divine mère et tantôt même au divin maître, en quel lieu ils devaient célébrer la Pâque. Le Seigneur quoiquil connût sa disposition perverse et déréglée, ne lui répondit que ces paroles: O Judas qui pourra comprendre les secrets du Très-Haut. Les Apôtres proposèrent quelques doutes au divin maître qui y répondit avec une grande prudence et une grande sagesse, ensuite il envoya saint Pierre et saint Jean préparer le lieu pour la cène légale. Il y avait un palais près de Jérusalem, que possédait un homme riche, très-dévoué au Sauveur, qui avait cru à sa doctrine et à ses miracles, il avait été
124
touché dune grâce particulière pour offrir volontairement son habitation avec tout ce qui était nécessaire à la cène, un grand cénacle, orné avec la décence qui était convenable pour les grands mystères qui devaient y être célébrés.
Haut du document
CHAPITRE XXII
LA DERNIÈRE CÈNE.
Le Sauveur étant entré dans le cénacle avec ses disciples, la sainte Vierge y vint aussi avec quelques femmes pieuses. Le Seigneur lui dit de se retirer dans une autre partie de la maison, et dinstruire les femmes qui laccompagnaient de tout ce qui était nécessaire, lorsquil célébrerait la cène, dont il nexclut pas Judas. La sainte Vierge se retira donc dans une chambre avec les saintes femmes, et prosternée à terre elle fut élevée à une très-haute contemplation, où elle vit tout ce que son divin fils opérait et disait, et elle donna les instructions et les avis nécessaires aux saintes femmes, Après la cène légale, Jésus avec une profonde humilité et mm visage serein, lava les pieds à ses apôtres. il quitta le manteau quil portait sur sa robe sans couture, prit un linge, sen ceignit dun bout laissant lautre extrémité libre, et il lava les pieds aux apôtres et même à Judas, et non-seulement il lava ses pieds avec une grande joie et bonté, mais il les essuya, les baisa et les pressa sur sa poitrine, en lui en- voyant dans son coeur des inspirations intérieures. Mais tout fut inutile, car en outre que le démon essayait dempêcher
125
laction de la grâce dans Judas, il était encore tourmenté du scrupule de manquer de parole aux pharisiens, dans le pacte déjà fait avec eux, aussi dans ce moment il ne voulut pas même jeter un regard sur le visage divin de Jésus. Lucifer essaya de senfuir alors du coeur de Judas et du cénacle, car son orgueil ne pouvait supporter cette grande humilité, mais le divin maître ne le permit point. La demande que fit saint Jean à la sollicitation de saint Pierre pour connaître le traître, eut lieu à la cène, et le Seigneur lui indiqua ,par le signe dun morceau de pain trempé dans le plat, le disciple infidèle. Plusieurs choses secrètes furent communiquées à saint Jean par le divin maître, pendant quil était penché sur sa poitrine sacrée, entre autre il lui recommanda sa sainte mère; cest pourquoi sur la croix il ne lui dit pas : elle sera votre mère, mais seulement: voilà votre mère, manifestant alors publiquement ce quil avait déjà fait en secret dans la cène.
Après le lavement des pieds, Jésus ordonna de préparer une table plus haute, semblable à un autel, avec une nappe très-riche et très-belle, sur laquelle on mit un petit plat et une grande coupe en forme de calice, capable de contenir le vin nécessaire, suivant les desseins du Seigneur, qui avait préparé et disposé toutes choses par sa sagesse infinie. Le maître de la maison avait préparé tous ces vases si précieux et si riches par un mouvement intérieur de la grâce. Notre-Seigneur sassit à table avec ses apôtres, il demanda du pain azyme, cest-à-dire sans levain, et le mit dans le petit plat, ensuite du vin pur quil mit dans le calice, avec une petite quantité deau. La sainte Vierge considérait tout cela de sa retraite. Les anges conduisirent en ce lieu Elie et Hénoch par lordre du Seigneur, afin que les deux pères de la loi naturelle et de la loi écrite fussent présents à létablissement de la
126
loi évangélique. Le Père éternel avec le Saint-Esprit apparurent aussi dans le cénacle, comme au Jourdain et sur le Thabor, mais les apôtres ne les virent point, excepté saint Jean et la sainte Vierge. Après une longue prière, Jésus- Christ prit dans ses mains le pain , et il demanda intérieurement au Père éternel, quen vertu des paroles quil allait proférer, ce divin sacrement restât ensuite perpétuellement dans léglise. Il éleva les yeux au ciel avec une grande majesté, cest-à-dire vers les deux personnes divines, il prononça les très-saintes paroles de la consécration sur le pain ensuite sur le vin, et par leur vertu ils furent changés au corps, au sang, âme et divinité de notre divin rédempteur. La grande reine adora de sa retraite son divin fils véritablement présent sous les saintes espèces, les anges qui étaient là présents, et ceux qui étaient restés dans le ciel ladorèrent aussi. Le Seigneur éleva son très-saint corps et le sang précieux, afin que tous ceux qui étaient présents à ce premier sacrifice ladorassent; ensuite il se communia lui-même comme souverain prêtre, il le fit avec un si grand respect et une si grande vénération, quil en éprouva comme une crainte dans la partie sensitive. Leffet admirable de lEucharistie dans le corps du rédempteur fut de faire rejaillir sur lui, pendant un peu de temps, la gloire de son âme comme sur le Thabor. Cette merveille fut seulement connue de la grande Mère et en partie dHénoch, dElie et de saint Jean. Après cette faveur faite à son corps, la sainte humanité renonça à tout autre soulagement dans la partie inférieure de lâme, jusquà la mort. Après sêtre communié lui-même le Seigneur remit une petite parcelle du pain consacré à larchange Gabriel, afin quil lapportât à sa mère et la communiât. Elle fut la première qui participa à la sainte communion après son divin fils, elle le fit avec la foi vive, lamour
127
ineffable, le respect, lhumilité profonde et la vénération indicible, quelle avait contemplé dans le Dieu fait homme et présent sous les saintes espèces. La grande reine reçut alors la grâce toute spéciale de pouvoir conserver dans son coeur les espèces sacramentelles quelle avait reçues cette nuit, jusquaprès la résurrection, lorsque lapôtre saint Pierre consacra, comme nous le dirons dans la suite.
La divine mère reçut dans cette communion une parfaite connaissance de la manière dont Jésus-Christ était présent dans le saint sacrement, et de tous les miracles qui ont eu lieu à cette occasion. Elle connut lingratitude que les hommes auraient pour ce grand et incomparable bienfait, cest pourquoi elle se chargea de compenser, autant quil était possible par des louanges, des hommages, des prostrations et des adorations, tous les outrages que le Seigneur devait souffrir dans leucharistie, de la part de ses ingrates créatures. Après que la sainte mère eut reçu la communion, le Seigneur donna le pain consacré aux disciples, leur ordonnant de le partager entre eux et de le prendre. Il leur conféra en même temps par ses paroles la dignité sacerdotale, quils commencèrent dès ce moment à exercer, en se communiant eux-mêmes. Il ordonna ensuite à saint Pierre de communier avec de saintes particules Hénoch et Élie pour les fortifier de nouveau. Il arriva un autre prodige très-caché; le traître Judas en communiant résolut de garder la particule du pain consacré, pour la présenter aux princes des prêtres et aux pharisiens, afin daccuser son divin maître. La sainte Vierge connut lintention du traître perfide, et elle ordonna aux saints anges dôter les saintes espèces de la bouche sacrilège de lindigne disciple, après quil aurait communié. Les anges exécutèrent le divin commandement, et les ayant purifiées avec soin, ils les remirent dune manière invisible sur la sainte table, parce que
128
Judas ne fut ni des premiers ni des derniers à recevoir la sainte communion. Il fut le premier hérétique dans léglise, qui nia le saint sacrement de leucharistie.
Haut du document
CHAPITRE XXIII
COMMENCEMENT DE LA PASSION JUSQUAU PRÉTOIRE DE CAÏPHE.
A lentrée de la nuit qui suivit le jeudi de la cène, le doux Jésus résolut de commencer sa douleureuse passion. Il sortit donc de la salle où il avait célébré de si grands mystères et parla longuement aux disciples. Il rencontra aussi sa sainte mère, qui était sortie en même temps de sa retraite, il la regarda dun air joyeux, et lui dit ces seules paroles; ma mère, je serai avec vous dans vos tribulations, accomplissons la volonté du Père éternel et le salut du monde, ensuite il lui donna sa bénédiction et la quitta. Elle se retira de nouveau dans la chambre de la maison du cénacle, parce que le maître se trouvant présent à cette douloureuse séparation, lui avait offert, par linspiration divine, la maison et tout ce quelle renfermait, pour tout le temps quelle resterait à Jérusalem. La sainte Vierge se retira livrée à une douleur que chaque chrétien peut simaginer, mais elle ne cessa point dêtre présente en esprit à tout ce qui se fit dans cette cruelle nuit, Elle vit lorsque Judas alla vers les prêtres et les pharisiens, et lapparition du démon en forme visible, pour le
129
détourner de vendre son divin maître. Elle vit Jésus se retirer au jardin de Gethsémani et découvrit sa profonde tristesse; elle connut que toutes les angoisses quil eut jusquà éprouver des sueurs de sang, provenaient de ce quil voyait que toutes ses souffrances seraient non-seulement sans fruit pour les méchants, mais seraient encore par leur malice la cause dun plus grand châtiment; cest pourquoi il priait son Père déloigner de lui cette amertume sous le nom de calice. Elle connut encore quaprès la prière de Jésus-Christ, le Père éternel envoya larchange saint Michel pour lui dire de se consoler dans ses peines, car parmi ceux quil sauverait par son sang divin, serait Marie sa mère, digne fruit de sa rédemption. Elle vit que trouvant ses disciples endormis, avant de les éveiller, il sarrêta un peu à les regarder avec compassion et pleura sur leur négligence et leur tiédeur. Non-seulement elle vit ceci et tout ce qui arriva au jardin en détail, mais elle considéra autant quil fut possible, chaque action que faisait son divin fils dans sa passion. Elle se retira avec les saintes femmes, lorsque Jésus se retira avec ses trois disciples, elle pria aussi comme Jésus avait prié le Père éternel déloigner et de suspendre toute consolation qui pourrait lempêcher de souffrir avec son fils; et elle de- manda que son corps put partager toutes les souffrances quil endurerait lui-même. Elle éprouva aussi une profonde tristesse, elle fit la même prière que Jésus fit pour les pécheurs, elle entra en agonie et eut aussi une sueur de sang, larchange Gabriel fut également envoyé pour la fortifier, comme saint Miche! lavait été pour Jésus. Lorsquelle se retira pour prier, elle prit avec elle les trois Maries, laissant les autres femmes et elle alla aussi les visiter au moment où Jésus visita les apôtres, et les exhorta à être vigilantes contre le démon. Lorsque Jésus dit à ses apôtres : tristis
129
et anima mea usque ad mortem , elle dit aussi aux trois Maries; mon âme est triste, parce que mon fils bien-aimé et mon Seigneur doit souffrir et mourir et que je ne dois pas mourir avec lui. Priez, mes amies, afin de ne pas entrer en tentation. Au milieu de ces tourments, la sainte Vierge non-seulement eut toujours un coeur magnanime, mais encore elle songea au moyen de pouvoir soulager son divin fils, et elle envoya un de ses anges pour essuyer avec des linges quelle lui donna le visage de son Dieu agonisant. Lorsque les soldats partirent avec Judas pour arrèter Jésus, la très-sage reine, prévoyant les outrages, les injures et les mauvais traitements, que ces méchants lui feraient souffrir, invita aussitôt les, saints anges afin de compenser avec elle par leurs louanges et leurs adorations tous les affronts quils lui faisaient. Ainsi pour les offenses outrageantes quil recevait de ces méchants et pour le baiser que Judas lui donna comme signal pour le trahir, elle offrait à proportion des actes de vénération et de louanges à sa divine majesté et retenait ainsi lindignation de Dieu, afin quil nengloutît pas ces misérables. Elle pria surtout pour Judas, et à sa considération Dieu envoya à son coeur de fortes et nombreuses inspirations et de grandes grâces afin quil rentrât en lui-même. Lorsquelle vit que par la vertu de ces puissantes paroles dites à cette troupe maudite : Ego sum, ils étaient tous tombés à terre avec les chevaux, et que les démons étaient abattus et restaient renversés pendant un demi quart dheure, elle chanta des cantiques de louanges et de victoire au Très-Haut. Il est vrai que par pitié pour ces malheureux, elle pria le Seigneur de leur laisser la vie et de les faire lever. Le Seigneur leur accorda donc le pouvoir dexercer contre lui toute leur rage, il leur demanda de nouveau : Qui cherchez-vous? Ils ré-
131
pondirent, Jésus de Nazareth, il leur dit: Cest moi; et ils se jetèrent sur lui comme des chiens enragés et des bêtes féroces. Lorsque Jésus fut lié, elle ressentit aussi les douleurs des chaînes et des cordes comme si elle eût été liée en effet. Elle éprouva la même chose pour les coups, les mauvais traitements, les soufflets que souffrit le Sauveur, dans son arrestation, et lorsquon déchira ses habits et quon lui arracha les cheveux. A la fuite des apôtres elle ne sindigna pas contre eux, mais elle les recommanda instamment au Seigneur, et quoiquelle fut affligée de les voir .chancelants dans leur foi, néanmoins elle pria pour eux, et elle offrit au Seigneur tous les devoirs et toute la vénération de léglise entière résumée en elle. Tandis que Jésus accablé de coups était au pouvoir de ses ennemis, la sainte Vierge était dans le Cénacle, Judas croyant par la suggestion de Lucifer son pardon impossible, et tourmenté par lappréhension du déshonneur quil aurait dans le monde pour avoir trahi son maître, fut tellement agité quil entra en fureur contre lui-même; il se retira à lécart et voulut se précipiter dune des fenêtres les plus élevées du palais du Pontife, mais il en fut empêché. Il sortit de cette maison poussant des cris comme une bête féroce, se mordant les poings, sarrachant les cheveux et se donnant mille malédictions. Lucifer le voyant en cet état, lui persuada de rendre largent aux prêtres, il voulait ainsi empêcher la mort de Jésus-Christ quil soupçonnait toujours davantage dêtre le Messie à la vue de sa douceur au milieu des outrages. Mais nayant pu encore réussir dans son dessein Lucifer augmenta le désespoir de Judas et lui persuada quil valait mieux de délivrer en un instant de tant de peines et dignominie. Le malheureux apostât y consentit, et sortant de la ville, homicide de lui-même, il se pendit à un arbre. Cette mort affreuse arriva le jour même du vendredi quel-
132
ques heures avant que Jésus nexpirât. Son corps, resta trois jours suspendu à larbre avec les entrailles crevées et quoique les juifs cherchassent plusieurs fois à lenlever pour lensevelir, parce quil revenait de cette mort une grande gloire au Sauveur, ils ne purent jamais le faire. Enfin, après trois jours les démons par la permission de Dieu, enlevèrent le cadavre maudit de larbre et le transportèrent en enfer où ils avaient conduit son âme.
La troupe des soldats envoyée pour arrêter le Seigneur, afin de lamener ,en sûreté, car ils le prenaient pour un magicien à cause de ses miracles et pensaient quil pourrait séchapper de leurs mains, le lièrent étroitement aux flancs, aux bras, et au cou de deux longues et grosses cordes et dune pesante, longue et forte chaîne qui avait servi de levier pour fermer et ouvrir une porte de prison et aux extrémités de laquelle ils avaient attaché des me- cottes de fer, dont ils lui attachèrent les mains derrière le dos. Layant lié de cette cruelle manière ils partirent du mont des oliviers avec un grand tumulte, les uns tirant les cordes par-devant et les autres par-derrière ils le faisaient tomber à terre, ils exhalaient leur rage contre lui par des coups de pied aux cotés, des coups de poing au visage et à la tête, ils lui déchirèrent les habits, et lui arrachèrent la barbe, ils le tramèrent par les cheveux, et lui enfoncèrent la pointe de leurs bâtons dans les côtés; ils lui donnèrent des coups sur les épaules, et le traînèrent tantôt dun côté tantôt de lautre du chemin. Le Seigneur tomba plusieurs fois le visage contre terre avec une grande douleur, car ayant les mains liées derrière le dos il se meurtrissait le divin visage et se couvrait de plaies, et ne pouvant plus se relever, les coups et les mauvais traitements de toute sorte quil recevait étaient innombrables, jusquà lui marcher dessus,
133
et comme un doux agneau, il supportait ces affreuses cruautés avec une patience admirable. Lucifer était en fureur à la vue de cette résignation et pour en triompher il voulut lui-même prendre les cordes pour le traîner avec une plus grande violence; mais la sainte Vierge, qui voyait tout ceci en esprit, et qui ressentait dans son corps très-pur tous les mauvais traitements, arrêta Lucifer dans son exécrable dessein, et lui enleva les forces afin quil ne pût lexécuter. Ils arrivèrent dans la ville en poussant des cris, des sifflements, des hurlements, comme si on avait arrêté un chef de brigands. Les personnes se mettaient à la fenêtre et à la porte avec des flambeaux, ils linjuriaient et linsultaient lappelant faux prophète, magicien, pervers, méchant et scélérat : et cum iniquis reputatus est. Ils le conduisirent au tribunal dAnne, pontife, qui le reçut assis sur son siège, Lucifer se plaça à ses côtés, environné dune multitude innombrable de démons appliqués à irriter ce juge contre Jésus-Christ, afin déprouver sa divine patience. Le Sauveur, reçut alors ce cruel soufflet de la main gantée de fer dun des serviteurs auquel il avait guéri miraculeusement loreille au jardin de Gethsémani. Le Seigneur, lui fit cette réponse célèbre en recevant le soufflet: si male locutus sum: testimonium perhibe de malo, qui couvrit ce méchant de confusion, mais ne lamenda pas. Le coup fut si sanglant quil lui enfonça toutes les dents et lui fit couler le sang de la bouche, du nez et des yeux; dans le même instant la mère de Dieu ressentit dans son visage ce coup terrible qui lui fit verser des larmes de sang.
En ce moment Jean et Pierre arrivèrent à la maison dAnne. Après y être entrés Pierre sapprocha du feu dans le vestibule, et la portière layant vu lui demanda sil était disciple du Nazaréen. Elle fit cette demande avec moquerie
134
et mépris, cest pourquoi Pierre en éprouva de la honte, et saisi de crainte et de lâcheté, il nia quil le fut. Après ce reniement il sortit de la maison dAnne, mais il suivit ensuite le Seigneur dans la maison de Caïphe où il fut amené avec de grandes railleries. Il fut reçu avec des rires, des insultes et de grandes moqueries, pour lui il priait le Père éternel pour eux, et la divine mère priait avec lui. Caïphe était assis sur son siége magnifique entouré des scribes et des pharisiens assistés de Lucifer, qui désirait toujours mieux sassurer si Jésus était le Messie, il inspira donc à Caïphe de lui dire: Je tadjure au nom de Dieu vivant de nous dire ouvertement si in es le Christ fils de Dieu. A la réponse pleine de douceur de Jésus-Christ, Lucifer fut si tourmenté que ne pouvant le supporter, il se précipita au fond de labîme. Il en sortit par la permission de Dieu, mais incertain si le Christ avait ainsi parlé pour se délivrer des mains des ses ennemis. Revenu de nouveau dans la salle, il excita les ministres à lui donner des soufflets, des coups de poing, à lui arracher les cheveux, à lui cracher au visage et à le fouler aux pieds. Les anges qui ladoraient et le louaient étaient confondus des jugements incompréhensibles de la divine sagesse, en voyant que sa divine Majesté consentait à être présentée comme coupable et que le prêtre inique se montrait comme juste et zélé pour lhonneur de Dieu, à qui il prétendait ôter sacrilègement la vie; et linnocent agneau gardait le silence sans ouvrir la bouche. Dans cette maison, on banda les yeux au Seigneur pal-ce quil apparaissait sur son visage une douceur et une splendeur qui causaient une grande peine et confusion à ses ennemis. Ils attribuèrent tout cela à lart magique, et ils lui couvrirent le visage avec de sales haillons, et lui firent de mauvais traitements et des insultes indicibles, la Vierge mère non-seulement les vit,
135
mais les ressentit tous, dans le même temps et dans les mêmes parties, que les souffrit le rédempteur.
Il fut facile à saint Pierre, au milieu de la foule des personnes qui entraient dans la maison de Caïphe, de sintroduire aussi à la faveur de lobscurité de la nuit. Nais une servante le vit dans la cour et se tournant vers les soldats qui étaient auprès du feu: cet homme, dit-elle, est un de ceux qui allaient dans la compagnie de Jésus de Nazareth; et un de ceux qui étaient là, ajouta: en vérité, tu es réellement Galiléen et un de ceux qui suivaient Jésus. Saint Pierre le nia et jura quil nétait pas disciple de Jésus et il quitta le feu et la cour. Mais il ne pouvait pas séloigner de la vue de son divin maître, retenu par la compassion pour ses souffrances, il tournoya donc pendant une heure environ, un parent de Malechus le vit et le reconnut; tu es Galiléen lui dit-il, et disciple de Jésus, je tai vu avec lui dans le jardin, et de nouveau Pierre jura quil ne le connaissait pas, et alors le coq chanta pour la seconde fois, et la prophétie de Jésus-Christ fut accomplie, quil le renierait trois fois cette nuit avant que le coq chantât deux fois. Ayant entendu le chant du coq, Pierre se souvint des paroles de Jésus, qui en ce moment, le regarda avec sa grande miséricorde, il sortit aussitôt en versant des larmes, et se retira dans une grotte appelée encore galligante: Chant du coq, il y pleura amèrement pendant trois heures, il rentra en grâce et obtint son par-. don par le moyen de la sainte Vierge. Elle avait vu sa faute de sa retraite et aussitôt elle pria pour lui avec larmes et prosternée à terre; elle lui envoya même un de ses anges pour le consoler, non pas dune manière visible pal-ce que son péché était trop récent, mais à lintérieur, sans que Pierre le vit.
136
Haut du document
CHAPITRE XXIV
SUITE DE LA PASSION JUSQUA LA SENTENCE DE MORT.
Après minuit , ceux du conseil arrêtèrent que tandis quils dormiraient, Jésus-Christ resterait ainsi lié dans un lieu souterrain de la maison, qui servait de prison pour les plus grands voleurs et scélérats. Cette prison était si obscure que la lumière y pénétrait à peine, et si sale et puante quelle était insupportable pour tous. Ils enfermèrent là le fils de Dieu, le traînant attaché avec les chaînes et les cordes dont ils lavaient lié au jardin des olives. Il y avait dans un coin de la prison une pierre ou une pointe de rocher, à laquelle ils attachèrent le Seigneur de telle sorte quil ne pouvait ni se remuer ni sasseoir, et layant ainsi lié ils sortirent de ce lieu fétide, en fermèrent la porte et y laissèrent lun deux de garde au-dehors. Les saintes anges entrèrent pour vénérer le Sauveur, et lui demandèrent de vouloir bien leur permettre de le délier, mais le doux Jésus ne le permit pas, pour souffrir davantage, et il les envoya consoler sa mère affligée. Après que ces méchants et ces ivrognes eurent soupé, excités par le démon, ils allèrent le détacher du rocher et le mirent au milieu de la prison, ils voulurent le contraindre à parler et à faire quelque miracle, mais Jésus, la sagesse incarnée ne répondant rien, ils laccablèrent de coups et de soufflets, et leur rage croissant ils lui bandèrent de nouveau les yeux, avec un dégoûtant chiffon, et le frappèrent avec violence sur le cou et au visage, en lui disant, devine qui ta frappé. Lucifer irrité de sa patience inspira à ces cruels ivrognes de le mettre entièrement nu et de lui faire de plus grands outrages. Mais la très-pure Vierge qui voyait et contemplait tout empêcha cet odieux outrage, elle pria
137
avec instance le Seigneur de ne pas permettre cette ignominie et sa prière fut exaucée. lIs lattachèrent donc de nouveau au rocher et sortirent de la prison, les anges entrèrent pour compatir à ses douleurs et ladorer ; en ce temps là il priait le Père éternel pour ceux qui lavaient ainsi maltraité.
A laurore, les princes des prêtres et les scribes sassemblèrent et le divin agneau fut amené devant eux. Cétait un spectacle digne de piété de voir le divin Jésus défiguré, le visage meurtri et couvert de dégoûtants crachats, quil navait pu enlever ayant les mains liées derrière le dos. En le voyant dans cet état ses ennemis mêmes furent effrayés. Ils lui demandèrent de nouveau à dessein sil était fils de Dieu, et ayant entendu quil létait, ils le jugèrent digne de mort, et ils résolurent de lenvoyer à Pilate proconsul de lempereur romain à qui étaient réservées les causes capitales. Le soleil était déjà levé, et la mère affligée résolut de sortir de sa retraite pour suivre son fils si cruellement traité. Lorsquelle sortait de la maison avec les Marie et Magdeleine, saint Jean arriva pour linformer de tout ce qui était arrivé, ne sachant pas quelle avait vu tout en esprit. Il demanda dabord pardon de la lâcheté quil avait eue de senfuir, et se mit à raconter tout ce qui était arrivé jusqualors, lhumble reine ninterrompit point son récit, et écouta tout avec une extrême souffrance. Après quil eut fini de parler, ils versèrent tous des larmes, et ils se mirent en marche. La sainte Vierge entendit les divers entretiens de la foule, dans les rues, sur son fils bien-aimé, elle ne sarrêta jamais, et ne sindigna point contre ceux qui en parlaient mal, mais elle pria pour eux. Un grand nombre de personnes la re- connurent à son manteau noir et à son cordon pour la mère de Jésus, quelque uns étaient naturellement touchés de compassion pour elle, et dautres linjuriaient à pause de la mauvaise
138
éducation donnée à son fils. Mais voilà quils aperçoivent un grand tumulte, et quils entendent un grand bruit, et tout-à-coup elle voit au milieu de cette canaille son divin fils, elle se jeta à terre et ladora profondément. Ils se jetèrent lun à lautre un douloureux regard qui pénétra leurs coeurs dune douleur inexprimable, ils se parlèrent seulement dans lintérieur de leur âme. On le traînait vers Pilate, et la mère affligée versant des larmes le suivait avec les saintes femmes en disant : mon fils, mon bien-aimé fils. Ils arrivèrent enfin en présence de Pilate qui quoique païen eut égard aux lois cerémonielles des juifs, qui leur défendaient dentrer dans le prétoire, il sortit donc pour interroger le prétendu coupable. La mère affligée était toujours présente avec saint Jean et les saintes femmes, les anges les avaient amenés dans un lieu doù elles pouvaient voir tout et entendre ce qui se disait. La sainte Vierge couverte de son manteau noir versait des larmes de sang par la violence de sa douleur; elle ressentait en elle-même toutes les souffrances que souffrait son divin fils. Elle pria le Père éternel afin que Pilate connut clairement linnocence de Jésus, il la connut en effet, mais il ne correspondit pas à la grâce quil avait reçue par le moyen de la mère de miséricorde. Il sefforça néanmoins de ne pas condamner un innocent, en lenvoyant à Hérode, fils de cet Hérode qui avait fait massacrer les saints innocents qui était venu à la fête des azymes, lorsquil apprit que Jésus était né dans son royaume. A cette occasion ils oublièrent même quelques différends, et devinrent amis.
Il est impossible de dire les souffrances et les douleurs que souffrit Jésus dans ce trajet de Pilate à Hérode, de la part de ces bourreaux excités par Lucifer, qui voulait sassurer toujours davantage par la grandeur de la patience de Jésus,
139
sil était le Messie. Sa mère affligée, suivit derrière la masse de la populace, toute occupée de son divin fils. La grande reine nentra pas dans la maison dHérode, mais elle vit tout ce qui sy fit, et entendit toutes les demandes dHérode. Lorsquil en sortit revêtu de lhabit des insensés, elle comprit toute la grandeur de cette injure et ladora profondément comme la sagesse infinie. Elle le suivit avec la même constance, lorsquil fut ramené chez Pilate; plusieurs fois à cause de la foule, et par la violence avec laquelle on le traînait, embarrassé par sa longue tunique, Jésus tomba par terre; en tombant les veines souvrirent par la manière dont ils le traînaient cruellement, et aussi par les coups et les mauvais traitements quil recevait, ne pouvant se relever, parce quil avait les mains enchaînées et attachées derrière le dos. Alors la prudente et tendre mère ordonna aux saints anges, non-seulement de recueillir ces gouttes de sang très-précieux, qui tombaient à terre, afin quelles ne fussent pas profanées et foulées aux pieds, mais elle leur commanda aussi de soutenir leur Créateur, lorsquil serait exposé à tomber. . Mais elle ne voulut pas donner cet ordre aux anges avant den avoir obtenu la permission du Seigneur, quelle pria de condescendre en cela, aux humbles prières de sa mère affligée.
Jésus fut ramené devant Pilate, qui voyant son innocence, et lenvie et la haine des juifs, essaya de le délivrer. Il parla seul avec Jésus, il dit aussi en secret à quelques-uns des chefs de la synagogue, quil y avait dans la prison un scélérat infâme, condamné par le peuple, quils devaient donc demander quon délivrât le Nazaréen et non Barrabas, cétait le nom de lhomicide et du meurtrier. Cette coutume de délivrer un criminel à la fête de Pâques avait été introduite chez les Juifs, en souvenir de la délivrance dEgypte. La
140
mère affligée était présente dans la maison de Pilate, à tout ce quil fit pour délivrer son fils. Elle vit aussi lambassade de la femme de Pilate nommé Procule à son mari et elle vit que cétait une suggestion de Lucifer. pour empêcher la rédemption. La divine Marie était de toute part transpercée dun glaive de douleur, mais elle le fut plus cruellement lorsquelle entendit que Barrabas était préféré à son divin fils.
Le moyen tenté par Pilate pour délivrer le Seigneur, nayant pas réussi, il pensa à un moyen dhabilité toute humaine, ce fut de le faire flageller pour apaiser ainsi la haine des juifs, et comme suffisamment châtié ensuite de le délivrer. Mais il jugea contre toute justice, car il avait bien reconnu linnocence de Jésus. Pour exécuter cette flagellation, on choisit six jeunes hommes robustes des plus inhumains et des plus barbares. ils lamenèrent dans une cour, où était une colonne, et lui enlevèrent les cordes, les chaînes et les menottes, ils lui ôtèrent dabord le manteau blanc, ensuite ils le dépouillèrent de sa robe sans couture et son corps fut tout nu, excepté une espèce de caleçon, quils voulaient même lui ôter, mais la grande reine lempêcha, en priant le Père éternel de ne pas le permettre. La flagellation commença sous les yeux de la mère affligée, ils le lièrent si étroitement à la colonne avec des petites cordes, quelles lui entrèrent dans la chair et que ses divines mains se gonflèrent. Ensuite ils se mirent à le flageller deux à deux, les uns après les autres, avec une cruauté si inouïe que la férocité humaine nen était pas capable, si Lucifer lui-même ne se fut comme incorporé dans le coeur de ses bourreaux impitoyables. Les deux premiers flagellèrent linnocent Jésus avec des cordes tordues, dures et grosses en y employant toute la fureur de la rage et toutes leurs forces. Ces premiers coups de fouets firent sur son corps divin si délicat de
141
grandes et livides meurtrissures, il se fendit de toutes par en se gonflant, et le sang était sur le point de couler à travers les blessures. Les deux premiers bourreaux étant épuisés de fatigue, les deux seconds se mirent à leur place, ils le frappèrent avec des courroies de cuir très-dures sur les premières blessures et firent crever les meurtrissures livides et gonflées quavaient fait les premiers, de sorte que le sang divin en sortit, et non-seulement il couvrit le corps sacré d Jésus-Christ, mais encore il baigna les vêtements des sacrilèges bourreaux et découla jusquà terre, ces seconds étant hors dhaleine, les troisièmes les remplacèrent et se servirent de nouveaux instruments qui étaient des nerfs danimaux très-durs, semblables à des verges sèches. Ils flagellèrent le Sauveur avec une cruauté plus grande encore, parce quils frappaient sur les blessures faites par les deux premiers et les seconds; mais comme les veines de son corps divin avaient déjà été rompues et quil nétait plus quune seule plaie, ces troisièmes bourreaux ne pouvaient plus faire de nouvelles plaies dans aucune partie du corps, cest pourquoi en redoublant leurs, coups terribles ils arrachèrent la chaire divine et immaculée, de sorte quil en tomba des morceaux à terre et les os furent mis à découvert en diverse
parties des épaules. Pour satisfaire encore mieux leur férocité inouïe ils le flagellèrent au visage, aux jambes, aux pieds et aux mains, sans épargner une seule partie. Le sang divin se répandit à flots sur la terre. Son divin visage et tout meurtri, déchiré et si couvert de sang et dhorribles crachats quon ne pouvait plus le reconnaître. De même la mère des douleurs, dans un coin de la cour, avec la sainte suite qui laccompagnait dans ses douleurs, ressentait dans son âme et dans son corps virginal tous les coups mot tels quendurait son divin fils, et elle fut si affligée que saint
142
Jean et les Maries ne reconnaissaient plus les traits de son visage, parce que sa douleur et ses souffrances étaient sans mesure, à cause de sa grande foi et la parfaite connaissance quelle avait de lincomparable dignité de son divin fils. Elle seule sut apprécier, mieux que toutes les créatures, linnocence de Jésus-Christ, la dignité de sa divine personne, lénormité des injures quil recevait et les tourments indicibles quil supportait.
Cependant dans le désir de le voir mourir sur la croix, ils le délièrent et il tomba par terre baigné dans son sang. Ils lui ordonnèrent de se vêtir, un de ces méchants lui avait caché sa tunique sans couture, et le voyant ainsi nu et couvert seulement de plaies et de sang, ils linjurièrent et le couvrirent de railleries. En ce temps, ils allèrent dire à Pilate que prétendant devenir roi des juifs, il était juste de le couronner dépines. Ayant obtenu cette injuste permission de Pilate, ils lui mirent sur les épaules des haillons de pourpre et un roseau à la main en guise de sceptre, et enfin ils enfoncèrent violemment sur sa tête divine une couronne dépines pour servir de diadème. Elle était composée de joncs marins, très-épineux, avec des pointes fines et dures et ils la lui placèrent de manière que les épines en grand nombre pénétrèrent les os de la tête, dautres arrivèrent jusquaux oreilles et dautres encore jusquaux yeux. Après cette douloureuse et cruelle ignominie, ils adorèrent comme un roi de théâtre, celui qui par nature et à toute sorte de titres, était le véritable roi des rois et le Seigneur des seigneurs. Tous les soldats de la cohorte se rassemblèrent aussitôt en présence des prêtres et des pharisiens et ayant mis au milieu deux laimable Jésus, ils le chargèrent de blasphèmes avec des railleries indicibles, les uns se mettaient à genoux devant lui et lui disaient par moquerie Je vous salue roi des juifs.
143
Dautres lui donnaient de sanglants soufflets, et dautres lui frappaient la tête avec le roseau, quelques uns couvraient son divin visage de dégoûtants crachats et tous laccablaient dinjures, et doutrages de toutes sortes inspirés par le démon.
Pilate pensa que le coeur de ce peuple ingrat et furieux, serait attendri à un spectacle si douloureux, cest pourquoi il le fit montrer au public dune grande fenêtre, en disant Voilà lhomme; quavez-Vous sujet de craindre quil se fasse roi, puisquil ne ressemble plus à un homme et quon ne trouve rien en lui qui soit digne de mort, Mais le peuple en fureur, cria : Crucifiez-le! Crucifiez-le! La mère des douleurs en voyant son fils réduit à un semblable état, se mettant à genoux, ladora, et le reconnut pour vrai Dieu et vrai homme; saint Jean, les saintes femmes et tous les anges qui assistaient la grande reine en firent autant. La grande reine pria le Père éternel de faire connaître plus clairement à Pilate linnocence de Jésus, cest pourquoi Pilate prit Jésus à part, et lui fit les interrogations rapportées par les évangélistes, aussi il le montrait au peuple en répétant que Jésus était innocent. Les juifs saperçurent du désir de Pilate de délivrer Jésus, ils crièrent donc à Pilate, en faisant un grand bruit et en le menaçant, sil ne condamnait pas Jésus à mort, Pilate alors se troubla beaucoup et vaincu parla crainte, il sassit sur son tribunal vers lheure de midi, la veille de la Pâque des juifs, il se lava dabord les mains, croyant aveuglement se purifier ainsi de linjustice quil commettait et il prononça enfin la sentence de mort contre lauteur de la vie. La mère affligée vit et entendit tout et la cruelle amertume de son coeur accablé de tristesse et daffliction se renouvela, et le glaive tic douleur divisa, pénétra et transperça, sans aucune pitié son âme. Mais comme la grandeur des douleurs que ressentit la très-sainte Vierge
144
surpassent tout ce que lintelligence humaine peut comprendre, il faut le laisser à la piété chrétienne. De même il est impossible de rapporter tous les actes intérieurs héroïques dadoration, de louanges, de vénération, damour, de compassion, de douleur et de conformité à la divine volonté quelle fit.
Haut du document
CHAPITRE XXV.
JÉSUS MONTE AU CALVAIRE, SA MORT
Linjuste sentence étant pr6noncée, ils amenèrent Jésus de Nazareth un peu à lécart, et le dépouillèrent des ignominieux haillons de pourpre pour le revêtir de ses propres habits, avec la couronne dépines, afin quon le reconnût. La ville était remplie de monde, à cause du concours détrangers venus à la grande fête de Pâques, ils accoururent donc tous pour voir ce qui se passait et ils remplirent les rues jusquau palais de Pilate. Jésus apparut au milieu de tout ce peuple, à la vue dun si pitoyable spectacle, il séleva un bruit comme un murmure confus, ou lon ne distinguait que la joie insolente et les injures des princes des prêtres et des pharisiens. Le reste de la multitude était divisé en sentiments et en opinions diverses et tout était plein de confusion suivant les pensées de chacun. Il y en avait dans la foule plusieurs qui avaient été guéris par les miracles de Jésus, dautres qui avaient entendu sa doctrine et lavaient embrassée, et ils le plaignaient amèrement, dautres gar-
145
daient le silence, on ne voyait donc que confusion. Des onze apôtres, saint Jean seulement était présent, lorsquil vit son bien-aimé Seigneur et son maître, amené publiquement pour être crucifié, son coeur fut transpercé dune si cruelle douleur quil perdit connaissance et resta sans mouvement et sans pouls comme sil eût été privé de vie, et les autres Maries eurent aussi une défaillance semblable à la mort. La reine des vertus fut invincible et conserva toujours un coeur magnanime dans sa plus grande douleur, elle ne sévanouit jamais et neut aucune défaillance comme les autres. Elle fut en tout forte, admirable et prudente dans toutes ses actions extérieures, elle agit avec tant de sagesse que sans faire entendre aucune plainte ni pousser aucun cri elle ranima les Maries et saint Jean et elle pria, le Seigneur de les fortifier, par sa divine vertu, et par lefficacité de ses saintes prières, ils reprirent de nouvelles forces. Au milieu de cette confusion et dans son immense douleur, elle ne fit jamais une action ni un mouvement où ne respirât la modestie, mais avec la sérénité dune reine elle répandait des larmes continuelles, et était attentive au divin Jésus, elle priait le Père, éternel, lui offrait les souffrances et la passion de son fils et elle imitait les actes intérieurs que faisait le sauveur. Elle considérait la grande malice du péché, pénétrait les mystères de la rédemption et invitait les anges à louer et à adorer le Très-Haut, elle priait aussi pour les amis, pour les ennemis. Son amour sélevait à son plus haut degré et elle éprouvait une douleur qui correspondait à son amour, cest pourquoi elle pratiquait en mène temps toutes les vertus à la grande admiration des esprits célestes et lextrême complaisance de. la très-sainte Trinité.
En présence dune foule immense, les bourreaux présentèrent la croix à Jésus et la mirent sur ses délicates
146
toutes couvertes de plaies , et afin quil pût la porter ils lui délièrent les mains, mais non le reste du corps. Ils lui mirent la chaîne autour du cou et lui lièrent le corps avec de longues cordes, et avec une ils le tiraient par devant et avec lautre par derrière. La croix était dun bois très-pesant et longue de quinze pieds. Le héraut avec une trompette marcha au-devant pour lire la sentence, et toute cette multitude de peuple confuse et bruyante, les bourreaux et les soldats, se mirent en mouvement avec des railleries, des rires, des cris et un grand bruit, dans un désordre effroyable, pour aller à travers les rues de Jérusalem, du palais de Pilate au mont du Calvaire. Notre-Seigneur commença le douloureux voyage au milieu de mille injures, plusieurs fois il tomba par terre parce que les uns le tiraient par-devant et les autres par-derrière, et aussi à cause de la charge pesante de la croix. Dans ses diverses chutes à terre le rédempteur se fit de nouvelles et nombreuses plaies qui lui causèrent une immense douleur, mais surtout celles des deux genoux. Le poids si lourd de la croix lui fit encore une grande plaie à lépaule sur laquelle elle sappuyait, et en le secouant et en le tirant avec violence il heurtait fréquemment la tête contre la croix et chaque coup faisait pénétrer plus profondément les épines dans le crâne, ce qui faisait éprouver une insupportable et nouvelle douleur au rédempteur.
Toute la foi, la science et lamour se trouvaient pour ainsi dire renfermés en ce triste moment dans le grand coeur de la divine mère, cest pourquoi elle seule avait une véritable connaissance et faisait une appréciation juste et digne des grandes souffrances et de la mort dun Dieu fait homme pour les hommes, Sans jamais cesser de prêter lattention nécessaire à ce quil fallait faire extérieurement, elle contemplait et pénétrait avec sa sagesse profonde tous les mystères
147
de la rédemption du monde et la manière dont elle saccomplissait, par lignorance des hommes qui étaient rachetés, Elle appréciait dune manière digne, quel était celui qui souffrait, ce quil souffrait, de qui et pour qui il souffrait, de sorte quelle eut après son divin fils la science la plus sublime de la dignité, de la personne de Jésus-Christ, en qui se trouvait réunies les deux natures divine et humaine, ainsi que des perfections et des attributs de chacune delle. Elle seule entre les pures créatures parvint à apprécier et à estimer la sainte passion et lignominieuse mort de son Dieu fait homme; et non-seulement la douce colombe vit comme témoin oculaire de tout ce quil souffrit, mais encore elle le connut par sa propre expérience dans son coeur très-pur. Il arrivait quelquefois que la mère des douleurs ne voyait pas souffrir son fils bien-aimé dans quelque rue qui conduisait au Calvaire, mais elle ressentait dans son corps virginal et dans son esprit tous les tourments de son fils, et elle sécriait: Ah! mon fils, quel martyre souffre mon fils. Elle fut si admirable dans sa constance à souffrir avec son divin fils, quelle en fit son unique modèle et jamais lamoureuse mère ne se permit aucune sorte de soulagement pendant toute la cruelle passion, non-seulement clans son corps car dans ce temps elle ne reposa point, ne dormit ne mangea ni ne but, mais même dans son esprit, suspendant toutes les considérations qui pouvaient adoucir ses douleurs, excepté lorsque le Très-Haut lui communiquait une influence divine pour lui conserver la vie.
Le Très-Haut opéra un autre mystère secret contre Lucifer par le moyen de sa divine mère. Le dragon infernal et ses ministres considéraient avec attention tout ce qui se passait dans la passion, et ils ne pouvaient encore sassurer de la vérité, mais lorsque le Seigneur reçut la croix, ces en-
148
nemis insensés sentirent min nouvel accablement dans leurs, forces, et ne comprenant la cause de cette oppression, ils en furent étonnés, et ils furent saisis dune tristesse mêlée de rage. Lorsque le prince des ténèbres éprouva ces effets tout nouveaux, il jugea que la passion et la mort de Jésus- Christ le menaçaient dune ruine irréparable et que son empire allait être détruit. Pour ne pas attendre cet évènement en présence de Jésus-Christ, il résolut de senfuir avec tous ses compagnons, et de se réfugier dans les cavernes infernales. Mais tandis quil formait ce dessein, il fut retenu par le pouvoir de notre grande reine, car le Très-Haut en ce moment léclaira de sa lumière et linvestit de sa puissance, en lui faisant connaître ce quelle devait faire, Alors la divine mère se tourna vers lorgueilleux Lucifer et toutes ses légions, et les arrêta avec un empire de reine afin quils ne senfuissent pas; et leur ordonna dattendre la fin de toute la passion de son divin fils et dêtre présents à ce qui arriverait sur le mont de Calvaire. Les esprits rebelles ne purent résister au commandement de la puissante reine, parce quils reconnurent la vertu divine qui opérait sur elle, cest pourquoi dociles à ses ordres ils accompagnaient Jésus. Christ comme vaincus et enchaînés jusquau Calvaire, où léternelle sagesse avait résolu de triompher de lenfer du trime de la croix.
