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SERMON
L’EXTRÊME-ONCTION
Dominus opem ferat illi super lectum doloris ejus : unversum stratunm ejus versasti, in infirmitate ejus.
Le Seigneur portera secours au malade sur son lit de douleur ; vous avez, ô Dieu, changé sa couche dans son infirmité.
(PS. XL, 4.)
Qui de nous, M.F., pourra jamais comprendre la grandeur de la miséricorde de Dieu, son empressement à nous fournir tous les moyens nécessaires pour adoucir nos peines et nous assurer le ciel ? Sommes-nous malades ? II veut bien, ce tendre et aimable Sauveur, s’abaisser jusqu’à venir nous visiter, nous consoler et nous aider à souffrir, de manière à rendre ces souffrances dignes d’une récompense éternelle. Voulons–nous, M.F., être pénétrés de la grandeur de son amour pour nous ? Considérons l’empressement qu’il a de nous accompagner de sa miséricorde, tous les jours et à tous les instants de notre vie.
Dès que nous entrons dans le monde, il nous présente le sacrement de Baptême pour nous ouvrir le ciel que le péché d’Adam nous avait fermé, et, en nous rendant son amitié, il nous fait participants de tous les mérites de sa passion. Avons-nous le malheur de perdre cette grâce précieuse ? Il nous offre pour réparer cette perte, le sacrement de Pénitence, que nous pouvons recevoir autant de fois que nous avons péché, il va encore plus loin ; afin de ranimer en nous la foi sans laquelle nous ne pouvons plaire à Dieu, il nous donne, dans le sacrement de Confirmation, son Saint-Esprit, qui nous éclaire et nous conduit dans toutes nos actions, de manière à les rendre méritoires pour le ciel. Non content de tous ces dons, il veut encore, pour nous fortifier dans nos combats, nous donner son corps adorable et son sang précieux, afin de nourrir nos âmes, et de nous faire goûter d’avance le bonheur des saints. Voilà donc tout ce qui nous est nécessaire pour conserver ou réparer en nous la grâce de Dieu ; mais comme le péché d’Adam nous attire toutes sortes de misères, et surtout le châtiment de subir la mort ; nous avons besoin, à nos derniers moments, d’un secours puissant, pour adoucir nos souffrances et les rendre méritoires ; pour nous fortifier contre les attaques du démon, qui, voulant nous perdre, redouble ses efforts.
Nous avons besoin, dis-je, d’un secours extraordinaire, pour nous rassurer contre les terreurs de la mort et les frayeurs du jugement, dont la seule pensée a fait trembler les plus grands saints. Que fait donc notre aimable Sauveur ? Il établit un sacrement qui nous donne toutes les grâces et les secours nécessaires dans ce terrible moment ; un sacrement, qui nous fait considérer nos maladies, non comme une punition, mais comme une grâce bien précieuse, et la mort, non comme un châtiment, mais comme une grande récompense. Les maladies, en effet, sont des moyens très efficaces pour nous faire satisfaire à la Justice divine, et la mort nous délivre de toutes sortes de misères, en nous donnant la possession de toutes sortes de biens. Mais pour mieux vous le faire comprendre, je crois devoir vous montrer, 1° les avantages du sacrement de l’Extrême-onction ; 2° les fautes que nous commettons à l’occasion de ce sacrement ; 3° les dispositions que nous devons y apporter.
I. Vous parler du sacrement de l’Extrême-onction, M.F., c’est vous faire ressouvenir que notre vie ici-bas n’est pas éternelle, et que bientôt nous sortirons de ce monde. Notre vie n’est qu’un petit passage, où nous sommes placés pour combattre le démon, le monde et nos penchants, afin de nous assurer le ciel ; c’est vous dire que nos corps, que nous cherchons tant à contenter, que nous craignons tant de faire souffrir, seront détruits par la violence des souffrances, par la puissance de la mort, et que nous irons paraître devant notre juge, pour lui rendre compte de tout le bien et de tout le mal que nous aurons fait pendant notre vie. Après cela, « nous irons nous ensevelir dans la maison de notre éternité » Ah ! M.F., que cette pensée nous serait salutaire, si nous avions le bonheur de la bien graver dans notre cur ! En effet, comment pourrions-nous commettre le péché ? comment pourrions-nous vivre dans le péché, si nous nous disions en nous-même : Un jour viendra que la maladie et la mort détruiront ce corps ; un jour viendra qu’il me faudra rendre compte de toutes les actions de ma vie, et, après ce jugement, ma demeure sera ou le ciel ou l’enfer. O mon Dieu, que celui qui ferait de cette pensée son pain quotidien, vivrait saintement !…
Le sacrement de l’Extrême-onction a été institué par Notre Seigneur Jésus-Christ, pour le soulagement spirituel et même corporel des pauvres malades. Pour notre âme, elle est sûre d’y trouver toujours la santé, si elle est bien préparée ; et, de même, notre corps y trouve aussi la santé, si elle peut être utile à la gloire de Dieu et à notre salut. Saint Jacques nous dit : « Si quelqu’un est malade, faites venir le ministre de l’Église, qui fera sur lui les onctions, et le Seigneur effacera ses péchés et lui rendra la santé du corps . » De sorte que, non seulement nous recevons la santé de notre âme, c’est-à-dire, le pardon de nos péchés, mais encore une grâce de force, pour nous défendre contre le démon, qui redouble ses attaques à ces derniers moments, espérant toujours nous perdre avant notre mort. Bien plus, ce sacrement répand dans nos âmes une douce consolation ; il ranime notre confiance en Dieu, il nous le fait considérer, non comme un juge sévère, mais comme un bon Sauveur et un tendre Père, qui vient pour nous consoler, et nous encourager par l’espoir de la récompense qu’il nous prépare dans le ciel.
La maladie est une grâce bien précieuse, elle nous rappelle à Dieu, et nous fait rentrer en nous-même ; elle nous détache de la vie ; elle nous fait considérer toutes les choses créées, les biens, les plaisirs et les honneurs, comme des choses viles et méprisables, indignes d’y attacher notre cur. Moment précieux, M.F. ! C’est ordinairement dans ce temps-là que nous nous remettons devant les yeux toute notre vie : je veux dire le bien et le mal que nous avons fait. N’est-ce pas dans ce moment, M.F., que nous regrettons de ne pas avoir vécu dans l’amitié de Dieu ? N’est-ce pas lorsque nous sommes étendus : par ce lit de douleur, que nous pleurons des péchés que peut-être, sans une longue maladie, nous n’aurions jamais pleurés. N’est-ce pas dans ce moment que nous prenons les résolutions de changer de vie, si Dieu est assez bon pour nous rendre la santé ? N’est-ce pas dans ce temps-là, que nous concevons une aversion infinie pour tout ce qui nous a porté au péché, soit plaisirs ou mauvaises compagnies ? N’est-ce pas dans ce moment que nous commençons à penser aux tourments que la justice de Dieu prépare aux pécheurs ? N’est-ce pas une maladie qui nous fait nous réconcilier avec notre ennemi ? qui nous fait rendre le bien qui n’est pas à nous ? N’est-ce pas encore dans ces derniers moments que nous éprouvons combien le bon Dieu est riche en miséricorde ? N’est-ce pas là que la pensée du jugement nous fait trembler, à l’aspect de notre destinée éternelle ? Oh ! M.F., qu’une maladie longue est avantageuse pour un chrétien qui sait en profiter ; car elle lui fournit des moyens efficaces et puissants pour revenir à Dieu, rentrer en lui-même, et satisfaire à la justice divine pour ses péchés : Hélas ! que d’âmes sont en enfer, et qui seraient dans le ciel si elles avaient eu de longues maladies ! Combien, au jour du jugement, verront que les maladies leur ont gagné un grand nombre d’années de purgatoire !
La mort même est un grand bienfait de Dieu et un moyen capable de nous réunir à lui ; car, vouloir vivre longtemps, c’est vouloir prolonger ses misères ici-bas. Saint Augustin nous dit : « Celui qui craint la mort, n’aime pas le bon Dieu. » En effet, si nous aimons quelquun, nous devons aimer ce qui peut nous y conduire ; par conséquent, celui qui aime Dieu ne craint pas la mort. Mais n’allons pas plus loin, occupons-nous de ce qui regarde directement l’Extrême-onction, qui est le sacrement des mourants.