Cependant les bourreaux traînaient notre Sauveur avec une cruauté et des outrages incroyables, les uns le tiraient en avant par les cordes pour le faire marcher plus vite, et les autres pour le faire souffrir le tiraient en arrière afin daugmenter ses peines. Ces violences si cruelles et le poids si pesant de la croix le faisaient tomber à terre, et dans la chute quil faisait en tombant sur les pierres il se faisait des larges plaies. Il recevait de continuelles injures et de railleries, ils
149
jetaient sur sa divine face des crachats et de la boue, dune si horrible manière quils lui couvraient les yeux, et un grand nombre de personnes se voilaient la face de leurs mains parce quelles en étaient saisies de confusion. La mère affligée voyait tout cela et adorait continuellement son divin fils portant la divine croix, elle priait intérieurement avec humilité que puisqu elle ne pouvait le soulager du poids si pesant de la croix, et quil ne voulait pas permettre que les anges le fissent, comme elle le désirait dans sa grande compassion envers lui, il daignât au moins par sa puissance, inspirer à ces bourreaux de lui chercher quelquun pour laider à la porter. Le divin fils exauça cette prière, cest pourquoi il advint que le voyant épuisé et craignant quil ne mourût avant quils le crucifiassent, ils forcèrent Simon de Cyrène à laider à porter la croix.
Il y avait parmi la foule qui suivait le Seigneur, plusieurs femmes de Jérusalem, qui saffligeaient et pleuraient amèrement comme le raconte lévangéliste. Le Seigneur se tourna vers elles, et leur dit; filles de Jérusalem ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous et sur vos enfants, et le reste comme il est rapporté par saint Luc. Le Cyrénien prit la croix et suivit Jésus qui marchait entre deux voleurs, afin que tout le monde crût quil était un malfaiteur et un scélérat comme les autres. La mère affligée se trouvait très-rapprochée de son divin fils, comme elle lavait désiré, quelle fut la grandeur ,de la douleur et la peine extrême de cette sainte mère, en voyant si près delle son fils bien-aimé si cruellement maltraité, et quelle fut celle du fils, en voyant sa mère dans les douleurs de la mort, il faut le laisser à ht pieuse considération des fidèles. Le nouvel Isaac arriva au mont du sacrifice accablé de lassitude et épuisé, couvert dû sang et de plaies, et si défiguré quil était impossible de le
150
reconnaître. La divine mère parvint aussi au Calvaire, et voyant que les bourreaux se disposaient à le dépouiller, elle se mit à genoux et loffrit au Père éternel pour le salut du monde. Ensuite elle remarqua quon avait donné selon la coutume aux deux larrons un vin généreux et aromatisé pour les fortifier, mais quils voulaient donner à son fils un breuvage de fiel, elle pria intérieurement le divin Jésus de ne pas martyriser sa sainte bouche et de ne point le prendre, le divin fils écouta cette amoureuse prière de sa mère, il goûta lamère boisson, mais il ne la but point. Cétait déjà lheure de la fête, cest-à-dire midi, toutes les douleurs du rédempteur lui furent renouvelées, ils lui arrachèrent de vive force la robe sans couture qui était collée aux plaies; en la tirant par la tête sans ôter la couronne dépines, ils enlevèrent, par la violence quils y mirent cette couronne avec la tunique sans couture, renouvelant ainsi les blessures de sa tête sacrée, avec une cruauté inouïe et une douleur incompréhensible. ils lui remirent de nouveau cette couronne avec violence, de sorte que la mère affligée vît son divin fils qui nétait plus quune plaie, et si elle ne mourut pas daffliction et de douleur, ce fut par un miracle de la toute-puissance de Dieu.
Tandis que les bourreaux se préparaient à le crucifier, il pria le Père éternel pour le genre humain et pour ceux qui le crucifiaient, et sa miséricordieuse mère unit sa prière à la sienne. Lorsque les bourreaux firent les trous à la croix pour les clous, lamoureuse mère put alors sapprocher, elle prit son bras languissant et baisa sa divine Main, elle ladora avec une grande vénération, et lagonisant Jésus fut un peu consolé et fortifié de la beauté de cette grande âme. ils le poussèrent violemment et le firent tomber sur la croix, alors élevant les yeux au ciel, il étendit les bras et mit sa main droite sur le trou, il soffrit de nouveau au Père éternel, alors avec une
151
cruauté inouïe ils clouèrent cette main toute-puissante avec un clou angulaire et très-gros, qui brisa les veines et rompit les nerfs. Le bras gauche ne put atteindre au trou, parce que les nerfs sétaient retirés et parce quils lavaient fait à dessein plus distant quil ne fallait, alors ils prirent la chaîne quil avait portée à son cou, et mettant son poignet à la menotte qui était à lun des bouts, ils tirèrent le bras avec une cruauté inouïe et le clouèrent, le sang se répandait en abondance avec une souffrance incroyable du fils et de la mère qui était là présente. ils passèrent ensuite aux pieds, et les plaçant lun sur lautre, ils les lièrent avec la même chaîne, et tirant avec une grande violence et cruauté, ils les clouèrent ensemble avec un troisième clou un peu plus fort que les autres. Le sacré corps fut ainsi cloué sur la divine croix, mais dans un tel état quon pouvait lui compter les os, qui étaient entièrement disloqués et qui étaient sortis de leur place. Ceux de la poitrine, des épaules et des cuisses furent déboîtés et entièrement déjoints par la cruelle violence des bourreaux. Considérons ici maintenant le coeur si accablé de la pauvre mère, et son corps virginal environné de douleurs de touts parts. Ah! ma grande reine sans consolation.
Après que le Seigneur qui nétait plus quune plaie eut été crucifié, afin que les clous ne se détachassent point et que le corps divin ne tombât à terre, ces monstres de cruauté jugèrent bon de les river par derrière. Ils commencèrent donc par élever la croix pour la renverser sens dessus-dessous, et appuyer ainsi contre la terre Jésus crucifié. Cette nouvelle cruauté fit frémir tous les assistants, et il séleva un grand bruit dans la foule touchée de compassion. La mère affligée recourut au Père éternel pour cette inconcevable cruauté, afin quil ne permît quelle se fit selon lintention des bourreaux, et elle commanda aux anges de
152
venir au secours de leur créateur. Dès quils eurent fini, ils élevèrent la croix et la firent tomber dans le trou creusé à cet effet, mais ces monstres soutinrent le corps avec leurs lances et lui firent de profondes blessures sous les bras, en enfonçant le fer dans la chair pour aider à dresser la croix. A ce spectacle si cruel, le peuple redoubla ses cris et le bruit et la confusion augmentèrent, de sorte que le coeur de la pauvre mère était entièrement accablé de douleur. Les juifs le blasphémaient, les dévots le pleuraient, les étrangers étaient confondus détonnement, et quelques uns nosaient pas le regarder par lhorreur quils en éprouvaient,, et le corps sacré répandait son sang en abondance par les blessures qui avaient été faites et les plaies qui avaient été renouvelées.
Ils crucifièrent également les deux voleurs, et ils dressèrent leurs croix lune à droite lautre à gauche, ils le placèrent au milieu, afin quil fut considéré comme le chef et le plus grand des scélérats. Les pontifes et les pharisiens branlaient la tête avec des gestes de mépris, ils linsultaient et lui jetaient de la poussière et des pierres , en disant; toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve- toi toi-même. Les deux voleurs linjuriaient aussi et lui disaient; si tu es le fils de Dieu, sauve-toi toi-même et nous aussi. Cependant la sainte Vierge à genoux adorait son divin fils, elle pria le Père éternel de faire éclater linnocence de Jésus-Christ. Sa prière fut exaucée la terre trembla, le soleil séclipsa, la lune sobscurcit et les éléments furent dans la confusion, les montagnes se, fendirent ainsi que le voile du temple, les tombeaux souvrirent et les bourreaux se retirèrent contrits, gémissants et convertis, parce que Jésus en agonie, proféra ces paroles qui renferment lexcès de la charité : Mon père, pardonnez leur, car ils ne savent ce quils font.
153
Lun des voleurs appelé Dismas, entendant ces paroles, et la sainte Vierge près de laquelle il était intercédant en même temps pour lui, il fut éclairé intérieurement et par cette divine lumière, il fut touché de contrition pour ses péchés, il reprit son compagnon et défendit lhonneur de Jésus-Christ, il se recommanda au Sauveur et le paradis lui fut promis. Le bon larron ayant été justifié, Jésus jeta un regard plein de tendresse sur sa mère, et proféra la troisième parole : femme voilà votre fils, en lui montrant saint Jean, et il dit à celui-ci : voilà votre mère. Il était près de trois heures et il adressa à son père la quatrième parole: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez vous abandonné, saffligeant de ce que la divinité avait suspendu les divines influences à sa sainte humanité, et aussi parce quil voyait un grand nombre de méchants, qui quoique devenus ses membres, et malgré son sang versé avec une si surabondante profusion, devaient se séparer de son corps divin et se damner. Cest pourquoi il proféra la cinquième parole : jai soif. Il avait soif de voir tous les hommes correspondre au salut par la foi et la charité quils lui devaient. Mais les méchants lui présentèrent à lextrémité dun roseau une éponge trempée de fiel et de vinaigre. A la prière de la sainte Vierge, il refusa pour ne pas martyriser sa sainte bouche. Il prononça la sixième parole : Consummatum est, pour annoncer que la grande oeuvre de la rédemption du monde était accomplie. Enfin il ajouta; mon père, je remets mon. âme entre vos mains, il prononça ces divines paroles dune voix forte èt sonore, en élevant au ciel ses yeux pleins de sang, et inclinant sa tête divine, il expira. Si la divine mère nexpira pas aussi ce fut par un miracle de la toute-puissance de Dieu. Lucifer et tous les siens par la vertu de ces dernières paroles fut vaincu et précipité dans lenfer, et son empire fut détruit. La sainte Vierge demeura au pied
154
de la croix jusquà la fin du jour, où lon ensevelit le corps du rédempteur. Et en récompense de cette dernière douleur la très-pure mère fut toute spiritualisée dans le peu de lêtre terrestre, que son corps virginal avait encore.
Chaque père de famille fait son testament avant de mourir, ainsi Jésus-Christ avant de prononcer les sept paroles fit son testament sur la croix concerté avec le Père éternel, il resta scellé et caché pour les hommes, il ne fut ouvert quà la divine mère comme coadjutrice de la rédemption. il la déclara héritière, et exécutrice testamentaire pour accomplir sa divine volonté, et tout fut remis dans ses mains par le divin maître, comme le Père avait tout remis dans celles du fils. Ainsi notre grande reine dut distribuer les trésors dus à son fils parce quil est Dieu, et acquis par ses mérites infinis. Elle fut déclarée donc la dépositaire de toutes les richesses, dont son fils, notre rédempteur nous cède les droits auprès du Père éternel, afin que les secours, les grâces, et les faveurs soient accordés par la sainte Vierge et quelle les distribue de ses mains miséricordieuses et libérales.
155
Haut du document
CHAPITRE XXVI
TRIOMPHE DE NOTRE-SEIGNEUR SUR LA CROIX CONTRE LA MORT ET CONTRE LENFER. CONCILIABULE DES DÉMONS CONTRE LE GENRE HUMAIN.
Dans tout le cours de la vie divine de Jésus-Christ notre souverain bien, la divine providence ne permit jamais que les démons le reconnussent pour Dieu et rédempteur du monde, et en conséquence ils ne connurent jamais la sublime dignité de la très-sainte Vierge. Lucifer resta toujours dans son aveuglement, car tantôt il jugeait quil était Dieu à léclat de ses, miracles, ensuite il cessait de le croire en le voyant si pauvre et si humble. Il fut enfin entièrement convaincu au triomphe glorieux de la divine croix. Au moment que Notre-Seigneur embrassa la croix bien-aimée, Lucifer, avec les siens, se sentit affaibli, comme privé de sa force, vaincu et lié, et lextrémité des chaînes fut placée entre les mains de la divine mère, afin que par la vertu de son divin fils elle les tint assujettis et enchaînés. Ils firent tous leurs efforts pour senfuir et se précipiter dans labîme, mais ils furent contraints et forcés par la grande reine, à la la grande honte de lorgueilleux et superbe Lucifer, de voir la fin de tous ces mystères. Lucifer donc et toutes les légions infernales étaient accablés dun tourment insupportable par la présence de Jésus-Christ, et ils étaient forcés par la mère à leur grand chagrin et à contre-coeur de ne pas cesser de se tenir autour de la croix. Lorsque Jésus-Christ commença à parler sur la croix, il voulut que les démons lentendissent, quils pénétrassent le sens des paroles et compris-
156
sent tous les profonds mystères quelles renfermaient. En lentendant recommander à son Père ses ennemis, ils reconnurent clairement quil était le véritable Messie, cest pourquoi ils éprouvèrent une grande rage de la force de ces paroles pleines dune charité infinie, et ils voulaient se précipiter dans les abîmes, mais ils furent arrêtés par le commandement de la puissante reine. Lorsquils lentendirent promettre le paradis au bon larron, ils comprirent le fruit de la rédemption, Lucifer en devint furieux, et il en vint à humilier son grand orgueil aux pieds de la grande reine pour lui demander de le chasser de sa présence et le précipiter avec les siens dans lenfer, mais cela ne leur fut pas permis pour leur plus grand supplice et plus cruel tourment. Lorsquil recommanda sa mère à saint Jean, en lappelant femme ils connurent quelle était véritablement cette grande femme quils avaient vue dans le ciel après leur création et quelle était celle qui devait écraser la tête de Lucifer, comme il en avait été menacé dans le paradis terrestre. A la quatrième parole qui témoigne de son abandon, ils connurent la charité incompréhensible de Jésus qui se plaignait à son Père, non pas de ce quil souffrait , mais parce quil désirait souffrir encore davantage pour le genre humain. Ils entrèrent dans une plus grande rage lorsquils entendirent, Jai soif parce quils virent bien quil navait pas soif dans son corps, mais dans son âme, à cause de lardente charité dont il était enflammé pour notre salut éternel. Lorsquils entendirent la sixième parole mystérieuse, tout est consommé, consummatum est, ils eurent une entière connaissance du grand mystère de lincarnation et de la rédemption qui étaient déjà accomplis à leur éternelle honte et confusion. Le règne de Jésus-Christ était ainsi établi et lempire de satan entièrement détruit, cest pourquoi lorsque Jésus prononça ces
157
paroles : Mon Père je remets mon âme entre vos mains, et, quil inclina la tête et expira, la terre souvrit aussitôt et Lucifer avec tous les siens fut englouti dune manière terrible dans le fond des enfers, avec plus de rapidité que la foudre, qui tombe des nues. Il tomba dans lenfer désarmé et vaincu et sa tête fut écrasée sous les pieds de Jésus-Christ et de sa mère.
Cette chute si rapide de Lucifer avec tous ses démons, fut plus honteuse et leur causa un tourment plus grand que, lorsquils furent précipités la première fois du ciel. Et quoique ce malheureux séjour soit toujours un lieu de profondes ténèbres, et couvert des ombres de la mort, néanmoins à cette occasion il devint plus triste encore, car les damnés y. éprouvèrent une nouvelle horreur par la violence avec laquelle les démons y furent précipités. Judas principalement ressentit un tourment plus grand; ce malheureux en tombant dans lenfer, fut jeté dans un abîme sans fond où les démons avaient déjà voulu précipiter dautres âmes, mais ils ne lavaient jamais pu, sans en connaître la raison. Dès le commencement, cet abîme horrible de tourments particuliers avait été destiné pour Judas et pour les imitateurs de Judas, les mauvais prêtres, les religieux relâchés, les chrétiens de mauvaise vie qui après avoir reçu le saint baptême, se damnant parce quils ne profitent pas des saints sacrements, de la doctrine, de la passion et de la mort de Jésus-Christ, et de la toute puissante intercession de sa très-sainte Mère. Aussitôt que Lucifer, le Seigneur le permettant ainsi, se fut remis de sa chute si terrible, il réunit en assemblée tous les chefs des légions infernales et leur parla ainsi : Mes complices, vous voyez que nous avons perdu lempire que nous avions sur le monde, et que nous avons été terrassés par lhomme Dieu et mis sous les pieds de sa. mère. Que faire
158
maintenant ô mes compagnons, comment pourrons-nous rétablir notre empire détruit? Comment pourrons nous perdre les hommes? Qui ne suivra désormais et nimitera cet homme Dieu? Les hommes marcheront tous à sa suite, ils lui donneront tous leur coeur à lenvi, ils embrasseront sa loi, observeront ses préceptes, et personne ne prêtera plus loreille à nos tromperies, ils rejetteront les richesses et fuiront les honneurs que nous leurs promettons pour les tromper. Ah! sans doute, sur cet exemple, ils aimeront tous la pauvreté, la pureté, lobéissance et. le mépris. Ils obtiendront tous cette félicité éternelle que nous avons perdue; ils shumilieront tous jusquau-dessous de la poussière et ils souffriront avec patience pour imiter leur rédempteur. Mon orgueil néanmoins ne cède point. Allons, courage, concertons-nous. Approchez pour conférer avec moi sur les moyens par lesquels nous ferons la guerre au monde racheté par un homme Dieu et protégé par sa mère notre terrible ennemie. A cette proposition si difficile, quelques chefs des démons, les plus rusés, répondirent en lexcitant à empêcher les fruits de la rédemption et ils dirent : Il est vrai que les hommes possèdent maintenant une loi très-douce, des sacrements qui sont très-efficaces, les nouveaux exemples dun divin maître, et la toute-puissante intercession de cette nouvelle femme; mais la nature humaine est toujours la même et les choses délectables et sensibles nont pas été changées, cest une condition de la nature humaine, quoccupée à un objet elle ne peut ètre attentive à ce qui lui est opposé. Ils résolurent alors de maintenir lidolâtrie dans le monde, afin que les hommes ne parvinssent jamais à la connaissance du vrai Dieu et de la rédemption; et si lidolâtrie était détruite, quil fallait introduire de nouvelles sectes et hérésies dans le monde. Alors furent inventés par ces monstres infernaux
159
les dogmes erronés dArius, de Pélage, de Nestorius, de Mahomet et des autres hérétiques maudits. Tout cela fut approuvé par Lucifer, parce quil détruisait le fondement de la vie éternelle bienheureuse. Dautres démons prirent lengagement de mettre tous leurs soins, à rendre négligents les parents et les chefs de famille dans léducation de leurs enfants et de leurs subordonnés. Dautres prirent la charge de semer la division entre les maris et les épouses pour faire naître des haines et des querelles entre eux, parce que ce serait une disposition prochaine à ladultère. Les autres dirent, il faut travailler à enlever la piété et tout ce qui est spirituel et divin, faire en sorte que les hommes ne comprennent pas la vertu des sacrements, et quils les reçoivent en état de péché; et lorsquil arrivera quils nauront pas commis des fautes mortelles, quils les reçoivent sans ferveur et sans dévotion, car puisque ces bienfaits sont spirituels, il est nécessaire de les recevoir avec ferveur et bonne volonté, pour que ceux qui y participent en retirent des fruits plus abondants. Sils en viennent à mépriser le remède, alors négligents de leur salut ils ne pourront pas recouvrer leurs forces, ils ne résisteront pas à nos tentations, et aveuglés ils ne reconnaîtront pas nos tromperies et nos piéges, et napprécieront pas lamour de leur propre rédempteur, ni la protection de la puissante femme. Par-dessus tout ils résolurent dun commun accord de mettre tout leur zèle et tout leur soin à effacer de la mémoire des fidèles, le souvenir de la douloureuse passion de Jésus-Christ, parce quils oublieraient ainsi les peines de lenfer, et le danger de leur éternelle damnation.
Il nest pas possible de rapporter ici les avis et les résolutions de ces esprits rebelles, qui tramèrent la destruction de léglise et la perte des fidèles. il suffit de dire, que ce con-
160
ciliabule infernal dura une année entière. Lucifer écouta tous les projets des démons, et les approuva, il excita ensuite toutes ses légions infernales, et mit tout en oeuvre contre le monde racheté et surtout contre les chrétiens. Il ordonna à ses complices animés par la rage de semer la discorde dans léglise et dans les chefs et les maîtres lambition, lavidité, la sensualité, lavarice, afin que les pêchés se multipliant, parmi les chrétiens et surtout dans les chefs et ceux qui doivent conduire les autres, Dieu sirrite justement contre eux par leur ingratitude; alors il adviendra, quil leur refusera et leur soustraira les secours de la grâce, ils se fermeront par leurs péchés la voie maintenant ouverte de la rédemption, et ainsi lenfer triomphera.
Quiconque lira ce chapitre doit réfléchir sérieusement, que Lucifer et lenfer est toujours le même, quil a la même haine et la même rage contre nous qui sommes si faibles, cest pourquoi il faut ranimer tout notre zèle potin notre salut. Nous ne devons pas nous laisser séduire par les appâts trompeurs du monde, des sens et de lenfer, mais il nous faut recourir aux plaies de notre rédempteur et vivre sous le manteau de notre divine reine.
Haut du document
CHAPITRE XXVII
COUP DE LANCE AU DIVIN CÔTÉ, SÉPULTURE, ET RETOUR DE LA SAINTE VIERGE AU CÉNACLE.
La mère des douleurs couverte dun manteau noir, resta toujours débout sur le Calvaire, appuyée sur la sainte croix, adorant le très-saint corps de Jésus qui avait expiré sur elle
161
et la personne divine à laquelle Con corps resta toujours uni. La grande reine était toujours constante à pratiquer intérieurement les plus héroïques vertus, et restait immobile au milieu des mouvements impétueux de ses plus cruelles douleurs. Laffliction la plus grande de cette miséricordieuse et divine mère était la coupable ingratitude que les hommes témoignaient pour cet incompréhensible bienfait à leur grand dommage et à leur propre perte. Elle était aussi dans une grande sollicitude pour la sépulture du corps sacré et pour savoir celui qui lenlèverait de la croix; lorsquelle vit tout-à-coup une troupe de gens armés, qui sapprochaient du Calvaire; les battements de son coeur redoublèrent, parce quelle craignit quelque nouvel outrage au corps sacré du rédempteur. Elle sadressa à saint Jean et aux saintes femmes et leur dit: Hélas, ma douleur est arrivée à son plus haut degré et mon coeur en est brisé dans la poitrine. Hélas, les bourreaux ne sont pas peut-être satisfaits davoir donné la mort à mon fils, ils eurent encore faire de nouveaux outrages au corps sacré! Cétait déjà Je soir du vendredi et la grande fête du sabbat des Juifs commençait, cest pourquoi, afin de pouvoir la célébrer sans embarras, ils avaient demandé à Pilate la permission de rompre les jambes aux trois crucifiés, pour hâter leur mort, afin quon pût les descendre de la croix sur le déclin du jour. Les soldats que la mère affligée avait vus arrivaient dans cette intention au Calvaire. A leur arrivée, trouvant encore en vie les deux larrons, ils leur rompirent les jambes, et ils moururent aussitôt. Sapprochant alors de Jésus, ils remarquèrent quil était déjà mort, et un soldat nommé Longin, lui transperça le côté avec une lance et il en sortit du sang et de leau. Le Seigneur qui était mort, ne put sentir cette cruelle blessure, mais la mère affligée qui était là présente, la ressentit toute dans son coeur, comme
162
si réellement elle avait été transpercée de la lance. Mais cette douleur fut encore moindre que celle que ressentit son âme, en voyant la nouvelle cruauté avec laquelle ils avaient percé le divin côté de son fils déjà mort. Touchée de compassion et de pitié pour Longin, elle dit: Que le Tout-Puissant vous regarde avec les yeux de sa miséricorde infinie, à cause de la douleur immense que vous avez causée à mon âme. Elle fut exaucée aussitôt, car il tomba, quelques gouttes de sang et de leau qui sortaient du divin corps sur le visage de Longin, et par lintercession de la divine mère affligée, il obtint la vue du corps quil avait à peine, et celle de son âme, car il connut la majesté du Seigneur crucifié, fut converti, et pleurant ses péchés, il le confessa pour vrai Dieu et rédempteur dq monde, et il le prêcha comme tel aux Juifs qui lenvironnaient.
La grande mère de la sagesse connut le mystère du coup de lance, et comprit comment, dans ce reste de sang et deau qui coulait du divin côté, la nouvelle Église sortait lavée, purifiée et renouvelée par la vertu de la passion et de la mort, et comment de son coeur sacré il sortait comme dun tronc des rameaux qui, chargés de fruits de vie éternelle, devaient se répandre dans le monde entier. La divine mère pria, afin que tous les mystères de la rédemption fussent accomplis pour le bonheur de tout le genre humain. En ce moment, elle vit savancer sur la montagne une autre troupe de personnes qui portaient des échelles, cétait Joseph dArimathie, Nicodème et leurs serviteurs. Arrivés au pied de la croix, où se trouvait la mère des douleurs, au lieu de la saluer et de la consoler, ils furent si touchés de compassion à sa vue et ils éprouvèrent une telle douleur en voyant le divin Seigneur cloué sur la croix, quils restèrent quelque temps sans pouvoir proférer une parole. Enfin, fortifiés par la reine des
163
vertus, ils reprirent courage et la saluèrent avec une humble compassion. Ils se disposèrent ensuite à ôter les clous et descendre le corps sacré. Joseph désirait que la mère affligée se retirât un peu à lécart afin de ne pas renouveler ses douleurs, mais toujours constante et courageuse, elle leur dit: Puisque jai eu la consolation de vois- mettre mon fils eu croix, permettez que jai encore celle de len voir descendre, car cet acte de si grande piété me causera plus de soulagement que de peine et de souffrance. A ces paroles si généreuses, ils se mirent aussitôt à descendre le corps de la croix. Ils enlevèrent dabord la grande couronne dépines, et après lavoir baisée avec une grande vénération, ils la remirent à la sainte Vierge. Elle la reçut à genoux et ladora, elle lapprocha avec piété de son visage et la couvrit de larmes abondantes; saint Jean et les saintes femmes ladorèrent aussi. Ils en firent de même pour les clous sacrés, quils enlevèrent successivement des divines plaies. Pour recevoir le corps sacré, la mère des douleurs se mit à genoux et étendit ses bras avec un linceul déployé. Saint Jean tenait la tête, la Magdeleine les pieds pour aider Nicodème et Joseph, de cette manière ils le placèrent tous ensemble avec une grande vénération et des larmes abondantes, sur le sein de la mère des douleurs. Elle ladora profondément, en versant des larmes de sang par lexcès de sa cruelle douleur. Tous les saints anges qui étaient là présents ladorèrent aussi, mais ils ne furent pas vus des assistants. Saint Jean ladora et après lui tous les autres fidèles, dans les bras de sa mère en pleurs. Après avoir accompli ce devoir, saint Jean et Joseph prièrent la Vierge mère de permettre quon donnât la sépulture au divin corps; et après lavoir embaumé, ils le placèrent dans un linceul pour le porter au sépulcre. La grande peine pleine de prudence, quoique accablée de douleur, convoqua du
164
ciel plusieurs choeurs danges, afin quavec ses anges gardiens ils vinrent assister aux funérailles de leur créateur. Les esprits célestes accoururent aussitôt en forme visible pour elle, et la sainte et dévote procession, des anges et des hommes , commença. Saint Jean, Nicodème, Joseph, et le centurion qui avaient assisté à la mort du rédempteur, et qui lavaient confessé pour fils de Dieu, portèrent le sacré corps. Derrière eux marchait la mère affligée, accompagnée des Maries et des autres dévotes femmes, et après celles-ci, divers autres fidèles qui avaient été éclairés de la divine lumière; ils le conduisirent en pleurant à un jardin où Joseph avait un sépulcre neuf, dans lequel ils le mirent avec une grande vénération. Avant de le fermer avec la pierre, la divine mère se mit à genoux et adora de nouveau son fils, et tous les autres limitèrent en pleurant. Le sépulcre, étant fermé la Vierge ordonna aux saints anges dy rester en garde, tandis quelle allait conduire de nouveau au Calvaire cette sainte compagnie de fidèles, pour y adorer la sainte croix. Dès quils eurent fini, elle fut accompagnée jusquau cénacle de ces pieux fidèles, qui se retirèrent ensuite dans leurs maisons, remplis de célestes consolations. La très-sainte Vierge, saint Jean et les saintes femmes restèrent seuls au cénacle.
Saint Jean pria alors la sainte Vierge de prendre un peu. de repos: Mon repos, répondit-elle, consiste à voir mon fils ressuscité. Après ces paroles, elle se retira dans une chambre accompagnée de saint Jean, là, elle se jeta aux pieds de lapôtre, et lui rappela ce que le Seigneur lui avait dit sur la croix, et elle le pria, comme prêtre du Très-Haut, de lui commander toujours, comme sa servante, tout ce quelle devait faire à lavenir. Saint Jean lui donna des raisons pour démontrer que ce droit lui appartenait bien plutôt comme mère; mais ce fut en vain; car lhumble reine ajouta, mon
165
fils, je dois avoir toujours quelquun à qui je puisse assujettir ma volonté, et certes, comme fils, vous devez me donner cette consolation dans ma solitude. Le saint répondit à ces paroles, quil soit fait comme vous le voulez, ma mère, Alors la Vierge lui demanda la permission de se retirer seule, pour méditer sur les mystères de la passion du divin fils, et le pria de pourvoir à la nourriture des saintes femmes et de les assister. Lapôtre exécuta ces ordres, ensuite ils se retirèrent tous pour employer cette nuit dans de douloureuses méditations sur la passion du rédempteur. A laurore du samedi, saint Jean entra dans loratoire de la divine mère pour la consoler, et il en reçut la bénédiction quil reçut le premier de la Vierge mère. Il sortit de la maison pour chercher saint Pierre à la prière de la sainte Vierge. Saint Jean avait fait à peine quatre pas pour trouver saint Pierre, quil le rencontra par la disposition de la divine Providence; il sortait dune grotte souterraine, où jusqualors il avait pleuré son péché, plein de confusion et versant de larmes, et il savançait vers le cénacle. Saint Jean avait reçu lordre de la divine mère, quaprès quil laurait retrouvé, il laccueillit avec de témoignages damour et de tendresse, quil le consolât, et lemmenât vers elle, et quil en fit autant pour les autres apôtres. Après lavoir fortifié en premier lieu par de douces paroles, ils allèrent tous les deux à la recherche des autres, et en ayant trouvé quelques-tins, ils vinrent tous ensemble au cénacle. Saint Pierre entra le premier, et se prosterna aux pieds de la divine reine: Jai péché, dit-il, en versant des larmes, jai péché devant mon Dieu, jai offensé mon divin maître, et vous, ô ma mère, et opprimé par la douleur et les larmes, il ne put pas en dire davantage. La miséricordieuse mère de la piété se mit aussi à genoux, demandons, dit-elle, pardon de votre faute, ô Pierre, à mon
166
fils, votre maître. Les autres se joignirent à eux, et tous versant des larmes prosternés à ses pieds, lui demandèrent pardon de leur lâcheté et davoir abandonné leur divin maître et son fils. La mère de la clémence les fit lever, leur promit à tous le pardon quils désiraient, et sa médiation pour lobtenir.
Après avoir passé le jour du sabbat dans de saints entretiens et de pieuses méditations, elle se retira le soir pour contempler les divines actions que lâme très-sainte de Jésus faisait aux limbes, car elle voyait clairement en esprit toutes les choses.
Elle vit que lorsque lâme de son divin fils entra aux limbes, cette obscure prison fut illuminée et remplie de célestes consolations. Ensuite il fut commandé aux anges de conduire dehors toutes les âmes des limbes et celles du purgatoire, et réunies toutes ensemble, elles donnèrent mille louanges et mille-bénédictions à leur libérateur. La grande reine vit tout cela et en éprouva une grande joie dans son âme, sans quelle se fît sentir dans la .partie sensitive, parce quelle avait prié le Père éternel de lui suspendre toutes les consolations extérieures, pendant tout le temps que son divin fils resterait dans le sépulcre. Ce jour fut terrible pour lenfer, qui par la permission de Dieu ressentit cette descente triomphante aux limbes. Les démons étaient encore affaiblis, abattus et accablés par la chute quils avaient faite sur le calvaire, mais en entendant la voix des anges qui précédaient le Seigneur, ils se troublèrent et furent saisis de crainte, et comme font les serpents, lorsquils sont poursuivis, ils se cachèrent-dans les cavernes infernales. Lindicible confusion des malheureux damnés fut encore plus grande et principalement de Judas, parce que les démons exhalèrent avec une grande fureur contre lui leur indignation et leur rage.
167
Haut du document
CHAPITRE XXVIII
RÉSURRECTION DU SEIGNEUR, ET GRANDE JOIE DE LA DIVINE MÈRE. AUTRES MERVEILLES.
Le divin Seigneur resta aux limbes avec les Saints pères, depuis le vendredi au soir, jusquau matin du dimanche, où il sortit du sépulcre, avant laurore, accompagné des saints anges et des âmes des justes quil avait rachetées. Un grand nombre desprits bienheureux étaient de garde auprès du sépulcre, et quelques-uns dentre eux, par lordre de la grande reine, avaient recueilli le sang divin, et les lambeaux de chair sacrée arrachés par les coups, et tout ce qui regardait la gloire du corps, ou appartenait à lintégrité de la très-sainte humanité. Les âmes des saints pères en arrivant virent dabord le corps couvert de plaies et défiguré par les outrages et la cruauté des juifs, ensuite les anges rétablirent en leur place, avec une grande vénération les saintes reliques quils avaient recueillies, et dans le même instant, lâme très-sainte du rédempteur sunit au corps sacré, et lui communiqua la vie immortelle et glorieuse. Le Seigneur sortit du sépulcre avec une beauté céleste, et en présence des saints pères il promit à tout le genre humain la résurrection des corps, comme un effet de la sienne, et comme gage de cette promesse, il commanda aux âmes de plusieurs justes qui étaient là présents, de reprendre leurs corps et de sunir à eux; cest pourquoi lévangéliste dit : et les corps de plusieurs ressuscitèrent. La très-sainte Vierge connut tout cela et cette vue fit rejaillir sur elle une splendeur céleste, qui la rendit éclatante de beauté et de lumière. Saint Jean était venu pour la consoler comme le jour précédent dans sa douloureuse solitude, il la vit tout-à-coup environnée de splendeur et de rayons
168
de gloire, et comme lapôtre pouvait à peine auparavant la reconnaître à cause de sa tristesse, il en fut saisi détonnement, et il pensa aussitôt que le divin maître était ressuscité, puisque la divine mère était ainsi renouvelée.
La grande reine, toute absorbée dans la pensée que son fils était ressuscité, faisait des actes héroïques dans son coeur embrasé de charité, lorsquelle ressentit en elle-même quelque chose de nouveau, et ce fut une sorte de joie et de consolation céleste qui correspondait à lincompréhensible douleur quelle avait soufferte dans la passion. Cette surabondance de joies dans sa grande âme se communiquait, comme naturellement il arrive, de lâme au corps. Après ces admirables effets, elle reçut aussitôt un troisième bienfait différent, ce fut une nouvelle lumière semblable à celle du ciel; étant ainsi préparée, son fils bien-aimé entra dans sa chambre ressuscité et glorieux, accompagné de bous les saints et des patriarches. Lhumble reine se prosterna aussitôt à terre, et adora son divin fils et Seigneur, qui la releva et lapprocha de son divin côté, elle reçut à ce divin contact une faveur extraordinaire délévation incomparable quelle seule put mériter, comme exempte de la loi du péché dAdam, et elle naurait pu la recevoir si le Seigneur ne leût fortifiée, afin quelle ne tombât pas en défaillance. Elle consista, en ce que le corps glorieux du fils environna entièrement lâme de sa mère, comme un globe de cristal qui renfermerait le soleil, et le corps très-pur de la Sainte Vierge devint comme celui des bienheureux; elle entendit alors une voix qui dit: ma bien-aimée, montez plus haut. Par la vertu de cette voix divine, elle fut toute transformée, et elle vit clairement lessence divine, dans laquelle elle trouva son repos et la récompense, quoique en un instant, de toutes les peines quelle avait souffertes. Elle resta plusieurs heures dans cette ineffable jouis-
169
sance, et elle reçut autant de grâces et de dons quune créature peut en recevoir. Elle parla ensuite à chacun des saints patriarches, elle les reconnut les uns après les autres et tous lui rendirent grâces comme mère du rédempteur. Elle sarrêta à parler en particulier avec sainte Anne, saint Joseph, saint Joachim et Jean-Baptiste.
Après la visite faite à sa chère mère, le Seigneur voulut aussi consoler par sa présence ceux qui avait souffert dans sa passion, comme le rapportent les évangélistes. Lorsque le Seigneur avait consolé les autres, il sentretenait toujours dans le cénacle avec sa très-sainte mère, qui pendant les quarante jours avant lascension, ne sortit jamais de la maison. Le Seigneur visita dabord les saintes femmes, parce quelles étaient restées plus fermes dans la foi et lespérance de la résurrection. Le saint évangile raconte que les Maries allèrent au sépulcre, et un évangéliste dit quelles y allèrent de nuit, et lautre, le soleil, étant déjà levé. La chose se passa ainsi. Les femmes partirent du cénacle, le dimanche, avant quil fit jour, et lorsquelles furent arrivées au sépulcre, le soleil était déjà levé, parce que ce jour là il anticipa des trois heures dont il avait été éclipsé, lorsque le rédempteur était mort. Il est clone vrai que suivant le temps ordinaire il était nuit, mais ce matin là le soleil était déjà levé, lorsquelles arrivèrent. Pendant les quarante jours où le divin fils sentretenait avec la grande reine, les effets que sa divine présence opéra en elle sont indicibles. La grande reine parla plusieurs fois avec les saints pères, et comme mère de la sagesse, elle connaissait les grandes faveurs et les grâces quils, avaient reçues du Très-Haut et les prophéties quils avaient faites des divines actions, de la vie et mort de Jésus-Christ. Elles les invita plusieurs fois à louer avec elle le Seigneur, et ils formaient, rangés en ordre un choeur magnifique, ou chacun
170
chantait un verset, la divine mère leur répondait par un autre, et dans ces cantiques elle donnait seule plus de gloire au Très-Haut que tous les saints ensemble. Il arriva aussi une autre merveille dans cet heureux temps, ce fut que toutes les âmes des justes qui pendant ces quarante jours passèrent à léternité, étaient amenées au cénacle, et celles qui navaient rien à purifier étaient aussitôt béatifiées, mais celles qui auraient du aller au purgatoire navaient pas ce bonheur, et les unes trois jours, les autres quatre, les autres cinq, elles étaient privées de la vue de Jésus-Christ ressuscité. Alors la grande mère de la piété et de la miséricorde satisfaisait pour elles par des adorations, des prostrations et des génuflexions et divers autres actes de religion, après laquelle satisfaction, elles étaient admises à voir le Seigneur et à jouir de sa présence, et prosternées devant la divine mère elles lui rendaient de vives actions de grâces.
Les évangélistes rapportent plusieurs apparitions de Jésus-Christ ressuscité, et quoiquils ne fassent pas mention de celle qui fut faite à saint Pierre, il est néanmoins certain, que le Seigneur plein de bonté lui apparut en particulier, après lapparition faite aux saintes femmes. Pour ce qui est du fait de saint Thomas, il est bon de savoir comment il fut converti de son incrédulité par les prières de la sainte Vierge. Les saints apôtres venaient lui raconter lobstination de Thomas, et laccusaient de rester incrédule à leurs paroles et obstiné dans son sentiment. La miséricordieuse mère répondait à ces accusations avec bonté et tranquillité, et leur donnait des raisons pour les apaiser, en leur disant, que les jugements de Dieu sont profonds, et que le Seigneur tirerait un grand bien de cette incrédulité quils condamnaient. En outre elle fit une très-fervente oraison au Seigneur pour obtenir le remède, que le Seigneur donna ensuite à saint Thomas
171
Quelques jours avant lascension, la sainte Vierge se trouvant dans le cénacle, le Père éternel avec lEsprit-Saint apparût sur un trône dineffable beauté, sur lequel le Verbe incarné monta lui-même. A cette vue, lhumble Reine retirée dans un coin de la chambre, humiliée et prosternée à terre adora avec une profonde vénération la très-sainte Trinité; mais le Père éternel ordonna aux anges de la conduire à son trône divin, et lorsquelle fut arrivée, ma bien-aimée, lui dit- il, montez plus haut, et elle fut élevée sur le trône auguste de la divinité. Alors le Père éternel lui recommanda son Église que son fils avait rachetée, par ces paroles. « Ma fille, je vous confie et je vous recommande léglise que mon fils a fondée, et la nouvelle loi de grâce quil a enseignée au monde. » Ensuite le Saint-Esprit lui communiqua la souveraine sagesse et la grâce, et le Fils la laissa et létablit à sa place pour gouverner les fidèles. Alors les trois personnes divines sadressant aux choeurs des saints anges la déclarèrent leur Reine, souveraine de tout ce qui est créé, protectrice de la sainte église, mère du bel amour, avocate des pécheurs et plusieurs autres titres très-beaux. Jésus-Christ adressa un semblable discours aux cent-vingt personnes, le jour de la glorieuse ascension, dans le cénacle, où elles étaient rassemblées. « Mes chers enfants, dit-il, je men vais à mon Père du sein duquel je suis descendu pour le salut du monde. Je vous laisse en ma place pour consolatrice, avocate et médiatrice, ma mère, que vous écouterez et à qui vous obéirez. Et comme je vous ai déjà dit, celui qui me verra, verra mon Père, et celui qui m connaîtra, connaîtra aussi mon Père, ainsi je vous dis maintenant, celui-là me connaîtra, qui connaîtra ma mère, et celui qui lécoutera, mécoutera moi-même, celui qui moffensera, loffensera, et celui-là mhonorera, qui lhonorera. Vous la tiendrez tous pour mère, pour supérieure, pour
172
maîtresse et pour avocate. Elle répondra à vos doutes et à vos difficultés, parce que je serai avec elle jusquà la fin du monde, comme jy suis maintenant, quoique dune manière qui vous est cachée et que vous ne connaissez pas encore. Le Seigneur parla ainsi, parce quil était en elle sous les espèces sacramentelles quelle avait reçue à la cène et quelle conservait dans son coeur. Vous reconnaîtrez aussi Pierre comme chef de lÉglise, dans laquelle je létablis comme mon vicaire. Vous regarderez saint Jean comme fils de ma mère, ainsi que je lai nommé sur la croix. Après ces paroles il fit connaître à sa mère bien-aimée, la volonté quil avait dordonner à cette assemblée de fidèles de commencer à lhonorer du culte qui était due à la mère de Dieu, et de laisser un précepte de sa vénération dans lÉglise. Mais lhumble Reine le supplia avec une grande ardeur de vouloir bien en ce moment ne lui donner dautres honneurs, que celui qui serait nécessaire pour accomplir la charge quil lui avait imposée, et que les fidèles ne lui rendissent pas de plus grande vénération quils navaient fait jusqualors, mais que tout le culte sadressa à lui et à son saint nom. Le Seigneur agréa cette humble demande, en se réservant de la faire connaître plus parfaitement au monde dans un temps plus convenable.
173
Haut du document
CHAPITRE XXIX
ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST AU CIEL. ET FAVEUR SINGULIÈRE DE LA DIVINE MÈRE.
Tandis que le Seigneur était dans le cénacle avec sa mère bien-aimée et les disciples, il sy réunissait par la disposition de la divine providence, dautres fidèles et dautres pieuses femmes en outre de Magdeleine et des Maries, jusquau nombre de cent-vingt. Le divin Maître les remplissait de ferveur, il instruisait ses disciples, et enrichissait son Église de saints mystères et de saints sacrements, Lheure heureuse et fortunée à laquelle il devait aller à son Père éternel, comme véritable héritier de la félicité éternelle arriva enfin, engendré dès léternité de la même substance que le Père, il devait amener avec lui la très-sainte humanité, pour accomplir toutes les prophéties sur sa venue dans ce monde, sa vie et sa rédemption, et parce quil voulait sceller tous les mystères par celui de son ascension, dans laquelle il laissait la promesse de lEsprit-Saint, car lEsprit consolateur ne devait pas venir, sil ne montait dabord au ciel, parce quil devait lenvoyer ensemble avec le Père à son Église bien-aimée. Pour célébrer ce jour joyeux et fortuné, le Seigneur choisit donc pour témoins les cent-vingt personnes; savoir, la très-Sainte Vierge, les onze apôtres, les soixante-douze disciples, Magdeleine, Marthe avec Lazare leur frère, les autres Maries, avec quelques autres fidèles hommes et femmes. Avec ce petit troupeau qui représentait toute lEglise, Jésus le divin pasteur visible à leurs yeux, sortit du cénacle, marchant au-devant, à travers les rues de Jérusalem avec sa très-pure et tendre mère toujours à ses côtés. Rangés tous avec ordre, ils savancèrent vers Béthanie éloignée de moins de deux milles de Jérusalem, vers
174
le Mont des Oliviers. La compagnie des anges et des saints quil avait tiré des lymbes et du purgatoire, suivaient le Seigneur glorieux et triomphant avec des cantiques de louanges, mais la grande Reine jouissait seule de leur vue. La résurrection du Seigneur était déjà répandue dans toute la ville et dans la Palestine, quoique les princes des prêtres essayassent den arrêter par haine la nouvelle. La divine providence ne permît pas que personne remarquât cette sainte assemblée marchant ainsi en ordre, et personne ne vit le Seigneur excepté les cent-vingt personnes.
Ils arrivèrent avec cette assurance que le Seigneur leur donnait intérieurement, au sommet du mont des oliviers: là, ils se rangèrent en trois choeurs, lun des anges, lautre des saints, le troisième des apôtres et des fidèles, ceux-ci se partagèrent en deux et Jésus se plaça au milieu. La divine Mère se prosterna aux pieds de son divin fils et ladora comme vrai Dieu et rédempteur du monde avec une profonde vénération et humilité, elle lui demanda sa dernière bénédiction et tous les fidèles limitèrent. Le Seigneur les bénit tous avec un air joyeux et plein de majesté, il joignit les mains et commença à sélever de terre à leur vue y laissant empreinte la trace de ses pieds divins, il séleva par un mouvement insensible à travers la région de lair, attirant à lui et les yeux et les coeurs ravis de ses enfants premier-nés, qui laccompagnaient de leur amour, en versant de douces larmes et poussant de profonds soupirs. Et comme le mouvement du premier mobile fait aussi mouvoir les cieux inférieurs, ainsi Jésus triomphant attira après lui les choeurs des anges et les saints qui laccompagnaient glorifiés. Mais le mystère nouveau et secret que le bras du tout-puissant opéra dans cette occasion, fut celui damener avec lui sa très sainte Mère, pour lui donner dans le ciel la possession de la
175
gloire, et de la place quil lui avait préparée comme à sa mère véritable, et quelle avait acquise par ses mérites pour la posséder en son temps dans léternité. La toute-puissance divine voulut que dans ce temps la divine Mère fût au ciel, et ne quittât pas néanmoins la compagnie des fidèles sur le mont des oliviers. La bienheureuse Reine fut donc élevée avec son très-saint fils, et placée à sa droite, comme lécrivait si longtemps auparavant David, psaume 44, et elle y resta pendant trois jours. Il fut très-convenable que ce mystère ne fût pas alors connu des fidèles ni des apôtres, car sils avaient vu monter avec Jésus-Christ leur mère et maîtresse, leur affliction aurait été bien plus grande. Leurs soupirs et leurs larmes éclatèrent lorsquils virent leur divin maître bien-aimé séloigner toujours davantage, et lorsquune nuée lumineuse se mit entre eux et le Seigneur, les gémissements devinrent encore plus grands. Le Père éternel avec le Saint-Esprit et tous les esprits bienheureux vinrent sur une nuée au-devant du fils unique incarné et de la Vierge mère, et le divin Père et le Saint-Esprit, à notre manière dentendre, les embrassa dun embrassement pur et ineffable, ce qui causa une nouvelle joie à toute la cour céleste qui chanta: ouvrez, princes, vos pertes éternelles, afin que le grand roi de la gloire et la reine des vertus puissent entrer; déjà sa miséricorde infiniment libérale a donné aux hommes le pouvoir dacquérir avec justice, le droit quils avaient perdu par le péché, de mériter par lobservance de sa loi, la vie éternelle bienheureuse, comme ses frères et ses cohéritiers. Pour augmenter notre joie, il amène avec lui à ses cotés la grande mère de la piété qui lui a donné lêtre avec lequel il a vaincu le démon, et comme notre Reine est si pleine de grâce et de beauté, elle remplit de joie quiconque la contemple.
Cette nouvelle procession si bien rangée arriva au Paradis
176
avec une joie incompréhensible. Les anges se placèrent dun côté et les bienheureux de lautre, et Jésus-Christ notre rédempteur et sa divine Mère passèrent au milieu, et tous rendirent au Christ ladoration suprême, et pareillement la vénération quils devaient à la corédemptrice, chantant de nouveaux cantiques de louanges à lauteur de la grâce et de la vie. Le Père éternel plaça à sa droite le Verbe incarné sur le trône de la divinité. La grande Reine restait abaissée dans la profondeur de son néant, à cause de sa grande humilité et sagesse, se trouvant plus rapprochée du trône de la divinité, elle shumiliait dans sa propre connaissance de pure créature. Ce fut pour les anges et les hommes un nouveau motif dadmiration et de joie de voir ladmirable humilité de leur Reine. On entendit aussitôt la voix du Père éternel qui dit: ma fille montez plus haut, son divin fils lappela aussi en disant ma Mère, levez-vous et venez à la place que je dois vous donner. Le Saint-Esprit dit aussi : mon épouse et ma bien-aimée, venez recevoir mes embrassements éternels. Aussitôt la cour céleste reçut connaissance du décret de la très-sainte Trinité, qui donnait à la divine Mère la droite de son fils, et la sainte Vierge fut placée sur le trône de la très-sainte Trinité à la droite de son fils, et elle connut quon laissait à son choix de retourner dans le monde. Elle se leva de son trône et se prosterna devant la bienheureuse Trinité; pour imiter son divin fils, elle se montra prête à travailler pour lÉglise et à renoncer à cette joie ineffable. Cet acte de charité fut, si agréable au Seigneur, que layant purifiée et illuminée, elle fut élevée à la vision intuitive de la divinité et fut toute remplie de gloire. Et ainsi comme une abeille industrieuse, elle descendit de lÉglise triomphante à la militante, chargée des fleurs de la pure charité, pour travailler le doux rayon de miel de lamour de Dieu et du prochain, pour les
177
jeunes enfants de la primitive Église, dont elle fit ensuite des hommes robustes, qui firent les fondements du grand édifice de lÉglise.
Mais revenons au mont des oliviers. Les fidèles étaient là les yeux levés au ciel, soupirant et pleurant, parce quils ne voyaient plus leur aimable rédempteur; la miséricordieuse mère jeta un regard de bonté vers eux, et pleine de compassion pour leur douleur, elle pria son fils de les consoler, il envoya donc deux anges, vêtus de blanc et tout resplendissants, pour leur donner quelque consolation. Ainsi consolés ils revinrent du mont des oliviers au cénacle de Jérusalem avec la sainte Vierge, où ils persévérèrent tous dans la prière, attendant avec un désir ardent la venue de lEsprit- Saint, que le bien-aimé rédempteur leur avait promis. Après que la sainte Vierge eut joui pendant trois jours, en corps et en âme de la gloire du ciel, la divine Majesté ordonna à une multitude innombrable danges de tous les choeurs de laccompagner sur la terre, et elle se dirigea sur une nuée éclatante de lumière vers le cénacle. Lesprit humain ne peut concevoir la beauté et léclat extérieur avec laquelle la divine reine vint du paradis, il fallut que le Très-Haut les cachât à ceux qui la contemplaient. Saint Jean seul eut le privilège de la voir dans cette splendeur. Descendue de cette nuée de lumière, elle se prosterna à terre et sabaissa dans son coeur au-dessous de la poussière, elle shumilia si profondément devant Dieu que la langue humaine ne peut pas lexprimer. Elle resta toute absorbée dans son bien-aimé et si dégagée de toutes les choses créées, que cétait un sujet dadmiration pour les anges mêmes devoir, dans une pure créature si exaltée et si comblée de dons, un si grand fond de la belle vertu dhumilité. Lévangéliste saint Jean fut rendu digne de la voir descendre du paradis, aussi il en fut ra~ri détonnement, et saisi
178
dhumilité, il resta un jour entier sans oser se présenter devant la reine des anges. Enfin poussé par lamour et la dévotion, il se présenta devant la divine mère, et en la voyant incomparablement plus brillante que Moïse lorsquil descendit du Sinaï, il tomba à terre presque mort, mais la miséricordieuse mère accourut, et se mettant à genoux lui dit: « mon maître et mon fils, vous savez lobéissance que je vous dois, et quelle doit me diriger dans toutes mes actions, et puisque vous êtes resté à la place de mon fils, pour mordonner tout ce que je dois faire, je vous prie de me commander, à cause de la consolation que je sens à obéir. En entendant ces humbles paroles, le saint apôtre fut étonné et confus, dautant plus quil avait compris la grandeur de la divine mère et vu sa splendeur; néanmoins il promit de le faire à lavenir, pour laisser à lEglise un exemple singulier dhumilité. Et si nous voulons être les fils et les vrais dévots de cette divine mère, nous devrons principalement limiter dans sa sainte humilité.
Haut du document
CHAPITRE XXX.
DES SAINTS EXERCICES DANS LE CÉNACLE AVANT LA PENTECÔTE.
La divine mère avait été laissée sur la terre pour diriger lEglise et être la maîtresse des apôtres, tous les fidèles rassemblés dans le cénacle la considéraient ainsi; mais la grande reine nouvrait jamais la bouche au milieu deux, si saint Pierre ou saint Jean ne le lui commandaient, car elle avait
179
demandé à son divin fils et elle lavait obtenu, de leur inspirer ses ordres, afin de pouvoir leur obéir comme à lui-même. Ensuite lorsquelle faisait ce quon lui avait ordonné, cétait comme leur humble servante et la dernière dentre eux, et cest ainsi quelle agissait et parlait avec les fidèles. Après être descendue du ciel, elle les consola tous avec bonté, les exhorta à bannir la tristesse et les remplit de consolation. Ils se réunissaient tous dans la salle deux fois par jour et après avoir reçu lordre de saint Pierre ou de saint Jean de parler, avec sa grande et incomparable modestie, elle employait une heure à leur expliquer les mystères de la foi, comme si elle sentretenait avec eux et non comme si elle les enseignait, ni comme si elle était leur maîtresse ou leur reine. Elle expliquait le mystère de lunion hypostatique et tout ce qui est renfermé dans lineffable et divine incarnation. Après ce temps, elle leur conseillait de sentretenir encore une heure sur les conseils, les promesses et la doctrine quils avaient appris de leur divin maître, et de consacrer lautre partie du jour à réciter vocalement le pater noster, avec quelques psaumes et demployer le reste du temps à loraison mentale. Sur le soir, ils devaient prendre un peu de nourriture, du pain, des fruits, des poissons, afin de se disposer par ces prières et ces jeûnes à la venue de lEsprit-Saint. Elle les excita à faire loraison mentale, en leur en faisant connaître lexcellence et la nécessité, parce que la plus noble occupation de la créature raisonnable est délever son esprit au-dessus des choses créées et de méditer les choses divines, et rien ne doit être préféré à ce saint exercice. La mère de la sagesse et la maîtresse de la charité donnait ses divines leçons, elle éclairait les esprit et enflammait le coeur des apôtres et des disciples, les remplissait de ferveur et les disposait, afin quils fussent prêts à recevoir le Saint-Esprit et ses dons précieux. Elle leur ensei-
180
gnait, que le divin esprit se communiquerait à eux selon leurs saintes dispositions, afin quils pratiquassent avec persévérance et courage les actes intérieurs et extérieurs des saintes vertus, comme les génuflexions, les prostrations profondes et les autres humbles adorations et actes de religion et de vénération, pour adorer la divine Majesté et la grandeur infinie du Très-Haut.
Chaque matin et chaque soir elle allait demander la bénédiction aux apôtres avec une profonde humilité, dabord à saint Pierre et à saint Jean, ensuite aux autres par rang dancienneté. Ils furent tous étonnés au commencement de voir à leurs pieds la grande mère de Dieu et ils refusèrent de la bénir, mais comme mère de la sagesse qui possédait la plénitude de la science, elle leur fit connaître la grandeur de leur état comme prêtres, et la sublimité de la dignité sacerdotale, et que cétait à eux de la bénir et à elle dêtre bénite. Cest pourquoi tous lui donnèrent leur bénédiction à la grande édification des fidèles. Les paroles de la sainte Vierge étaient douces, ferventes, agréables et efficaces pour toucher les coeurs de ces premiers fidèles, de sorte quelle les éclairait et embrasait avec une force divine et douce, pour leur faire pratiquer ce quil y n de plus saint et de plus parfait dans la vertu. Ensuite étonnés de ressentir eux-mêmes ces admirables effets, ils en conféraient entre eux et disaient: Nous trouvons véritablement dans cette pure créature la même doctrine et la même consolation dont nous avions été privés par labandon et labsence de notre divin maître, de sorte que par ses oeuvres, ses paroles, ses conseils et sa conversation pleine de grâces, dhumilité et de douceur, elle nous enseigne et nous persuade comme nous léprouvions avec notre aimable rédempteur lorsquil sentretenait avec nous; essuyons nos larmes puisque étant privés de notre divin maître, il nous a
181
laissé cette mère et cette maîtresse. Lorsquils allaient lui demander des conseils, il est impossible de dire avec quelle modestie, humilité et grande clarté elle les contentait, elle leur expliquait les choses mystérieuses et cachées avec tant de facilité et de clarté quils étaient éclairés et satisfaits, parce que comme mère de la sagesse elle savait saccommoder à la capacité de chacun. Oh! si les apôtres avaient laissé par écrit tout ce quils apprirent et connurent de cette divine mère, ce quils virent comme témoins oculaires, et ce quils entendirent pendant le temps de sa vie et en particulier pendant les jours quils attendirent lEsprit-Saint, il est certain que nous aurions une connaissance plus étendue de la sublime doctrine et de lincomparable sainteté de notre grande reine. Dans ce quelle expliquait et par les effets quelle produisait, on reconnaissait que son très-saint fils lui avait communiqué une sorte de divine vertu semblable à la sienne, quoique dans le Seigneur elle fut comme une fontaine dans sa source, et dans la très-pure Marie comme un canal, par lequel elle se communiquait et se communique à tous les mortels. Lépiscopat du malheureux Judas était, comme dit le prophète David, ps. 108, vacant par sa trahison et sa mort désespérée , il était donc nécessaire den pourvoir un autre qui fût digne de lapostolat, car cétait la volonté du Seigneur quà la venue de lEsprit-Saint le nombre de douze fut complet comme le divin maître lavait fixé lorsquil les choisit. La sainte Vierge fit connaître aux onze apôtres cet ordre du Très-Haut, dans une conférence quelle leur fit. Ils approuvèrent tous unanimement ce quelle avait proposé, et ils la prièrent comme mère et maîtresse quelle voulût bien élire celui, quelle connaissait le plus digne et le plus propre pour lapostolat. Quoique la grande reine sut bien celui qui devait être élu, car elle avait les noms de tous les douze dans son
182
coeur très-pur et brûlant de charité, néanmoins elle connut par sa profonde sagesse quil était convenable de remettre ce soin à saint Pierre, afin quil commençât à exercer dans lÉglise naissante loffice de souverain pontife et de chef universel de toute lÉglise. Elle chargea donc avec humilité saint Pierre, vicaire de Jésus-Christ, de faire cette élection en présence de tous les disciples et des autres, afin que tous le vissent agir comme chef suprême de lEglise. Saint Pierre fit ce que la divine mère lui avait dit.
Saint Luc dans les actes des apôtres décrit la manière de cette élection. Pendant les jours qui sécoulèrent entre lascension et la pentecôte, saint Pierre ayant convoqué les cent-vingt personnes qui sétaient aussi trouvées présentes à lascension du Seigneur, leur fit un discours où il leur annonça quil fallait accomplir la prophétie de David à légard de Judas, qui avait été choisi parmi les disciples comme apôtre, après avoir malheureusement prévariqué se pendit lui-même, et ayant crevé par le milieu du ventre ses entrailles se sont répandues, ce qui est notoire dans tout Jérusalem; il était donc convenable den élire un autre à sa place dans lapostolat, pour attester la résurrection du sauveur, et quil devait être un de ceux qui avaient suivi Jésus-Christ dès le commencement de la prédication. Après avoir fini ce discours, tous les fidèles furent unanimes à obéir ù saint Pierre pour la manière dont il fallait faire ce choix, et il détermina quils devaient en nommer deux dentre les soixante-douze disciples. On le fit aussitôt, et Joseph, ordinairement appelé le juste, et Matthias furent élus: ensuite il dit que celui des deux qui serait désigné par le sort fut élu apôtre. Cela fut approuvé. On écrivit le nom de chacun sur des billets séparés, mais semblables, quils mirent dans un vase. Ensuite ils firent au Seigneur une fervente prière, afin que celui qui était selon sa sainte volonté fût élu.
183
Saint Pierre se leva, il tira au sort un des billets et ce fut celui de saint Matthias, et tous reconnurent et acceptèrent aussi- tôt avec joie saint Matthias pour légitime apôtre de Jésus- Christ. La sainte Vierge, qui avait toujours été présente, lui demanda humblement la bénédiction, et tous les autres fidèles en firent de même à son exemple. Ensuite ils persévérèrent tous dans le jeûne et la prière jusquà la venue de lEsprit-Saint.
CHAPITRE XXXI.
VENUE DE LESPRlT-SAlNT. CE QUI ARRIVE A LA SAINTE VIERGE.
Il est impossible de simaginer lamoureuse sollicitude de la sainte Vierge et son ardente charité, pour affermir la faiblesse de cette pieuse mais encore imparfaite assemblée. Les apôtres mêmes doutaient de la venue de lEsprit-Saint; comme mère de la piété, elle venait à leur secours et dissipait leurs doutes, lorsque faibles et chancelants, ils disaient, que lEsprit-Saint promis ne venait pas. Elle les rassurait avec une grande charité, en leur disant: tout ce que mon divin fils a dit sest entièrement accompli, il a dit en particulier quil devait souffrir et ressusciter, et tout cela sest vérifié. Si donc il a dit quil enverra lesprit consolateur, sans aucun doute il viendra pour nous consoler et nous sanctifier. En entendant ces paroles ils furent tous si unanimes à lavenir et si unis, quon ne vît plus la plus légère discorde dans cette dévote assemblée, de sorte quils nétaient plus quun coeur et quune âme, et navaient quun même sentiment et
184
une même volonté; et sil ny eut aucune division, ni aucune dispute dans lélection de saint Mathias, ce fut leffet des ferventes exhortations de la divine mère. Aussi cette union de charité dans le cénacle causait à lenfer un nouveau tourment.
La reine des anges et mère de la grâce connaissait déjà le temps et lheure déterminée à laquelle lEsprit-Saint devait venir, les jours de la pentecôte, qui étaient de cinquante jours après la résurrection du rédempteur, étant accomplis. La grande reine vit lhumanité de la personne du Verbe, qui représentait au Père éternel la promesse quil avait faite denvoyer au monde, par une communication particulière, lesprit consolateur, il lui présentait ses mérites et ses plaies comme avocat et médiateur, et aussi parce que sa mère bien-aimée vivait dans le monde qui le désirait ardemment. La grande reine accompagnait cette demande de son divin fils, tantôt les bras étendus en croix, tantôt la face contre terre, et elle connut que les divines personnes voulaient consoler avec bonté lEglise naissante. Elle avertit alors les apôtres et les autres disciples, les exhortant à prier avec ferveur et à demander que lEsprit-Saint descendît, parce quil devait bientôt venir. Tandis quils priaient tous avec la grande reine avec une grande ferveur, à lheure de tierce, on entendit dans les airs un grand bruit de tonnerre épouvantable, et un vent impétueux ou un souffle violent accompagné dune grande splendeur semblable à un éclair, et un feu qui parut investir tout le cénacle et le remplit de lumière, ce feu divin se répandit sur cette sainte assemblée et sur la tête de chacun, en forme de langue de ce même feu dans lequel lEsprit-Saint venait, ils furent tous remplis de divines influences et de dans sublimes, en même temps il produisit dans le cénacle et dans Jérusalem divers effets. Ces effets dans la très-sainte Vierge
185
furent divers et admirables, elle fut élevée et transformée en ce même Dieu consolateur et pendant quelques temps, elle jouit de la vision béatifique de la divinité, de sorte quelle seule reçut plus de dons et deffets ineffables que tout le reste de lÉglise, et sa gloire en ce moment surpassa celle de tous les anges et de tous les saints ensemble. Elle seule rendit plus dactions de grâces, de louanges, dhonneur et de gloire au Très-Haut, pour avoir envoyé son divin Esprit que toute lÉglise ensemble. Aussi le Seigneur se complais dans les vives et ferventes actions de grâces de la pure colombe la divine Vierge, résolut de lenvoyer dautres pour le gouvernement de son Église. En même temps tous dons, les faveurs et les grâces de lEsprit-Saint furent renouvelées à sa bienheureuse épouse avec de nouveaux effets et opérations divines.
Les apôtres furent aussi remplis de lEsprit-Saint avec accroissements admirables de la grâce justifiante, et ils fur seuls confirmés en grâce pour ne plus la perdre. Ils reçurent les habitudes infuses des sept dons, savoir : de sagesse, dintelligence, de science, de piété, de conseil, de force et de crainte-de-Dieu. Par ce bienfait ils furent renouvelés et fortifiés pour être de dignes ministres de la loi nouvelle et fondateurs de lÉglise, car cette nouvelle grâce et cette multiplicité de dons leur communiquèrent une vertu divine, les poussait avec une force douce et efficace à tout ce est le plus héroïque dans toutes les saintes vertus et au plus sublime de la sainteté. Il opéra aussi dans tous les nui disciples et fidèles, suivant la disposition de chacun. Saint Pierre et saint Jean furent enrichis en particulier de dons sublimes, lun comme chef de lÉglise, lautre comme fils de la grande souveraine de lunivers. Cette divine et belle lumière qui remplit le cénacle se répandit au-dehors, de sorte
186
que tous ceux qui avaient eu quelques bons sentiments pour le rédempteur au moins par des actes de compassion, furent éclairés intérieurement par une nouvelle lumière qui les disposa à recevoir la doctrine des apôtres.
Les effets contraires du Saint-Esprit pour les habitants de Jérusalem ne furent pas moins merveilleux quoique plus cachés. Des tonnerres épouvantables et des éclairs effrayants portèrent le trouble chez les ennemis du Seigneur, qui furent saisis de crainte en châtiment de leur incrédulité. Bien plus, ceux qui prirent part et participèrent de quelque manière à la mort du rédempteur avec une cruauté ou une rage plus particulière tombèrent le visage contre terre, et restèrent presque morts pendant trois heures. Les autres qui le flagellèrent, moururent tout-à-coup suffoqués par leur propre sang qui sextravasa dans la chute. Le barbare et ingrat Malchus qui donna le cruel soufflet au Seigneur, non-seulement mourut tout-à-coup, mais il fut emporté par les démons en corps et en âme; le reste des Juifs, fut châtié par de vives douleurs et dabominables maladies. Le châtiment sétendit jusquà lenfer, car 1es démons et les damnés ressentirent une plus grande oppression de peines et de tourments particuliers, qui dura trois jours entiers, Lucifer et ses démons, poussaient des hurlements et jetaient des cris épouvantables de douleur et dépouvante. Oh ! Esprit-Saint, adorable et tout-puissant; la sainte Église vous appelle le doigt de Dieu, parce que vous procédez du Père et du Fils, comme lé doigt du corps et du bras. Vous êtes Dieu comme le Père et le Fils, infini, éternel, immense, ah! triomphez de la méchanceté des hommes, et par les mérites de Jésus-Christ et de sa divine mère communiquez-nous vos dons. Ainsi-soit-il.
187
Haut du document
CHAPITRE XXXII
LES APOTRES SORTENT DU CENACLE POUR PRÊCHER. MIRACLES OPÉRÉS PAR LA DIVINE MÈRE.
Les Hébreux célébraient à Jérusalem, le dimanche de la venue de lEsprit-Saint, une fête solennelle, cest pourquoi il y avait dans la ville une grande affluence détrangers, qui furent surpris avec les habitants de ces nouvelles merveilles quils avaient vues de leurs propres yeux sur le cénacle et ils accoururent promptement pour en connaître la cause. Les saints apôtres, entendant le bruit que faisait ce grand con- cours de personnes, demandèrent la permission à la divine maîtresse douvrir les portes et de sortir pour instruire ce peuple par la sainte prédication., ils sortirent donc et commencèrent à prêcher à cette multitude. Après avoir été retirés pendant cinquante jours, ils se montrèrent avec résolution et les paroles qui sortaient de leur bouche comme des rayons dune nouvelle lumière pénétraient profondément les coeurs de ceux qui les écoutaient, et se regardant les uns les autres avec étonnement ils disaient. Quest-ce que tout ceci que nous voyons de nos jours? Est-ce que ces hommes qui nous parlent ne sont pas Galiléens? Comment les entendons nous tous dans notre propre langue, Juifs et Prosélytes, Romains et Latins, Grecs, Crétois, Arabes, Parthes, Mèdes, nous les entendons tous dans la langue de notre pays. Cette nouvelle produisit plusieurs effets divers dans lesprit des auditeurs, qui se divisèrent en sentiments contraires suivant les dispositions de chacun; ceux qui écoutaient les apôtres avec dévotion, recevaient de grandes connaissances de la divinité et de la rédemption des hommes, qui étaient le sujet dont les apô-
188
tres prêchaient avec une grande ferveur; cest pourquoi par la force des ferventes paroles ils étaient excités à connaître la vérité, et éclairés par la divine lumière, ils avaient une vive douleur de leurs péchés et les déploraient; ils accouraient alors, en versant des larmes aux pieds des apôtres, afin quils leurs enseignassent ce quils devaient faire pour avoir la vie éternelle. Il y en avait dautres, qui étant endurcis, sindignaient de leurs raisonnements et au lieu de profiter de la divine parole, ils appelaient les apôtres des inventeurs de nouveautés. Plusieurs juifs, encore plus méchants les regardaient comme des hommes ivres. Saint Pierre comme chef de lÉglise se leva pour repousser ce blasphème et parlant avec une grande force il les convainquit par les textes des prophètes, comme le rapporte saint Luc dans les actes des apôtres, ils sécrièrent donc en versant des larmes, que pouvons-nous pour obtenir le salut? Saint Pierre, leur dit à haute voix;, faites une véritable pénitence, recevez le baptême et vos péchés vous seront pardonnés, vous recevrez aussi le Saint- Esprit. Trois mille personnes se convertirent et furent instruits aussitôt et baptisés : les incrédules couverts de confusion, séloignèrent deux.
Dieu voulut que les trois mille pet-sonnes converties fussent de diverses nations, afin que de retour dans leurs pays la doctrine évangélique et la grâce du Saint-Esprit se répandissent et que les fidèles ainsi dispersés formassent une Église. Les apôtres rentrèrent de nouveau au cénacle avec une grande partie des nouveaux fidèles convertis, pour raconter à la divine mère ce qui était arrivé et afin que les nouveaux convertis à la foi la vissent et la vénérassent. De sa retraite elle avait tout vu et entendu, elle avait même pénétré toutes les pensées des auditeurs, car lorsque les apôtres sortirent sur la porte du cénacle, elle sétait prosternée la face contre
189
terre, et elle avait demandé avec beaucoup de larmes la conversion de tous ceux qui étaient venus à la prédication de saint Pierre, et elle avait prié Dieu afin quil donnât aux apôtres la force et linspiration pour persuader et enflammer les auditeurs. Elle leur envoya aussi plusieurs anges de sa garde pour les assister aux uns comme aux autres. Lorsque les apôtres vinrent en sa présence avec ces prémices de leurs peines, et ces fruits de la passion de son fils et de la venue de lEsprit-Saint, elle les reçut comme mère de la piété, avec une charité, un amour et une douceur très-grandes. Ensuite saint Pierre leur dit : frères bien-aimés, celle-ci est la mère de notre divin maître et commun rédempteur Jésus, dont vous avez reçu la foi, cette reine est sa véritable mère qui la conçu par lopération du Saint-Esprit dans ses chastes entrailles et la mis au monde par miracle, en restant toujours Vierge très-pure, Vierge avant lenfantement, dans lenfantement et après lenfantement. Recevez-la donc comme votre mère, votre protectrice, votre médiatrice, auprès de la divine majesté et par elle vous aurez avec nous la lumière, la consolation, le remède des péchés et de toutes les misères de cette vie fragile. Avec ,cette, exhortation et par les lumières intérieures que la divine mère leur obtint, ils furent remplis de consolations célestes, et, prosternés à terre et la tête inclinée, ils lui demandèrent tous sa bénédiction, la mère de lhumilité refusa de la donner en présence des prêtres, mais saint Pierre la pria de donner cette consolation à ces pieux fidèles, aussitôt elle obéit au chef de lÉglise, et avec une humble sérénité de reine, elle donna la bénédiction à ces nouveaux convertis, qui se Sentirent remplis en ce moment de consolations célestes; ayant vu que la divine mère obéissait à saint Pierre, ils sadressèrent au saint apôtre et le supplièrent de ne pas les laisser congédier de sa présence sans quelle leur
190
dit quelques paroles pour les exciter encore plus grandement. Saint Pierre, crut quil était convenable de donner cette consolation à ces âmes, se tournant alors vers la divine reine il lui dit écoutez les prières de ces fidèles, vos enfants. La grande reine obéit aussitôt, et parla aux nouveaux fidèles comme mère de la sagesse avec zèle et humilité, ils en furent tous remplis de ferveur, édifiés et remplis de lumière et dadmiration. Après avoir reçu sa bénédiction ils retournèrent chacun dans leur maison.
Les apôtres et les disciples continuèrent dès ce jour sans aucune interruption à prêcher et à faire des miracles et pendant toute loctave, ils catéchisèrent les trois mille convertis avec un grand nombre dautres personnes qui recevaient tous les jours la foi, ensuite ils les baptisèrent tous. Les femmes après avoir entendu les apôtres et reçu la divine lumière, allaient auprès de la Magdeleine et des Maries pour être catéchisées, car toutes les saintes femmes qui reçurent le Saint-Esprit eurent aussi le don des langues, et de faire des miracles. Le bruit de cette nouveauté se répandit aussi- tôt dans toute la ville de Jérusalem et même au-dehors, et on leur amenait tous les infirmes, les énergumènes, les estropiés., pour être guéris et ils étaient consolés, car ils recevaient la santé du corps et de lâme avec la lumière de la foi. Ainsi se dilataient la sainte foi, la doctrine et les conseils de Jésus-Christ; les fidèles aimaient la pauvreté, la pureté, la paix, lhumilité, et ils vendaient tout ce quils possédaient et en apportaient le prix aux pieds des apôtres, pour se débarrasser ainsi du danger du péché; ils se regardaient tous comme des frères et se contentaient de ce qui leur était donné par les apôtres. Ce fut le siècle dor de lÉglise de Jésus-Christ, dans lequel la foi était vive, lespérance ferme, la charité ardente, lhumilité vraie et la sainteté admirable.
191
Il nest pas possible de rapporter dans cette vie si abrégée , les miracles et les oeuvres admirables, que fit la reine des anges dans la primitive Eglise. Elle ne perdit ni un moment, ni une occasion de faire quelque faveur signalée à lÉglise, ou en particulier, elle priait continuellement sans jamais cesser ni se reposer pour les nécessités spirituelles et temporelles de tous, son divin fils quelle savait ne lui refuser jamais rien. Elle les exhortait aussi tous, les enseignait, leur donnait des conseils, les éclairait et leur accordait des grâces comme trésorière et dispensatrice des trésors de Dieu, de sorte que dans ces années pendant lesquelles elle vécut dans la sainte église, le nombre de ceux qui se damnèrent (par rapport à celui des autres temps) fut très-petit et au contraire il y en eut plus de sauvés dans ce petit nombre dannées, que pendant plusieurs siècles après, en parlant toujours des fidèles. Le bonheur de ce siècle dor de lÉglise, pourrait nous donner une grande jalousie a nous qui sommes nés au sein de la même lumière, mais nous devons considérer que nous fûmes tous présents à lintelligence et au coeur de cette miséricordieuse et divine mère lorsqu elle vivait, car elle nous vit tous et nous connut dans lordre du temps et dans la succession des, enfants de lÉglise dans laquelle nous devions naître, et elle pria pour tous avec instance de la même manière quelle pria pour ceux-là. Maintenant dans le ciel elle nest pas changée, sa charité nest pas moindre et son intercession et sa protection pour nous est la même. Toute la faute vient de nous qui ne vivons pas avec la fidélité avec laquelle les fidèles vivaient alors.
Le soin qu elle prenait des apôtres comme miséricordieuse mère ne peut se décrire. Elle ne cessait de les animer ainsi que les autres ministres de la divine parole, et de les exhorter aux grandes choses, elle leur rappelait la pureté dinten-
192
tion quils devaient avoir dans les oeuvres miraculeuses par lesquelles son divin fils commençait à établir et à propager la foi dans son Église. Elle leur rappelait les grandes vertus que le Saint-Esprit leur avait communiquées pour en faire, des dignes ministres, et lassistance du bras tout-puissant du Très-Haut, dont ils devaient toujours reconnaître le besoin continuel, et les actions de grâces incessantes quils devaient rendre pour les merveilles quils opéraient. Elle enseignait la même doctrine au collège apostolique, et elle la mettait la première en pratique par des génuflexions, des prostrations et des louanges quelle donnait au Seigneur avec de continuelles actions de grâces. Plusieurs convertis lui demandaient de lentendre en secret pour conférer avec elle de leur intérieur, et comme une véritable mère pleine de tendresse, elle les consolait toujours, parce quelle connaissait le coeur de tous , leurs affections, leurs inclinations et leur appliquait le remède proportionné et salutaire. Les femmes principalement, après avoir parlé et avoir conféré une seule fois avec la grande reine en revenaient toutes enflammées de charité, et lui apportaient les pierreries et autres objets de grande valeur, et dautres après la première fois quelle lui avaient parlé se dépouillaient de leurs riches ornements. et les mettaient aux pieds de la divine maîtresse, mais elle ne recevait jamais rien et ne voulait rien accepter à aucun titre. Sil lui paraissait convenable daccepter quelque chose, elle disposait ceux qui loffraient à lapporter aux apôtres, afin que ceux-ci ensuite le donnassent, en le distribuant avec équité et charité entre les fidèles les plus nécessiteux, et lhumble reine leur en témoignait sa gratitude, comme si elle lavait reçue elle-même. Elle recevait les pauvres et les malades avec une bonté et un amour ineffables, et elle en guérissait beaucoup de maladies invétérées, elle re-
193
médiait à beaucoup de leurs nécessités cachées par le moyen de saint Jean, car elle veillait à tout, sans jamais rien laisser, ni omettre de ce qui regardait les vertus. Les apôtres et les disciples soccupaient à prêcher et à catéchiser, et les, saintes femmes instruisaient aussi, pour elle, se regardant comme la servante de tous, elle veillait à ce que la nourriture nécessaire ne leur manquât point, et à lheure venue elle les servait elle-même. Elle servait les prêtres à genoux et leur demandait la main à baiser avec une incroyable humilité, mais elle le faisait aux apôtres avec une vénération plus grande, parce quelle voyait en eux la grandeur de la grâce et quils étaient environnés de splendeur comme remplis de Saint-Esprit.
Haut du document
CHAPITRE XXXIII
A LES APOTRES ET LES DISCIPLES SASSEMBLENT POUR RÉSOUDRE QUELQUES DOUTES. SAINT PIERRE CÉLÈBRE LA PREMIÈRE MESSE. CE QUE FAIT LA TRÈS-SAINTE VIERGE.
Les apôtres continuaient avec assiduité et sans interruption leurs prédications quils accompagnaient de miracles et de prodiges, le nombre de ceux qui croyaient saccrut, et sept jours après la venue de lEsprit-Saint il était déjà de cinq mille, mais ces fruits si abondants étaient dus aux. ferventes prières de la grande maîtresse de lEglise. Saint Pierre et saint Jean et le reste des apôtres. vinrent à la pré-
194
sence de la divine mère qui les reçut avec une grande vénération, elle se mit à genoux et demanda avec humilité la bénédiction au chef de lÉglise, après lavoir donnée saint Pierre parla au nom de tous les autres, il exposa à la divine maîtresse, que les nouveaux chrétiens étaient instruits dans les articles nécessaires de la foi et quil serait convenable de les baptiser, mais quon demandait son avis pour connaître la volonté de Dieu. La prudente mère répondit, Seigneur, vous êtes le chef de lÉglise et le vicaire de mon très-saint fils, ainsi tout ce que vous ferez en son nom sera approuvé de sa divine volonté, et ma volonté est la vôtre avec celle de mon fils; alors saint Pierre ordonna, que le jour suivant qui correspond au dimanche de la sainte Trinité, le saint baptême serait donné, aux catéchumènes qui sétaient convertis cette semaine. Quelques uns de lassemblée pensaient quil fallait donner le baptême de Jean-Baptiste qui était le baptême de la pénitence, mais saint Pierre et saint Jean avec la divine mère décidèrent quil fallait donner le baptême de Jésus-Christ, et ils furent davis que la matière devait être leau naturelle, et la forme : Je vous baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, parce que notre Seigneur avait désigné cette matière et cette forme, et quil en avait ainsi baptisés plusieurs de sa main. Quoiquon lise dans les actes des apôtres ,quils baptisaient au nom de Jésus-Christ, il ne faut pas entendre ceci de la forme du baptême, mais de lauteur, pour distinguer ce baptême de celui de pénitence que saint Jean-Baptiste avait établi; car baptiser au nom de Jésus, signifie la même chose que baptiser du baptême institué par Jésus-Christ, parce que la forme est la même que celle que le divin maître avait enseignée.
Le jour suivant les catéchumènes se rassemblèrent tous.
195
dans le cénacle, saint Pierre pria la divine mère dinstruire plus parfaitement ces nouveaux convertis par ses ferventes paroles. La mère de lhumilité leur dit avec une grande modestie, mes enfants, le rédempteur du monde, mon fils et vrai Dieu, à cause de lamour quil avait pour les hommes a offert au Père éternel le sacrifice de son corps divin et de son sang, en se consacrant et se cachant sous les espèces du pain et du vin, sous lesquelles il a voulu rester présent dans la sainte Église, afin que ses enfants eussent un sacrifice à offrir au Père éternel, et possédassent aussi laliment de vie éternelle et un gage très-assuré de celle quils espèrent dans le ciel, de sorte que par le moyen de ce sacrifice qui contient tous les mystères de la vie et de la mort du fils on puisse apaiser le Père éternel, et en lui et par lui lEglise lui rendra les actions de grâces et les louanges qui lui sont dues comme Dieu et souverain bienfaiteur: vous êtes les prêtres à qui seuls il appartient de loffrir. Cest mon désir, sil est suivant votre bon plaisir, que vous commenciez à offrir ce sacrifice non-sanglant, afin de témoigner notre reconnaissance pour lineffable bienfait de notre rédemption que Jésus-Christ a opérée pour nous, et pour avoir envoyé lEsprit-Saint à son Église. Les fidèles en le recevant, commenceront à jouir .de ce pain de vie éternelle et de ses divins effets. Parmi ceux qui auront reçu le baptême, on pourra admettre à la sainte communion ceux qui en seront capables et seront disposés, car le, baptême est la première condition pour le recevoir. Tous les apôtres et les disciples se conformèrent aux désirs de la mère de la sagesse et lui rendirent des actions de grâces; on régla quaprès le baptême des catéchumènes saint Pierre célébrerait la première messe comme chef de lÉglise. Saint Pierre y consentit et avant de quitter lassemblée, il proposa de règler une autre
196
difficulté, cétait la manière de distribuer les aumônes et les biens quoffraient les convertis. Lexemple funeste de Judas empêchait que quelquun voulût se charger de cet emploi; on émit donc plusieurs avis. La grande maîtresse des vertus écoutait tout sans proférer une parole, car quoique maîtresse elle sestimait par son humilité incomparable, disciple et servante de tous, avide surtout dentendre et dapprendre. Saint Pierre et saint Jean voyant la diversité des avis supplièrent la divine mère de les éclairer dans cette difficulté, alors avec une grande humilité, elle les exhorta tous à la pauvreté volontaire pour imiter le divin maître, et proposa délire six ou sept personnes dune solide vertu pour recevoir les aumônes et les dons offerts, par lesquels on fournirait à lentretien des fidèles, afin que les apôtres fussent libres pour la prédication de lÉvangiIe, de sorte que personne dans lÉglise ne regarderait une chose comme lui appartenant plutôt quà ses frères; si les aumônes ne suffisaient pas, les sept personnes demanderaient des secours au nom de Jésus-Christ. Ils approuvèrent tous lavis plein de sagesse de la reine des anges, et on choisit sept hommes dune solide vertu, pour recevoir les aumônes et pourvoir aux nécessités des fidèles. La grande reine demanda la bénédiction aux apôtres qui sortirent aussitôt pour prêcher, et les disciples allèrent instruire les catéchumènes et les préparer à recevoir le baptême.
La divine mère accompagnée des saints anges et des Maries, alla préparer et orner la salle où son divin fils avait célébré la dernière cène, elle la balaya elle-même, et laccommoda avec décence pour y célébrer la sainte messe. Il demanda au bon maître de la maison les mêmes ornements dont on sétait servi le jeudi de la cène, il les accorda aussitôt à cause de la grande vénération quil avait pour la sainte Vierge,
197
elle prépara aussi le pain azyme et le vin nécessaire à la consécration, avec le petit plat et le calice dont sétait servi le rédempteur. Elle prit soin aussi davoir des vases avec .de leau pure et des bassins, pour que le saint baptême fût conféré avec plus de facilité et de décence. Après tous ces préparatifs, la miséricordieuse mère se retira et passa toute la nuit dans des actes damour, des génuflexions et. des actions de grâces, elle offrit au Père éternel de ferventes prières, afin que les nouveaux fidèles reçussent le lendemain la sainte communion, selon le bon plaisir de sa divine Majesté. Elle fit avec humilité la même prière pour ceux qui devaient être baptisés. Le matin du jour suivant, qui fut loctave de la venue de lEsprit-Saint, tous les fidèles et les catéchumènes avec les apôtres et les disciples se réunirent dans la salle. Saint Pierre fit un discours pour montrer lexcellence du baptême et les divins effets quil produisait, il leur dit quils seraient marqués dun caractère intérieur comme membres du corps mystique de lÉglise, et régénérés pour être enfants de Dieu, et héritiers de la gloire par le moyen de la grâce justifiante et de la rémission des pêchés. Il les exhorta à lobservation de la loi de Dieu. Il leur annonça la vérité du saint sacrement de lEucharistie. Ils furent tous remplis de ferveur, et les apôtres conférèrent le baptême de leurs propres mains, avec un grand ordre et une grande dévotion; les catéchumènes entraient par une porte, et après avoir été baptisés, ils sortaient par une autre, conduits par les disciples. La divine mère était présente à tout, et retirée dans un coin du cénacle, elle priait et louait le Seigneur. Elle voyait que ces fidèles étaient renouvelés par le sang divin de lagneau et par la grâce quils recevaient. A la vue même des assistants, il descendait du ciel une lumière sensible et très-belle, sur ceux qui étaient baptisés.