Ce sacrement est un signe sensible qui produit en nous des effets invisibles. Ces signes sont les onctions que le prêtre fait sur le malade avec l’huile sainte, bénite par l’évêque, et les prières qui les accompagnent. Si vous ne savez pas pour quoi l’on donne à ce sacrement le nom d’Extrême-onction, le voici. C’est que ces onctions sont les dernières que l’on fait sur un chrétien. Les premières se font lorsque nous recevons le Baptême ; les secondes, lorsque l’évêque nous donne la Confirmation, et les dernières lorsque nous sommes malades. Nous voyons que Jésus-Christ, en instituant les sacrements, a choisi les signes les plus capables de nous faire connaître les effets que chaque sacrement produit en nous. Dans le sacrement de Baptême, nous recevons l’eau, dont l’usage ordinaire est de laver quelque chose de sale, pour nous montrer que la grâce reçue dans ce sacrement, purifie notre âme de ses péchés. Dans celui de l’Eucharistie, nous recevons Jésus-Christ sous l’espèce du pain et du vin, pour nous faire connaître qu’il nourrit nos âmes, comme le pain et le vin nourrissent nos corps. Dans ceux de l’Extrême-onction, nous recevons l’huile sainte. Or, la propriété de l’huile c’est de guérir les blessures, d’adoucir les plaies, de fortifier les membres ; de plus, l’huile d’olives est encore le symbole de la paix. Vous savez que Noé, après le déluge, envoya une colombe pour savoir si les eaux s’étaient retirées ; elle lui apporta une branche d’olivier, pour lui signifier que la colère de Dieu était apaisée, et que la paix était rendue à la terre . Voilà précisément, M.F., les effets que produit le sacrement de l’Extrême-onction dans celui qui le reçoit avec de bonnes dispositions, après s’être bien préparé par le sacrement de Pénitence.
Il est vrai que par le sacrement de Pénitence, tous nos péchés nous sont déjà pardonnés ; mais le sacrement de l’Extrême-onction achève de nous purifier de tous les péchés véniels que nous pouvons avoir commis depuis ce temps-là. Hélas ! que de fautes, dont ces pauvres malades se rendent coupables ! Tantôt ils murmurent dans leurs souffrances, tantôt ils ne se soumettent pas bien à la volonté de Dieu ; une autre fois, ils s’occupent trop d’affaires temporelles ; un autre moment, ils seront de mauvaise humeur contre ceux qui en ont soin. Voilà les fautes qu’un pauvre malade commet ordinairement. Elles sont légères, c’est vrai, mais elles ne laisseront pas que de le conduire bien des années en purgatoire. C’est pour cela que les saints Pères appellent ce sacrement « la perfection du sacrement de Pénitence. » Vous voyez qu’il nous procure une grâce bien précieuse en nous donnant le bonheur d’aller voir Dieu, aussitôt après notre mort. De plus, il nous fortifie contre les tentations du démon, qui en ce moment sont plus fortes et plus fréquentes.
En effet, c’est principalement dans nos maladies que le démon, comme nous dit saint Pierre, roule autour de nous pour nous dévorer ; soit en nous portant au désespoir, en nous faisant considérer nos péchés comme trop grands pour être pardonnés, ainsi veut-il nous faire perdre toute espérance ; soit encore par la présomption, en nous persuadant que nous n’avons rien à craindre, que Dieu ne nous a pas créés pour nous damner ; avec cette vaine espérance, nous mourons dans notre péché, et nous sommes perdus. Ce sacrement, au contraire, nous fait tenir un juste milieu : il nous donne une crainte salutaire, qui, en nous faisant nous amender, ne laisse pas que de nous faire espérer en la miséricorde de Dieu, et nous engage à prendre tous les moyens que le bon Dieu nous a donnés pour assurer notre salut.
Un autre bien que produit en nous ce sacrement, c’est de nous rassurer contre les frayeurs de la mort. Il nous la fait envisager comme un bien, car en nous séparant de la vie, elle nous conduit à notre véritable patrie ; nous l’acceptons alors en esprit de pénitence. Si la crainte du jugement à subir nous effraie, ce sacrement nous rassure, en nous faisant penser qu’à la vue du sang adorable de Jésus-Christ dont nous sommes tout couverts, il est impossible que le Père Éternel ne veuille pas nous reconnaître pour son ouvrage, pour ses fils, ses enfants et les chrétiens de son royaume. Ce sacrement fortifie encore le malade, il lui fait supporter ses souffrances avec patience et résignation à la volonté de Dieu ; bien plus, il adoucit ses douleurs, et elles lui paraissent moins violentes. Nous savons bien, il est vrai, ce qu’est la souffrance ; plusieurs d’entre nous, ont éprouvé des douleurs bien violentes ; mais aucun d’entre nous ne sait ce que l’on souffre pour mourir. Dans ce moment surtout, nous avons besoin que ce sacrement adoucisse nos maux. Écoutez saint Jacques « Quelqu’un est-il malade ? qu’il fasse venir le ministre du Seigneur, et la prière de foi qu’il fera sur lui le soulagera. » En effet, que de malades, après avoir reçu ce sacrement, se sont trouvés mieux !