198
Après le baptême de ces cinq mille personnes et au-delà, tandis quils rendaient tous des actions de grâces au Seigneur pour ce grand bienfait, les apôtres se mirent en prière et se préparèrent avec tous les autres fidèles à recevoir la sainte communion; ils se prosternèrent à terre, adorèrent la bonté infinie de Dieu, et confessèrent leur indignité pour recevoir un don si ineffable. Ensuite ils récitèrent les cantiques et les psaumes que le Seigneur avait dits. Alors saint Pierre prit dans ses mains le pain préparé, et élevant les yeux au ciel avec une grande dévotion et un profond recueillement, il prononça sur le pain les divines paroles de la consécration du corps sacré de Jésus-Christ. Le cénacle à linstant fut rempli dune grande splendeur visible à tous, et dune multitude infinie danges, et à la vue de tous les assistants, cette divine lumière se dirigeait spécialement vers la grande reine. Aussitôt saint Pierre consacra le vin dans le calice, et continua avec le corps sacré et le sang précieux les mêmes cérémonies que le sauveur, cest-à-dire il les éleva, afin que tous les adorassent. Après cela, il se communia lui-même, et ensuite il communia tous les autres apôtres, selon que la sainte Vierge lavait réglé; ensuite la divine mère communia des mains de saint Pierre, les esprits célestes étaient là présents avec un ineffable respect. Avant darriver à lautel, la grande reine fit trois actes dhumilité, elle se prosterna la face contre terre, au grand étonnement de ses anges gardiens et à lédification des assistants qui en furent attendris. La grande reine retourna aussitôt toute recueillie et ravie dans le Seigneur au lieu où elle était auparavant. Il nest pas possible dexpliquer par des paroles les effets divins quopéra dans cette grande créature cette sainte communion; car elle fut toute transformée, élevée et absorbée dans lembrasement du divin amour de son très-saint fils, quelle avait reçu dans son coeur si pur.
199
Lorsque la divine reine fut ainsi élevée, les saints anges. lenvironnèrent par sa volonté, afin que les assistants ne connussent des effets divins que ce quil était convenable quils découvrissent.
Après la sainte communion de la reine des anges, les autres fidèles communièrent; mais des cinq mille qui avaient été baptisés, mille seulement reçurent la sainte communion, parce que les autres nétaient encore suffisamment disposés et préparés. La manière de donner la communion ce jour là, fut celui-ci: saint Pierre communia les apôtres, la sainte Vierge, et tous ceux qui avaient reçu lEsprit-Saint, sous les deux espèces du pain et du vin. Les fidèles qui avaient été baptisés auparavant reçurent la sainte communion sous les seules espèces du pain. Cette différence neut pas lieu, parce que les nouveaux fidèles étaient moins dignes de recevoir une espèce que lautre, mais parce que les apôtres savaient que sous toutes les saintes espèces on recevait également Jésus dans le saint Sacrement, dautant plus quil ny avait pas de précepte de communier sous les deux espèces. Après la sainte communion, saint Pierre termina les saints mystères par des oraisons et des psaumes en action de grâce. Ensuite ils demeurèrent quelque temps en prière. La grande reine rendit des actions de grâces au Très-Haut au nom de tous; la divine Majesté y prit ses complaisances, elle agréa et accepta les prières que sa bien-aimée lui fit, pour tous les fidèles présents et futurs de la sainte Église.
200
Haut du document
CHAPITRE XXXIV
ON FAIT CONNAITRE UN NOUVEAU MIRACLE DE JÉSUS POUR LA TRÈS SAINTE VIERGE.
Il est incontestable que les faveurs que la divine mère reçut de son divin fils, après quelle fut descendue du ciel pour diriger lÉglise, sont ineffables, si en effet, auparavant elles avaient été très-grandes, elles augmentèrent dès ce moment dune manière incroyable, pour montrer que le pou. voir de celui qui les communiquait était infini, et que la capacité de cette créature unique, singulière et élue entre toutes les autres, qui les recevait était immense. Le grand et incomparable miracle fut que les espèces sacramentelles du corps divin de Jésus, se conservaient dans le cur ardent de la Vierge mère jusquà lautre communion, qui avait lieu le lendemain. II ne faut pas en chercher dautres raisons que celles queurent les autres faveurs dont le Dieu tout- puissant combla uniquement cette grande reine, qui sont sa volonté sainte, et son pouvoir infini par lequel il opère toujours ce qui convient avec poids et mesure. il suffit à la piété chrétienne de savoir que cette pure créature fut la mère naturelle de Dieu, et quelle fut seule digne de lêtre entre toutes les créatures, et puisque cette merveille a été unique et sans exemple, ce serait un aveuglement trop grand de chercher un exemple, pour être ainsi persuadé de ce que Dieu fit pour sa mère, car il a fait pour elle seule ce quil na jamais fait et ce quil ne fera jamais pour les autres créatures, car seule MARIE est établie et élevée au-dessus de lordre commun de tous les êtres. Ce fondement supposé, le Très-Haut veut que par les lumières de la foi eUes autres lumières divines nous puissions découvrir les raisons de con-
201
venance et de justice, par lesquelles son bras tout-puissant a opéré ces merveilles en faveur de sa très-digne mère, afin que nous puissions ainsi parvenir à le connaître et à le louer en elle et par elle, et que nous comprenions combien notre espérance et notre destinée est certaine et assurée, dans les mains de cette reine si puissante dans laquelle Dieu a mis en dépôt toute la force de son amour.
Nous devons considérer que la sainte Vierge vécut trente-trois ans dans la compagnie de son divin fils, et dès linstant que la divine Majesté humanisée vint au monde, elle ne le quitta jamais jusquà la croix. Ainsi, elle le nourrit, le servit, laccompagna, le suivit, limita, faisant toutes ses saintes actions comme mère, comme fille, comme épouse, comme bien-aimée et comme servante; elle jouissait de sa vue, de sa conversation, de sa doctrine, et des faveurs quen considération de ses mérites et de ses hommages , elle reçut dans sa vie mortelle. Jésus ensuite monta au ciel, et la grandeur de son amour et toutes les raisons lobligèrent damener avec lui sa mère bien-aimée, afin de ne pas y être privé delle et quelle ne. restât pas au monde sans lui, mais lardente charité que le fils et la mère avaient pour les hommes, rompit en quelque manière autant quil fut possible ce lien, en obligeant la miséricordieuse mère. de revenir au monde pour affermir lÉglise naissante, et le divin fils à lenvoyer et à permettre quelle fût éloignée de lui, pendant le temps nécessaire. Mais puisque le fils de Dieu est tout-puissant et qu ml pouvait récompenser cette privation de bonheur d une manière possible, il devait à lamour immense quil portait à sa mère, de lui accorder pour récompense de rester avec elle de cette manière, autrement, elle lui eut fait éprouver une peine insupportable, si elle eût dû être éloignée de lui et privée de sa présence pendant un si grand nombre dan-
202
nées. Le divin fils satisfait à tout en restant toujours sous les saintes espèces dans le coeur divin de sa mère, il récompensa aussi avec abondance la joie quil avait éprouvée lorsquil était sur la terre, de la part de sa tendre mère, car alors il séloignait souvent pour sappliquer à loeuvre de la rédemption, et elle saffligeait dans ces occasions, car elle craignait quà cause de ses grandes fatigues il ne retournerait point, et lorsquelle le voyait, elle ne pouvait détourner son esprit de la passion et de la mort de la croix qui lattendaient, et cette douleur diminuait le bonheur quelle avait de sa présence. Mais lorsquil était à la droite de son père, que la passion était accomplie, et que son divin fils était dans son sein virginal sous les espèces sacramentelles, la divine mère jouissait alors pleinement de sa vue et de sa présence sans crainte et sans appréhension, car avec son fils, elle avait la très-sainte Trinité.
Par cette faveur que la divine mère reçut, le Seigneur satisfit à la promesse quil avait faite dêtre dans son Église jusquà la fin du monde, car dans ces premières années les apôtres navaient ni temples, ni lieux de réserve, ni tabernacles pour conserver la divine Eucharistie, cest pourquoi toutes les saintes espèces étaient consommées le jour même. La sainte Vierge fut le temple et le tabernacle, dans lequel pendant quelques années le Seigneur se conserva sous les saintes espèces, afin que le verbe incarné fût toujours présent dans son Église. Quoiquil ne fut pas présent dans ce saint tabernacle pour lusage des fidèles, il y était sans aucun doute pour leur avantage et pour dautres fins très-élevées, car la mère de la piété priait, demandait, suppliait pour tous les fidèles dans le temple de son coeur, elle adorait Jésus sous les espèces sacramentelles au nom de toute lÉglise. Par le moyen de cette miséricordieuse mère et par la pré-
203
sence que Jésus faisait par elle dans lÉglise, il était uni dune certaine manière au corps mystique des fidèles. Cette grande reine rendit surtout ce siècle plus heureux, en conservant dans son coeur son fils sous les saintes espèces, quen restant comme à présent dans les tabernacles, car dans le coeur de la sainte Vierge il fut toujours adoré, vénéré, aimé, loué et honoré dune manière parfaite et jamais il ne fut outragé, offensé et profané comme il lest maintenant presque toujours dans nos temples. Jésus trouvait dans Marie avec abondance les délices quil avait souhaité de prendre dès léternité avec les enfants des hommes; la présence perpétuelle de Jésus dans son Église avait été résolue pour se réjouir avec nous, sa divine majesté obtint ce but, et il ne leût jamais complètement obtenu dune autre manière, sil ne fut resté sous les espèces sacramentelles dans le coeur brûlant damour de sa mère bien-aimée. Elle fut la sphère propre et le vrai centre où il prit pleinement son repos, de sorte que toutes les créatures excepté la Vierge mère nétaient pour lui quun lieu étranger, car il ne retrouvait dans aucune cet aliment que trouvait dans Marie le feu de sa divinité, qui brûle toujours parce quil est la charité infinie.
La manière dont le Très-Haut opérait ce nouveau miracle était celui-ci. Lorsque la sainte Vierge recevait les espèces sacramentel1es, elles se retiraient de. lestomac où se fait la coction de la nourriture et où les aliments naturels se trans- forment, afin que les saintes espèces ne se confondissent pas avec le peu de nourriture que la divine reine prenait pour conserver sa vie, et ne se consommassent pas ainsi avec elle. Ainsi Jésus sous les espèces sacramentelles, nentrait pas dans lestomac, mais par miracle il se plaçait dans le coeur même de Marie, que le Seigneur récompensait ainsi du sang précieux quil avait fourni dans lincarnation du Verbe, lorsque la très-
204
sainte humanité fut formée, à laquelle il sunit aussitôt hypostatiquement. Et si la communion sacramentelle est appelée une extension de lincarnation, il était juste et convenable que la divine mère participât à cette extension par une nouvelle et particulière manière, puisquelle avait concouru aussi dune manière miraculeuse et singulière à lincarnation du Verbe éternel. Il est vrai que la chaleur du coeur chez les personnes vivantes et saines est très-grande, et la nature prévoyante prend soin dy envoyer de lair qui donne une ventilation, pour tempérer cette chaleur naturelle qui est le principe de la vie, mais dans la noble et si parfaite organisation de la souveraine de lunivers, la chaleur du corps était très-grande, et elle était encore augmentée par les affections ineffables de son coeur ardent, néanmoins les espèces sacramentelles nétaient pas consommées, et il y avait encore là un autre miracle, mais ils ne manquaient pas dans cette créature unique qui était le miracle des miracles et qui les rassemblait tous en elle.
Cette faveur commença à la première communion quelle reçut du Seigneur à la cène, et elle dura jusquà la seconde quelle fit des mains de saint Pierre, et en avalant les secondes espèces, les premières se consommaient. Ainsi de cette manière miraculeuse, de ce jour jusquà la dernière heure de sa vie, Jésus sous les espèces sacramentelles resta dans son sacré coeur. Par ce privilège et celui de la continuelle vision abstractive de la divinité, la sainte Vierge fut si divinisée et ses opérations et ses facultés furent si élevées au-dessus de tout ce que peut concevoir lesprit humain quil est impossible de lexpliquer. Qui parmi les mortels et même les séraphins pourra faire connaître lembrasement de lamour divin qui brûlait dans son coeur très-pur? Qui pourra comprendre limpétuosité du fleuve de la divinité qui a inondé
205
cette cité de Dieu? Très-souvent le corps de Jésus lui apparaissait tout glorieux dans son sein très-pur, dautre fois avec la beauté naturelle de la très-sainte humanité. Elle connaissait ensuite tous les miracles que renferme la sainte Eucharistie et tous les mystères, mais ce qui pour elle était au-dessous de tout prix, cétait que son très-saint fils étant sous les espèces sacramentelles dans son coeur très-pur trouvait plus de joie dêtre avec elle, quavec tous les sainte et tous les anges ensemble. Ranimons donc notre foi envers elle, élevons notre espérance, enflammons-nous damour pour Dieu et pour une si sainte mère, et implorons son secours dans tous nos besoins, car elle est toute-puissante, très miséricordieuse et pleine de charité.
Haut du document
CHAPITRE XXXV
LA TRÈS SAINTE VIERGE CONNAIT QUE LUCIFER SE PRÉPARAIT A PERSÉCUTER LÉGLISE, CE QUELLE FAIT POUR DÉFENDRE LES FIDÈLES.
La grande reine élevée au plus haut degré de la grâce et de la sainteté considérait avec sa profonde sagesse le petit troupeau qui se multipliait tous les jours, et comme un mère vigilante du sommet de la montagne où lavait placé le bras tout-puissant de son fils, elle observait avec soin le embûches infernales. Etant en oraison, elle vit Lucifer ave une foule innombrable de démons, qui sortaient des cavernes de lenfer, où ils avaient été précipités à la mort du
206
rédempteur; pleins de rage et de haine, ils venaient faire la guerre à lÉglise avec une implacable fureur. Elle le vit venir sur la terre et la parcourir avec soin; ensuite il se dirigea vers Jérusalem pour déployer toute sa haine contre les brebis de Jésus-Christ. Lorsque le dragon insidieux eut reconnu le fruit du sang du Sauveur, la sainteté des convertis, la facilité de rentrer en grâce, il redoubla de haine et de fureur. Il faisait de violents efforts pour sintroduire dans lé cénacle où était lassemblée des fidèles, mais il ne pouvait y entrer, parce quil en était repoussé par leur ardente charité et leur union étroite, il lentoura de tous les côtés avec ses démons et il rodait autour pour pouvoir enlever quelques brebis, mais toute son infernale malice était inutile. Alors la puissante et miséricordieuse mère se tourna avec majesté vers le dragon infernal et lui dit : qui est semblable à Dieu qui habite dans les lieux élevés? Le Tout-puissant ta vaincu et terrassé du haut de la croix, il te commande de te précipiter avec tes compagnons dans les abîmes, et en son nom, je te donne le même commandement, afin que tu ne mette aucun obstacle à la gloire de Dieu. Elle se prosterna le visage contre terre, et demanda humblement au Seigneur son secours en faveur de lÉglise. Lucifer et tous les siens tombèrent aussitôt au plus profond des enfers, et le Seigneur parla ainsi .à sa mère : ma chère mère ne vous affligez pas des piéges que satan veut tendre à lÉglise, car je tirerai le bien du mal quil fera pour ma plus grande gloire et son éternelle confusion. Alors le Seigneur permit à Lucifer de revenir sur la terre avec ses démons, mais ne pouvant sapprocher des nouveaux chrétiens, ils allèrent tenter les scribes et les pharisiens et leur insinuèrent dempêcher la prédication des apôtres; ils les remplirent denvie et de haine, et ils assemblèrent le conseil, car ils furent témoins du miracle de saint Pierre et de
207
Saint Jean, qui guérirent le boiteux à la porte du temple. Ils appelèrent les apôtres et leur défendirent denseigner dans Jérusalem; mais saint Pierre leur répondit avec un courage intrépide quils ne pouvaient pas obéir, parce que Dieu leur commandait le contraire. Les scribes couverts de confusion laissèrent en liberté les deux apôtres, qui allèrent informer la sainte Vierge de tout ce qui était arrivé; mais elle en avait connaissance, parce quelle avait tout vu en vision. Ils se mirent tous en oraison, et peu après ils reçurent le Saint-Esprit qui apparut sur chacun deux avec des signes visibles.
Quelques jours après arriva le funeste événement dAnanie et de Saphyre, qui après avoir été baptisés et avoir vendu tout ce quils possédaient nen apportèrent pas tout le prix aux pieds des apôtres; interrogés par saint Pierre sil y était tout entier, ils lui mentirent et aussitôt ils tombèrent frappés, de mort à ses pieds. Les fidèles furent saisis de crainte à cet évènement, et les apôtres prêchant publiquement dans la ville encore toute épouvantée de cette punition, un grand nombre de personnes se convertirent. Mais les magistrats et les sadducéens remplis de haine et denvie, firent mettre en prison saint Pierre et saint Jean. La reine des anges vit tout cela en oraison et elle pria ardemment le Seigneur pour eux; elle envoya un de ses anges gardiens à la prison avec lordre dôter les chaînes aux apôtres et de les mettre en liberté en les conduisant hors de la prison; ce quil fit. Ensuite elle envoya aussi dautres anges pour combattre Lucifer et les siens, afin quils nempêchassent pas la prédication évangélique. Saint Pierre et saint Jean, étant délivrés allèrent trouver la divine mère, elle les reçut à genoux en leur disant : maintenant mes enfants, je vous reconnais pour de véritables imitateurs et de vrais disciples de votre maître, puisque vous souffrez les injures pour son nom, et
208
que contents et joyeux vous laidez à porter la croix; que son bras tout-puissant vous bénisse et vous communique sa divine vertu; elle leur baisa les mains et elle se mit à les servir à table à genoux.
La grande reine aimait avec une grande tendresse tous les fidèles, mais dune manière particulière les apôtres quelle regardait comme fondateurs de lÉglise et comme prêtres. Ii fallut que les apôtres pour accroître le nombre des fidèles sortissent de Jérusalem, afin de prêcher dans les lieux circonvoisins et baptiser les convertis après quils étaient instruits. Lucifer reprit courage en voyant quils séloignaient de la reine des anges, car son orgueil ne les redoutait pas. Mais plus il ourdissait des trames pour les perdre, plus la miséricordieuse mère priait pour eux avec son ardente charité et sa profonde sagesse, et dans son oraison elle découvrait les pièges et les embûches de lenfer et tout ce qui arrivait aux prédicateurs de lévangile. Dans tous leurs besoins, elle leur envoyait ses anges gardiens pour les assister, les animer, les consoler et surtout pour chasser les démons des pays où lévangile était prêché par les apôtres, jamais ils ne furent dans aucune peine, ni dans aucune inquiétude sans être ainsi secourus par cette miséricordieuse mère. Elle avait la même sollicitude pleine de charité pour tous les autres fidèles, et quoiquil y en eut un très-grand nombre dans Jérusalem et dans la Palestine elle les connaissait tous en particulier, et leur venait en aide dans chaque occasion, non-seulement pour les besoins de leur âme, mais encore pour ceux du corps. Elle guérissait les uns de leurs maladies, et ceux à qui il nétait pas expédient de rendre la santé du corps, elle les assistait elle même, les visitait et les servait de ses propres mains. Lamour quelle témoignait aux pauvres ne peut sexprimer, Souvent elle leur donnait à
209
manger, elle faisait elle-même leurs lits, et avait soin de tout ce qui regardait leur propreté, comme si elle avait été leur servante; lhumilité, la charité, et la sollicitude de la grande reine de lunivers étaient si grandes, quelle les remplissait tous de consolation et de joie. Lorsquelle ne pouvait leur donner ses soins personnellement à cause de la distance, elle leur envoyait ses anges gardiens pour leur apporter des secours et leur donner de saintes inspirations. Sa piété maternelle sexerçait en particulier en faveur des moribonds, elle en assista un grand nombre dans ce dernier combat, et les aida par des paroles efficaces et de saintes exhortations, jusquà ce quils fussent en sûreté pour leur salut éternel. Elle avait une grande compassion pour les âmes qui allaient au purgatoire et elle venait à leur secours, elle faisait à cet effet de longues prières se tenant à genoux en forme de croix, et elle ajoutait des prostrations, des génuflexions et dautres exercices de mortifications , jusquà ce quelle avait satisfait pour elles. Ensuite elle envoyait aussitôt un de ses anges, pour délivrer ces âmes, les conduire au ciel et les présenter à son divin fils en son nom, comme le bien propre du Seigneur et le fruit de son sang.
Une pauvre femme de basse condition qui avait été baptisée dès le commencement avec les cinq mille personnes, tomba gravement malade, et sa maladie se prolongeant, elle se refroidit de sa première ferveur et commit le péché qui lui fit perdre la grâce reçue au baptême. Lucifer qui souhaitait ardemment davoir quelques âmes de ces prémices de lEglise lui apparut sous la forme dune jeune femme pour la tromper, Dieu le permettant ainsi pour sa plus grande gloire, il lui dit de se séparer de ces personnes qui croyaient au crucifié et de ne pas mettre sa confiance en lui. La malheureuse ma-
209
lade donna son consentement aux paroles du malin esprit, elle ajouta; mais comment dois-je me comporter à légard de cette reine, qui parmi ces personnes est si gracieuse et si bonne que je ne saurais mempêcher de laimer. Oh celle-ci, repartit le démon, est plus méchante que les autres, et vous devez principalement labhorrer, et ceci est ce qui importe le plus autrement les magistrats, et les princes des prêtres vous persécuteront et vous serez malheureuse; si vous revenez à votre première religion vous guérirez et vous serez contente. La prétendue femme séloigna et lâme de cette femme fut infestée par ces paroles. Un de ces soixante-douze disciples qui allait visiter les infirmes entra chez la malade si malheureusement séduite et trompée, et la voyant obsédée du démon, il commença à lexhorter avec zèle à détester son erreur, mais ce fut en vain, car elle ne voulut rien répondre. Le saint disciple voyant cette obstination alla trouver saint Jean qui après lavoir entendue vint aussitôt auprès de la malade, et lavertit avec une grande ferveur du piége du démon, mais il en fut de même, car elle ne répondit pas un mot, le grand apôtre ayant vu lopiniâtreté de cette malheureuse, vint tout affligé en donner avis à la grande reine, afin que sa grande charité y apportât remède. La mère de Dieu jeta sa vue intérieure sur la malade et- découvrit le grand danger de cette malheureuse, alors la miséricordieuse mère fut saisie de compassion pour cette brebis trompée et pervertie par lennemi infernal, elle se prosterna le visage contre terre, et pria et supplia son divin fils pour obtenir le remède à ce mal. Mais le Seigneur ne répondit rien, non que ses prières ne lui fussent pas agréables, mais parce quil désirait entendre plus longtemps ses charitables gémissements. La mère de miséricorde ne se-découragea point, elle continua de supplier le Très-Haut, et en même temps
211
elle envoya un des anges pour la protéger contre les piéges du démon et lui venir en aide par ses saintes inspirations. Lange exécuta lordre, mais la femme résista à la. grâce de Dieu, il revint donc rendre compte de la dureté de coeur de la malade. La miséricordieuse mère saffligea au-delà de ce quil est possible de dire, et elle continua ses prières avec une plus grande ferveur en disant: mon Seigneur, Dieu de miséricorde , voici ce chétif vermisseau de terre, châtiez-le et affligez-le, mais ne permettez pas que cette âme marquée de votre caractère divin, premice de votre sang, soit sous ses yeux trompée par le serpent et devienne la proie de sa malice. La grande reine persévéra dans sa prière, mais le Seigneur ne lui répondit encore rien, pour éprouver lamour invincible de son coeur et son ineffable charité pour les fidèles. Elle se leva et appela saint Jean pour laccompagner, afin daller en personne chez la malade. A peine sortie de loratoire les anges lempêchèrent daller plus avant. Elle adora la, volonté du Seigneur, et elle entendit avec joie les paroles des anges; grande reine, nous ne pouvons pas permettre que vous marchiez dans la ville, lorsque nous pouvons vous porter nous-mêmes avec plus de bienséance. Aussitôt elle fut placée.. sur un trône dune nuée très-brillante et fut transportée dans la chambre de la pauvre agonisante, qui avait été laissée seule, parce quelle ne parlait plus, et elle était environnée de démons qui attendaient son âme pour la conduire en enfer. A la vue de la divine mère ils se précipitèrent dans lenfer comme la foudre. Elle sapprocha de la malade, lappela par son nom et la prenant par la main, elle lui dit de douces paroles de vie éternelle qui la renouvelèrent; revenue à elle-même elle répondit à la reine des anges; ma reine, une femme qui ma visitée il y a quelques jours, ma persuadé que les disciples de Jésus
212
me trompaient, et quainsi je devais me séparer deux et de vous. Ma fille, repartit la mère du bel amour, celle qui vous a paru une femme est le démon votre ennemi, je suis venue vous donner la vie éternelle de la part du Très-Haut. Revenez donc à la foi véritable, et reconnaissez Jésus pour vrai Dieu et rédempteur du monde, invoquez-le et demandez lui pardon de vos fautes. La malade contrite de ses péchés se mit à verser des larmes en abondance, les apôtres appelés par les anges vinrent et lui administrèrent les sacrements. Cette femme véritablement heureuse expira en invoquant les noms de Jésus et de Marie, délivrée de tous ses péchés et de la peine qui y est attachée, la sainte Vierge lenvoya aussitôt au ciel par un de ses anges gardiens. Elle fut rapportée dans son oratoire comme auparavant, et prosternée à terre, elle adora et. remercia le Très-Haut par de nouveaux cantiques de louanges. Le Seigneur ordonna ce miracle, afin que les anges, les apôtres, tous les saints du paradis et même les démons connussent le pouvoir incomparable de la très-sainte Vierge, et que de même quelle était la reine de toutes les créatures, ainsi toutes ensemble nétaient pas aussi puissantes quelle, et que rien de tout ce quelle demanderait et désirait ne lui serait refusé.
212
Haut du document
CHAPITRE XXXVI
PRUDENCE DE LA VIERGE MÈRE DANS LE GOUVERNEMENT DES FIDÈLES. CE QUELLE FIT AVEC SAINT ETIENNE.
Parmi les qualités innombrables que posséda la très-sainte Vierge, elle eut la plénitude et labondance de la sa-y gesse et de la science divine, qui était convenable à la mère de Dieu établie mère et maîtresse de lEglise. Elle connaissait tous les fidèles qui venaient à la foi, et découvrait leurs inclinations, leurs passions, leurs caractères, le degré de grâce et de vertu qui était dans leur âme, le mérite de leurs oeuvres, la fin et les motifs de leurs actions. Elle pénétrait en même temps le mystère secret de la volonté divine, aussi elle dispensait les affections de sa charité éternelle avec poids et mesure, de sorte quelle naimait personne ni plus ni moins quelle le devait. Parmi les saints bienheureux qui méritèrent lamour de cette divine mère fut saint Etienne, un des soixante-douze disciples, car dès quil commença à suivre le Sauveur, la très-sainte Vierge le regarda avec une affection spéciale et singulière. Elle connut aussitôt que ce saint était choisi par le maître de la vie pour défendre son honneur au prix de son sang. Le saint était dune amabilité et dune bonté naturelle très-grande et la grâce le rendait encore plus aimable à tous. A cause de ses rares qualités auxquelles sunissaient les plus héroïques vertus, la divine mère laimait tendrement, et il en fut comblé de très-précieuses bénédictions; elle rendait grâces au Très-Haut davoir créé cette âme qui devait recevoir la couronne du premier martyr. Lheureux saint correspondait avec fidélité aux bien-
214
faits quil recevait de son divin maître et de sa divine mère, car il était non-seulement doux, mais encore humble de coeur. Il avait une grande vénération pour la mère des miséricordes, il linterrogeait avec humilité sur les, plus profonds mystères , car il était très-instruit et savant, plein de foi et rempli de lEsprit-Saint. La mère de la sagesse répondait à ses demandes, léclairait, le fortifiait et lanimait. Pour le fortifier encore plus fortement dans sa grande foi, elle lavertit quil devait être le premier des martyrs de Jésus-Christ.
Cette avis enflamma extrêmement saint Etienne du désir du martyre, de sorte que plein de grâce et de force il opérait de grands prodiges; il disputait avec courage et franchise avec les princes des prêtres et les confondait tous. Il se présentait le premier pour disputer avec les rabbins et les principaux docteurs de la loi de Moyse, comme sil eût craint quon vint lui enlever la couronne quil devait recevoir le premier, et il recherchait toutes les occasions pour défendre le nom de Jésus-Christ. Le dragon infernal, saperçut du désir du saint, et il chercha dans sa haine à empêcher que lintrépide disciple ne confessât en public !l foi de Jésus de Nazareth, et à faire que les Juifs Je missent à mort secrètement; mais la grande reine qui connaissait toutes les trames de Lucifer, délivra le saint de toutes les embûches. Dans trois occasions, principalement elle envoya un de ses anges gardiens, pour faire sortir en sûreté le saint dune maison, où les juifs avaient formé le dessein de le faire périr, secrètement; lange le délivra en le rendant invisible aux ennemis de lÉglise, il le présenta ensuite à la grande reine, et plein de reconnaissance pour son bienfait il la remercia avec humilité. Dautre fois la sainte Vierge le prévenait et Je faisait avertir par ses anges de ne pas passer dans telle
215
rue. Quelquefois elle lempêchait de sortir du cénacle, et comme il brûlait du désir du martyre il se plaignait doucement à la reine des anges; en disant, ah ma reine et mon refuge, quand viendra donc le jour si heureux pour moi où je sacrifierai ma vie pour la gloire de mon Jésus? Ces amoureuses plaintes du saint causaient une joie incomparable à la divine maîtresse, et elle lui répondait avec une douce et maternelle affection; mon fils, serviteur très-fidèle du Seigneur, lheure fixée par la divine volonté viendra et vos belles espérances ne seront pas certainement frustrées.
Bien plus; la pureté et la sainteté de saint Etienne était si grande et dune perfection si éminente que les démons le considéraient de loin, et séloignaient de lui autant quils pouvaient, mais par contre il était très-aimé de Jésus et de sa sainte mère et même des apôtres qui lordonnèrent diacre, il mérita dêtre le premier martyr de lÉglise, comme le raconte saint Luc dans les actes des apôtres. Le saint fut arrêté tandis quil prêchait avec un grand zèle, et fut amené devant les juifs qui laccusèrent par toute sorte de mensonges. La miséricordieuse mère layant su, lui envoya un ange pour lassister et le fortifier. Lorsquil fut interrogé il confondit par sa profonde sagesse et la force de son esprit., les juges et tous les accusateurs, de sorte que convaincus et ne pouvant rien répondre ils se fermèrent les oreilles et poussèrent des cris horribles. Le saint était seulement affligé de navoir pas reçu la maternelle bénédiction de la grande et tendre reine. La miséricordieuse mère voyant son désir, consoler lintrépide et bien-aimé disciple, elle sadressa au Seigneur qui secondant la charité de sa mère envoya du ciel dautres anges et avec ses anges gardiens ils la conduisirent sur une nuée éclatante dans la salle du conseil, mais elle nétait vue que du saint qui entouré de cette lumière
216
devint tout resplendissant et beau comme un ange. La tendre mère le regarda de ses yeux miséricordieux, lui dit des paroles de vie éternelle, le bénit et pria pour lui le Père éternel, afin quil le remplît de lEsprit-Saint, ce quil fit avec une grande abondance, car le saint montra publiquement son courage invincible et sa profonde sagesse, en prouvant la divinité et lincarnation de Jésus par les témoignages incontestables de la sainte écriture. La grande reine était encore présente, se réjouissant de voir le zèle et le courage de saint Etienne, lorsque les cieux souvrirent et Jésus se fit voir debout à la droite du Père, et le saint rendant témoignage de la gloire de son maître les juifs perfides prirent ses paroles pour des blasphèmes; cest pourquoi il fut condamné à être lapidé comme blasphémateur. ils se jetèrent sur lui en fureur et le traînèrent hors de la ville pour le lapider. La sainte Vierge lui donna de nouveau sa bénédiction, lencouragea et prit congé de lui avec une grande bonté, elle commanda à ses anges de laccompagner et de lassister jusquà sa mort. Elle retourna au cénacle doù elle considéra avec attention le martyre que le saint souffrait avec tant de constance, la miséricordieuse mère en versa des larmes de compassion et de joie. Lorsque avant de mourir, le saint à genoux cria à haute voix; Seigneur, nimputez pas à ces hommes ce péché, la divine mère accompagna sa généreuse prière avec une joie incroyable, en voyant ce fidèle imitateur du rédempteur qui priait pour ses ennemis. Il expira et sa grande âme fut conduite en paradis par des troupes danges et par les anges gardiens de Marie, elle fut reçue avec une joie inexprimable par Jésus, qui la plaça en un lieu de gloire éminent à la grande allégresse de toute la cour céleste. Les anges qui revinrent vers leur reine lui rendirent grâce au nom du saint, pour lamour et les faveurs
217
quelle lui avait accordées. Ce glorieux martyre eut lieu neuf mois après la mort du rédempteur, le vingt-six décembre, il était âgé de trente-quatre ans. La prière de saint Etienne unie à celle de la mère de Dieu, obtint la conversion de saint Paul.
Lucifer fut couvert de confusion par la constance du saint martyr et par la présence de la grande reine, il résolut donc dirriter les juifs contre lÉglise pour la détruire entièrement. Les ennemis de léglise excités par le démon convinrent alors ou de chasser tous les chrétiens de Jérusalem et même de la Judée et du pays de Samarie, ou de les faire tous mourir. Il séleva alors, comme le raconte saint Lue, une cruelle persécution, de sorte que la grande reine avec les apôtres, et un petit nombre de fidèles se retirèrent dans le cénacle, les autres disciples sortirent tous de la ville et prêchèrent avec une grande constance la foi de Jésus-Christ. Le Seigneur ne permit pas quon fit attention à ceux qui étaient dans le cénacle, et il voulut que les disciples dispersés dans la Galilée, fussent seuls persécutés; Saul fut nommé le chef des persécuteurs. il est impossible de rapporter la vigilance et la sollicitude de la divine mère pendant cette persécution. Lorsque saint Etienne fut mort, elle ordonna daller chercher son saint corps et de lensevelir, elle ordonna aussi quon lui apportât une croix que le saint martyr portait sur sa poitrine; car la reine des anges depuis la venue de lEsprit-Saint en avait toujours une, sur son sein, et tous les fidèles en portaient une à son-exemple. Elle commanda encore de recueillir les petites choses qui avaient servies à son usage ainsi que son sang autant quil était possible, et de conserver tout cela avec une grande vénération. Elle fit un magnifique éloge de son grand mérite en présence des apôtres et des autres disciples, et elle commanda à Lucifer et aux siens,
218
comme auteur de la persécution, de se précipiter aussitôt dans lenfer. Elle assembla les apôtres, les anima, les consola et les fortifia pour la persécution, elle envoya les disciples dans la Judée et le pays de Samarie, pour prêcher lévangile de Jésus crucifié, qui les fortifierait toujours. Elle envoya un grand nombre de ses anges gardiens pour accompagner, les uns, les disciples, les autres, pour assister les fidèles moribonds; elle envoyait aussi les apôtres hors de Jérusalem, là où ils étaient nécessaires, comme elle le fit lorsque saint Pierre et saint Jean partirent pour Samarie. Elle voyait toutes les choses présentes, et elle prévoyait avec certitude les futures. Elle disposait toutes les affaires particulières et celle de lÉglise de telle sorte, quil lui restait toujours quelque temps pour se retirer dans son oratoire, là elle se prosternait à terre, elle sabaissait au-dessous de la poussière et ne sestimait pas digne que la terre la supportât; elle poussait des gémissements et versait des larmes pour obtenir le salut des hommes et la conversion des pécheurs.
La grande mère de la sagesse, considéra que les disciples sétant séparés pour prêcher Je nom adorable de son fils et la sainte foi, navaient pas encore des règles déterminées pour instruire avec uniformité, afin que les fidèles crussent ensuite tous les mêmes vérités; elle assembla donc les apôtres et leur dit par la bouche de saint Pierre, avec qui elle en avait conféré auparavant: mes frères, puisque nous devons nous séparer pour étendre lÉglise fondée par le sang de notre divin maître, et prêcher dans le monde entier, il est convenable que nous déterminions les mystères quil faut proposer explicitement à tous les croyants. Tous les apôtres approuvèrent ce que proposait saint Pierre, le vicaire de Jésus- Christ célébra la sainte messe, et communia la divine mère
219
et les apôtres, lorsquelle fut terminée ils invoquèrent tous lEsprit-Saint avec la sainte Vierge, en priant pendant quelque temps avec une grande ferveur. On entendit alors un grand bruit, comme lorsque le Saint-Esprit descendit la première fois, le cénacle fut de nouveau rempli dune splendeur admirable, et ils furent éclairés et illuminés dune manière plus parfaite. Alors la grande maîtresse de lÉglise les prévint, de prononcer chacun ce que lEsprit-Saint lui inspirerait, et saint Pierre commença.
St. Pierre. Je crois en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.
St. André. Et en Jésus-Christ son fils unique, Notre-Seigneur.
St. Jacques le majeur. Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie.
St. Jean. A souffert sous Ponce Pilate, à été crucifié, mort, et a été enseveli.
St. Thomas. Est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts.
St. Jacques le mineur. Est monté aux cieux, où il est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant.
St. Philippe. Doù il viendra juger les vivants et les morts.
St. Barthèlemy. Je crois au Saint-Esprit.
St. Matthieu. La sainte Église catholique, la communion des saints.
St. Simon. La rémission des péchés.
St. Thaddée. La résurrection de la chair.
St. Matthias. La vie éternelle, ainsi soit-il.
Ensuite on entendit une voix qui dit: Vous avez bien déterminé. Aussitôt la grande reine chanta des louanges et rendit des actions de grâces au Très-Haut avec les apôtres; elle les remercia encore tous, et se mettant à genoux aux
220
pieds de saint Pierre, elle fit profession de la sainte foi catholique en récitant le symbole; et elle fit cette profession de foi pour elle-même et pour tous les fidèles de lÉglise, en disant à saint Pierre : mon maître, je vous reconnais pour le vicaire de mon très-saint Fils; dans vos mains, moi chétif vermisseau, en mon nom et au nom de tous les fidèles de lEglise, je confesse et je crois tous ce que vous avez déterminé comme vérité infaillible et divine de la foi catholique, et dans ces vérités je loue et je bénis le Très-Haut de qui elles procèdent. Ensuite elle baisa la main à saint Pierre vicaire de Jésus-Christ et aux autres apôtres.
Haut du document
CHAPITRE XXXVII
LA SAINTE VIERGE ENVOIE LE SYMBOLE AUX DISCIPLES. LES APÔTRES SE PARTAGENT LES PROVINCES DU MONDE. CONVERSION DE SAUL. AUTRES MIRACLES DE LA GRANDE REINE.
Aussitôt que le divin symbole des apôtres fut formé, la sainte Vierge en fit de ses propres mains et par celles des anges un grand nombre de copies, et elle les envoya par le ministère des anges, aux disciples dispersés dans le pays de Samarie et de Galilée, et en peu de temps il se répandit partout. Une année sétant déjà écoulée depuis la mort du rédempteur, les apôtres pensèrent à faire le partage des provinces pour éclairer le monde entier de la lumière évangélique. Par le conseil de la divine Reine il fut réglé quon
221
resterait à cet effet dix jours dans le jeûne et la prière, ils avaient pris cette coutume pour les affaires plus importantes, des jours qui précédèrent la venue de lEsprit-Saint; saint Pierre à la fin célébra la sainte messe, et communia la divine mère et les apôtres, ils demeurèrent ensuite en prière avec leur reine et maîtresse en invoquant lEsprit-Saint. Saint Pierre les rempli tous de ferveur en leur rappelant ce que leur avait ordonné le divin maître, après le discours on vit une splendeur admirable et on entendit une voix qui dit : Pierre mon vicaire, assignez à chacun les provinces, et chacun verra là son sort; je lassisterai de mon esprit et
de ma lumière. Alors saint Pierre dit : moi, Seigneur, je moffre à souffrir et mourir pour suivre mon rédempteur et mon maître en prêchant son saint nom, maintenant à Jérusalem, ensuite dans le Pont, la Galatie, la Bythinie, la Cappadoce et dans les provinces de lAsie; je ferai mon premier siége à Antioche, enduite à Rome où sera établie la chaire du Christ, afin quen ce lieu réside le chef de lÉglise.
Le serviteur du Christ, notre cher frère André, le suivra en prêchant la sainte foi dans les provinces de la Scythie dEurope, dEpire, de Thrace et dans la cité de Patras, en Achaïe, il gouvernera cette province et le reste dans ce qui lui sera possible.
Le serviteur du Christ, Jacques le majeur, le suivra dans prédication de la foi dans la Judée, la Samarie et en Espagne, doù il reviendra à .Jérusalem.
Notre cher frère Jean, obéira à la volonté de notre Sauveur et maître quil lui a manifestée sur la croix; il remplira ses devoirs de fils envers notre mère et reine, il la servira et lassistera avec un respect et une fidélité de fils et lui administrera le divin sacrement de lEucharistie , il prendra encore soin des fidèles de Jérusalem, et lorsque la bienheureuse
222
mère sera appelée au ciel, il suivra son maître en prêchant dans lAsie-Mineure, et il prendra soin de ces églises jusquà ce quétant persécuté il sera relégué dans lîle de Pathmos.
Le serviteur du Christ, et notre cher frère Thomas, le suivra en prêchant dans lInde et la Perse, chez les Parthes, les Mèdes, les Ircaniens, les Bactriens, il baptisera les trois rois mages et les instruira de toutes choses, car ils lattendront et le chercheront eux-mêmes.
Le serviteur du Christ et notre cher frère Jacques le suivra comme pasteur et évêque de Jérusalem, où il prêchera aux Juifs, et il sunira à saint Jean pour lassistance et le service de la divine mère.
Le serviteur du Christ, et notre cher frère Philippe, le suivra dans les provinces de Phrygie et de la Scythe dAsie et dans la ville dHiéropolis en Phrygie.
Le serviteur du Christ, et notre cher frère Barthélemy, le suivra dans la Lycaonie, une partie de la Cappadoce et dans lAsie, ensuite il viendra dans linde et enfin dans lAsie- Mineure.
Le serviteur du Christ, et notre cher frère Matthieu, instruira premièrement les Hébreux, il viendra ensuite en Egypte et en Ethiopie.
Notre frère Simon ira dans la Babylonie, la Perse et lEgypte.
Nos frères Judes et Thaddée en Mésopotamie et ils joindront avec Simon, pour prêcher dans la Babylonie et dans la Perse.
Notre frère Matthias, ira dans lEthiopie, dans lArabie et il reviendra enfin en Palestine. Que lEsprit du Très-Haut nous dirige, nous gouverne et nous assiste tous.
Lorsque saint Pierre eut fini de parler, on entendit un grand bruit et le cénacle fut rempli de splendeur, et du mi-
223
lieu de cette lumière il sortit une voix qui dit : Que chacun. reçoive le sort qui lui est échu. Ils se prosternèrent tous à terre et ils dirent : Seigneur souverain, nous obéirons avec une grande promptitude et une vive allégresse de coeur à votre parole et à celle de votre vicaire, notre esprit se réjouit rempli de vôtre suavité. Le Très-Haut leur donna un nouveau don de force et ils furent tous embrasés comme des Séraphins. La reine des anges était présente à tout, et elle connaissait ce que le pouvoir divin opérait dans les apôtres et en elle-même, qui participa à ces divines effusions plus que tous les autres ensembles. Elle eut la science qui lui était convenable comme souveraine, maîtresse, mère,. directrice et reine de lÉglise à légard de toutes les créatures. En même temps, elle demanda au Très-Haut la persévérance et le courage pour les apôtres, afin quils prêchassent, dans le monde entier, elle reçut lassurance de leur particulière assistance, ce qui la remplit de joie. Elle se mit à genoux et leur souhaita à tous un grand succès au nom de son divin fils, ensuite, elle leur baisa la main et leur promit ses prières et dêtre toujours attentive à les servir, enfin elle demanda à chacun selon sa coutume avec humilité sa bénédiction.
Ils firent ensemble tous leurs efforts avant de partir, pour amollir le coeur des Juifs perfides quils voulaient appeler les premiers à la foi, ils Visitèrent les saints lieux de Jérusalem quils vénérèrent avec beaucoup de tendresse et de piété, et. ils baisèrent cette terre sanctifiée par le divin rédempteur. Mais la maternelle sollicitude de la grande reine fut extraordinairement admirable. Elle avait préparé avec le ministère des anges pour chacun des douze apôtres une longue tunique, tissue en laine, semblable pour la couleur et la forme à celle de Jésus-Christ, afin quils fussent tous habillés avec unifor-
223
mité. Elle fit aussi avec une grande habileté douze croix, quelle mit sur leurs bâtons de pèlerin, suivant la grandeur de chacun, afin quils la portassent avec eux en témoignage de ce quils prêchaient. Elle remit à chacun de ceux qui partaient, lhabit, le bourdon et de plus un petit reliquaire de métal, où elle mit pour chacun trois épines de la couronne de son très-saint fils, et quelques morceaux des langes dont notre Seigneur avait été enveloppé lorsquil était enfant, et des linges qui avaient été imbibés du précieux sang dans la circoncision et dans la passion. Les apôtres reçurent tous ces dons avec vénération et en versant des larmes, ils rendirent grâces à la grande reine, et prosternés à terre ils vénérèrent les saintes reliques, enfin ils sembrassèrent lun et lautre, et le premier qui partit fut Saint Jacques, le majeur.
En ce temps-là arriva la conversion de Saul à laquelle la mère des miséricordes contribua; Saul avait un coeur noble, magnanime et courageux, Lucifer considérant son naturel lenvironna de ses terribles suggestions, pour en faire linstrument de sa fureur. Il se faisait gloire dêtre savant dans la loi de Moyse et zélé pour les traditions des rabbins, cest pourquoi il croyait quil était indigne dabolir cette loi révélée par Dieu, pour une autre loi dun homme crucifié. Il alla chez les princes des prêtres et en obtint un ample pouvoir, pour persécuter jusquà la mort les partisans de cette nouvelle et odieuse secte, et Lucifer non-seulement lui suggéra de faire périr les apôtres, mais encore la mère du Nazaréen, lorgueil du cruel dragon en était venu à cette folie. Mais Saul eut horreur de la suggestion, parce quil jugeait quil était indigne de traiter avec cruauté une femme noble et généreuse, car il lavait vue assister avec un amour intrépide à la passion de son fils, et dès ce moment il lui conservait je ne sais quelle estime et affection, et lui portait de
224
la compassion pour ses peines. Saul savançait vers Damas avec une nombreuse suite de jeunes gens ses compagnons, et dautres, personnes à ses propres frais, niais surtout accompagné de Lucifer et, dun nombre infini de démons. La grande reine le considéra en vision, elle vit les pièges de Lucifer et connut que Saul devait être une colonne de léglise, alors elle se prosterna la face contre terre, et pria le Seigneur, offrant de souffrir et de mourir pour son église et la conversion de Saul: vous avez, Seigneur, répétait lhumble grande reine, vous avez établi cette esclave pour mère de léglise et avocate des pécheurs, sans que je lai jamais mérité, exaucez mes humbles prières , secourez vos enfants, les eaux des péchés de Saul nont pas éteint votre charité infinie. En même temps la grande reine vit que son divin fils touché de ses prières, apparut à Saul avec une gloire immense, et Saul entouré au-dedans et au-dehors de la lumière céleste, tomba de cheval à ces paroles du Christ: Saul, Saul, pourquoi me persécutez-vous. Il répondit tout épouvanté: Qui êtes-vous Seigneur? le Seigneur répartit : Je suis Jésus que vous persécutez , et ce qui suit dans les actes des apôtres. De persécuteur, il devint un vase délection et lapôtre de Jésus-Christ.
La grande reine vit tout cela et en rendit grâces au Très- Haut, elle fut la première à faire la fête de cette admirable conversion, et elle invita les saints anges à glorifier le Seigneur par des cantiques de louanges. Cependant Saul éclairé et baptisé par Ananie, entendait les disciples parler de la bonté et de lexcellence de la mère de Dieu; il était plein de confusion en reconnaissant quil avait été persécuteur de son église , et il craignait de ne pas être agréable à la grande reine; en même temps quil avait été éclairé par la divine lumière, il connut quelle avait été la médiatrice de
225
sa conversion, malgré cela lindignité de sa vie passée lhumiliait et le retenait, il se jugeait indigne davoir une place dans son coeur si pur et si ardent. Toutes .ces craintes furent connues de la divine mère, et sachant que de longtemps Paul ne pourrait venir en sa présence, touchée dune affection maternelle elle ne voulut pas souffrir un si long retard, elle envoya donc un de ses anges au nouvel apôtre, à Damas, pour lassurer de son affection et de son intercession, et afin quil le bénit en son nom. Paul ayant reçu cette Visite sentit dilater son coeur, et rempli de grâce et de joie, il supplia lange avec humilité de remercier en son nom la divine mère, véritable mère de la piété et sa médiatrice. Lambassadeur céleste à son retour raconta tout à la grande reine qui en éprouva une grande consolation, et rendit de nouvelles actions de grâces au Très-Haut. Il est impossible dexprimer et de comprendre quelle fut lindicible rage de Lucifer en tombant dans lenfer avec les siens, frappés de la divine lumière de Jésus-Christ , semblables à des serpents entrelacés qui tombent à terre.
Les monstres infernaux furent précipités dans lenfer, mais le Très-Haut le permettant pour sa plus grande gloire et le plus grand mérite de son Eglise, ces princes des ténèbres se
relevèrent et se réunirent en conseil, ils ne savaient pas que la grande reine de lunivers voyait tout et découvrait tous leurs desseins; ils résolurent de se venger de Dieu et de la Vierge mère en détruisant lÉglise. Oh! superbes pleins daveuglement, lenfer ne peut riens pas même faire périr une fourmi sans la permission de Dieu, combien moins nuire à un chrétien. La divine mère pria son divin Fils de sopposer à la haine insensée de Lucifer, et élevée en une extase divine, elle vit que laimable Rédempteur priait à la droite du Père, afin quil accordât tout ce que sa mère demandait; elle vit
227
aussi que le Père éternel recevait avec complaisance les prières de la sainte Vierge, et que la regardant avec une grande bonté il lui disait: Marie, ma fille, montez plus haut. Au même instant il descendit du ciel une multitude innombrable danges, qui lélevèrent de terre où elle se tenait prosternée le visage baigné de larmes, et ils la conduisirent en corps et en âme devant le trône de la très-haute Trinité, qui lui fut manifestée par une vision très-sublime. Toute abaissée dans la plus profonde humilité de son coeur, elle se sentit et se vit placée sur le trône de la Divinité à la droite de son Fils, à la grande joie de tous les saints et de tous les esprits bienheureux qui chantaient tous des cantiques de louange. On lui demanda ce quelle désirait, et elle répondit, rien autre chose que lexaltation du saint nom de Dieu et lassistance des fidèles dans les persécutions que préparait Lucifer. La très-sainte Trinité lui promit dassister lEglise, et à légard de Lucifer le soin de le combattre et den triompher lui fut confié. Après avoir reçu la bénédiction divine elle fut rapportée par les anges dans son oratoire, là prosternée la face contre terre, elle sabaissa au-dessous de la poussière avec une humilité incroyable et répandit beaucoup de larmes, elle rendit grâces au Très-Haut pour cette nouvelle faveur. Elle sentretient ensuite avec ses anges du gouvernement de lEglise, et elle en. envoya aux apôtres et aux disciples et principalement à saint Paul, pour les prévenir des embûches infernales afin, quils sassurassent de la grâce et du triomphe contre lenfer. Elle appela saint Pierre, saint Jean et tous les disciples qui étaient à Jérusalem, et les prévint de ce qui devait leur arriver, et elle leur confirma la nouvelle de la conversion de Paul.
Saint Jacques le majeur était dans ce temps là en Espagne, et il avait établi douze disciples à Grenade qui prêchaient le
227
saint nom de Jésus; les juifs qui étaient là, excités par lenfer, entrèrent en fureur, ils prirent leurs précautions pour les. arrêter tous, et les amenèrent enchaînés hors de la ville pour les massacrer. Là ils leur lièrent les pieds, et déjà ils avaient tiré leurs épées pour les tuer. Le saint apôtre ne cessait dinvoquer le nom tout-puissant de Jésus son maître et de Marie la divine mère; il sécria à haute voix: Très-sainte Vierge, secourez-moi à cette heure, souvenez-vous de moi et de mes enfants, pure Marie venez à mon aide: O Marie, ô Marie toujours pure. Saint Jacques répéta plusieurs fois ces dernières paroles qui pénétrèrent le coeur tendre et aimant de la miséricordieuse Mère qui voyait et entendait tout en vision, elle leva les yeux au ciel, car elle voulait secourir son bien-aimé cousin saint Jacques, mais ne se réglant que par sa prudence héroïque elle ne voulait pas opérer en Reine. Elle se jeta le visage contre terre et demanda avec larmes le secours à son divin Fils, et aussitôt voilà les mille anges de sa garde qui lui apparaissant en forme humaine, lui font connaître lordre du Très-Haut, ils forment sans retard un trône dune nuée éclatante, et la plaçant dessus, ils la transportent dans le lieu ou saint Jacques était sur le point dêtre tué avec ses disciples. Elle se montra seulement à lapôtre, et avec un visage joyeux et plein de tendresse, elle lui dit, Jacques mon fils, apôtre de mon Jésus, ayez bon courage, et soyez délivré de vos chaînes. Au même instant les juifs tombèrent à terre presque morts, et les démons qui les assistaient furent précipités dans lenfer, saint Jacques avec ses disciples furent libres; après avoir reçu la précieuse bénédiction de la miséricordieuse et divine mère, ils purent aller ailleurs et fuir la persécution des juifs qui voulaient les faire mourir. La grande reine laissa à saint Jacques cent
229
anges de sa garde, pour assister et guider le saint apôtre dans lEspagne, pour le défendre et laider dans la propagation, de lévangile.
Haut du document
CHAPITRE XXXVIII
NOUVELLES TRAMES DE LUCIFER CONTRE LÉGLISE. LA SAINTE VIERGE PART DE JÉRUSALEM, ET OPÈREDE NOUVELLES MERVEILLES.
La très-sainte Vierge veillait avec, une maternelle et ineffable sollicitude à la dilatation de lÉglise, et elle priait avec ferveur le Très-Haut à cette fin; dans son ardente prière plusieurs fois elle fut ravie en Dieu et elle sentendit dire avec bonté: Ma fille et mon épouse bien-aimée, votre amour fidèle au-dessus de celui de toutes les créatures nous fait trouver en vous la plénitude de nos complaisances, montez au trône de Dieu, afin que vous soyez absorbée par labîme de notre divinité, autant quil est possible à une pure créature; prenez de nouveau possession de notre gloire, nous remettons tous nos trésors dans vos mains; le ciel est à vous, ainsi que la terre et toutes choses, jouissez pendant votre vie mortelle des privilèges de bienheureuse au-dessus -de tous les saints; que les peuples et toutes les créatures vous servent, et entrez en partage de tous les biens de notre éternelle société, comprenez le grand dessein de notre providence, et prenez part à nos décrets; que votre volonté soit
230
une avec la nôtre, et unique soit aussi le motif par lequel nous disposerons toutes choses pour notre Église.
Toutes ces faveurs ineffables étaient cachées à Lucifer, aussi le dragon rempli seulement de son orgueil ourdissait avec les siens dans ses nombreux conseils des trames funestes contre lÉglise, et préparait une nouvelle guerre pour la détruire entièrement. La paix de lÉglise était favorable pour la conversion des fidèles, et dun autre côté la persécution était nécessaire pour augmenter leur mérite et leurs épreuves, aussi Dieu les alternait comme dans les siècles postérieurs, et ainsi toujours la divine providence les fait succéder lune à lautre, cest pourquoi il permit à Lucifer de sortir de lenfer. La fureur du dragon infernal était arrivée à son comble, il aurait voulu détruire le monde sil lavait pu, il amena avec lui au-dehors les deux tiers de ses maudits et cruels compagnons; ils firent rapidement le tour de la terre pour retrouver les apôtres et les disciples, et Lucifer resta près de Jérusalem. Les mauvais esprits à leur retour firent une exacte relation à leur malheureux chef, et il ordonna aux uns de se tenir, auprès des apôtres et des disciples pour les persécuter, et aux autres dirriter les juifs et les magistrats des gentils contre les chrétiens, il en assigna un grand nombre à Hérode afin quil persécutât le nom chrétien. Lucifer tourmentait dun autre côté les justes par des tentation secrètes, des suggestions, il inspirait la pusillanimité, faisait naître des illusions, et mille autres choses comme il fait encore de nos jours à légard des personnes spirituelles qui veulent sincèrement aimer Dieu.
Rien nétait caché à la divine mère, qui adorant la conduite de la divine providence, redoublait ses prières, ses larmes et ses soins pour tous les fidèles. Elle donnait des avis, et des conseils à ceux qui étaient avec elle ou peu éloignés,
231
elle les exhortait, les pressait et les animait à souffrir et à mourir pour lamour de Dieu. Et au milieu de toutes ces sollicitudes, la maîtresse des vertus conservait toujours à lextérieur un visage serein et plein de majesté; jamais les peines de son coeur ne la firent apparaître avec un air attristé, ni son amabilité ordinaire nen fut altérée. Elle alla se jeter aux pieds de saint Jean avec un visage joyeux et humble et après lui avoir demandé la bénédiction et baisé humblement la main, elle lui demanda la permission de parler, layant obtenue, elle dit; mon maître et mon fils, le Très-haut ma fait connaître les terribles persécutions qui menacent lÉglise; le superbe dragon est sorti des cavernes infernales avec des légions innombrables de mauvais esprits enflammés de fureur, afin de détruire le corps mystique de lEglise; cette ville sera la première à être agitée, on ôtera la vie à quelques uns des apôtres, et les autres seront cruellement maltraités par les instigations de lenfer, le Seigneur le permettant ainsi. Je voudrais comme leur mère les assister tous, mais cest la volonté de Dieu que je sorte de Jérusalem, si vous y consentez, vous que je regarde comme mon maître et mon supérieur. Ils résolurent alors daller à Ephèse situé aux confins de lAsie-Mineure, et après avoir disposé tout ce qui était nécessaire à Jérusalem, elle se recommanda au Seigneur et le supplia de défendre les apôtres et ses serviteurs, et dhumilier lorgueil de Lucifer et la méchanceté de lenfer. Le Seigneur lui répondit, quil regarderait lEglise avec une grande miséricorde, quil remplirait de bénédiction et de grâce ceux qui invoqueraient le nom tout-puissant de Marie, et quil laissait tous ses trésors dans ses mains. Elle reçut lordre daller de nouveau consoler saint Jacques en Espagne et de lui dire de revenir à Jérusalem, et cela avant de partir pour Éphèse. Aussitôt ses anges gardiens avec
232
dautres qui étaient descendus du ciel, formèrent comme un char de gloire avec une nuée éclatante, ils y placèrent la grande reine, et ils se dirigèrent vers Sarragosse dans la province dAragon, en chantant tantôt lave Maria, tantôt le salve régina, et des psaumes auxquels la grande et bonne reine répondait, en disant, saint, saint, saint est le Dieu de gloire, quil ait pitié des enfants dÈve. Le bienheureux apôtre était auprès des murs de la ville occupé à la prière, parmi les disciples les uns dormaient, et dautres priaient lorsque la musique des anges se faisant entendre de loin ils furent tous remplis dune joie céleste. Le trône royal de la reine des anges environné dun globe de lumière se reposa à la vue du Saint apôtre sur une colonne de jaspe préparée par les anges. La divine mère se rendit visible au bienheureux apôtre, qui prosterné le visage contre terre la vénéra comme la mère du créateur de toutes choses. Elle lui donna avec bonté la bénédiction au nom de son très-saint fils, en lui disant ; Jacques, serviteur du Très-Haut, soyez béni par sa main tout-puissante. Tous les anges répondirent, amen. Mon fils Jacques, ce lieu sera une terre bénie, vous y élèverez un temple en mon nom, ce sera une maison de prière et une source de grâces, vous reviendrez ensuite à Jérusalem et vous offrirez votre vie en sacrifice au Seigneur; Les anges dressèrent une colonne sur laquelle ils placèrent une sainte et très-belle image de la grande reine. Saint Jacques avec les anges la vénérèrent et en firent la fête, ils chantèrent des cantiques de louanges et rendirent grâces à la divine mère de ces grandes faveurs; après lui avoir donné de nouveau la bénédiction, elle revint à Jérusalem. Lapôtre avec le secours du ciel érigea en ce lieu une sainte chapelle. ( Tous ces faits et ceux qui suivent, sont regardés comme incontestables, par la science historique et la tradition de léglise dEspagne. Si on osait les révoquer en doute, on donnerait une preuve de légèreté et dignorance, qui ferait peu dhonneur, auprès des docteurs espagnols, si remplis de science et si habiles critiques Tout le monde sait, que léglise dEspagne shonore davoir reçu la fol chrétienne de lapôtre Saint Jacques, quelle tient que la Sainte Vierge est apparue au Saint , près des murs de la ville de Sarragosse, sur la colonne; quelle croit posséder le corps du bienheureux apôtre, quoique mort à Jérusalem, en Galice, dans la chapelle du célèbre pèlerinage de ce nom. Qui oserait nier ces faits, pourtant ils sont assez merveilleux.
Nous profitons de cette occasion, pour dire ici, comme nous lavons fait dans la préface, que les faits les plus extraordinaires de cette vie divine , sont dignes de croyance, non-seulement à cause de la suprême autorité de lÉglise romaine qui a approuvé louvrage, mais aussi, parce que ce qui est raconté est conforme à lenseignement des saints docteurs et aux tradition les plus vénérées de lÉglise. Dans une prochaine édition, nous donnerons quelques notes, avec des renvois aux auteurs les plus autorisés, pour confirmer les faits les plus merveilleux, et certains points de doctrines. Des savants franciscains et bénédictins ont écrit des volumes dans ce but, nous naurons quà en donner des extraits pour lédification des lecteurs peu instruits, et peu habitués aux merveilles de la grâce, ou qai craindraient trop dajouter foi, à ce quils trouveraient dans ce livre. – (Note du traducteur.)
233
La sainte Vierge ayant été rapportée dans son oratoire de Jérusalem rendit grâces au Très-Haut des faveurs accordées à lÉglise, et pendant quatre jours elle lui demanda de lui continuer son assistance; en méfie temps saint Jean préparait tout ce qui était nécessaire au voyage. Le quatrième jour, qui était le cinq janvier de la quarantième année de notre rédemption, la grande reine prit congé du pieux maître de la maison du cénacle et de tous les autres qui lhabitaient, à leur grande douleur. Elle demanda la permission à saint Jean de vénérer les saints lieux consacrés par le sang de son divin fils, et elle chargea ses anges de les garder. A son retour, elle se mit à genoux aux pieds de lapôtre saint Jean pour lui demander la bénédiction, elle remercia les fidèles qui lui offraient de largent, des objets de prix, et des moyens commodes daller jusquà la mer, et se ser-
234
vant dun pauvre ânon, la grande maîtresse de lhumilité commença son pèlerinage accompagnée de son disciple saint Jean. Pour la consolation de la grande reine dans ce voyage toué ses anges gardiens se rendirent visibles à ses yeux sous une forme humaine, et la plaçant au milieu deux comme leur reine, ils lui chantèrent des cantiques de louange pour la réjouir et la soulager.
Arrivés au port, ils trouvèrent aussitôt le navire qui partait pour Éphèse et ils. sembarquèrent, ce fut la première fois que lÉtoile de la mer navigua : aussitôt elle se mit à considérer la mer, elle en reconnu-t la profondeur et la largeur, la disposition intérieure, les sables, les rochers, et tous les trésors, le flux et le reflux et la variété des poissons; de la grandeur de cet élément, elle séleva à la contemplation de limmensité de Dieu; elle recommanda au Seigneur tous ceux qui devaient naviguer, et le Seigneur lui donna sa divine parole quil viendrait promptement au secours de tous ceux qui dans les tempêtes invoqueraient la sainte Vierge étoile de la mer. Elle considéra ensuite la variété des poissons, et elle leur commanda de reconnaître leur créateur; ce fut une chose admirable de voir que toutes les espèces de poissons apparurent dans cette mer à la vue de la grande reine, témoignant par leurs mouvements leur obéissance à la grande souveraine, et louant ainsi le Très-Haut. Après avoir reçu sa bénédiction ils partirent, saint Jean versait des larmes de tendresse à ce spectacle, et les matelots en étaient dans ladmiration, mais sans en connaître la cause. Ils arrivèrent heureusement au port dÉphèse par une mer tranquille; descendus à terre la grande reine commença à opérer des merveilles et des miracles étonnants. Elle rendit premièrement grâces à Dieu des bienfaits reçus, ensuite elle commença à guérir des infirmes, et les énergumènes
235
qui étaient délivrés à sa seule vue. Un grand nombre de fidèles qui sétaient enfuis de Jérusalem et de la Palestine, pour éviter la persécution vinrent à sa rencontre, et lui offrirent leurs services et leur maison; mais la reine des vertus les remercia tous, et elle alla habiter avec quelques femmes honnêtes qui vivaient dans la retraite; il ny avait point dhomme avec elles, et on leur donna deux chambres, une pour elle, lautre pour saint Jean. Lorsquelle y fut retirée, elle se prosterna aussitôt le visage à terre selon sa sainte coutume, rendit grâces au Seigneur, et soffrit en sacrifice pour le bien de cette ville. Elle appela ensuite ses anges gardiens, et elle ordonna à quelques uns daller avertir les apôtres quelle demeurait à Éphèse, et quelle viendrait à leur secours, comme aussi aux disciples qui étaient affligés de la persécution. Ce fut en ce temps que saint Paul fuyant de Damas à cause de la persécution des juifs, fut aidé et secouru par les anges envoyés par la mère de la piété, il vint à Jérusalem et étant en prière dans le temple, le Seigneur lui ordonna de sortir de la ville pour échapper à la persécution des juifs.
Saint Jacques partit de lEspagne accompagné des cent anges, il sembarqua pour lItalie, et de là pour lAsie, prêchant toujours lévangile de Jésus-Christ, il parvint enfin heureusement à Ephèse et auprès de la sainte Vierge; il se jeta à ses pieds et versant des larmes de bonheur et de joie, il la remercia humblement avec une profonde affection des inestimables faveurs quil en avait reçues. La divine mère comme maîtresse des vertus le releva aussitôt de terre, en lavertissant quil était prêtre, mais quelle nétait quune servante inutile, et se mettant à genoux, elle lui demanda la bénédiction. Lapôtre saint Jacques resta quelques jours avec la sainte Vierge et son frère saint Jean, et leur raconta tout
236
ce quil avait fait en Espagne. Au moment de son départ la grande Reine lui dit: Jacques mon fils, ce sont les derniers jours de votre vie, je désire vous faire pénétrer dans lintime de la charité de Dieu pour laquelle vous avez été créé et racheté, et à laquelle vous avez été appelé, et tandis que nous vivons, je brûle du désir de vous faire connaître cet amour, et je moffre de faire avec la divine grâce, tout ce que comme véritable mère je pourrai opérer pour vous. Je vous remercie, ô grande Reine et mère de mon rédempteur, répondit saint Jacques fondant en larmes, je vous demande avec ardeur votre maternelle bénédiction, pour aller donner la vie pour celui qui le premier la sacrifiée pour moi. Je vous supplie, miséricordieuse mère de ne pas mabandonner au moment de mon martyre. La grande Reine tout attendrie répondit; joffrirai au Très-Haut vos prières et vos désirs; et lapôtre fut consolé et fortifié par dautres paroles de vie éternelle; brûlant du désir de martyre il reçut la bénédiction, et ayant pris congé en pleurant de son cher frère Jean, il partit de Jérusalem.
Haut du document
CHAPITRE XXXIX
MARTYRE DE SAINT JACQUES, IL EST ASSISTÉ DE LA DIVINE MÈRE. EMPRISONNEMENT DE SAINT PIERRE ET SA DÉLIVRANCE. DIVERSES MERVEILLES.
Saint Jacques arriva à Jérusalem lorsque la ville était soulevée contre les disciples de Jésus-Christ, cette haine
237
furieuse était excitée par Lucifer, qui brûlait du désir de détruire lÉglise; le saint apôtre en entrant se mit à prêcher le nom glorieux du crucifié avec un zèle si ardent, que plusieurs de ceux qui lentendaient ne pouvant résister au feu divin de sa parole, se convertirent. Lucifer se sentant affaibli par la présence de saint Jacques en devint encore plus furieux, il alla vers les princes des prêtres et les principaux dentre les juifs, pour les exciter encore plus fortement dans leur haine et leur rage contre le saint nom du Christ. Alors ils choisirent deux magiciens instruits dans la loi de Moïse et dans la magie, pour disputer avec saint Jacques et le confondre. Lun sappelait Hermogène et lautre Philète son disciple. La dispute commença avec Philète, qui proposa publiquement au saint apôtre plusieurs difficultés, qui donnèrent lieu au saint de démontrer avec clarté par le secours de la divine lumière les vérités révélées, ladversaire se convertit et les juifs en furent couverts de confusion. Le nouveau converti redoutait les enchantements dangereux de son maître obstiné dans lerreur, mais le saint le fortifia en lui donnant une sainte relique des langes de Jésus; saint Jacques prêchait comme un saint pasteur aux brebis confiées à ses soins. Après quelques jours les juifs engagèrent Hermogène à embarrasser et à confondre saint Jacques, il ne put sen défendre, les pharisiens, les scribes et les docteurs de la loi de Moïse se rassemblèrent, mais tous les efforts dHermogène furent vains, et il fut obligé de confesser la foi de Jésus-Christ; ensuite Hermogène et Philète furent tous les deux catéchisés et baptisés a la grande confusion du Judaïsme, et à la grande fureur de lenfer, qui avait perdu deux de ses ministres. La divine mère contribua par ses larmes et ses prières à ces conversions et à dautres opérées par saint Jacques; elle voyait tout de son oratoire, dautant
238
plus quelle prenait un soin tout particulier de son apôtre bien-aimé. Hermogène et Philète sortirent de Jérusalem par crainte des juifs et allèrent en Asie, mais sétant refroidis dans leur ferveur, ils apostasièrent la foi de Jésus-Christ.
Lucifer devenu plus furieux par la conversion dHermogène et de Philète, excita les juifs contre le saint apôtre et leur inspira une plus grande haine. Ils gagnèrent avec de largent deux centurions de la milice romaine pour le mettre en prison, et pour en presser lexécution on choisit Abiathar et Josias, lun prêtre et lautre scribe. Saint Jacques prêchait au peuple sur la place publique de Jérusalem, et lui annonçait les mystères de la religion avec un grand fruit; les ministres indignes enflammés du fureur donnèrent le signal aux soldats romains, il fut arrêté et lié avec une corde au cou, comme perturbateur de la république; il fut conduit devant Hérode fils dArchélaüs, ennemi déclaré du saint nom de Jésus, et qui avait ordonné la première persécution contre les disciples; aussitôt il commanda quil fût décollé. Il est impossible de dire la joie du saint apôtre à la vue de lheureux moment, où il devait donner sa vie pour celui qui le premier lavait donnée pour lui. Il se souvint de lassistance de la divine mère, et il linvoqua du fond de sa grande âme. Elle était tout occupée du soin de lÉglise et en particulier des apôtres, lorsquelle vit descendre du ciel une multitude danges, les uns allaient vers lapôtre et les autres venaient à son oratoire, ils formèrent comme un trône dune nuée éclatante et conduisirent la divine Reine au lieu du martyre de lapôtre, qui guérissait les infirmes, délivrait les possédés, obtenait des grâces à tous et priait pour ses ennemis. Le saint la vit revêtue de célestes splendeurs, environnée dun nombre infini desprits bienheureux. A cette douce vue il fut transporté dune sainte joie et il dit: O sainte mère de
239
mon Jésus, ma protectrice, consolatrice des affligés, refuge de ceux qui sont dans la peine, donnez-moi votre bénédiction que je désire si ardemment. Que vos très-pures mains soient lautel de mon -sacrifice, je remets mon âme entre vos mains; à ces paroles la tête fut séparée du tronc, et la grande reine reçut lâme du bien-aimé Jacques et la plaça à ses cotés sur son trône; elle la conduisit au ciel, et la présenta à son fils glorieux, ce qui causa à tous les habitants de la cour céleste une nouvelle joie et une nouvelle gloire. La sainte Vierge fit en actions de grâces un cantique de louanges à la divine Majesté, et sa grande âme fut remplie de célestes bénédictions et de nouvelles grâces; après avoir reçu de nouveaux secours et de nouvelles faveurs pour lEglise, elle fut ramenée dans son oratoire dEphèse, là, prosternée le Visage contre terre, elle se confondit avec la poussière, et rendit humblement grâces à Dieu de tous ses bienfaits. Ensuite elle commanda à un ange de prendre soin avec les disciples du saint corps du glorieux apôtre; Ils le prirent et le transportèrent au port de Joppée, et de là en Galice dans lEspagne.
Les Juifs excités par Lucifer devinrent plus furieux à cette mort du saint apôtre, ils allèrent donc trouver Hérode pour faire périr aussi saint Pierre qui était à Jérusalem, il fut aussitôt mis en prison et les Juifs voulaient le faire mourir sans retard. Les disciples qui désiraient conserver le chef de lÉglise, sadressèrent avec des vives prières à la divine mère. Quoiquelle fût à Éphèse, néanmoins ses yeux miséricordieux étaient en tout lieux et regardaient principalement le vicaire de son divin fils, elle se prosterna le visage contre terre et pria le Seigneur en versant des larmes pour la vie de saint Pierre; le fils glorieux lui apparut et lui dit avec bonté, ma mère, modérez votre douleur, ce que vous désirez, sera
240
fait vous êtes la reine, commandez, gouvernez les fidèles, disposez toutes choses. Non Seigneur tout-puissant, répondit-elle, puisque votre bonté est infinie, commandez en ce moment que Lucifer et les siens qui troublent votre Église soient précipités à linstant dans les abîmes; et aussitôt ils furent précipités, abattus et sans force par lefficacité de ses paroles. Elle envoya ensuite un ange délivrer saint Pierre ce qui fut fait, et il se retira en un lieu sûr. La très-prudente mère du Seigneur, rendit grâce à Dieu de tout cela.
Haut du document
CHAPITRE XL.
VERTUS HÉROÏQUES QUE LA SAINTE VIERGE EXERCE A LA MORT DHÉRODE. FRUIT DU ZÈLE DE SAINT JEAN A ÉPHÈSE. TRIOMPHE DE MARIE CONTRE LUCIFER.
La divine mère réfléchissait profondément en elle-même à létat de lÉglise, dont elle était chargée en ce temps-là, comme elle le sera toujours, puisquelle en est la protectrice et la miséricordieuse mère. Elle se consolait, en voyant son chef en liberté, et- Lucifer enchaîné au fond des cavernes infernales, Il ny avait que le seul Hérode, persécuteur de lÉglise qui affligeait la grande reine, car elle savait quil était résolu dexterminer entièrement les fidèles, Lest pourquoi elle ne cessait jamais de demander avec humilité et avec larmes, du secours au Seigneur. Dirigée par sa souve-
241
raine prudence, elle parla ainsi à un de – ses anges gardiens les plus élevés : ministre de mon Dieu et Seigneur, je vous prie daller devant le trône de Dieu pour lui exposer mon affliction et lui demander humblement de ma part la grâce que je souffre pour ses serviteurs, mais quil ne permette que les ordres dHérode soient exécutés , car il veut détruire lÉglise. Lange accomplit aussitôt son ambassade, et rapporta cette réponse : le Seigneur des armées, dit, vous êtes mère, reine et maîtresse de lEglise, comme reine et souveraine, prononcez la sentence contre Hérode. Lhumble mère de la piété se troubla un peu, elle dit à lange, de retourner dans, le ciel, et dexposer au Seigneur, quelle offrait de faire pénitence et de souffrir les plus grands tourments en faveur dHérode, afin que ce malheureux se sauvât. Lange partit, et revint avec cette réponse : Hérode est obstiné dans sa perversité, il repousse les inspirations et ne suit pas les lumières du ciel, cest pourquoi il ne coopère pas au fruit de la rédemption. Le cur de la miséricordieuse mère sattendrit, et elle envoya pour la troisième fois lange au Très-Haut, comme avocate et mère des pécheurs, pour lui dire quil nétait pas possible à son amour de condamner à lenfer une créature ouvrage de ses mains. Lange à son retour lui apporta cette réponse : quelle était mère des pécheurs qui veulent se corriger, mais non de ceux qui vivent obstinés et endurcis, et ne veulent pas changer de vie, et encore moins de ceux qui méprisent les grâces divines, comme fait Hérode. Votre sentence, comme reine de lunivers, sera exécutée. Alors, élevant les yeux au ciel, elle dit en versant des larmes : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables ; je souffrirai mille morts pour gagner cette âme, si elle ne se rendait elle-même indigne de la miséricorde de Dieu, mais puisquelle est lennemie opi-
242
niâtre de Dieu, indigne de son éternelle amitié, je la condamne par un juste jugement à la mort quelle a méritée, afin quelle ne persécute plus lEglise, et quelle ne mérite pas de plus grands châtiments dans lenfer. Elle envoya un ange à Césarée, où se trouvait Hérode, qui touché de la main de lange, mourut aussitôt mangé des vers. Après avoir fait décoller saint Jacques, et emprisonner saint Pierre, il était parti pour Césarée, afin dapaiser un différent entre les Syriens et les Sidoniens; un jour quil déclamait revêtu de ses habits royaux le peuple pour le flatter cria, cest un Dieu, Hérode enorgueilli, ajouta foi à une semblable folie. Il mit par là le comble à sa perversité ; car il avait poursuivi les apôtres, sétait moqué du rédempteur, il avait décollé Jean-Baptiste, commis un adultère public et scandaleux avec Hérodiade sa parente et dautres abominations innombrables. (1)
Lange revint à Éphèse, et la miséricordieuse mère en apprenant la mort de ce malheureux, pleura amèrement la perte de cette âme damnée, et adora la justice de Dieu. Lévangile par cette mort se répandit non-seulement dans la Galilée et la Judée, mais encore à Ephèse, par le moyen de
(1) La conformité de ce récit, avec ce quon lit dans les actes des apôtres, Chap. 12. V. 20 à 23. est frappante. Ici nous avons lEcriture sainte, quelquefois elle se tait, ce nest pas une raison de rejeter les autres faits venus de la même source, lEsprit de Dieu, qui souille où il veut. Lexactitude du récit de la conversion de saint Paul, nest pas moins évidente; ainsi que lemprisonnement de saint Pierre et sa délivrance par un ange. Voy. Actes des apôtres. La composition du symbole et la division des provinces sont en tous points conformes à la tradition reçue par les théologiens. Il est donc permis de dire avec lexaminateur de ce livre, le P. Joannes, Matris Dei : Calamus altiori impulsu directus, la plume de lécrivain a été dirigée par limpulsion du ciel; il la écrit, mais non composé, videtur scripsisse, non composuisse.
(Note du Traducteur.)
243
saint Jean, qui y prêchait. La divine mère instruisait aussi dans les villes voisines, elle opérait de grands prodiges, elle délivrait les possédés, guérissait les malades, secourait les pauvres et les nécessiteux dans leurs maisons, et dans les lieux où on les recueillait; elle avait également chez elle des plantes médicales, pour ceux qui étaient dans le besoin, avec du pain et des vêtements pour les secourir, surtout elle prenait soin des moribonds, les guérissait, les consolait et les éclairait. Le fruit de sa grande charité pour les âmes destinées au ciel fut si abondant, que plusieurs volumes ne suffiraient pas à le raconter. Il serait difficile de dire aussi, la fureur quen éprouva Lucifer; élevant sa tête superbe au fond des cavernes infernales, où la divine mère lavait précipité, il appela plein de haine et de rage tous ses maudits compagnons et leur dit, quil avait pensé dexposer au Très-Haut ses justes plaintes contre cette grande femme, comme il avait fait à légard de Job, autrement lenfer était perdu. Aussitôt le dragon exécuta ce nouveau dessein, Dieu le permettant pour la plus grande gloire de sa divine mère; il allégua au Très-haut, quil était dune nature angélique infiniment supérieure à la condition de celle qui était formée de poussière et de cendre, quainsi il demandait à la détruire.
La divine reine priait sans cesse pour lÉglise, et elle voyait en esprit la bataille que Lucifer préparait contre elle; elle répandait continuellement des larmes pour sa défense et son triomphe contre lenfer. Son affliction était dautant plus grande, quelle voyait Lucifer adoré comme un Dieu de ses aveugles idolâtres; elle éprouva une si grande douleur dans son tendre coeur, en pensant quil faisait sa demeure dans le grand temple si célèbre de Diane, quelle en serait morte, si Dieu ne lui eût conservé la vie. Le service du temple était fait par des vierges idolâtres, et quoique païennes
244
elles aimaient beaucoup la pureté. Votre charité infinie ma établie mère et guide des vierges, qui sont la portion la plus chère de votre Église, disait la Vierge mère au Seigneur, ne permettez pas quelle soient consacrées à Lucifer votre implacable ennemi. Dans ce temps-là, saint Jean, entra dans loratoire, et la divine mère se tournant vers lui, lui dit : O mon fils Jean, mon coeur est dans lamertume, parce que jai connu les grands péchés, qui se commettent contre Dieu, particulièrement dans ce temple de Diane. Ma reine, jai vu quelque-chose de ce qui se passe dans ce lieu abominable, et je nai pu retenir mes larmes, en voyant que le démon y était vénéré par un culte, qui nest dû quà Dieu, personne ne pourra empêcher ce mal, si vous ne vous chargez de cela. Alors la très-prudente reine, dit au saint apôtre de laccompagner dans son oratoire, pour demander au Très-Haut de remédier à ce mal. Saint Jean obéit et alla dans loratoire, la grande reine se prosterna le visage contre terre, et versant des larmes amères, elle persévéra longtemps dans la prière avec une grande ferveur, et elle fut presque à lagonie par la véhémence de la douleur. Le divin fils vint aussitôt; ma mère, et ma colombe, lui dit-il, ne vous affligez pas, tout ce que vous me demandez, sera fait, sans aucun retard, ordonnez et commandez, comme toute-puissante reine, tout ce que votre coeur désire. A ces paroles le coeur de la mère fut tout enflammé de zèle pour lhonneur de Dieu. Elle se leva, et avec un empire de reine, elle commanda à tous les démons qui étaient dans le temple profane de Diane, de tomber dans lenfer; aussitôt ils y furent tous précipités. Elle commanda ensuite à un de ses anges gardiens daller au temple et de le détruire entièrement, en laissant seulement la vie à neuf femmes; ce qui fut aussitôt exécuté. Saint Jean profita de cet évènement pour prêcher
245
la foi, afin de désabuser les Éphésiens de lerreur, dans laquelle le démon les avait retenus. Un grand nombre se convertirent, mais les incrédules sobstinant dans leur idolâtrie, firent construire à Diane un autre temple, moins somptueux et moins magnifique, après le départ de la grande reine dÉphèse, et cest de celui-ci dont parlent les Actes des apôtres. (1)
La grande reine continuait ses prières, pour la propagation de la foi, et- pour lexaltation de la sainte Église, tous ses anges gardiens se rendirent visibles à ses yeux sous la forme humaine, et lui dirent: notre, reine, cest la volonté du Très-Haut, que nous vous conduisions au ciel en présence de son trône. La sainte Vierge répondit, je ne suis que poussière et lesclave du Seigneur, que sa sainte volonté saccomplisse en moi. Aussitôt elle fut placée sur un trône de lumière et présentée à la très-sainte Trinité; lêtre de Dieu lui fut manifesté dans une vision abstractive, et elle ladora avec une profonde humilité. Le Père éternel, lui dit : ma fille et ma colombe, vos désirs pour lexaltation de mon saint nom, et vos prières pour lexaltation de la sainte Eglise, sont agréables à mon coeur divin; aussi en récompense je veux vous confier mon pouvoir, afin que vous puissiez défendre mon honneur et ma gloire, par le triomphe que vous obtiendrez sur lantique orgueil de mes ennemis, en leur écrasant la tête. Voici, répondit-elle, la dernière de
(1) On lit dans la vie de plusieurs saints des faits semblables. Saint Martin et dautres ont renversé des temples didoles où les démons avaient établi leur demeure. Mais ce nest pas seulement dans les premiers siècles que ces faits ont en lieu, ils se passent encore de nos jours dans les pays infidèles où nos intrépides missionnaires vont porter la foi. Ce nest pas inutilement que es Chinois et les peuples de lInde, accusent nos chrétiens dempêcher les sacrifices, et de rendre leurs idoles muettes. (Note du Traducteur.)
246
vos créatures, qui est prête à obéir à vos divins desseins. Le Père éternel ajouta : que tous les courtisans du ciel sachent, que je nomme et choisis MARIE, pour chef et reine de toutes mes armées, afin de vaincre mes ennemis et en triompher glorieusement. Le même décret fut confirmé par les deux autres personnes divines. Tous les bienheureux du ciel répondirent ; que votre volonté se fasse dans le ciel et sur la terre. La grande reine fut ornée par lordre de Dieu par six séraphins dune sorte de lumière, comme dun bouclier impénétrable, aussi invincible aux démons que la sainteté de leur reine, et qui ressemblait à la force de Dieu-même. Elle fut illuminée par six autres séraphins dune sorte de divine splendeur, qui paraissait sur son beau et très-pur visage, afin de jeter lépouvante à lenfer. Six autres ajoutèrent à ses facultés une nouvelle vertu divine, qui correspondait à tous les dons, qui lui avaient été accordés dans le premier instant si glorieux de sa conception, de sorte quelle pouvait à son gré empêcher et arrêter la plus intime pensée, et tous les efforts de Lucifer et des siens; et dès ce moment tout lenfer fut soumis à sa volonté et à son bon plaisir. Les trois personnes divines lui donnèrent ensemble une pleine bénédiction. Abaissée toujours davantage dans son néant, elle rendit grâces à la divine Trinité, et elle fut rapportée dans son oratoire. les bienheureux habitants du ciel chantèrent : saint, saint, saint est le Dieu des armées. Elle se confondit avec la poussière et rendit de nouveau grâces au Seigneur de ses grandes miséricordes. Elle rentra en elle-même pour se préparer au combat, et elle vit monter de lenfer sur la terre un dragon sanguinaire, épouvantable qui avait sept têtes, et jetait par chacune delles avec une grande rage et fureur, des feux et des flammes, il était suivi dune foule dautres dragons; ils se dirigeaient tous vers Éphése
247
où était la courageuse et invincible grai4e reine; ils poussaient des cris en sexcitant les uns les autres; allons perdre notre ennemie, puisque le Très-Haut nous a permis de lattaquer: elle est créature terrestre. Ils se transformèrent tous en anges de lumière, et toute cette armée vint en sa présence dans loratoire, Lucifer avec son venin, qui est lorgueil commença à parler; tu es puissante, ô Marie, noble et courageuse entre les femmes, le monde entier thonore et te glorifie, à cause des grandes vertus quil reconnaît en toi, et pour les grandes merveilles que tu opères, tu es digne de cette gloire, puisque personne ne tégale en sainteté. Et tandis quil prononçait comme fausses ces incontestables vérités, il tâchait de faire naître dans limagination de lhumble reine des pensées, de vaine complaisance, mais ces tentations diaboliques étaient comme des traits acérés pour son humble coeur, de sorte que tous les tourments des martyrs lui auraient causé une douleur moins sensible; pour les repousser, elle fit des actes profonds dhumilité, sabaissant en elle-même et ne sestimant que néant. A la vue de cet anéantissement héroïque, Lucifer poussant des cris dit aux siens : ah! lenfer me tourmente moins, que lhumilité de cette grande femme. Et se précipitant dans labîme, ils restèrent vaincus et écrasés. La grande reine rendit grâce: au Très-Haut de cette première victoire.
248
Haut du document
CHAPITRE XLI
LA TRÈS-SAINTE VIERGE RETOURNE A JÉRUSALEM SES AUTRES VICTOIRES CONTRE LUCIFER.
La persécution de lÉglise étant apaisée par la mort dHérode, les apôtres prêchaient en toute liberté, avec des fruits admirables, principalement saint Barnabé et saint Paul, dans lAsie-Mineure, et saint Pierre aussi, qui sy était réfugié de Jérusalem, pour éviter la persécution dHérode. Il séleva plusieurs difficultés parmi les fidèles, sur lobservance de la circoncision et de la loi mosaïque, en particulier à Jérusalem, ils écrivirent à saint Pierre comme à leur chef, pour terminer ces controverses, et lui dirent quil serait utile, quil vint dans cette ville, et quil pouvait écrire encore à la divine mère de -venir aussi. Saint Pierre écrivit une humble lettre à la Vierge mère, en la priant de venir à Jérusalem, et lui exposa les besoins et les désirs des fidèles. La grande reine reçut cette lettre quelque temps après, en apprenant du messager quelle était de saint Pierre, elle la reçut à genoux, et la baisa avec respect, mais elle ne louvrit pas, parce que saint Jean, qui prêchait sur la place nétait pas présent, dès quil fut rentré, elle se mit à genoux et demanda à son ordinaire la bénédiction de lapôtre; elle lui remit la lettre, en lui disant, quelle était du Vicaire de Jésus-Christ et du chef de tous les fidèles. Lapôtre demanda humblement ce qui contenait la lettre, et la maîtresse de lhumilité répondit: vous le verrez en louvrant dabord, et en la lisant, et vous me direz ce quelle contient. Il le fit, ensuite ils délibérèrent ensemble sil valait mieux quitter Éphèse, et revenir à Jérusalem. Elle dit à lapôtre, mon Fils et mon
249
Seigneur, commandez-moi ce qui est convenable et votre servante vous obéira. Saint Jean ajouta, il faut obéir au chef de lÉglise. Et elle dit, préparez tout pour le départ, et nous partirons si tel est votre désir.
Tandis que lapôtre préparait tout ce qui était nécessaire pour sembarquer pour la Palestine, la sainte Vierge convoqua toutes les vierges, ses disciples, qui étaient dans Ephèse, et leur annonça son départ, elle les exhorta à la persévérance dans la foi, lhumilité, la pureté et les exercices des saintes vertus, et les assura de son amour et de sa protection, auprès de son fils leur époux. Elle établit supérieure des soixante-treize quelles étaient, la vieille Marie, une de celles qui avait été sauvées dans la ruine du temple de Diane; on lappelait la vieille, parce quelle était la plus ancienne et la première, à qui la grande reine donna son nom lorsquelle reçut le baptême. Agenouillées toutes à ses pieds, elle lui demandèrent en versant des larmes la bénédiction, et après lavoir reçue, elles continuèrent à rester dans la retraite, parce quelles vivaient comme dans un monastère. La sainte Vierge prit aussi congé de ses voisines, et le jour du départ étant venu, elle demanda à genoux la bénédiction à saint Jean, et ils partirent dÉphèse, après un séjour de deux ans et demi, elle fut accompagnée des saints anges en forme visible et tous armés pour le combat, par où elle comprit que le combat avec le dragon insensé était imminent. Elle en donna avis à saint Jean, afin quil se préparât aussi par la prière et quil ne craignit point.
Ils venaient de sembarquer et le vaisseau venait à peine de mettre à la voile, lorsque lenfer déchaîna une si épouvantable tempête, que la mer nen avait jamais vue et nen verra jamais une semblable; les flots en fureur sélevaient jusquaux nues, menaçant dengloutir le vaisseau, tantôt ils se
250
brisaient sur les flancs pour lentrouvrir, et tantôt ils lélevaient au sommet des ondes pour le replonger ensuite dans labîme. Le bruit des vagues, la fureur des vents, les cris des matelots et la rage de tout lenfer acharné contre le navire, causèrent une grande frayeur à saint Jean, de sorte que se tournant en pleurs vers la grande reine, il lui dit: ma reine, demandez à votre divin fils que la tempête cesse. Elle jouissait comme reine des vertus dune parfaite paix intérieure, et elle conservait une entière sérénité, à cause de sa grande magnanimité, au mépris de lenfer. En considérant les périls des navigateurs, elle fut touchée de compassion, comme mère, pleine de charité, pour leurs dangers, et elle pria le Seigneur, pour eux. Elle répondit à lapôtre, ne vous troublez pas, cest le temps de combattre les combats du Seigneur, qui triomphera de ses ennemis, par la force et par la patience. Je lui demande, que personne de ce vaisseau ne périsse, il ne dort pas, il est avec nous. Lapôtre recouvra par ces paroles la paix intérieure et la tranquillité de lâme. (1)
Cétait le quatorzième jour de la terrible tempête, que Lucifer avait soulevée contre le pauvre vaisseau; il fit le dernier effort; le vaisseau se penchai, les extrémités des antennes touchaient les flots écumants, les eaux pénétraient déjà au-dedans, les matelots étaient découragés -et éperdus, à la vue du danger si imminent; et voilà que, descendu des hauteurs des cieux, Jésus apparaît et dit: Ma mère bien- aimée, je suis avec vous dans la tribulation. Quoique dans
(1) Demandez au matelot à qui il a recours dans la tempête, et si Marie nest pas véritablement létoile de la mer. Les pèlerinages de Notre-Dame de la garde, et tous les autres en sont des preuves. La vie de la très-sainte Vierge doit être merveilleuse, pourquoi sétonnerait-on de ce quon lit dans ce livre, lorsquil y a tant de preuves qui attestent son origine divine.
251
toutes les circonstances cette vue et ces douces paroles lui causassent une joie ineffable, néanmoins elles furent encore plus précieuses à la divine mère dans ce danger, à cause de la compassion quelle avait pour ses pauvres gens affligés. Ma mère et ma colombe, je veux que toutes les créatures soient soumises à vos ordres, commandez et vous serez obéie. Elle obéit, et par la vertu de son très-saint Fils, elle commanda à Lucifer et aux siens de quitter la mer Méditerranée; ensuite elle ordonna aux vents et à la mer de se calmer, et aussitôt ils obéirent; le Seigneur en la quittant la laissa remplie de bénédictions. Le jour, suivant ils arrivèrent heureusement au port, et ils rendirent aussitôt grâces à Dieu; après avoir débarqué, ils se mirent en chemin vers Jérusalem; mais auparavant elle demanda la bénédiction à saint Jean et le remercia de lavoir accompagnée dans ses dangers. Tous les démons, le Seigneur le permettant ainsi, se trouvèrent sur son passage, et lassaillirent par mille suggestions contre les saintes vertus; mais la Tour de David renvoyait les traits contre eux-mêmes. Arrivée à Jérusalem, elle voulait visiter les saints lieux, mais la maîtresse des vertus reconnut quelle devait premièrement aller au cénacle où était saint Pierre, pour lui rendre obéissance. Lorsquelle fut arrivée, elle se jeta à ses pieds, lui demanda la bénédiction, et lui baisa la main, comme au souverain pontife. Saint Jean raconta tout ce quils avaient souffert : tous les disciples de Jérusalem vinrent pour vénérer la divine maîtresse avec des larmes de joie.
Elle alla aussitôt visiter les saints lieux, et ensuite elle se prépara à faire ses oeuvres de vertu. Lucifer avec tous les siens sexcitait à comparaître en sa présence avec des figures épouvantables, et il voulait même la menacer; mais les actes héroïques de toutes les vertus de la divine mère laccablaient, aussi en proie à un horrible tourment
252
il fut obligé de fuir, dépouillé de sa force et vaincu, Un jour en visitant les saints lieux, arrivée au mont des Oliviers, son divin fils lui apparut avec une amabilité ineffable, il la déifia, et léleva au-dessus de lêtre terrestre, et elle reçut de si, grandes faveurs divines, quelle fût toute transformée en son, divin fils. A son retour au cénacle, Lucifer revint la tenter, mais en voyant une nouvelle force et une nouvelle vertu. dans son ennemie, il lui arriva comme au scorpion, qui, environné par le feu, se perce de son propre aiguillon et se tue lui-même. Ils senfuirent tous, en poussant des cris de rage, et disant: Oh, si le monde navait pas cette femme, nous voudrions le détruire et en vérité nous le pourrions, sans cette.
ennemie.
Lucifer alla tenter les nouveaux baptisés, et leur insinua, de ne pas abandonner les vieux rits de la loi de Moïse, principalement la circoncision; ils sobstinèrent dans cette tentation, et- les gentils qui venaient à la foi ne voulaient pas se circoncire; mais la grande reine détruisit toutes les embûches perverses. Saint Paul et saint Barnabé arrivèrent dAntioche à Jérusalem, ils se mirent à genoux, en versant une abondance des larmes de joie de se trouver en présence de la mère de Dieu; ce ne fut pas une moindre consolation pour la miséricordieuse grande reine de voir les deux apôtres, si chers à son fils et à elle-même. Saint Paul, dans cette entrevue avec la divine mère, eut une vision extatique, dans laquelle il comprit toutes les prérogatives de cette cité mystique de Dieu, de sorte quil la vit comme revêtue de la Divinité, il en fut rempli dadmiration, de vénération et dun saint attendrissement, et revenu à lui-même, il dit: O mère de pitié et de clémence, pardonnez à cet homme misérable et pécheur, davoir persécuté votre divin fils, mon Seigneur, et son Église. Lhumble reine répondit, Paul, ser-
253
viteur du Seigneur, si celui qui vous a créé et racheté, vous a encore appelé à son amitié intime, comment sa servante refuserait-elle de vous pardonner? Il a fait de vous un vase délection, mon esprit le glorifie et lexalte. Lapôtre lui rendit de vives actions de grâces, et lui demanda sa protection et son patronage, ce que fit aussi Barnabé. Saint Pierre avait convoqué avec les apôtres, les disciples qui étaient peu éloignés de la ville et dans les pays voisins, ils se rassemblèrent tous un jour dans le cénacle, et il pria la divine mère de ne pas quitter lassemblée par humilité; il parla à tous, et les exhorta à prier, .pour obtenir la lumière du ciel et lassistance de lEsprit Saint, et pendant dix jours ils persévérèrent dans la prière. La grande reine ayant préparé le cénacle de ses divines mains, le chef de lÉglise célébra la sainte messe, il communia les apôtres, et la divine mère, ensuite les disciples; un grand nombre danges descendirent, revêtus dune lumière divine, et remplirent ce Saint lieu de célestes parfums et de splendeur. Lorsque la sainte messe fut terminée, saint Pierre proposa les difficultés et recommanda à tous de faire de ferventes prières au Seigneur pendant ces dix jours. La grande reine se retira dans son oratoire, et pendant tous les dix jours elle ne mangea ni ne but, et elle ne cessa de prier le Très-Haut pour son Église; lorsquelle se prosterna à terre après sêtre retirée après la sainte communion, elle fut élevée au ciel en corps et en âme. Lorsquelle passa sur son char de lumière, avec le cortège des anges à travers la région de lair, le Très-Haut voulut qu tous les démons de lenfer avec Lucifer comparussent en sa présence, et à leur grande peine, quils reconnussent lélévation, la grandeur, la majesté et la sainteté incomparable de cette grande femme, quils avaient en si grande haine et poursuivaient si cruellement, quils vissent aussi que la grande
254
reine avait dans son coeur Jésus sous les espèces sacramentelles, et quelle était comme investie de la Divinité, afin que par la participation des divins attributs, elle les confondît tous, les humiliât et les anéantit. Et ils entendirent une voix sortir du trône de la Divinité. Avec ce bouclier invincible, je défendrai toujours mon Eglise. Les démons poussaient des cris de rage à cette vue, et ils sécrièrent à ces paroles: Que le Tout-Puissant nous précipite dans labîme, mais quil ne nous laisse pas en présence de cette femme, car elle nous fait souffrir plus que mille enfers. Que le Dieu tout-puissant nous délivre, quil mette fin à cette nouvelle et cruelle peine, qui renouvelle celle que nous avons éprouvée, lorsque nous fûmes précipités du ciel, car maintenant saccomplit le châtiment dont nous fûmes alors menacés de la part de la grande femme, qui est la merveille de ton bras tout-puissant. Toute cette armée de démons fut retenue avec ces cruelles souffrances, pendant un long espace de temps, et quoiquils sefforçassent de senfuir dans labîme, ils ne le pouvaient pas, afin dêtre tourmentés par la présence de leur toute-puissante ennemie, jusquà ce quelle-même avec lautorité de reine les précipitât au plus profond de lenfer; et cette nouvelle chute causa aux damnés un nouveau et cruel tourment.
Prosternée devant le trône sublime de la Divinité, elle, ladora humblement, et la pria pour lÉglise, afin que les apôtres reçussent les lumières nécessaires, et elle en reçut lassurance. Elle vit que son divin fils présentait au père le zèle de sa mère, et dans le même temps elle vit quil sortait de lessence divine un temple très-beau, tout resplendissant et magnifiquement orné; les habitants du ciel le virent aussi, il alla se placer sur le sein de Jésus-Christ, qui lunit à sa sainte humanité, et aussitôt il le remit dans les mains de sa
255
sainte mère, en le recevant elle fut remplie de nouveau de splendeur et absorbée par la Divinité elle jouit de la vision béatifique. A la vue de ces faveurs, les anges chantèrent: Vous êtes saint, saint, saint et tout-puissant dans les oeuvres de vos mains. Elle fut rapportée dans son oratoire, tenant toujours dans ses mains le temple mystérieux de la sainte Église, et elle continua ainsi ses prières encore pendant neuf jours. A la fin saint Pierre célébra de nouveau la sainte messe et les communia tous, lorsquelle fut terminée, ils invoquèrent lEsprit-Saint; et saint Pierre parla, comme il est raconté dans les actes des apôtres. Les difficultés furent résolues, on écrivit les réponses, et elles furent envoyées à Antioche; lorsquelles furent lues à Antioche comme à Jérusalem, lEsprit-Saint descendit visiblement en forme de langue de feu. Après le concile, la sainte Vierge rendit grâce au Seigneur avec tous ceux qui étaient rassemblés, ensuite Paul et Barnabé prirent congé, et elle leur fit présent des saintes reliques de Jésus enfant, et aussi des saintes épines; ils partirent fortifiés par la grâce, et tout joyeux de la protection de la divine mère. Lucifer rugissait comme un lion de ne pouvoir sapprocher de cette grande reine, il alla chez quelques magiciennes de Jérusalem, pour les engager à enlever la vie à la grande reine par le moyen des maléfices. Les malheureuses se présentèrent plusieurs fois en sa présence, mais sa grande et infinie piété les toue-ha et les convertit; néanmoins une seule reçut la lumière évangélique, et fut baptisée à la grande rage de Lucifer.
Haut du document
CHAPITRE XLII
DERNIER TRIOMPHE DE LA DIVINE MÈRE. ÉTAT OU LE SEIGNEUR LÉLEVA.
Le lecteur de cette histoire, sera saisi dadmiration en voyant les grands triomphes de cette pure créature descendante dAdam contre Lucifer, et il se demandera comment on ne trouve pas même un seul mot dans les saintes écritures de ces incomparables merveilles? Saint Jean, au moins le fils adoptif de la divine mère, qui a vécu, a parlé, a agi, a voyagé avec elle, comment lorsquil a écrit, a-t-il passé sous silence les grandes gloires de la divine mère de Dieu! Saint Jean, précisément a parlé dans lapocalypse de la divine mère, principalement aux chapitres douzième et vingt-unième, mais il la fait dune manière mystérieuse, pour deux raisons. La première, parce que les triomphes de la Vierge sont si sublimes, quon ne pourra jamais les comprendre entièrement ni les expliquer; il a écrit en énigmes, afin que le Seigneur les fit connaître dans le temps et de la manière quil lui plairait, et la sainte Vierge, comme mère de lhumilité, ordonna quil les écrivit ainsi. La seconde, parce que, quoique la révolte de Lucifer ait été de sêtre élevé contre la volonté du Tout-Puissant, néanmoins la première
a été Jésus-Christ et sa divine mère, dont les anges apostats imitateurs de Lucifer, ne voulurent pas reconnaître lexcellence; et quoique la première bataille avec saint Michel ait été par rapport à cette révolte, néanmoins elle ne se fit pas avec le Verbe incarné, ni sa mère en personne, mais seulement dans cette forme mystérieuse de femme, manifestée dans le ciel avec tous les mystères quelle renfermait en elle-même comme mère du Verbe éternel, qui devait pren-
257
dre dans son sein la forme humaine; il fut donc nécessaire, lorsque le temps fût venu dans lequel ces admirables mystères furent accomplis, que cette bataille contre le Christ et sa divine mère fut renouvelée en personne, afin de triompher par eux-mêmes de Lucifer, suivant la menace déjà faite dans le ciel et ensuite dans le paradis terrestre; elle técrasera la tête : ipsa conteret caput tuum, Gen. III. Tout cela fut vérifié à la lettre dans Jésus-Christ et dans sa mère, car lapôtre a dit du premier, quil a été tenté en toutes choses, mais sans péché, Ad. Heb. 4. Tout cela le fut également dans la divine mère; et puisque cette bataille correspondait à la première et quelle fut pour les démons lexécution de la menace annoncée par le moyen de ce signe, cest pourquoi lévangéliste la écrite a,vec les mêmes paroles énigmatiques.
La tête de lantique serpent fut écrasée pour finir le combat; et pour commencer le nouvel état que la divine providence voulait accorder en récompense à la grande reine, après ses victoires, son divin fils la prépara par des faveurs si grandes, quelles surpassent tout ce que lintelligence peut comprendre et expliquer. Le Tout-Puissant éleva cette créature élue pour mère de Dieu à un état ineffable, car la sainte Vierge reçut tout ce que lêtre divin peut communiquer au-dehors, et renferma en elle une étendue de grâces pour ainsi-dire infinie, de sorte quelle forme à elle seule une hiérarchie supérieure à tout le reste des autres créatures bienheureuses. (1) Lucifer nayant la permission
(1) Cest littéralement la célèbre thèse de lincomparable D. Suaren, qui enseigna que la sainte Vierge avait seule plus de grâce et de mérites que nen auront jamais toutes les créatures ensemble. Maintenant tous les docteurs partagent cette opinion, il est alors facile de comprendre le culte tout particulier que lÉglise rend à Marie, et la confiance qua nous pouvons avoir dans son intercession. – (Note du Traducteur.)
258
de faire la guerre que pendant quelque temps, rassembla toutes ses forces et tout son affreux venin, il convoqua les princes des ténèbres et les excita contre leur ennemie, ils la connaissaient déjà pour être celle, qui leur avait été montrée au commencement de la création. Lenfer, se dépeupla pour cette entreprise, et ils attaquèrent tous ensemble la sainte Vierge qui se trouvait seule dans son oratoire. La- première attaque de cet épouvantable assaut se fit principalement dans les sens extérieurs, par un mélange de bruit, de mugissements, de cris et de fracas terrible, comme si la grande machine du monde était entièrement détruite; les uns prirent lapparence danges de lumière, les autres gardèrent leur affreuse laideur et ils figurèrent entre eux une lutte dune manière épouvantable, dans lobscurité, pour chercher à lui inspirer le trouble et la terreur; et en effet ils lauraient inspirés à une créature quelconque, quoique sainte, si elle avait été dans lordre commun de la grâce. Mais la reine des vertus resta toujours invincible et inébranlable, elle ne se troubla, ni ne sémut, et ne changea jamais de visage, quoique le combat durât pendant douze heures entières: ils figuraient de fausses révélations, et des lumières intérieures, ils lui firent des suggestions, des promesses, des menaces, et ils la tentèrent de tous les vices, en toute manière : elle se conduisit dune manière si glorieuse, fit des actes de vertu si héroïques, et opéra avec un si grand coeur et un si grand amour, que la justice divine demanda hautement en faveur de la triomphante reine de toutes les vertus, que ses ennemis fussent dissipés.
Le Verbe incarné descendit du paradis dans loratoire comme un juge sur un trône de majesté, entouré dun nombre infini desprits célestes les plus élevés, avec plusieurs patriarches, saint Joachim et sainte Anne glorieux et
259
éclatants de splendeur. A cette vue les démons avec Lucifer voulaient senfuir, mais la puissance divine les retint malgré eux, comme enchaînés, et lextrémité de ces mortelles clames fut mise dans les très-pures mains de la divine mère. Il sortit une voix du trône qui dit: cri ce moment le courroux de-la toute-puissance va sappesantir sur vous, et une femme descendante dAdam et dÈve vous écrasera la tête, et lantique sentence qui a été prononcée contre vous, dans les cieux et ensuite dans le paradis terrestre, va saccomplir. Gen. chap. III. v. 5.
La grande reine fut élevée et placée à la droite de son fils, il sortit de la divinité une splendeur qui linvestit, comme si elle avait été le globe du soleil; elle apparut la lune sous les pieds, comme celle qui foulait aux pieds toutes les choses que la lune dominait; un diadème fut placé sur sa tête et une couronne de douze étoiles, symbole des perfections divines qui lui avaient été communiquées dans le degré possible à une pure créature. Elle apparut comme enceinte, indiquant ,par là, quelle avait en elle lêtre de Dieu et lamour immense qui correspondait proportionnellement à ce dm1. Elle poussait en outre de doux gémissements comme celle qui avait donné au, monde Jésus-Christ, afin que toutes les créatures le connaissant, entrassent en participation avec lui, mais elles lui opposaient aussi résistance, et elle le désirait, et le procurait par ses larmes et ses soupirs. Ce grand signe est décrit dans lApocalypse chap. XII., comme il avait été formé dans lentendement divin; il fut montré dans le ciel à Lucifer qui était sous la forme du grand dragon roux avec sept têtes, couronnées de sept diadèmes, avec dix cornes, comme auteur des sept péchés capitaux et de toutes les sectes hérétiques; il se présenta-ainsi au combat en présence de la très-sainte Vierge, qui allait mettre au monde le fruit spiri-
260
tuel de lÉglise, par lequel elle devait se perpétuer. Le dragon attendait donc quelle mit au monde ce fils, pour le dévorer et détruire la nouvelle Église sil avait pu, et son envie croissant, il sirrita si grandement quil entra en fureur, en voyant cette FEMME si puissante pour établir lEglise et lenrichir par ses mérites et sa protection. Nonobstant la haine et la fureur du dragon, elle mit au monde un enfant mâle qui gouverna toutes les nations avec une verge de fer. Et cet enfant mâle est lesprit de justice et de force de la même Église, véritable fruit de la Sainte Vierge, et parce quelle a enfanté Jésus-Christ, et parce quelle a donné la vie à lEglise par ses mérites et ses soins, et elle la gouverne, comme elle la maintiendra toujours dans la pureté de la doctrine, contre laquelle lerreur ne pourra jamais prévaloir. Saint Jean ajoute; que ce fruit fut amené devant le trône de la divinité, et la FEMME se retira dans la solitude, où elle fut nourrie pendant mille deux cent soixante jours; cest-à-dire que le fruit de la grande femme, soit la sainteté dans lesprit de lÉglise soit dans les âmes en particulier, parvint au trône divin où est le fruit naturel Jésus-Christ, en qui et par qui elle la engendré et le nourrit. La divine fière se retira dans la solitude, qui fut létat sublime où elle seule fut élevée par la grâce, et là le Seigneur la nourrit le temps prescrit, qui sont les jours pendant lesquels elle vécut dans cet état, avant de passer à lautre. (1)
Lucifer connut tout ceci avant que la grande FEMME lui
(1) Si lon lit lApocalypse et les commentateurs sur le chap. XII., nous ne pensons pas quon y trouve une explication plus élevée de ce livre divin, que celle qui est exposée ici. On sent que lEsprit de Dieu qui a tenu la plume de lapôtre a éclairé le commentateur. Nous appelons la réflexion des prêtres et des personnes instruites sur ces pages, si remplies de vérité et de profonde doctrine.
261
fût cachée, et il perdit alors lespérance dans laquelle son orgueil lavait nourri pendant plus de quatre mille ans, de pouvoir vaincre cette femme, mère du Verbe incarné. Il entra en fureur en se sentant la tête écrasée par sa grande vertu, et il fut si affaibli, que toute sa force ne lui suffisait pas pour séloigner seulement de sa présence, contre sa volonté. Oh! insensés enfants dAdam, sécria Lucifer, pourquoi me suivez- vous, et laissez-vous la vie pour rencontrer la mort? Quel est votre aveuglement, lorsque vous avez avec vous, revêtu surtout de la même nature le Verbe éternel et une si puissante femme! Votre ingratitude est certainement plus grande que la mienne; je suis même contraint par cette grande femme de confesser cette vérité. Saint Miche! qui défendit lhonneur du Verbe incarné et de sa mère, commanda et imposa silence à Lucifer devenu furieux, et le Seigneur des armées parla ainsi à la grande reine: Ma mère bien-aimée, qui mavez si parfaitement imité, vous êtes le digne objet de mon amour infini; vous êtes le soutien, la reine, la souveraine et la maîtresse de mon Eglise, vous possédez le pouvoir que comme Dieu tout-puissant jai confié à votre sainte volonté, ordonnez donc au dragon infernal tout ce quil vous plaira. Et la souveraine impératrice commanda aux dragons infernaux que tandis quelle vivrait sur la terre, ils ne pussent pas répandre dans lÉglise le venin de lhérésie, et quaussitôt ils fussent précipités dans lenfer. Alors on entendit dans le cénacle la voix de larchange: maintenant sest établi la force, le sa!ut et le règne de Dieu, et la puissance de son Christ, parce que laccusateur de nos frères a été précipité du ciel, et a été vaincu par le sang de lagneau. Apoc. chap. XII. Larchange annonça par ses paroles, que par la vertu des triomphes de Jésus et de Marie, lÉglise qui est le règne de Dieu était déjà affermie, et quen invoquant dans toute
261
nos batailles contre lenfer les noms de Jésus et Marie, nous triompherons aussi à coup sûr.
De même que les mystères de la sagesse éternelle infinie saccomplissaient dans la Vierge mère , elle sélevait aussi aux plus hauts degrés de la plus sublime sainteté. Elle considérait comme mère de la sagesse éternelle lorgueil de Lucifer et la destruction de son infernale puissance, et toute humiliée et abîmée dans la profondeur de son néant, elle reconnaissait tout cela comme véritable effet de la rédemption de sort divin fils , et comme elle avait été coadjutrice de la rédemption, il nous est impossible de comprendre les effets admirables que produisait dans son coeur très-pur cette première considération ; enfin en réfléchissant elle-même aux oeuvres du Seigneur, la flamme de lamour divin saccroissait et devenait un véritable incendie, qui remplissait dadmiration même les bienheureux séraphins, de sorte quelle naurait pu supporter les élans impétueux, par lesquels elle sélevait, pour se plonger tout entière dans limmense océan de la Divinité, si la vie naturelle ne lui eût été conservée par miracle; et elle était également attirée par la même charité de miséricordieuse mère vers les fidèles ses chers enfants, qui étaient sous sa dépendance beaucoup plus que les plantes et les fleurs ne sont sous linfluence du soleil; cest pourquoi son coeur tout enflammé était continuellement sous un doux et puissant attrait vers Dieu et le prochain. Les deux amours tendaient à sélever aux plus sublimes degrés, aussi elle désirait se séparer toujours davantage de toutes les choses sensibles, pour sunir plus parfaitement à la Divinité, sans quil sy mêlât rien de créé, mais lamour de lEglise et des fidèles quelle avait enfantés par sa charité, lentraînait dun autre côté. Ainsi ces cieux incendies provenant dun même
263
feu, son coeur très-pur nétait plus quun immense brasier du divin amour.
Le divin fils, touché de compassion des excès de lamour de sa très-pure mère, lui apparut avec une bonté infinie, et lui dit: Mère bien-aimée, jai préparé pour vous seule un lieu solitaire, où vous jouirez en paix de la vue de ma Divinité, sans que votre état de viatrice sy oppose; là vous pourrez prendre librement votre vol, et vous trouverez linfini que recherche votre amour excessif pour se consumer sans mesure, de là encore vous viendrez au secours de mon Eglise, dont vous êtes la mère, et enrichie de mes trésors, vous les répandrez sur vos enfants. Par cette nouvelle faveur, toutes ses facultés furent purifiées par le feu du sanctuaire, et elle éprouva de nouveaux effets de la Divinité, dès ce moment ses sens ne reçurent plus les impressions des objets extérieurs, si ce nest celles qui étaient nécessaires pour lexercice de la charité. Elle avait reçu ce bienfait dès le premier instant de sa conception, mais après son triomphe contre Lucifer, elle leut dune manière ineffable. Ainsi que dans le temple de Jérusalem, on coupait le cou des victimes qui devaient être sacrifiées sur lautel, qui était hors du sanctuaire, où soffraient seulement les holocaustes, lencens et les parfums, qui étaient consumés par le feu sacré, ainsi dans la divine mère, vrai temple du Verbe incarné, soffraient dans les sens extérieurs, les victimes des vertus, les soins et les sollicitudes de lÉglise, et dans le sanctuaire des facultés intérieures soffrait le parfum de sa contemplation et la vision abstractive de la Divinité. De même que le miroir représente aux yeux du corps tout ce qui est présenté au-devant, et que tous peuvent voir lobjet lui-même sans quil soit nécessaire de le regarder, ainsi elle connaissait en Dieu tous les besoins quéprouvaient les enfants de lÉglise, et ce quelle devait
264
faire pour eux, suivant le bon plaisir de Dieu. Le Tout- Puissant excepta seulement les oeuvres que la divine mère devait faire par obéissance à saint Pierre et à saint Jean ; elle le demanda elle-même au Seigneur pour donner lexemple de lobéissance, afin que ceux qui auraient fait profession de ce voeu, apprissent à ne pas chercher dautres moyens pour connaître la volonté du Seigneur, lorsque celui qui est supérieur et qui tient la place de Dieu commande. Pour tout ce qui ne regardait pas lobéissance, qui comprenait aussi lusage de la sainte communion, lintelligence de la mère de Dieu ne dépendait en rien des créatures sensibles, ni des images quelle pouvait en recevoir par les sens, mais elle était entièrement libre de toutes choses, et dans une entière solitude intérieure, jouissant de la vision abstractive de la Divinité sans interruption, soit en dormant ou en veillant, occupée ou inoccupée, pendant le travail et pendant le repos; bien plus, elle ne discourait point intérieurement, et ne faisait aucun effort pour connaître ce qui était le plus sublime dans la perfection et le plus agréable au Seigneur. Elle connaissait le mystère incompréhensible de la Divinité dune manière plus excellente que les séraphins du paradis, et elle fut ainsi nourrie dans sa solitude de ce pain de vie éternelle.
Elle connut un jour, quune femme de Jérusalem déjà baptisée, avait apostasiée misérablement la foi, trompée par le démon au moyen dune magicienne sa parente. La grande reine, pleine de zèle, fut très-affligée, et elle dit à saint Jean daller avertir cette malheureuse de sa faute énorme, et en même temps la miséricordieuse mère pria le Seigneur avec larmes de ramener au bercail cette pauvre brebis égarée; et quoique la conversion des âmes qui séloignent volontairement du droit sentier soit toujours beaucoup plus difficile, que
265
pour celles qui ont commencé une fois à savancer, vers vie éternelle, néanmoins lefficacité de sa prière lui obtint remède. La pauvre femme écouta saint Jean, lui obéit abjura, elle se confessa avec des lai-mes dun véritable repentir, ensuite la sainte Vierge lexhorta à la persévérant et à résister au démon; ce quelle fit heureusement.
Pour résumer enfin tout ce que nous avons dit dans cours de cette histoire sacrée, par rapport au temps dans lequel la grande reine fut élevée par le Seigneur à cet et sublime, en voici la supputation: Lorsquelle alla de Jérusalem à Éphèse, elle était âgée de cinquante-quatre ans, six mois et vingt-six jours, et ce fut le six janvier de la quarantième année de la naissance du Christ. Elle demeura à Éphèse deux ans et demi, et revint à Jérusalem lan quarante-deux le six juillet; elle était alors âgée de cinquante-six ans et dix mois. Lorsquelle fut élevée à cet état si ineffable elle avait cinquante-huit ans, elle resta dans cet état, mille deux cent soixante jours, fixés par saint Jean dans lapocalypse, au chapitre douzième.
Haut du document
CHAPITRE XLIII
CE QUE FIT LA DIVINE MÈRE LORSQUE LES SAINTS ÉVANGILES FURENT ÉCRITS.
Lorsque la divine mère descendit la dernière fois du ciel avec lEglise dans ses très-pures mains, annoncée dans lapocalypse par cette cité sainte, nouvelle et céleste qui descendait du ciel, elle apprit de son divin fils quil était convenable
266
et nécessaire décrire les saints évangiles, afin quelle disposât toutes choses comme maîtresse des apôtres; mais elle obtint comme reine de lhumilité, que cela se fit par le moyen de saint Pierre, comme chef de lÉglise. Dans le premier concile rapporté par saint Luc dans les actes des apôtres, après avoir résolu les difficultés sur la circoncision et avoir déterminé plusieurs écrits, Saint Pierre annonça quil fallait écrire les saints évangiles, après en avoir conféré dabord avec la divine maîtresse; ils invoquèrent lEsprit-Saint pour connaître celui de la sainte assemblée quil fallait charger de ce soin; le cénacle fut rempli dune lumière céleste et on entendit une voix qui dit: Que le souverain pontife chef de lÉglise désigne quatre personnes, pour écrire les oeuvres et la doctrine du Sauveur du monde. Saint Pierre, le visage contre terre, rendit grâce au Très-Haut avec tous lés autres, le choix fut résolu, il se leva aussitôt et il parla ainsi que Matthieu, Marc, Luc et Jean notre cher frère écrivent les évangiles, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et tous répondirent Amen pour confirmer lélection.
Quelques jours après le choix dont nous venons de parler, saint Matthieu qui était dans le cénacle se retira dans une chambre séparée, résolu de remplir son office dévangéliste, il se prosterna à terre pour prier le Seigneur de lassister dans cette oeuvre divine, et voilà que la très-sainte Vierge lui apparut dans la chambre sur un trône de majesté. A cette vue saint Matthieu se prosterna le visage contre terre et demanda à la divine mère la bénédiction et sa protection dans cette entreprise; la divine reine après lavoir béni et lavoir fait asseoir, lassura de lassistance divine et de ses prières continuelles; elle lavertit de ne rien écrire delle, excepté ce qui serait nécessaire pour faire connaître les mystères du Verbe incarné, et après lui avoir suggéré lordre quil devait tenir,
267
elle disparut. Lévangéliste commença à écrire son histoire sacrée en langue hébraïque, et il la termina ensuite dans un autre lieu de la Judée. Quatre ans après, cest-à-dire la quarante-sixième aunée de la naissance du Sauveur, saint Marc se trouvant dans la Palestine, résolu aussi de commencer son évangile, pria son ange gardien de faire savoir à la divine maîtresse sa détermination pour lui obtenir la lumière du ciel, et étant en oraison la grande reine lui apparut sur un trône royal, entourée des anges, il se prosterna en sa présence, grande reine, dit-il, je suis indigne de cette faveur! Le Très-Haut, répondit la divine mère, que vous servez et que vous aimez, menvoie afin de vous assurer que son divin Esprit vous guidera pour écrire son évangile. Elle, lui recommanda de ne rien écrire à sa louange, lEsprit-Saint descendit en forme de feu et lenvironna, alors rempli du Saint-Esprit il commença son évangile. Lorsque saint Jérôme dit que saint Marc écrivit son évangile à Rome à la demande des fidèles, il faut entendre que nen ayant, comme il est vrai, aucune copie, il en fit une en langue latine. Deux ans après, saint Luc commença le sien eu langue grecque; la sainte Vierge lui apparut aussi et après avoir conféré avec elle, il écrivit heureusement son évangile en Achaïe. Saint Jean fut le dernier, il lécrivit en lan cinquante-huit, en langue grecque, dans lAsie-Mineure, après la mort de la très-sainte Vierge, car le démon sachant que son ennemie nétait plus dans ce monde, commença à semer des hérésies et des erreurs, et saint Jean fut laissé pour les combattre. Le saint était donc en oraison, réfléchissant de quelle manière il pourrait prouver la divinité du rédempteur, lorsquil vit la sainte Vierge descendre du ciel avec une gloire et une majesté ineffable, accompagnée dun nombre infini desprits bienheureux et elle dit: Jean, mon fils et serviteur d-u Très-
268
Haut, cest le temps convenable de faire connaître au monde la Divinité de mon fils, pour les secrets mystérieux que vous avez connus de ma personne, il nest pas encore opportun de les manifester au monde, de crainte que Lucifer nen prit occasion de troubler les fidèles enclins à lidolâtrie; lEsprit-Saint vous assistera et je veux que vous commenciez à écrire en ma présence. Saint Jean vénéra la grande reine du ciel et rempli de lEsprit-Saint, il commença son évangile assisté de la divine mère; elle lassura ensuite de sa continuelle protection, et après lavoir béni, elle retourna au ciel. Ainsi la grande reine, comme mère de lEglise, coopéra au grand travail des évangiles, et les fidèles doivent reconnaître avoir reçu ces ineffables bienfaits de la divine mère.
Pour continuer donc notre histoire, de même que la sainte Église se dilatait de plus en plus, ainsi la sollicitude de la grande maîtresse saccroissait. Saint Jacques le mineur et saint Jean étaient restés seuls à Jérusalem et tous les apôtres sétaient dispersés dans le monde, mais la miséricordieuse mère les portait tous dans son coeur, elle compatissait à leurs travaux et à leurs souffrances, elle priait aussi le Seigneur pour eux et répandait des lai-mes continuelles pour ses chers enfants. Mais ce qui est encore plus admirable dans la divine mère, cest quau milieu de ses grandes sollicitudes pour lÉglise universelle elle ne perdait jamais la paix ni la tranquillité; elle recommandait encore à ses anges dassister les apôtres dans leurs besoins, de les secourir et de prendre soin aussi des disciples. Elle voulut encore se charger comme mère vigilante des vêtements des apôtres désirant quils allassent lotis conformes à son divin fils, aussi lorsque les habits venaient à manquer, elle y pourvoyait; elle filait dans ce but incessamment, elle tissait et cousait les tuniques de ses propres mains, les anges lui venaient en aide
269
et ils apportaient les habits préparés aux apôtres là où ils se trouvaient. Elle prenait soin de tous comme une tendre mère, de sorte quil nest possible de rapporter en particulier les pensées, la sollicitude, lactivité de cette miséricordieuse mère, car elle ne passait pas un seul jour sans penser à ces chers missionnaires. Elle leur apparaissait même souvent en personne, lorsquils linvoquaient dans quelque embarras. Saint Pierre était venu à Antioche pour y établir son siège, pour surmonter les difficultés qui lui survinrent, le vicaire du Christ se trouva plusieurs fois dans la peine et dans laffliction, alors il invoqua la divine mère et aussitôt elle vint miraculeusement sur un trône de lumière, lorsque saint Pierre la vit si resplendissante de clarté, il se prosterna à terre, la vénéra et lui rendit grâce de ce grand honneur; il lui dit en versant des larmes : Et doù me vient à moi pécheur, que la mère de mon Seigneur vienne me consoler. La grande reine de lhumilité descendit de son trône et diminua ses splendeurs, elle se mit à genoux devant le chef de lEglise et lui demanda la bénédiction comme viatrice. Lapôtre le fit avec une grande crainte et en versant des larmes dattendrissement, à la vue de la grande humilité de la mère de Dieu et de la reine souveraine de lunivers. Ensuite il la consulta sur les affaires les plus difficiles qui se présentaient, en particulier sur la célébration de différentes fêtes , linstitution de divers rits, et des dignités quil fallait établir dans lÉglise, le prince des apôtres en reçut de grandes lumières et en fut tout consolé; la Vierge mère fut rapportée par les anges dans son oratoire de Jérusalem. Lorsque saint Pierre vint ensuite à Rome pour y transférer le saint siége apostolique comme Notre-Seigneur le lui avait ordonné, il se trouva aussi dans la peine, et la divine mère lui apparut de nouveau, et il fut alors résolu quon célébrerait la fête de la
270
naissance de Notre-Seigneur, le carême, la mémoire de la passion et linstitution du divin sacrement de lautel.
Dans une autre occasion, saint Pierre étant encore à Rome, il séleva une terrible persécution contre les chrétiens, et toute lÉglise romaine était dans laffliction, lapôtre eut recours à la mère de la piété et il envoya son ange gardien apporter la nouvelle de cette tribulation à la divine mère. A cette nouvelle la mère de la sagesse commanda à ses anges de transporter à Jérusalem le vicaire de Jésus-Christ, les anges exécutèrent aussitôt le commandement et le transportèrent en présence de leur reine. Il est impossible dexprimer lardente affection de saint Pierre , et ses diverses actions de grâces à la grande reine pour ce bienfait si singulier. Lapôtre enflammé damour, à genoux, baisait la terre quelle avait foulée de ses pieds divins, la mère de lhumilité le pria de se relever, ce quil fit, elle se prosterna le visage contre terre et le pria de la bénir, en disant: Mon Seigneur, donnez votre bénédiction , comme vicaire de mon Dieu, mon fils, à votre servante. Saint Pierre obéit et rendit grâce au Très-Haut de toutes ces célestes consolations. Alors lapôtre lui raconta les tribulations des fidèles de Borne, elle le fortifia avec bonté, le consola, léclaira et lui donna de sages avis pour se conduire dans cette occasion; elle lui demanda de nouveau la bénédiction et elle ordonna aux anges de le rapporter à Rome. La sainte Vierge resta à genoux les bras étendus en forme de croix, et demanda au Seigneur lassistance pour saint Pierre et la grâce pour les fidèles dans cette persécution ; aussi saint Pierre à son retour trouva les choses tranquilles et en paix. Il est impossible de raconter tout ce que la divine mère fit, pendant les années quelle survécut à son divin fils, pour les fidèles et pour lÉglise.
271
Haut du document
CHAPITRE XLIV
EXERCICES DE DÉVOTION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE, ET PRÉPARATION A LA SAINTE COMMUNION.
Parmi les innombrables faveurs quavait reçues la divine mère, elle eut celle, et elle leut dès- le premier instant de sa conception, de ne jamais rien oublier en aucune manière, de ce quelle avait une fois connu ou appris, jouissant ainsi par privilège de ce que les anges possèdent par nature. Toutes les images et les espèces de la passion de son fils restèrent vivement gravées dans son intérieur, de la même manière quelle les reçut, et dans ces dernières années quelle eut la grâce dune continuelle vision abstractive, elle en jouissait miraculeusement , et elle souffrait de la mémoire de la passion du fils , et désirait toujours être crucifiée avec le Christ. Tantôt elle considérait pendant plusieurs heures dans son oratoire la passion de son fils bien-aimé, tantôt elle visitait les saints lieux où il avait souffert, en versant toujours des larmes de douleur. Elle régla avec saint Jean, que chaque vendredi de lannée elle célèbrerait la mort de son fils, de sorte que ce jour elle ne sortait pas de son oratoire, et lapôtre restait dans le cénacle pour répondre aux personnes pieuses et, dévotes qui voulaient la voir et la visiter, et lorsque lapôtre était absent, un autre disciple restait à sa place. La grande reine se retirait pour ce saint exercice le soir du vendredi, deux heures avant la nuit, et ne sortait plus jusquau dimanche : et sil survenait une nécessité pressante de venir elle-nième en personne, elle envoyait- un ange sous sa forme, tant elle était attentive et prévoyante pour tout ce qui regardait la charité envers ses chers fidèles,
272
quelle estimait et aimait comme des enfants bien-aimés. Elle portait toujours avec elle une croix, et pendant ce temps elle se plaçait sur une autre plus grande, ainsi pendant quelle vécut elle renouvela en elle-même la passion de son fils, et par ses saints exercices elle obtint du Seigneur de grands bienfaits et des grâces pour tous ceux qui seraient dévots à la divine passion, et comme reine toute-puissante, elle pi-omit de leur accorder des grâces ineffables, dans le désir que ce souvenir se conservât dans la sainte Église.
Elle célébrait linstitution de lauguste sacrement de leucharistie et faisait de nouveaux cantiques de louanges, des actes ardents damour et daction de grâce; elle invitait ses anges gardiens et les anges du ciel à laccompagner dans-ses vives actions de grâces, et comme elle possédait dans son coeur très-pur Jésus sous les espèces sacramentelles, elle excitait ces esprits bienheureux à admirer ce prodige , et les priait den rendre au Seigneur louange, gloire et honneur. Les anges étaient confondus détonnement et stupéfaits de voir dans une pure créature une si incomparable charité, une sainteté si élevée, et une humilité si profonde. Leur étonnement redoublait en la voyant se préparer à la communion suivante: En premier lieu, elle offrait à cette fin lexercice de la passion, de chaque semaine, aussitôt après les exercices de la passion lorsquelle se retirait le soir qui précédait le jour de la communion, elle commençait de nouveaux exercices de prosternations, et se mettait par terre en forme de croix, ensuite elle se levait et continuait ses génuflexions pour adorer lêtre immuable de Dieu, elle demandait au Seigneur la permission de lui parler, et le suppliait que , sans considérer sa bassesse naturelle, il lui accordât la sainte communion , elle lui offrait la passion de son fils , la mort, lunion hypostatique et toutes les oeuvres et les mérites du
273
Christ, elle lui offrait la pureté et la sainteté de toutes les hiérarchies angéliques, ainsi que toutes leurs oeuvres, celles de tous les justes et de toute lÉglise, présentes et futures. Après cela e-lie faisait des actes de très-profonde humilité, en considérant quelle nétait que poussière et dune nature de boue, qui est inférieure à linfini, à lêtre divin; et dans la considération de ce quelle était et de ce quétait Dieu, quelle allait le recevoir sous les espèces sacramentelles, elle se répandait en affections si sublimes, quelle surpassait même tous les séraphins. Mais comme elle sestimait la dernière de toutes les créatures, avec un sentiment de très- profonde humilité, elle invitait-les anges à demander au Seigneur et à le prier de la préparer et de la disposer pour le recevoir dignement, car elle était une créature qui leur était inférieure. Les anges lui obéissaient avec admiration et avec joie, et laccompagnaient dans les prières où elle employait la plus grande partie de la nuit qui précédai-t la sainte communion. Lorsque lheure de faire la sainte communion était venue, elle entendait dabord à genoux, avec une modestie incomparable, la sainte messe que saint Jean célébrait, en récitant des hymnes, des psaumes et dautres prières, car le prêtre ne pouvait pas alors lire les épîtres et les évangiles qui nétaient encore écrits; la consécration fut toujours la même. A la fin de la messe elle se préparait à communier, elle faisait trois prostrations profondes, et toute brûlante et enflammée elle recevait sous les espèces sacramentelles ce même fils, à qui elle avait donné la sainte humanité dans son sein virginal. Ensuite elle se retirait et continuait son recueillement et son action de grâce pendant trois heures, saint Jean eut le bonheur de la voir plusieurs fois dans ce moment revêtue de splendeur et plus rayonnante de lumière que le soleil.
274
Reconnaissant comme mère de la sagesse avec quelle ineffable décence le sacrifice non sanglant devait se célébrer, elle tissa et cousut de ses propres mains les habits sacerdotaux et les ornements pour célébrer la sainte messe, et la première elle introduisit la sainte coutume de célébrer avec des ornements de diverses couleurs. Elle recevait des aumônes et des dons dans ce but, elle travaillait elle-même, tantôt à genoux, tantôt debout, aussi les habits sacrés conservaient un parfum céleste qui enflammait le coeur des ministres. Il venait dun grand nombre de provinces où prêchaient les apôtres, divers personnages de distinction déjà convertis, pour voir et vénérer la divine mère, et après avoir vu ce modèle de toutes les Vertus, ils lui offraient des sommes considérables pour son usage et pour le soulagement des pauvres, mais la grande reine répondait quelle faisait profession de pauvreté comme son divin fils, et que tous les disciples se conformaient à leur divin maître. Ils lui répondaient en versant des larmes de les distribuer aux pauvres et de les appliquer au culte divin, et la miséricordieuse mère pour les consoler acceptait quelque chose de ce quon lui offrait avec tant dinstances, comme des toiles fines ou des ornements précieux , quelle préparait ensuite et faisait servir au culte divin, pour ornements des prêtres et pour parures des autels; elle distribuait le reste aux pauvres et aux maisons où ils étaient réunis, quelle Visitait elle-même et où elle les servait de ses propres mains, elle donnait aux pauvres les aumônes quelle avait reçues, et elle le faisait à genoux, parce quelle voyait dans ces pauvres son divin fils, retirée ensuite dans son oratoire elle les recommandait au Seigneur. Elle donnait à tous ces bienfaiteurs des lumières et des conseils de vie éternelle, les enflammait dardeur pour suivre Jésus- Christ, et elle agissait ainsi avec tous indifféremment et sans
275
exception; mais la merveille la plus grande était létonnement des étrangers qui la voyaient pour la première fois, fidèles, païens ou juifs, tous étaient ravis dadmiration en contemplant sa majesté, sa grâce, son humilité et sa charité plus quhumaine, et tous attendris ils confessaient et disaient : Celle-ci est véritablement la mère de Dieu, et ils embrassaient la sainte foi par la force quils ressentaient intérieurement. Dans leurs rapports avec elle, ils expérimentaient ensuite quelle était le vrai canal des grâces divines; ses paroles, remplies dune profonde sagesse , portaient la conviction dans toutes les intelligences et, communiquaient des lumières de vie éternelle, de même aussi par la grâce infinie et la beauté ineffable de son visage et sa douce majesté, elle attirait tous les coeurs et les amenait à une vie parfaite; les uns en étaient saisis détonnement, les autres fondaient en larmes, et dautres en parlaient avec admiration ne cessant de lexalter par des louanges , ils confessaient le Christ pour vrai Dieu, puisque sa mère était si incomparablement belle, aimable, humble et sainte.
La grande reine, dans ces derniers temps, ne mangeait presque pas et dormait très-peu, elle le faisait même pour obéir à saint Jean, qui la priait de se retirer la nuit, pour prendre un peu de repos. Son sommeil était dune demi-heure, au plus dune heure entière, niais jamais elle ne perdait la vue de Dieu, et son coeur ne cessait de veiller, elle shumiliait, se résignait et aimait avec ardeur. Sa nourriture ordinaire consistait dans quelques bouchées de pain et quelque fois, sur les instances de saint Jean, elle y ajoutait un peu de poisson pour lui tenir compagnie , car le saint fut très-favorisé comme son Dieu, en ceci, quil mangeait à la même pauvre table, et sa nourriture lui était préparée par la grande reine, qui le servait comme une mère sert son fils, de plus
276
elle lui obéissait comme prêtre et comme tenant la place du Christ, Quoique la divine mère eût pu vivre sans cette légère nourriture, et ce peu de sommeil (1) elle le prenait néanmoins, non par nécessité, mais pour pratiquer lobéissance envers lapôtre, et par humilité, pour payer en quelque manière la dette de la nature humaine, car elle était la prudence même. Elle employait tout le reste du temps à des exercices de charité envers Dieu et envers le prochain.
Cétait la quarante-cinquième année de la naissance du Seigneur, et la Vierge-Mère avait soixante ans, deux mois et quelques jours; elle navait plus que peu de temps à vivre, comme viatrice, aussi comme la pierre par le mouvement naturel qui lattire vers le centre de la terre, acquiert toujours une rapidité dautant plus grande, quelle sen rapproche davantage, de même en approchant du terme de sa vie si glorieuse, les élans de lesprit si pur de la divine mère étaient dautant plus rapides et les désirs amoureux de son coeur dautant plus impétueux, pour atteindre le centre de son éteRnel repos. Dès le premier instant de sa conception elle fut comme un fleuve débordé sorti de limmense océan de la Divinité, dans lentendement de laquelle elle avait été formée dès léternité; elle vint ensuite au monde avec une effusion incroyable de dons, faveurs, grâces, privilèges, vertus, mérites et sainteté, et elle grandit de telle sorte en tout, que la sphère de toutes les créatures devint trop étroite, aussi par le mouvement incompréhensible de son ineffable charité, elle se hâtait de sunir à la mer dont elle était sortie, pour
(1) On lit dans la vie de plusieurs saints, quils ont passé quarante jours sans manger ni dormir. De nos jours même, la Vierge stigmatisée du Tyrol na pris aucune nourriture pendant vingt ans, pas même une goutte deau, voir les relations de M. E. de Cazalès et autres. Dans le ciel ne vivrons-nous pas sans manger ni dormir.
277
rentrer dans son sein, et pouvoir ensuite de nouveau par sa maternelle piété inonder lÉglise. La grande reine vivait dans ces dernières années par la douce violence de lamour, dans une espèce de martyre continuel de charité. Son très-saint fils descendit du ciel sur un trône de gloire entouré de milliers danges, pour la visiter, et sapprochant de sa divine mère, il la renouvela et la fortifia dans ses langueurs damour, en lui disant: Ma mère et ma colombe, venez avec moi à la patrie céleste, où vos larmes se changeront en allégresse, et où vous vous reposerez, délivrée de toute peine. Les anges placèrent aussitôt leur reine sur le trône à côté de son fils, et ils montèrent tous au ciel au milieu de célestes mélodies. Elle adora la très-sainte Trinité, son fils bien- aimé la retint toujours à ses côtés, ce qui causa une nouvelle joie à toute la cour céleste, et le Verbe incarné parla ainsi à son père éternel: Père éternel, cette Vierge est celle, comme vous le savez, qui ma donné dans son sein très-pur la forme humaine, qui ma nourri de son lait, ma entretenu par ses fatigues, ma accompagné dans mes travaux et nies souffrances, qui toujours fidèle n coopéré avec moi à la rédemption des hommes, et a exécuté en tout votre sainte volonté. Elle est toute pure et exempte de toute tache de péché; par ses saintes oeuvres et ses héroïques vertus elle est parvenue au comble de la plus sublime sainteté. En outre des dons communiqués par notre puissance infinie, lorsquelle est parvenue à la récompense quelle avait méritée, et pouvant en jouir en liberté, elle sen est privée pour notre seule gloire, et elle est revenue à lÉglise militante pour linstruire et la gouverner, se confiant sur léquité de notre divine providence; il est temps quelle soit récompensée comme reine de toutes les choses créées. Le Père éternel répondit: Mon divin fils, chef de tous les élus, tous mes trésors et toutes choses sont déposés dans
278
vos mains, rendez-en participante notre bien-aimée, suivant sa dignité, et pour notre gloire. Sur ces paroles le divin fils annonça en présence de tout le paradis, et en le promettant à sa mère, que chaque dimanche après ses saints exercices, elle serait apportée par les anges dans le ciel, afin de célébrer, en présence du Très-Haut en corps et en âme le grand mystère de la résurrection. Le Seigneur voulut aussi que dans la sainte communion quelle faisait chaque matin, la sainte humanité lui apparût unie à la Divinité dans la personne divine, dune manière admirable et plus élevée quelle navait été par le passé. Ensuite il se tourna vers sa chère mère et lui dit: Mère bien-aimée, je serai toujours avec vous pendant le temps qui vous reste de votre vie mortelle, et dune manière particulière incompréhensible aux anges mêmes, ainsi je serai la récompense de votre exil.
Au milieu de ses ineffables faveurs, la sainte Vierge se retirait dans le plus profond de son néant, elle louait, exaltait le Tout-Puissant et lui rendait grâces, elle se concentrait dans le bas sentiment quelle avait de son être, elle shumiliait et sabaissait dans le même temps quelle recevait lexaltation, dont elle se rendait ainsi digne. Elle fut encore plus grandement illuminée et renouvelée dans ses facultés, pour être préparée à la claire vision intuitive, le voile fut ouvert aussitôt, et elle vit lessence infinie de Dieu, et posséda pendant quelques heures plus que tous les saints le bonheur et la gloire du ciel, buvant ainsi les eaux de la vie à la source-même, elle rassasiait ses désirs enflammés, et arrivée alors à son centre, sa violence damour sapaisait, pour venir de nouveau communiquer la grâce. Après cette faveur ineffable, elle fit des actions de grâces indicibles à la très-sainte Trinité, elle pria de nouveau avec de vives instances pour lEglise, et elle fut rapportée dans son oratoire; là, elle se
279
prosterna le visage contre terre selon sa coutume, et shumilia après cette faveur plus que tous les enfants dAdam ne shumilieront jamais. Dès ce jour, pendant tout le temps quelle vécut, elle fut transportée chaque dimanche au ciel, le Christ son fils venait la recevoir, et elle était plongée dans un océan de bonheur, alors les anges chantaient: regina caeli, laetare, alleluia : elle consultait ensuite sur les affaires les plus difficiles de lÉglise, elle intercédait pour tous les fidèles et en particulier pour ses chers apôtres et disciples, et revenait sur la terre chargée comme ce riche vaisseau dont parle Salomon, Prov. XXXI. Cette grâce spéciale lui fut justement accordée , parce quelle sétait privée de la gloire béatifique, lorsquelle fut conduite au ciel le jour de lascension de son fils, pour sappliquer au gouvernement de lÉglise. Dans sa sollicitude, la violence dé son amour lui enlevait toutes les forces, aussi pour lui conserver la vie, il était convenable quelle fût transportée au ciel pour recevoir une nouvelle force, afin quelle continuât le gouvernement de lEglise et souffrit les excès de son amour, et encore aussi parce que renouvelant en elle-même chaque semaine toute la passion de son fils, elle la ressentait rie telle sorte, quelle mourait pour ainsi dire de nouveau avec son fils, et par conséquent elle devait ressusciter avec lui. (1)
(1) Nous rappellerons à ceux qui trouveraient trop extraordinaire ce qui est raconté dans ce chapitre, de méditer un peu sur les miracles de la sainte messe, qui se dit tous les jours en tous lieux. Un bomme, qui transubstantie du pain et du vin, au corps, au sang, âme et divinité de Notre-Seigneur. La matière du pain et du vin qui est anéantie, les attributs qui subsistent sans la substance. Jésus qui se donne invisiblement à tous, et le reste. Après une courte réflexion, on verra que ce que nous croyons, que Jésus a fait et fait tous les jours pour nous, nest pas moins merveilleux, que ce quil a voulu faire pour sa mère, daprès notre vie divine. Pourquoi prescrire des bornes à lamour de Dieu.
280
Haut du document
CHAPITRE XLV
FÊTES CÉLÉBRÉES PAR LA REINE DES ANGES.
Tous les titres éclatants que la très-sainte Vierge avait dans lEglise, de Reine, de souveraine, de mère, de guide, de maîtresse, ne restèrent jamais sans fruit en elle, mais elle les exerçait tous avec une grâce surabondante. Comme reine elle connaissait toute sa grandeur; comme souveraine elle savait jusquoù sétendaient les limites de son empire; comme mère elle connaissait tous les enfants et les serviteurs de son Église, jusquà la fin du monde; comme guide tous ceux qui marchaient avec elle lui étaient connus; comme maîtresse elle était remplie de la souveraine sagesse, et elle possédait toute la science, selon laquelle la sainte Église devait être gouvernée et enseignée dans les différents temps, moyennant son intercession. Elle eut donc une entière connaissance de tous les saints qui lavaient précédée, et de tous ceux qui devaient lui succéder, avec leurs actions, leur vie, leur mort et leur récompense. Elle connut clairement tous les rus, les cérémonies et les fêtes que lÉglise établirait dans la suite des temps, avec toutes les raisons, les motifs et la nécessité de chaque chose. Cette plénitude de science fit naître en elle une sainte émulation de la reconnaissance, du culte, de la vénération et de la mémoire quen ont les anges et les saints dans la Jérusalem céleste, et pour introduire tout cela dans lÉglise militante, en tant que celle-ci peut imiter lautre, elle commença à le pratiquer, et elle inspira aussi aux apôtres de célébrer -un grand nombre de fêtes. Quoiquelle eût commencée à célébrer plusieurs fêtes après lincarnation du Verbe, après lascension
281
de son fils et dans les dernières années de sa sainte vie, elle le fit avec une solennité plus grande.
Le huitième jour de décembre, chaque année, elle célébrait son immaculée conception, et elle sestimait insuffisante et incapable den rendre de dignes actions de grâces. Elle commençait à la célébrer le soir du jour précédent, elle passait toute la nuit dans des exercices admirables et des larmes de joie, elle faisait des prostrations, des actes de vénération et des cantiques de louanges au Seigneur; elle considérait quelle avait été formée de la boue ordinaire, comme descendante dAdam, selon lordre universel de la nature, et néanmoins elle avait été élue, délivrée et préservée seule de la loi commune, et ainsi exemptée du grave tribut du péché et conçue avec la plénitude de la grâce et des dons surnaturels. Elle invitait alors les anges, afin de laider à rendre grâces à lauteur de la grâce, et elle chantait avec eux des cantiques de louanges. Elle invitait aussi les autres esprits bienheureux et les saints du ciel, et elle senflammait de telle sorte, quil était nécessaire que son divin fils descendît du ciel pour la fortifier, il la conduisait avec lui, et là elle apaisait lardeur de son coeur par ses humbles actions de grâces. Les trois personnes divines se réjouissaient de lavoir préservée de la contagion commune des enfants dAdam, ils ratifiaient et confirmaient la possession de tout ce que la grande reine avait reçu- deux, et une voix qui sortait du trône divin, disait : Vos démarches sont belles, fille du roi, et conçue sans péché. Ensuite on entendait les choeurs des anges et des saints qui chantaient ces paroles: Marie conçue sans le péché originel. Lhumble reine répondait à toutes ces faveurs par des actions de grâces et des louanges avec une humilité si profonde, quelle surpassait lintelligence même des anges. Alors elle était élevée à la
282
vision intuitive de Dieu pendant plusieurs heures. Descendue ensuite du ciel, elle sexerçait à des actes de très-profonde humilité.
Elle célébrait la mémoire de sa nativité, le huit septembre, jour auquel elle était née. Elle commençait la veille par ses exercices habituels, dès prostrations et des cantiques de reconnaissance. Elle rendait grâces au Très-haut de ce quelle était née à la lumière du monde, et avait eu le bonheur dêtre portée au ciel. Elle prenait des résolutions héroïques demployer tout le reste de sa vie au service du Seigneur, et à laccomplissement de sa volonté; il lui semblait quelle navait rien fait pour sa plus glande gloire, aussi elle se proposait de commencer tout de bon; elle demandait au Très-Haut quil laidât par sa grâce, quil dirigeât toutes ses actions et les fit tendre vers les fins les plus élevées de sa gloire. Le divin fils descendait dans son oratoire avec plusieurs choeurs danges, les antiques patriarches, les prophètes et en particulier saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, et ils célébraient la nativité de la grande reine. Elle adorait son divin fils avec un grand respect et une grande vénération, et lui renouvelait ses humbles actions de grâces; les anges chantaient : Nativitas tua, sancta dei genitrix Virgo ; et les patriarches et les prophètes avec Adam et Eve, chantaient des cantiques de gloire à la réparatrice du monde. Le divin fils relevait sa divine mère de terre où elle se tenait prosternée, la plaçait à sa droite et lui manifestait de nouveaux mystères, elle était toute transformée dans son fils, et pleine dardeur pour travailler, comme si elle avait commencé. Saint Jean eut le bonheur plusieurs fois de jouir en quelque chose de ces fêtes en entendant la musique des anges. Le saint évangéliste venait célébrer la sainte messe dans son oratoire et communiait la grande Reine, qui était là sur
283
le trône de son divin fils, quelle recevait sous les espèces sacramentelles, dans son coeur très-pur et enflammé damour; la vue de tous ces mystères causait une joie nouvelle et profonde à tous ces saints, qui servaient comme de parrains à la communion la plus digne, qui après celle du Christ, sest vue et se verra jamais dans lÉglise. Après que la grande reine avait reçu son fils sous les espèces sacramentelles, il la faisait devenir semblable à lui dans le divin sacrement, et de cette manière glorieuse et naturelle quelle possédait, elle sen revenait au ciel. O merveilles cachées et admirables de la toute-puissance divine! si Dieu se montre grand et admirable dans tous les saints, combien nous pouvons penser quil la été avec sa chère mère?
Elle célébrait en outre avec les princes du ciel, la mémoire des bienfaits reçus, et elle les invitait aussi pour laider à cri rendre grâces, et les anges en reconnaissant une si grande science dans leur reine chantaient : Quil soit éternellement béni exalté votre créateur, ô Marie, vous êtes la gloire de tout le genre humain; vous êtes la merveille du pouvoir du Verbe de Dieu; la vive image de toutes ses perfections; vous êtes la digne maîtresse de lÉglise militante, la gloire spéciale de la triomphante, lhonneur de toutes les créatures : réparatrice de vôtre race, vous êtes digne que toutes les nations vous reconnaissent à-cause de vos vertus et de votre grandeur, et que toutes les générations vous louent et vous bénissent. Le jour, dans lequel arrivait la mémoire de sa présentation au temple, elle se retirait la veille dans son oratoire, et elle passait toute la nuit dans de saints exercices et des actions de grâces, elle témoignait une humble et profonde reconnaissance au Seigneur, pour lavoir conduite dans son temple à un âge si tendre, et pour tous les bienfaits quelle avait reçus dans le lieu saint. Elle éprouvait dans
284
cette fête un attrait naturel pour la solitude, parce que la retraite unit plus intimement lâme à Dieu. Le Seigneur avait coutume de la visiter, et lui disait: Ma mère et ma colombe, voici votre Dieu et votre fils, je veux vous donner un temple et une habitation plus élevée, plus sûre et plus divine, qui est mon être propre; venez bien-aimée dans votre légitime séjour. A ces douces paroles elle était placée à la droite de son fils, et aussitôt elle sentait que la divinité du fils la pénétrait par une union incompréhensible toute pure et divine. Elle appelait pour cela cette solennité, la fête de lêtre de Dieu; elle composait de beaux cantiques de louanges au Seigneur, et rendait grâces au Très-Haut de lavoir appelée dans un âge tendre à cette sainte solitude.
Les jours anniversaires de la mort de saint Joachim et de sainte Anne, elle célébrait aussi leur fête par des actes de culte et de vénération au Seigneur, et lui rendait grâce de lui avoir donné des parents si saints. Elle remerciait la très-sainte Trinité pour tous les dons, les grâces et les faveurs quelle leur avait accordés pendant leur vie, et pour la gloire ineffable dont elle les avait couronnée. Les bienheureux parents tous glorieux descendaient du ciel avec le divin fils et parlaient avec leur fille. Les anges de chaque choeur chantaient des louanges au Seigneur, en expliquant quelque attribut divin, et ravie en extase, remplie dune joie incomparable, elle répétait le cantique de louanges et dactions de grâces. A la fin, elle demandait la bénédiction à ses saints parents, après avoir reçu celle de son fils, et ils sen retournaient au ciel ; elle restait à genoux confondue avec la poussière, sestimant indigne de tous ses bienfaits. A la fête de saint Joseph, elle pensait à la compagnie si fidèle de son chaste époux. Saint Joseph, descendait tout glorieux et resplendissant dans loratoire accompagné danges sans
285
nombre, qui chantaient des hymnes en lhonneur du saint, et la divine mère répétait ces hymnes comme mère de la sagesse, et en composait dautres pour remercier la divine Majesté des grâces et de la gloire quelle avait accordées au saint époux. Après plusieurs heures de douces actions de grâces, elle sentretenait avec saint Joseph, le priait de la recommander au Très-Haut, et de le remercier pour les grâces quil lui avait accordées, elle lui recommandait les besoins de lÉglise et par-dessus tout, lassistance divine des apôtres et des disciples qui propageaient la sainte foi. Ensuite elle lui demandait la bénédiction, et il retournait au ciel. Il ne faut pas omettre encore que la grande reine dans ces fêtes préparait à manger à un grand nombre de pauvres et les servait à table à genoux; elle disait à saint Jean de chercher les plus nécessiteux et les plus misérables. Dans le jour elle visitait encore les malades dans les maisons où ils étaient recueillis et dans les réduits abandonnés. Ainsi la grande reine célébrait les fêtes.
Il est impossible dexprimer avec quel recueillement et quels actes de culte elle célébrait ensuite la fête de lincarnation et la naissance du Verbe incarné, car elle considérait lincarnation, comme loeuvre première de la toute-puissance opérée dans son sein. Elle comprenait la profondeur de ce mystère adorable ; elle voyait le grand dessein de Dieu, le défaut de correspondance et lingratitude des hommes; et comme dépositaire élue des mystères du grand Conseil divin, elle découvrait quil lui appartenait de correspondre à cet ineffable bienfait, de compenser et de suppléer notre ingratitude et notre lâcheté; cest pourquoi elle faisait chaque jour au nom du monde racheté un grand nombre de génuflexions, de prostrations et dactes dadoration, et elle disait intérieurement au Seigneur. Dieu tout-puissant
286
prosternée en votre présence, en mon nom et au nom de tout le genre humain, je vous loue, bénis, glorifie, exalte, confesse et adore humblement pour ladmirable bienfait de votre ineffable incarnation, dans le mystère de lunion hypostatique de la nature humaine avec la personne divine du Verbe éternel; si un grand nombre dhommes vivent dans loubli de ce bienfait, souvenez-vous Seigneur miséricordieux et notre père quils vivent dans une chair fragile, quils sont remplis dignorance et de passions désordonnées, et quils ne peuvent venir à vous, si votre infinie bonté ne les attire et ne les conduit. Pardonnez, mon Dieu ces négligences, comme provenant dune nature si fragile. Moi votre esclave et vil vermisseau de terre, en mon nom et au nom de chacun des mortels, je vous remercie pour ce bienfait inestimable , en union avec tous les esprits bienheureux et tous les saints du paradis; et vous mon fils et mon Seigneur, je vous supplie du fond de mon coeur, prenez en main la cause des hommes vos frères, afin quils parviennent à obtenir le pardon de votre Père éternel. Je vous demande miséricorde pour votre peuple et le mien, car en tant que vous êtes homme, nous avons tous votre nature, daignez donc pas nous rejeter, et en tant que vous êtes Dieu , donnez un prix infini à vos oeuvres, et quelles soient la digne récompense de ce qui vous est dû : Vous êtes notre salut, notre bien et notre unique espérance.
La grande reine répétait cette prière et dautres semblables. Elle commençait cette fête le seize mars au soir, et pendant les neuf jours suivants, jusquau vingt-cinq, elle était retirée sans manger, ni boire, ni dormir, et lévangéliste seul venait auprès delle pour la sainte communion. Le Tout-Puissant lui renouvelait en ce temps toutes les faveurs et toutes les grâces quil lui avait accordées, les neuf jours
287
qui précédèrent lincarnation. Son divin fils qui avait été conçu dans ses chastes entrailles prenait soin de lassister, de la favoriser et de la combler de grâces dans cette fête. Le Verbe éternel fait homme descendait du ciel, avec la même majesté et la même gloire dont il y est revêtu, accompagné dun nombre innombrable desprits bienheureux. Lhumble Vierge prosternée le visage contre terre, adorait son fils, Dieu véritable, les anges la relevaient de terre et la plaçaient à la droite du fils, elle était toute transformée et environnée de gloire, et dans cet état sublime elle chantait ami Seigneur des cantiques de louanges en action de grâce. Le divin fils disait au Père éternel je vous confesse et vous loue, mon Père, et je vous offre cette créature digne de vous être présentée, comme élue entre toutes les créatures pour ma chère mère, et comme preuve de nos attributs infinis. Elle seule a su dignement et pleinement reconnaître et agréer de tout son coeur limmense bienfait accordé aux hommes, en me faisant homme et en les délivrant de la mort éternelle ; ainsi nous ne pouvons pas rejeter les prières de notre bien-aimée.
A lheure ensuite où saccomplit lineffable incarnation, la divinité se manifestait à elle dune manière intuitive, avec une gloire plus grande que celle dont jouissent tous les bienheureux. Elle priait alors pour la conversion du monde, pour laccroissement de lÉglise, lassistance des ouvriers apostoliques, et pour les âmes du purgatoire, elle envoyait les anges les délivrer, ce quelle faisait comme reine, et elle commandait aux âmes délivrées de rendre grâces dans le ciel à la très-sainte Trinité, pour le grand bienfait de lincarnation. Elle célébrait la sainte naissance de son divin fils dune autre manière, et elle recevait de nouvelles faveurs. La veille elle sappliquait dans la retraite à des exercices dactions de grâces, de
288
louanges, de prostrations, et à lheure de la naissance son très-saint fils descendait du ciel avec des milliers danges et de saints, accompagné aussi de saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, sainte Elisabeth et saint Jean-Baptiste son fils et dautres saints patriarches. La grande reine était placée par les anges sur le trône du divin fils, et loratoire devenait un paradis, les anges chantaient le cantique, gloria in excelsis Deo, et in terra pax etc., et dautres cantiques composés par la divine mère, en actions de grâces de ce grand bienfait, à la louange de la divinité. Après quelque temps la grande reine demandait à son fils la permission de descendre du trône, et layant obtenue, elle se prosternait à terre au nom de tous le genre humain, et lui rendait grâces dêtre venu au monde pour le racheter; ensuite elle faisait une fervente prière pour tous les enfants de lÉglise, afin quils obtinssent la vie éternelle, et faisait valoir en leur faveur sa miséricorde infinie. Le Seigneur agréait cette prière de cette mère et lui accordait de disposer, comme maîtresse absolue, de ses mérites et de ses miséricordes. Enfin elle demandait aux saints de remercier le Seigneur pour elle et en son nom. Et le fils après lui avoir donné la bénédiction sen retournait au ciel.
Jamais les hommes ni même les anges ne parviendront à comprendre ce que le monde doit à cette divine mère, pour les faveurs et les miséricordes, obtenues en faveur du genre humain, particulièrement dans ces fêtes quelle célébrait, rendant toujours grâces au Très-Haut au nom du monde entier. Le jour anniversaire de la circoncision, dans laquelle le Verbe incarné répandit les prémices de son sang pour notre salut, elle se retirait selon sa coutume pour faire ses exercices accoutumés; son divin fils descendait du ciel avec son cortège ordinaire danges et de saints; les actes que fai-
289
sait la divine-mère étaient ineffables, en considérant avec-sa profonde sagesse que le Verbe incarné sétait assujetti dans ce jour à la loi des pécheurs comme sil lavait été lui-même. La grande reine shumiliait au-dessous de la poussière, et portait une vive compassion à tout ce que souffrit lenfant Dieu dans cet âge si tendre; elle acceptait cette immense bienfait pour tous les enfants dAdam, et elle pleurait avec des larmes de sang loubli universel et lingratitude des hommes, qui faisaient si peu de cas de ce sang versé, et voyant quon correspondait si peu à cet ineffable bienfait, elle était pleine de confusion en présence de son souverain, Cest pourquoi elle offrait de mourir dans les souffrances, de répandre son sang et de donner la vie pour correspondre à ce grand amour. Elle passait tout ce jour dans ces entretiens avec le Seigneur, et ajoutait des nouvelles inventions de son amour au profit des mortels; elle priait la divine majesté de répandre sur tous les vivants, les faveurs et les grâces quelle recevait de sa main toute-puissante et de sa bonté infinie, et quelle seule souffrit pour son amour, afin que tous se convertissent et que personne ne se damnât. Elle offrait le sang de son fils versé dans la circoncision au Père éternel et lhumilité quil éprouva dans cette action. Elle ladorait comme Dieu et homme véritable. Ensuite son divin fils la bénissait et remontait au ciel; elle se prosternait le visage contre terre, shumiliait profondément, sestimait indigne que la terre la supportât, et elle rendait toujours grâces à la divine majesté de ses grandes miséricordes.
Elle célébrait la fête de ladoration des Mages, et elle sy préparait plusieurs jours auparavant, pour disposer les dons quelle voulait offrir au Verbe incarné. La principale offrande que la prudente grande reine cherchait à préparer était lor: qui sont les âmes quelle voulait ramener à la grâce, elle se
290
servait du ministère des anges, quelle excitait à aider les âmes par de fortes et spéciales inspirations à se convertir à la sainte foi, elle faisait de ferventes prières, par lesquelles elle ramenait un grand nombre dagonisants à une véritable pénitence et les sauvait. A ce premier don elle ajoutait le second, qui était la myrrhe dinnombrables prostrations à terre, et en forme de croix, et dautres exercices de mortifications. La troisième offrande était lencens, qui consistait dans des oraisons jaculatoires enflammées, et des élans damour ineffable, avec des affections douces et pures de son coeur virginal. Son fils descendait du ciel dans ce jour avec son cortège ordinaire, et elle invitait les esprits bienheureux à lui venir en aide, aussitôt elle offrait à son fils avec un grand respect et une vénération admirable, les dons dont nous avons parlé, au nom de tous les- hommes, et elle priait pour eux. Elle était élevée sur le trône divin, et le très-saint fils, afin que sa mère bien-aimée prit quelque repos dans les élans de ses ardentes affections, linclinait sur son sein, et tandis que les anges chantaient des cantiques de louanges, le Seigneur la remplissait de célestes bénédictions. Après lavoir comblée de nouvelle faveurs Jésus retournait au ciel, et prosternée à terre elle rendait grâces à la miséricorde infinie.
Elle faisait aussi la commémoration du baptême de Notre-Seigneur quelle remerciait de cet inappréciable bienfait. Et après plusieurs ferventes prières, elle se retirait pendant quarante jours pour célébrer le jeune du rédempteur quelle faisait de la même manière, dans tout ce temps elle ne sortait pas de loratoire, ne mangeait point, et ne buvait ni ne dormait, elle recevait uniquement saint Jean pour lui administrer la sainte communion, pendant ce temps le disciple ne séloignait pas du cénacle, et sil venait des malades
291
ou des pauvres vers la divine mère, il les consolait, les soulageait et les guérissait en leur appliquant quelque relique de la mère de la piété. Lorsquon amenait des énergumènes, les démons senfuyaient avant darriver au seuil du cénacle, et laissaient libres les obsédés. Si la grande reine ne mangeait ni ne dormait pendant ces quarante jours, qui pourrait jamais dire les actes intérieurs et extérieurs de culte et de vénération, les prières, les génuflexions que sa très-sainte âme si pleine dactivité faisait? Elle appliquait tout cela pour le bien des fidèles, pour lexaltation de la sainte Église et la justification des âmes. Elle était visitée souvent par son divin fils. Elle était encore visitée dans le jour, par les anges qui venaient du ciel avec une nourriture céleste, pour la fortifier dans les jeûnes, et les mortifications dont elle affligeait son corps virginal si pur; dautres fois le Seigneur lui présentait de ses divines mains la nourriture , lexhortait à restaurer ses forces, et il la remplissait toujours plus de grâces célestes. La reine des vertus faisait dans toutes ses faveurs des actes héroïques dhumilité, de soumission et de respect, se reconnaissant indigne de toutes ces faveurs, et elle demandait de nouvelles grâces pour mieux le servir à lavenir. Après ce jeûne, elle célébrait la fête de sa purification et de la présentation de lenfant Jésus au temple. Elle offrait Jésus son fils au Père éternel: les anges la revêtaient et lornaient dans ce jour dune manière divine, et ainsi parée, elle faisait une longue et fervente prière à la très-sainte Trinité, quelle priait pour tout le genre humain et particulièrement pour lÉglise. En récompense de son humilité pour sêtre assujettie à la loi de la purification, sans quelle en eut aucun besoin, elle recevait un accroissement de grâces, privilèges et faveurs, avec de nouveaux bienfaits pour tous ceux quelle avait recommandés.
292
Elle célébrait avec une préparation plus grande la fête de lascension de son divin fils au ciel, sachant quelle était célébrée avec une grande solennité dans la paradis; elle commençait le jour où se célébrait la résurrection, et pendant tout ce temps elle faisait la mémoire des faveurs et des bienfaits quelle avait reçus de son fils dans cette occasion, et en rendait grâces au Seigneur en faisant de nouveaux cantiques et dautres saints exercices, elle recevait de nouvelles faveurs ineffables et de nouveaux bienfaits de la divinité, par lesquels elle était préparée à en recevoir dautres. Notre-Seigneur descendait le jour de lascension dans loratoire avec son auguste cortège danges, de patriarches et de saints; elle attendait cette visite prosternée le visage contre terre, à genoux confondue avec la poussière et abaissée dans son néant, mais son coeur était élevé au plus sublime degré de lamour divin possible à une pure créature. Le Seigneur ordonnait quelle fut placée sur son trône et mise à sa droite, alors il lui demandait avec bonté ce quelle désirait si ardemment? Elle répondait aussitôt; mon fils et mon Dieu, je désire uniquement lexaltation et la connaissance de votre saint nom, que -lon comprenne le grand bienfait que vous avez accordé, en élevant à la droite du Père éternel la boue de notr,e misérable humanité, et que tous glorifient votre divinité. Ma mère et ma colombe répondait le fils, venez à la céleste patrie où tous vos désirs seront accomplis, et vous jouirez de la solennité de ce jour parmi les habitants du ciel. Aussitôt limmense procession se dirigeait vers le ciel, à travers les airs. Arrivée au trône auguste de la très-sainte Trinité, elle se prosternait avec une grande humilité, et faisait un admirable cantique de louanges et dactions de grâces qui renfermait tous les mystères de lincarnation et de la rédemption avec toutes les victoires du fils contre la mort et contre
293
lenfer. Le Très-Haut y prenait ses complaisances, les saints y répondaient par dautres cantiques, et glorifiaient le Tout-puissant dans cette créature si admirable, et tous éprouvaient une nouvelle joie à la vue de leur reine. Elle était ensuite élevée à la droite dû fils et la divine essence lui était manifestée intuitivement, et après lavoir illuminée et ornée, le Seigneur lui donnait lentière possession de son bienheureux royaume préparé pour elle dès léternité. Chaque année elle recevait cette ineffable faveur, et elle était interrogée si elle voulait rester dans la Jérusalem céleste, mais sa charité pour les fidèles lattirait à retourner dans la vallée des larmes. La très-sainte Trinité agréait chaque année ce sacrifice et cette charité pour le prochain, qui faisait ladmiration de toute la cour céleste. Après ces merveilles la grande reine faisait des prières pour lexaltation du saint nom de Dieu, pour laccroissement de lÉglise, lassistance des ouvriers évangéliques, le salut des pécheurs et la victoire contre lenfer. Toutes ses demandes étaient exaucées et elle saccomplissent dans lEglise dans tous les siècles; et les effets de la grande protection dune si puissante avocate seraient bien plus grands, si les péchés du monde ne les empêchaient. Ensuite les anges lapportaient leur reine sur un char de lumière, en chantant des hymnes à sa louange jusques à son oratoire. Elle se prosternait aussitôt à terre et shumiliait toujours davantage, et rendait grâces au Seigneur de ses grandes miséricordes. Saint Jean fut témoin de ces merveilles, et plusieurs fois il vit la divine mère toute resplendissante de la divine lumière, et comme la grande maîtresse de lhumilité se tenait toujours à terre à genoux, et était prosternée aux pieds de lévangéliste pour lui demander la permission pour les plus petites choses, saint Jean avait ainsi loccasion de la voir et de ladmirer, à la grande joie de son esprit.
294
La grande reine considérait les effets et les bienfaits de cette grande fête de lascension, pour célébrer dune manière plus digne la venue de lEsprit-Saint, elle se préparait ainsi les neuf jours précédents, demandant par ses ardentes prières au Seigneur quil lui renouvelât les dons ineffables de son Esprit-Saint, et lorsque le jour si heureux pour lÉglise était arrivé, ses desseins étaient accomplis par la toute-puissance divine, car à la même heure que lEsprit-Saint descendait sur lÉglise rassemblée dans le cénacle, il descendait chaque -année sur la divine mère, temple vivant du divin Esprit. Elle était assistée dans cette ineffable faveur de milliers danges qui chantaient avec une douce mélodie des cantiques à lEsprit-Saint, qui lenflammait et renouvelait par une surabondance de dons et par laccroissement ceux quelle possédait déjà dans un degré si éminent. Elle rendait dhumbles actions de grâces au Seigneur davoir achevé par cette venue loeuvre de la rédemption; ensuite elle demandait avec ardeur de daigner continuer dans la sainte Eglise pour ce temps et pour les siècles futurs les effusions de sa grâce et de sa puissance, sans regarder les péchés des hommes; et toutes ses prières étaient exaucées par lEsprit-Saint. A ces fêtes la grande reine en joignait encore deux autres; lune de tous les anges, lautre de tous les saints. Elle se préparait à la première quelques jours auparavant par ses exercices ordinaires, cri récapitulant dans des cantiques de louanges les oeuvres de la création des esprits bienheureux, particulièrement celles de la grâce sanctifiante, et de leur glorification, dont elle connaissait comme mère de la sagesse les mystères en chacun deux. Au jour fixé elle les invitait tous à glorifier le Très-Haut, et il en descendait des milliers de tous les ordres avec une gloire admirable dans son oratoire, ils formaient deux choeurs: dun coté les anges de lautre leur
295
reine, et ils chantaient alternativement pendant tout ce jour à la gloire du suprême créateur qui sétait manifesté par les oeuvres de la création, principalement en créant une mère si pure et si sainte. Un autre jour elle célébrait la fête de tous les saints qui avaient vécu sur la terre, elle sy préparait auparavant par de longues prières et ses exercices ordinaires, ensuite au jour de la fête, les anciens patriarches, les prophètes et les autres saints descendaient dans loratoire. Elle chantait de nouveaux cantiques de reconnaissance pour la gloire de tous les saints, parce que la rédemption et la mort de son fils avaient été efficaces en eux; elle pénétrait le profond secret de la prédestination des saints. Elle se réjouissait dans ce jour de voir tant de personnages si distingués, assurés de la bienheureuse éternité et elle en bénissait le Père des miséricordes. Elle célébrait cette fête comme maîtresse de lEglise, dans laquelle elle prévoyait quelle se célébrerait dans les temps futurs.
Dans les dernières années de sa très-sainte vie, elle opérait avec une activité plus quangélique, le jour et la nuit sans quelle restât un seul moment oisive, car elle ny avait jamais été dès le premier instant de sa conception, pas même dans son sommeil. Le poids de la nature corporelle ne lui était pas un obstacle, elle était infatigable comme un ange, elle était comme Une flamme et un grand incendie dans son activité, et tout ce quelle faisait à la gloire du Seigneur lui paraissait toujours peu de chose.
296
Haut du document
CHAPITRE XLVI
LARCHANGE GABRIEL ANNONCE A LA SAINTE VIERGE SON HEUREUSE MORT. MERVEILLES QUI ARRIVENT.
La très-sainte Vierge était parvenue à lâge de soixante-sept ans, sans avoir jamais interrompu, pas même le plus petit instant, le cours de ses oeuvres admirables et héroïques, ni arrêté les élans de son coeur, ni diminué les feux de son amour; au contraire celui-ci ayant toujours continuellement augmenté dans tous les moments de la vie, elle sétait en quelque manière spiritualisée et déifiée, de sorte que les flammes de son coeur ardent ne lui permettaient aucune sorte de repos. Le Père éternel désirait sa fille unique, le Verbe sa bien-aimée, et le Saint-Esprit sa très-pure épouse. Les anges souhaitaient vivement la vue de leur reine; les saints désiraient ardemment la présence de leur grande souveraine, et tous les cieux demandaient à leur manière leur impératrice, afin quelle les remplit tous de gloire et de joie. La très-sainte Trinité envoya larchange Gabriel avec une multitude desprits bienheureux, pour annoncer à leur reine dans quel temps, et de quelle manière elle passerait à la gloire éternelle. Le Prince céleste descendit avec le cortège des anges dans loratoire, où il trouva la divine mère prosternée à terre en forme de croix, qui demandait avec larmes miséricorde pour les pécheurs. Et comme réveillée par la mélodie des anges, elle se releva et resta à genoux pour entendre lembassade du Seigneur. ils arrivèrent tous avec des couronnes et des palmes à la main, toutes différentes, qui signifiaient diverses récompenses et mérites de la grande reine. Larchange layant saluée par lAve Maria, continua:
297
Le Tout-Puissant et le saint des saints nous envoie à votre Majesté, pour vous annoncer de sa part lheureuse fin de votre pèlerinage: Ils vous reste encore trois ans pour être reçue pour toute léternité dans la gloire bienheureuse, où tous les habitants vous désirent. Elle reçut cette agréable nouvelle avec une joie ineffable et prosternée de nouveau à terre, elle répondit de la même manière quà lannonciation: Je suis la servante du Seigneur, quil me soit fait selon votre parole. Elle pria les anges de laider à rendre grâce au Seigneur pour cette nouvelle si agréable, et elle commença un nouveau cantique-dactions de grâces, les esprits bienheureux y répondirent pendant deux heures, ensuite elle ordonna aux anges de prier le Seigneur de la préparer à ce passage. Larchange lui répondit quelle serait obéie, et ayant pris congé, il retourna à lempyrée; elle resta le visage contre terre en versant des larmes dhumilité et de joie, et elle dit ces paroles: Terre, je vous rends les grâces que je vous dois, de ce que sans lavoir mérité vous mavez supportée pendant soixante-sept ans; comme jai été créée de vous et en vous; quainsi de vous et par vous jarrive à la fin désirée de la vue et de la possession de mon créateur. Elle fit encore un long entretien avec les créatures.
Du moment quelle eut reçu cet avis, elle senflamma du feu de lamour divin, de sorte quelle multiplia ses exercices, comme si elle avait eu quelque chose à réparer, semblable à un voyageur qui,. voyant venir le soir lorsquil lui reste encore à faire une grande partie de son chemin se hâte et marche avec rapidité, en ranimant ses forces; la grande reine ne faisait pas cela par crainte de la mort, ni par le danger du péché quelle navais jamais commis; mais à cause de son grand amour et de son désir de la lumière éternelle, elle se hâtait donc dans ses héroïques actions, non pour arriver
298
plutôt, mais afin dentrer plus riche et plus heureuse dans léternelle jouissance du Seigneur. Elle envoya ses anges à tous les apôtres et à tous les disciples dispersés dans le monde, afin de les animer toujours plus aux entreprises héroïques, et dans ces trois ans elle le fit plusieurs fois; de même elle fit des démonstrations damour plus grandes à tous les fidèles qui étaient à Jérusalem, et de pressantes exhortations dêtre fermes dans la foi, et quoiquelle gardât le secret, néanmoins elle agissait comme une personne qui sattend à partir, et qui veut laisser tout le monde comblé de biens. Il en fut autrement avec saint Jean, car un jour à genoux à ses pieds, elle lui demande la permission de parler, et après lavoir obtenue elle lui dit: Mon Seigneur et mon fils, vous savez quentre toutes les créatures je suis la plus redevable au pouvoir divin. Sachez que la divine miséricorde a daigné me faire connaître que le terme de ma vie mortelle pour passer à la vie éternelle arrivera bientôt, il ne me reste que trois ans pour finir mon exil; je vous supplie donc, mon Seigneur de maider dans ce temps si court, afin que je mapplique à chercher à correspondre en quelque chose aux immenses bienfaits que jai reçus; priez pour moi, je vous en supplie de lintime de mon coeur.
Ces paroles brisèrent le coeur si aimant de saint Jean, et il répondit tout en larmes ma mère et ma – reine, je suis résigné au bon plaisir de Dieu et au vôtre. Ma mère et ma reine, puisque vous êtes toute miséricordieuse, daignez secourir votre fils qui va se trouver seul, privé de votre précieuse compagnie; saint Jean ne put proférer dautre parole, oppressé par le sanglots et la douleur; et quoique la miséricordieuse mère lanimât, néanmoins dès ce jour le saint apôtre fut pénétré et accablé dune si grande tristesse, quelle laffaiblissait et le rongeait, comme il arrive aux fleurs qui
299
deviennent languissantes au coucher du soleil. La miséricordieuse mère lui promit de lassister toujours comme une tendre mère, et elle pria son très-saint fils pour lui, afin quil ne perdit pas la vie. Saint Jean fit part de cette nouvelle à saint Jacques-le-Mineur, évêque de Jérusalem, et dès ce moment les deux apôtres furent plus assidus à visiter la divine maîtresse. Dans le cours de ces trois dernières années, le pouvoir divin disposa par une douce et secrète force, que toute la nature commençât à sémouvoir et à prendre des signes de deuil, pour la mort de celle dont la vie donnait la, beauté à toutes les choses bées. Les apôtres, quoique dispersés dans le monde, ressentaient un vif désir de voir leur mère et maîtresse; les autres fidèles, qui étaient plus voisins, éprouvaient un pressentiment intérieur, que leur trésor et leur joie ne resterait pas longtemps parmi eux. Toutes les créatures sémurent et gémirent, les cieux, les animaux et les oiseaux, et six mois avant la mort, le soleil, la lune et les étoiles donnèrent une lumière plus faible quà lordinaire. Les hommes en ignoraient la cause, saint Jean seul accompagnait ces signes de ses larmes, ce qui fit que tous les pieux fidèles de Jérusalem en connurent la raison; cest pourquoi ils accoururent au cénacle, pour vénérer la grande reine, ils se jetaient à ses pieds, lui demandaient la bénédiction et baisaient la terre, quelle avait foulée de ses pieds divins. La mère de la miséricorde les consolait tous. Et quoique cette perte fut inévitable pour les fidèles, la miséricordieuse mère sémut dans ses entrailles maternelles; et par ces prières et ses larmes, la-grande reine fit que tous les fidèles et tous les enfants de lEglise obtiendraient toutes les grâces temporelles et spirituelles quils désireraient; (1) aussi il est impossible de
(1) Nest-ce pas exactement la parole de saint Bernard , qui défie toutes les générations, dentendre jamais dire quaucun de ceux, qui se sont adressés à Marie, en ait été abandonné. On na jamais entendu dire quaucun de ceux, qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance et réclamé votre secours, ait été abandonné de vous. Ah! fidèles, priez donc Marie pour vous, pour les autres, pour vos âmes, pour vos corps, pour lÉglise, pour lEtat.
300
rapporter le concours immense des personnes qui allaient auprès delle, et les miracles quelle opérait en faveur de tous. Elle en convertit un grand nombre aux vérités de la foi; elle mit un nombre immense dâmes en état de grâce; elle remédia aux nécessités des misérables, en les secourant miraculeusement; elle les confirma tous dans la crainte de Dieu, dans la foi et dans lobéissance à la sainte Église; et comme trésorière des richesses divines, elle ouvrit les portes du trésor divin, et en enrichit les fidèles de lÉglise avant de téloigner deux. De plus elle les consola tous, et leur promit de faire beaucoup plus du haut du ciel, lorsquelle y serait parvenue.
Cependant son très-pur esprit était élevé avec des élans inconcevables, par les flammes de son amour, jusquà la sphère de la Divinité, sans pouvoir arrêter limpétuosité de son coeur enflammé; pour donner quelque adoucissement à ses violences, elle se retirait seule et apaisait ses ardeurs avec le Seigneur, en disant: Mon doux amour, mon bien unique, trésor de mon âme, attirez-moi après vous à lodeur de vos parfums; brisez maintenant les liens de la mortalité, qui me retiennent. Esprits célestes, dites à votre Seigneur et au mien la cause de ma douleur; dites-lui, que pour lui plaire, jembrasse les souffrances pour mon exil, et cest ce que je veux; mais je ne puis vouloir vivre en moi, mais seulement en Dieu; sil veut donc que je vive, comment pourrai-je vivre étant éloignée de lui, qui est ma vie? Dune part il me donne la vie, et de lautre il me lôte ; parce que la vie ne peut être sans lamour, comment donc pourrais-je exister sans la vie,
301
qui-est celui que jaime uniquement? Je languis dans cette douce violence. Par ces paroles et par dautres beaucoup plus tendres, la Vierge-Mère apaisait lincendie de son coeur enflammé à ladmiration et à la joie des anges mêmes, qui lassistaient et la servaient. Son divin fils la visitait plus souvent que par le passé et la fortifiait par ses visites; elle renouvelait ses prières pour lEglise et pour tous les ministres, qui, dans les siècles à venir, devaient la servir dans la prédication évangélique. Parmi les merveilles, que fit le Seigneur à sa divine mère dans ces derniers temps, il y en eut une qui fut non-seulement connue du saint évangéliste, mais encore de plusieurs autres fidèles qui lapprochaient ; cétait que lorsque la grande reine communiait, elle restait pendant plusieurs heures, revêtue dune telle splendeur et clarté quelle paraissait transfigurée, comme son divin fils au Thabor, à la grande joie de ceux qui avaient le bonheur de la contempler.
Elle demanda à saint Jean la permission de sortir de la maison avec lui et les milles anges qui lassistaient, et elle alla visiter les lieux saints, auxquels elle dit adieu en versant des larmes; mais elle sarrêta pendant longtemps sur le mont du Calvaire, elle pria pour ses bien-aimés fidèles présents et futurs, et en considérant la douloureuse mort de son fils en faveur du genre humain, la flamme de son ardente charité saccrut si fort, quelle aurait perdu la vie, si son divin fils ne fût venu lui-même, qui lui dit: Ma mère et ma colombe, coadjutrice de la rédemption des hommes, vos demandes sont déjà arrivées à mon coeur, je vous promets que je serai très-libéral envers les hommes et leur donnerai de continuels secours, afin quavec leur libre volonté, ifs puissent mériter, par les mérites de mon sang, la gloire éternelle, sils ne la méprisent pas; et dans le ciel vous serez leur médiatrice et leur avocate , et je comblerai de. mes faveurs et de mes mi-
302
séricordes infinies, tout ceux qui obtiendront votre protection. La divine mère, prosternée à ses pieds, lui rendit de très-humbles actions de grâces, et ayant été fortifiée dans ses amoureuses peines, elle baisa avec un grand sentiment dhumilité cette terre consacrée, par la mort dun Dieu fait homme; elle ordonna aux saints auges, de garder continuellement ces lieux sacrés et de les défendre toujours; elle dit aussi aux saints anges et à saint Jean de les bénir, ce quils firent aussitôt. Elle retourna à son oratoire, et lorsquelle y fut arrivée tout attendrie et en larmes, elle dit adieu à la sainte Église, en disant: Église sainte et catholique, qui dans les siècles futurs vous appeler romaine, ma mère et ma reine, véritable trésor de mon âme; vous avez été lunique consolation de mon exil, mon refuge et mon soutien dans mes douleurs; vous êtes ma force et ma joie, dans vous jai vécu étrangère et éloignée de ma patrie, et vous mavez entretenue depuis que jai reçu en vous la vie de la grâce, par votre chef et le mien, Jésus mon fils et mon Seigneur; vous êtes pour les fidèles, ses enfants, un guide assuré pour les conduire à la gloire; vous les fortifiez dans ce dangereux pèlerinage. Vous mavez orné et enrichi de vos beaux ornements, pour entrer aux noces de lépoux, en vous habite votre chef dans ladorable sacrement; heureuse Église militante, ma bien-aimée, il est déjà temps que je vous laisse, daignez mappliquer vos bien si précieux, lavez-moi dans le sang divin de lagneau, qui vous a été confié, et qui peut sanctifier plusieurs mondes couverts de péchés. Sainte Eglise, mon honneur et ma gloire, je vous laisse dans la vie mortelle, mais je vous trouverai glorieuse dans la vie éternelle; de là, je vous regarderai avec tendresse, et je prierai toujours pour votre prospérité et vos progrès.
Après avoir fait cet adieu, la grande reine résolut de faire
(303)
son testament, elle en demanda la permission au Seigneur, qui voulût le confirmer par sa divine présence; la très-sainte Trinité vint elle-même dans son oratoire, avec des milliers dEsprits bienheureux; il sortit du trône divin une voix, qui dit: Notre épouse et notre élue, réglez votre dernière volonté selon votre désir, car elle sera accomplie et confirmée par notre divine puissance. Seigneur tout-puissant, Dieu éternel, dit-elle avec une profonde humilité, moi, vil vermisseau de terre, je vous reconnais et vous adore du plus profond de mon âme, Père, Fils et Saint-Esprit, trois personnes distinctes dents une seule nature, indivisible et éternelle; je déclare et je dis que ma dernière volonté est celle-ci: Je nai rien à laisser des biens temporels, car je nai jamais possédé autre chose, que vous, mon souverain bien; je remercie toutes les créatures, qui mont entretenue sans que je le méritasse! Je laisse à Jean deux tuniques et un manteau, qui ma servi pour me couvrir, afin quil en dispose selon son plaisir, comme mon fils. Je demande à la terre de recevoir mon corps; je remets mon âme, dépouillée enfin de son corps, dans vos mains, ô mon Dieu, afin quelle vous aime éternellement. Je laisse la sainte Église, ma mère, héritière universelle de tous mes mérites, que jai acquis parle moyen de votre grâce et par mes souffrances, afin quils servent à lexaltation de votre saint nom. En second lieu, je les offre pour les apôtres bien-aimés, et pour les prêtres présents et ceux qui existeront dans lavenir, afin quils deviennent de
dignes ministres, pour édifier et sanctifier les âmes. En troisième lieu, je les applique pour le bien spirituel de mes dévots, qui me serviront, minvoqueront et intercèderont auprès de moi, afin quils reçoivent votre grâce et à la fin la vie éternelle En quatrième lieu, je désire et je souhaite que vous vous considériez, comme obligé par mes souffrances et
304
mes oeuvres envers tous les pécheurs, enfants dAdam, afin quils sortent du malheureux état du péché; et dès ce moment je désire et je veux intercéder toujours pour eux, en votre divine présence tant que le monde durera. Ceci est, mon Seigneur et mon Dieu, ma dernière volonté toujours soumise à votre bon plaisir. Lorsquil fût terminé, la très-sainte Trinité le confirma et le Christ lapprouva, en gravant dans le coeur de sa mère ces paroles: Il sera fait comme vous voulez et ordonnez. Prosternée le visage contre terre, elle fit de très-humbles actions de grâces et elle demanda que les apôtres vinssent lassister, afin de prier pour elle dans ce passage, et quelle mourût avec leur bénédiction, ce qui lui fut accordé. Les personnes divines cessèrent dêtre visibles, et lhumanité de Jésus-Christ retourna à lempyrée.
Haut du document
CHAPITRE XLVII
LHEUREUSE MORT DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE. ET SÉPULTURE DE SON CORPS TRÈS-PUR.
Le jour auquel lArche véritable du Testament devait être placée dans le temple de la Jérusalem céleste sapprochait; trois jours auparavant les apôtres et les disciples furent réunis dans le cénacle par le ministère des anges. Les forces corporelles de la grande reine cédaient déjà un peu à la violence de lamour divin, parce que dautant plus elle se rapprochait du souverain bien, dautant plus grandement quelle
305
participait à la qualité de lamour qui est Dieu même. Là grande reine, vint à la porte de loratoire, recevoir le Vicaire de Jésus-Christ, saint Pierre, et sétant mise à genoux, elle lui demanda sa bénédiction, rendant grâce au Très-Haut de cette consolation, elle en fit de même avec tous les autres apôtres. Elle se retira dans son oratoire et saint Pierre fit un discours aux disciples dans le cénacle, ils entrèrent tous dans loratoire pour lassister, ils la trouvèrent n genoux sur un petit lit dont la divine mère se servait toujours pour se coucher, lorsquelle prenait un peu de repos , ils la virent toute éclatante de beauté, revêtue de splendeurs célestes, entourée de ses mille anges qui lassistaient sous une forme visible. Létat naturel de son très-saint corps virginal et ses traits étaient aussi ceux quelle avait lorsquelle était âgée de trente-trois ans, elle navait ni rides dans ses mains et sur son visage, elle ne fut ni faible, ni plus décharnée avec les années, comme il arrive à tous les enfants dAdam : ce fut un privilège spécial de la très-sainte Vierge qui correspondait au privilège de son âme très-sainte, afin quil parut dériver de celui davoir été exempte de la faute dAdam, dont les effets ne se firent sentir en aucune manière dans son très- saint corps, de même quils navaient jamais eu accès dans son âme très-pure.
Saint Pierre et saint Jean, se mirent à genoux au chevet du lit, et les autres tout autour suivant leur rang. La grande reine les regarda tous avec sa modestie et sa pudeur ordinaire et elle leur dit : Mes chers enfants; permettez à votre servante de parler. Et saint Pierre, répondit que tous lécouteraient volontiers comme elle le désirait, mais quelle sassit sur le lit comme maîtresse et reine de tous. Elle obéit aussitôt, et elle les pria de lui donner tous la bénédiction, ce quils firent pour lui obéir, en versant des larmes en
306
abondance à la vue dune si profonde humilité unie à une si incomparable grandeur. Elle se leva de son lit et se mit à genoux, par terre, en présence de saint Pierre, en disant mon seigneur, je vous supplie comme pasteur universel de me donner en votre nom et au nom de toute lEglise, dont vous êtes le chef, votre sainte bénédiction, et de pardonner à votre servante de vous avoir si peu servi dans le temps de ma vie, car je vais aller de celle-ci à celle qui est éternelle, et si vous y consentez, permettez que Jean dispose de mes vêtements qui sont deux tuniques pour les donner à deux pauvres filles qui mont plusieurs fois rendu service par leur charité. Après ces paroles, elle se prosterna à terre et baisa les pieds à saint Pierre avec une abondance de larmes, dont ils furent tous attendris. Ensuite elle se mit aux pieds de saint Jean, en disant : Jean, mon fils et mon seigneur, pardonnez-moi de navoir pas exercé envers vous mes devoirs de mère, comme je devais et comme le Seigneur me lavait ordonné : je vous remercie profondément de la bonté avec laquelle vous mavez assistée, comme mon fils; et vous, bénissez-moi pour parvenir à la possession de mon Bien. Elle continua à prendre congé des apôtres et de quelques uns des disciples, ensuite de tous les autres. Elle se leva et parla ainsi à tous les assistants : mes chers enfants, et mes seigneurs, je vous ai toujours conservés au-dedans de mon âme, et vous ai aimés tendrement avec la charité qui ma été commandée par mon très-saint Fils que jai toujours considéré en vous tous. Pour accomplir sa sainte volonté, je pars pour les demeures célestes, doù je vous promets que comme mère, vous me serez présents dans la claire lumière de la divinité. Je vous recommande lÉglise ma mère, lexaltation du saint nom de Dieu, et la propagation de sa loi évangélique; lamour des paroles de mon très-saint fils, la
307
mémoire de sa vie, de sa- passion et de sa mort. Aimez la sainte Église, et aimez-vous les uns les autres de tout votre coeur; et à vous Pierre, pontife saint, je vous recommande mon fils Jean et tous les autres.
Elle cessa de parler, et ses paroles, comme des flèches enflammées pénétraient et attendrissaient tous les coeurs, et versant un torrent de larmes, ils se jetèrent tous par terre
avec des gémissements et des sanglots tels, quils attendrirent au suprême degré la miséricordieuse mère, qui ne pouvait résister à ses plaintes si amères de ses enfants bien-aimés. Après quelque temps, elle les pria de prier tous en silence pour elle et avec elle. Au milieu de ce silence, le Verbe incarné, descendit du ciel, sur un trône de gloire ineffable,
accompagné de tous les saints et dun nombre infini danges et le cénacle fut tout rempli de lumière. La chère mère lui baisa les pieds, et ladora, elle fit le dernier acte dhumilité
et de culte d-ans sa vie mortelle par lequel elle surpassa tous les hommes ensemble, elle se recueillit et se confondit avec la poussière, quoiquelle fût mère de Dieu. Le divin fils la bénit et en présence de cette assemblée de saints, il lui dit: chère mère, il est déjà temps de passer pour toujours au paradis, où un trône vous est préparé à ma droite; puisque je vous ai fait, comme ma mère, entrer dans le monde, pure et exempte de toute tache de péché, ainsi pour en sortir, la mort na aucun droit de vous toucher; si donc, vous ne voulez pas passer par elle à la vie bienheureuse, venez avec moi sans mourir, participer à la gloire que vous avez déjà mérité. La mère, avec un visage joyeux et la tête inclinée, répondit: Mon fils et mon Seigneur, je vous demande que votre mère et votre servante entre dans la vie éternelle, par la porte commune des enfants dAdam et comme vous Dieu véritable. Le Seigneur approuva ce sacrifice dhumilité, les
308
anges commencèrent à chanter quelques versets des cantiques; cette harmonie était entendue de tous, et non-seulement loratoire mais tout le cénacle fut rempli dune admirable splendeur, de sorte quà cette merveille il accourut de la ville un si grand nombre de personnes, que le passage des rues en était empêché, le Seigneur permettant quil y eût plusieurs témoins de cette grande merveille et de la gloire de sa mère.
Lorsque les anges commencèrent à chanter ce premier verset: Venez ma colombe, elle se coucha sur le lit et la tunique resta comme collée à son corps sacré, les mains jointes et les yeux fixes sur son divin fils, elle était tout embrasée des feux du divin amour. Lorsque les anges arrivèrent en chantant à ce verset: Surge, propera, amica mea, elle dit à son divin fils les mêmes paroles quil avait prononcées, lorsquil expira sur la croix: Seigneur je remets mon âme entre vos mains. Et ayant fermée ses yeux très-purs, la sainte Vierge expira. De sorte que la maladie, qui lui ôta la vie, fut lamour, sans aucune autre cause, ni maladie daucune espèce; et cela se fit ainsi : le pouvoir divin suspendit le concours miraculeux, par lequel jusqualors elle avait conservé les forces naturelles, pour ne pas être consumée -par lardeur surnaturelle et le feu sensible quentretenait en elle lamour divin; mais le miracle ayant cessé, le feu de lamour produisit son effet, en consumant lhumide radical du coeur et ainsi la vie naturelle du corps eut sa fin. Lâme très-sainte et très-pure passa au trône et à. la droite du fils, environnée dune gloire immense, et aussitôt les heureux assistants étonnés, commencèrent à entendre que la musique des anges séloignait déjà à travers la région de lair. Le très-saint corps virginal, qui avait été le temple et le sanctuaire de lEsprit-Saint, resta tout éclatant de lumière et de splen-
309
deur, et il répandait un parfum céleste, dont les assistants étaient intérieurement et extérieurement réjouis. Les mille anges gardiens de la grande reine restèrent pour garder linestimable trésor. Les apôtres et les disciples furent comme dans le ravissement pendant quelques temps, au milieu des larmes de deuil et de joie, ensuite ils chantèrent des hymnes et des cantiques de louange à la divine mère. Cette glorieuse mort eut lieu un vendredi, trois heures avant le coucher du soleil, le treize du mois daoût; la sainte Vierge était âgée de soixante-dix ans moins vingt-six jours. Voici lexacte supputation des années de sa vie; à la naissance du Christ, la Vierge-Mère avait quinze ans, trois mois et dix-sept jours. A sa passion et à sa mort, elle avait quarante-huit ans, six mois et dix-sept jours. Il faut ajouter à ceux-ci, vingt-un ans quatre mois et dix-neuf jours, quelle survécût à son fils, ce qui donne soixante-dix ans, moins vingt-six jours. (1)
Un grand nombre de miracles se firent à cette précieuse mort de la grande reine de lunivers: le soleil séclipsa pendant quelques heures, il vint au cénacle un grand nombre doiseaux de diverses espèces, et par un chant plaintif comme un murmure, ils déploraient à leur manière la mort de la grande reine, et ils donnaient de tels signes de douleur, quils firent fondre en larmes tout ceux qui les entendirent. Toute la ville sémut, et comme saisie détonnement, tous confessaient lé pouvoir du Tout-Puissant. On amena les malades, qui furent tous guéris aussitôt. Toutes les âmes du purga-
(1) La présence des apôtres à la mort de la sainte Vierge, la venue de Jésus, des anges et des saints, sa mort causée par le seul amour divin, sont des faits confirmés par lautorité de tous les docteurs. Si on veut bien lire les deux discours de saint Jean Damascène, sur le trépas de la sainte Vierge, on remarquera la plus parfaite identité entre ces deux récits. Ceci confirme lautorité do ce livre, qui a bien son poids, par lapprobation dont il a été revêtu.
310
toire furent délivrées et allèrent au ciel accompagner leur miséricordieuse mère. Au même instant que mourut la Vierge-Mère, il mourut aussi un homme et deux femmes près du cénacle, mais en état de péché mortel. Lorsque leur cause arriva au tribunal de Jésus-Christ, la miséricordieuse mère demanda grâce et miséricorde pour eux, ils furent rendus à la vie et ayant fait pénitence de leurs péchés, ils persévérèrent dans la grâce et se sauvèrent. (1) Cependant les apôtres avec les disciples versant toujours des larmes, pensèrent à lui donner la sépulture, dans la vallée de Josaphat, où était un sépulcre neuf, préparé par la divine providence; et comme son divin fils avait été embaumé, ils préparèrent des onguents précieux, selon la coutume des juifs, pour en faire de même à légard du corps sacré de la divine mère; on chargea de ce soin les deux pieuses filles, qui avaient hérité les deux tuniques de la grande reine. Ces deux pieuses filles étant entrées avec le baume et un linceul neuf pour
envelopper le sacré corps, la grande splendeur qui en sortait les arrêta et éblouit leurs yeux, de sorte quelles neurent pas le courage dapprocher, car elles ne le voyaient pas. Elles sortirent toutes tremblantes et allèrent en donner avis aux apôtres, qui comprirent que ce corps très-pur, qui était larche sacrée du nouveau testament ne devait pas être touché ni remué même par des vierges. Saint Pierre et saint Jean entrèrent, ils virent la splendeur et entendirent lharmonie
(1) Saint Liguori raconte aussi un fait semblable dans le livre des gloires de Marie: Nous savons bien que quelques chrétiens, dune foi timide hésiteront; mais saint Liguori a été déclaré docteur, et la sacrée congrégation des rits a approuvé ses ouvrages, comme elle a approuvé celui- ci. Sur cette autorité nous nhésitons pas. Quant à la délivrance des âmes du purgatoire, il y a eu plusieurs révélations, quelles avaient été toutes délivrées au grand Jubilé de lan 1300. Est-ce que la mort de la sainte Vierge aurait moins defficacité quun Jubilé; il est sans doute permis de croire que non.
311
divine des anges, qui chantaient: Dieu vous salue, Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous; et dautres répondaient: Vierge avant lenfantement, Vierge dans lenfantement et Vierge après lenfantement. Les apôtres, ravis dadmiration à ces merveilles, se mirent à genoux, et ils entendirent une voix qui dit: Quon ne découvre, ni ne touche le corps sacré. Ils préparèrent un cercueil et la splendeur céleste ayant un peu diminué, les deux apôtres sapprochèrent, ils attachèrent avec une vénération admirable la tunique sur les pieds divins sans les toucher, et aussitôt ils enlevèrent linestimable trésor et le placèrent dans la même position dans le cercueil quils avaient mis sur le lit; ils éprouvèrent que le corps virginal était très-léger, car ils ne ressentirent autre chose que le poids des vêtements, et celui-ci même à peine. Lorsque le corps fut placé dans le cercueil, la splendeur diminua encore davantage, et tous purent voir avec facilité la beauté plus quangélique de son visage virginal et de ses mains, le Seigneur le permettant ainsi pour la consolation de tous les fidèles. On mit autour un grand nombre de cierges, qui, quoique allumés pendant trois jours, ne se consumèrent point. Le Tout-Puissant voulut encore que la sépulture et les prodiges, qui laccompagnèrent, fussent connus de tous; cest pourquoi il toucha tous les habitants de Jérusalem, et par limpulsion den haut tous les juifs et gentils accoururent à cette merveille, car tous les malades étaient guéris dès quils avaient à peine vu le sacré corps, les obsédés étaient délivrés, les affligés étaient consolés et tous éprouvaient une grande consolation intérieure.
Les apôtres mirent sur leurs épaules le cercueil où était le propitiatoire des divines faveurs, ils partirent du cénacle, rangés en procession, et traversant toute la ville, il se dirigèrent vers la vallée de Josaphat, suivis dune multitude im-
312
mense, qui exaltait les grandes qualités et les rares vertus de la glorieuse défunte. Cétait la procession visible. Parlons dune autre, plus belle et plus brillante, mais qui nétait pas visible à tous. Au premier rang étaient les mille anges gardiens de la reine, continuant la musique céleste, qui était entendue par les apôtres, les disciples et plusieurs autres fidèles, elle dura trois jours sans interruption , avec une grande douceur et suavité. Il descendit aussi de ciel plusieurs millions danges et des légions des esprits les plus élevés, ainsi que les anciens pères et prophètes, et en particulier saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, sainte Elisabeth et Jean-Baptiste, et les autres saints, envoyés du haut du ciel, pour assister à la grande cérémonie. La magnifique procession, visible et invisible, formée des habitants dé la terre et de ceux du ciel, savançait à pas lents, tous les assistants versaient des larmes de joie, et étaient vivement touchés, car dans ce jour les trésors de la divine miséricorde étaient ouverts; et non-seulement tous les malades de Jérusalem furent guéris, tous, les énergumènes délivrés, ceux qui étaient dans la tribulation consolés et fortifiés, mais encore un grand nombre daveugles gentils et de juifs obstinés furent éclairés et confessèrent la vérité de la foi évangélique, parvinrent à la connaissance de Jésus-Christ, le confessèrent à haute voix, en versant des larmes, pour le vrai Dieu et rédempteur du monde, et demandèrent le saint baptême. De plus les apôtres, en portant le corps très-pur, éprouvèrent des effets admirables de la divine lumière, et une ineffable consolation intérieure. Et toute cette affluence
de personnes diverses, par lodeur qui sortait du corps sacré, par la musique angélique quils entendaient, par les miracles opérés quils voyaient de leurs propres yeux, étaient dans létonnement et tous attendris , ils se frappaient la poitrine
313
avec une grande componction, et reconnaissaient la défunte pour véritable mère de Dieu, et Dieu pour grand et tout- puissant dans cette créature.
Ils arrivèrent, enfin au bienheureux tombeau dans la vallée de Josaphat, en chantant des hymnes de louange, saint Pierre et saint Jean, prirent le dépôt sacré et le mirent dans le tombeau , ils le couvrirent dun linge blanc et très-fin, avec une grande vénération, et fermèrent le sépulcre; les saints retournèrent au ciel, et les mille anges gardiens continuèrent la céleste harmonie. Tout le peuple revint à la ville, les apôtres et les disciples retournèrent au cénacle, pendant une année entière, une agréable odeur se fit sentir dans ce sanctuaire vénérable. Les apôtres réglèrent que deux à deux, et tour à tour, ils veilleraient au saint sépulcre de leur maîtresse, pendant tout le temps quon y entendrait la musique céleste, et que les autres sappliqueraient à catéchiser, à instruire et à baptiser les convertis. Saint Pierre et saint Jean ne séloignèrent jamais, et les autres venaient -le visiter de jour et de nuit. Il ne faut pas passer sous silence le concours des créatures privées de raison; les oiseaux chantaient sur le tombeau avec des voix plaintives, les bêtes sorties des forêts, témoignaient par des mouvements plaintifs leur douleur de la grande perte de la Maîtresse de lunivers. (1)
(1) Saint Jean Damascène met aussi la mort de la sainte Vierge dans le cénacle et sa sépulture dans la vallée de Josaphat. Les voyageurs en Orient, Vont visiter le tombeau de la Vierge dans la vallée célèbre, où le fils de Dieu doit juger tous let hommes, li donne presque tous les détails rapportés ici. Quant aux animaux, on sait ce quils étaient pour saint François dAssise, il ny a pas lieu donc de douter de ce qui est rapporté ici, dailleurs Adam avant sa chute, avait un plein pouvoir sur les animaux qui lui étaient soumis, mais la sainte Vierge est bien au-dessus dAdam.
314
Haut du document
CHAPITRE XLVIII
ENTRÉE TRIOMPHANTE DE LÂME AUGUSTE DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE DANS LE CIEL, ASSOMPTION DE SON CORPS. ET SON COURONNEMENT.
A peine lâme auguste, et qui na pas dégale de la sainte Vierge, fut séparée du corps, Jésus-Christ la reçut à sa droite sur son trône royal, et limmense procession des anges et des saints se dirigea vers le ciel. Le rédempteur, entra avec sa mère entourée de gloire, sans quil lui fût demandé compte dans un jugement particulier, des dons et des faveurs qui lui avaient été accordés, ni de rien autre chose, selon la promesse qui lui fut faite, lorsquelle fut exemptée du péché originel, comme élue pour reine, comme privilégiée, et nayant pas part à toutes les misères des enfants dAdam. Dès le premier instant de sa conception, elle fut une aurore claire et resplendissante, environnée des rayons du soleil divin, elle surpassa la clarté des plus ardents séraphins, ensuite elle fut élevée jusquà toucher la divinité dans lunion du Verbe avec la sainte humanité, il fut dès lors convenable et nécessaire, que pendant toute léternité elle fût sa compagne, et quil y eût la plus grande ressemblance possible entre le fils et la mère. Le divin rédempteur la présenta sous ce titre auguste devant le trône divin, et il dit:
mon Père éternel, ma chère mère, votre fille bien-aimée, et lépouse chérie de lEsprit-Saint, vient recevoir la possession éternelle de la couronne, et de la gloire que nous lui avons préparée en récompense de ses mérites. Cest celle qui est née parmi les enfants dAdam comme une rose entre les épines, sans tâche, pure et belle, digne dêtre reçue dans
315
nos mains; cest notre élue, notre unique et singulière, à qui nous avons donné la grâce et la participation de nos perfections, au-dessus des règles ordinaires des autres créatures, en elle nous avons déposé le trésor de notre divinité; cest celle qui a trouvé grâce à nos yeux et en qui nous avons pris nos complaisances. Il est donc juste, que ma mère reçoive la récompense comme mère, et si pendant tout le cours de sa vie, elle a été semblable à moi au degré possible à une pure créature, elle doit encore aussi me ressembler dans la gloire et être sur le trône de notre majesté, afin que là où est la sainteté par essence, soit aussi celle qui en a reçu la plus grande participation.
Le Père et le Saint-Esprit approuvèrent aussitôt ce décret du Verbe incarné, et lâme très-sainte de Marie, fut élevée à la droite de son fils sur le trône royal de lauguste Trinité, Cest la plus sublime excellence de notre grande reine, dêtre placée sur le trône nième des personnes divines, et dy avoir le rang et le titre de souveraine Impératrice, lorsque tous les autres habitants du ciel, sont les ministres et les serviteurs du roi Tout-Puissant. Il nest pas possible dexprimer lintensité de la nouvelle joie que reçurent dans ce jour solennel tous les bienheureux, ils entonnèrent de nouveaux cantiques de louanges au Très-Haut, pour la gloire incompréhensible de sa fille, mère et épouse, dans laquelle ils glorifiaient, luvre de sa main toute-puissante; et quoique le Seigneur ne puisse pas recevoir une nouvelle gloire intérieure, puisquelle est infinie de toute éternité ; néanmoins les manifestations extérieures de ses complaisances, pour lheureux accomplissement de ses décrets éternels furent plus grandes dans ce jour, car il sortit une voix du trône divin qui dit: Tous nos désirs et notre divine volonté se sont ac-
316
complis dans la gloire de notre bien-aimée, et tout sest fait à lentière satisfaction de notre complaisance.
Le troisième jour dans lequel lâme très-sainte de la divine mère Vierge jouissait de la gloire, le Seigneur- manifesta à toute la cour céleste, que cétait sa volonté que cette grande âme revînt au monde, et reprit son corps, afin dêtre de nouveau élevée en corps et en âme au trône divin, sans attendre la résurrection générale des morts. Tous applaudirent au décret divin, le rédempteur lui-même descendit du ciel avec lâme glorieuse de sa mère à ses côtés, accompagné des saints et des esprits bienheureux; après être arrivés au sépulcre à la vue du temple virginal du Très-Haut,. le Seigneur parla ainsi aux saints: ma mère a été conçue sans aucune tâche de péché, afin que de sa très-pure substance virginale et immaculée, je me revêtisse de lhumanité avec laquelle je suis venu au monde, racheté déjà de lesclavage auquel il était assujetti, ma chair est la chair de ma mère, elle a encore coopéré avec moi dans loeuvre de la rédemption; ainsi je dois la ressusciter comme je me suis ressuscité, et que ce soit au même moment où je ressuscitai moi-même, car je veux la rendre en tout semblable à moi. Tandis que tous les saints applaudissaient par des cantiques de louanges à ce nouveau bienfait, lâme très-pure de la reine entra aussitôt, par le commandement de son divin fils, dans son corps très-pur, et le ressuscita en le prenant, elle lui communiqua les quatre qualités glorieuses, savoir; la clarté, limpassibilité, lagilité et la subtilité, qui correspondent toutes à la gloire de lâme dont elles tirent leur origine. La sainte Vierge sortit avec ces qualités du sépulcre en corps et en âme, sans remuer la pierre, et ses habits et le linceul restèrent dans le tombeau.
Il est impossible ici de décrire la clarté, la splendeur et
317
ladmirable beauté de sa gloire; il nous suffit de considérer que de même- que la divine mère donna à son très-saint fils la forme humaine dans son sein virginal, et la lui donna très-pure et sans tache pour racheter le monde; ainsi en retour de ce don, le Seigneur lui donna dans cette résurrection et nouvelle génération, une autre gloire et beauté semblable à la sienne; et dans cette correspondance toute mystérieuse et divine chacun fit ce qui lui fut possible, car la Vierge mère engendra Jésus-Christ semblable à elle-même autant quil fut possible, et Jésus-Christ la ressuscita en lui communiquant sa gloire, autant quelle fut capable den recevoir dans sa sphère de pure créature. La magnifique procession partit du sépulcre avec une musique céleste, et savança à travers la région de lair vers le ciel empyrée, au même moment ou le Christ ressuscita, le jour du dimanche qui suivit immédiatement la mort, après minuit; cest pourquoi tous les apôtres ne purent connaître le miracle, excepté ceux qui étaient présents et veillaient auprès du saint sépulcre. Les saints et les anges entrèrent dans le ciel dans le même ordre quils étaient venus de la terre; après eux venait le glorieux Rédempteur et à sa droite la reine mère avec une parure enrichie dor et embellie de divers ornements: elle était si admirablement belle que tous les bienheureux en étaient dans ladmiration et létonnement, ils se tournaient pour ladmirer et la bénir avec une nouvelle joie et de nouveaux cantiques de louanges. Alors on entendit ces éloges mystérieux que Salomon a écrits: sortez fils de Sion pour voir votre reine que louent les étoiles du matin et que bénissent les enfants du Très-Haut. Quelle est celle-ci qui sélève du désert comme une colonne de fumée, formée de tous les parfums? Quelle est celle-ci qui parait comme laurore, plus belle que la lune, élue comme le soleil, et terrible
318
comme une armée rangée en bataille? Quelle est celle-ci qui vient du désert, appuyée sur son bien-aimé, abondante en délices? Quelle est celle-ci dans qui la Divinité même a trouvé plus de complaisances que dans tout le reste des créatures, et quil élève au-dessus de toutes, jusquau trône de sa lumière inaccessible et de sa Majesté. O merveille quon navait jamais vue dans les cieux! O prodige de la toute-puissance, qui la glorifie et lexalte ainsi. La très-sainte Vierge arriva dans cette gloire en corps et en âme au trône royal de la très-sainte Trinité, et les trois personnes divines la reçurent avec un embrassement éternellement in- dissoluble, elle fut comme absorbée entre les personnes divines et comme submergée dans cette mer infinie de labîme de la Divinité, et tous les saints remplis dadmiration et dune nouvelle joie extraordinaire, entendirent ces paroles du Père éternel: Notre fille Marie n été élue et choisie par notre éternelle volonté, comme unique et singulière parmi toutes les créatures, et elle est aussi la première pour nos délices, jamais elle na dégénéré de son titre de fille, qui lui a été donné dès léternité dans notre entendement divin; cest pourquoi elle a droit sur notre royaume éternel, dont elle doit être reconnue et couronnée la légitime Souveraine et Reine. Le Verbe incarné dit aussi; A ma mère véritable et naturelle, appartiennent toutes les créatures que jai créées et rachetées, et tout ce dont je suis roi, elle doit en être aussi la souveraine reine légitime. Et lEsprit-Saint dit: par le titre de mon épouse unique et élue, auquel elle a correspondu avec une parfaite fidélité, la couronne de reine lui est due aussi pour toute léternité.
Après ces paroles, les trois personnes divines placèrent sur la tête auguste de la très-sainte Vierge, une couronne de gloire, dune splendeur si belle, quil ne sen était jamais vue
319
auparavant, et quil ne sen verra donner à lavenir à une pure créature. Dans le même instant, il sortit une voix du trône, qui dit: Notre amie et élue entre toutes les créatures, notre royaume vous appartient, vous êtes souveraine, reine, maîtresse de tous les Séraphins et de tous les anges nos ministres, et de luniversalité de toutes nos créatures; veillez donc, commandez et régnez heureusement sur elles; dans notre suprême Consistoire nous vous donnons lempire, la majesté et le domaine, parce que, quoique remplie de grâce au-dessus de toutes les créatures, vous vous êtes humiliée dans votre esprit, et vous vous êtes toujours mise au dernier rang; recevez maintenant le rang sublime qui vous est du, et participez au souverain domaine que notre divinité possède sur tout ce que. notre toute-puissance a créé. De votre trône royal vous commanderez jusquau centre de la terre, et par le pouvoir que nous vous donnons, vous tiendrez lenfer assujetti; tous vous craindront et vous obéiront jusque dans les cavernes infernales; vous règnerez sur la terre, et sur tous les éléments, nous mettons dans vos mains les vertus et les effets de toutes les causes naturelles, et leur conservation, afin que vous disposiez des influences du ciel et des fruits de la terre, de tout ce qui existe et existera; distribuez-le selon votre bon plaisir, et notre volonté sera toujours prompte à accomplir la vôtre. Vous êtes impératrice et reine de lEglise militante, sa protectrice, son avocate, sa mère et sa maîtresse. Vous serez lamie, la patronne, la protectrice de tous les justes nos amis, vous les consolerez, les Fortifierez et les remplirez de biens, selon quils sen rendront dignes par leur dévotion. Vous êtes la Dépositaire de toutes nos richesses divines, la Trésorière de nos biens. Nous laissons dans vos mains les secours et les faveurs de noire grâce, afin que vous les dispensiez; car nous ne voulons rien accorder
320
au monde, qui ne passe par vos mains, et nous ne voulons rien refuser, de ce que vous accorderez. La grâce sera répandue sur vos livres, pour tout ce que vous, voudrez et ordonnerez dans le ciel et sur la terre; les anges et les hommes vous obéiront en tout lieu, parce que tout ce qui est à nous vous appartient, de même que vous nous avez toujours appartenue, et vous règnerez avec nous pour léternité.
Pour lexécution de ce décret éternel le Tout-Puissant ordonna à tous les courtisans du ciel de lui prêter tous obéissance et hommage, en la reconnaissant pour leur reine, et tous promptement obéissants se reconnurent ses serviteurs et ses vassaux, et la vénérèrent de la même manière, avec le culte, la crainte filiale, et la respectueuse vénération avec 1aquelle ils adorent le Seigneur; ainsi ils donnèrent relativement les mêmes devoirs à la divine mère; et ce petit nombre de saints qui étaient au ciel en corps et en âme, se prosternèrent et vénérèrent leur Reine par des hommages corporels. LImpératrice des cieux fut ainsi glorifiée et couronnée au milieu de ces magnifiques démonstrations, qui furent une grande gloire pour elle et une nouvelle joie pour les bienheureux et un sujet de complaisance pour la très-sainte Trinité ; elle donna une nouvelle gloire à toute la céleste Jérusalem, principalement à saint Joseph, son chaste époux, à ses saints parents et tous ceux qui lui étaient unis; mais pardessus tout à ses mille anges gardiens. Les saints virent dans son coeur très-pur, comme un petit -globe dune splendeur et dune beauté singulière qui leur causa et leur causera sans cesse une admiration et une joie spéciale; cest la récompense et le témoignage de ce quelle avait gardé dune manière digne dans son sein, le Verbe incarné sous les espèces sacramentelles et lavait reçu dignement avec pureté et sainteté, sans aucune faute, ni une ombre même dimper-
321
fection, mais avec une grande dévotion, amour et culte. Pour les autres récompenses correspondantes à ses héroïques et singulières vertus, il est impossible den dire quelque chose qui puisse les faire connaître dune manière convenable. Nous dirons seulement que cette résurrection eut lieu le quinze août, son corps très-pur, demeura pendant trente-six heures dans le sépulcre, comme celui de son très-saint fils.
Les apôtres et les disciples sans pouvoir essuyer leurs larmes, assistaient jour et nuit au sépulcre, en particulier saint Pierre et saint Jean, et remarquant que la musique céleste avait cessée et quils ne lentendaient plus, ils comprirent que la divine mère était ressuscitée et était transportée au ciel en corps et en âme, comme son divin fils, alors ils se rassemblèrent tous avec les disciples et les autres fidèles, ils ouvrirent le sépulcre et le trouvèrent vide: saint Pierre prit là tunique et le linceul et les vénéra, ce que firent aussi tous les autres, ils furent ainsi pleinement assurés de la résurrection et de lassomption de la sainte Vierge au ciel; ils célébrèrent cette merveille avec des larmes de joie et de douleur, en chantant des psaumes, et des hymnes de louanges et de gloire au Seigneur et sa divine mère, mais suspendus entre létonnement et la tendresse, ils regardaient le sépulcre sen pouvoir sen éloigner, lorsquun ange du Seigneur descendit du ciel, et leur apparut en leur disant: hommes de Galilée, de quoi êtes-vous étonnés? Votre reine et la nôtre vit déjà en corps et en âme dans le ciel, où elle règne pour toujours avec le Christ; elle menvoie afin que je vous confirme cette vérité et que je vous dise de sa part, quelle vous recommande de nouveau lÉglise, la conversion des âmes, et la propagation de lévangile de Jésus-Christ au ministère duquel elle veut que vous reveniez aussitôt, comme il vous a été ordonné, et elle prendra soin de vous