Ce qui nous rend la mort si effrayante, c’est qu’il nous faut aller rendre compte de notre pauvre vie, qui n’a été peut-être qu’une chaîne de péchés. Que de sacrilèges ! que de profanations du saint jour du Dimanche ! Que de fois n’avons-nous pas profané notre esprit, notre cur et notre corps par l’impureté ? Il est vrai que nous avons bien confessé tout cela ; mais, mon Dieu ! avons-nous apporté assez de préparation ? avons-nous eu assez de contrition ? O moment terrible pour un chrétien, qui n’a pas pensé sérieusement à son salut ! Eh bien ! si nous recevons ce sacrement saintement, nous avons une grande certitude que Dieu nous pardonnera. Oui, M.F., lorsque nous voyons venir le prêtre pour nous donner ce grand sacrement, c’est comme si nous voyons un ange venir nous annoncer que le ciel va se réconcilier avec nous, et que Jésus-Christ nous attend dans la grandeur de sa miséricorde. Disons encore quelque chose de plus consolant. Dans ce sacrement, Jésus-Christ descend vraiment dans nos âmes par sa grâce, il vient y faire sa demeure, et nous conduire lui-même en triomphe dans le ciel, ainsi qu’il le fit à ce pénitent, dont saint Siméon Stylite vit l’âme emportée au ciel par le Sauveur lui–même . Que de fois, M.F., nous voyons des malades, que la pensée de la mort effrayait presque jusqu’au désespoir, et qui ont fini par dire, après avoir reçu ce sacrement : « Je ne croyais pas qu’il fût si doux et si consolant de mourir ! »
D’après cela, je conclus que dans ce sacrement, tout est pour nous une consolation, car il nous procure les plus grands biens pour le temps et pour l’éternité. Oui, M.F., cela doit nous engager à demander à Dieu, tous les jours de notre vie, la grâce de recevoir ce sacrement avant de mourir. Je sais qu’il n’est pas absolument nécessaire pour être sauvé ; mais, si nous négligions de le recevoir, nous nous rendrions coupables, nous nous priverions de grandes grâces ; nous semblerions, en effet, mépriser les moyens que le bon Dieu nous présente pour nous aider à opérer notre salut. Bien plus, nous nous exposerions grandement à faire une mauvaise mort, ce qui est le plus grand de tous les malheurs.
II. Si vous me demandez dans quel temps il faut avoir recours à ce sacrement ? je vous dirai, que c’est lorsque nous avons une maladie qui semble vouloir nous conduire au tombeau. Vous savez que ce sacrement ne peut être reçu qu’une fois dans la même maladie ; mais, toutes les fois que nous revenons à la santé et que nous retombons malades, nous pouvons de nouveau le recevoir. Si maintenant vous me demandez à quel âge on peut recevoir ce sacrement ? Je vous répondrai : Dès que nous avons l’âge de raison, c’est-à-dire dès que nous pouvons distinguer le bien d’avec le mal ; aussi, lorsque vos enfants commencent à distinguer le bien d’avec le mal, il ne faut jamais manquer de les faire confesser, afin qu’ils soient en état de recevoir ce sacrement.
Je vais vous montrer en gros, les fautes dont nous pouvons, sur ce point, nous rendre coupables. Nous sommes coupables lorsque nous avons négligé de demander à Dieu, pendant notre vie, la grâce de recevoir ce sacrement à l’heure de notre mort, ou si nous l’avons considéré comme peu de chose. Hélas ! M.F., si j’osais, je vous dirais qu’il y a des chrétiens qui, dans toute leur vie, n’ont jamais demandé au bon Dieu cette grâce. Nous sommes encore coupables, si nous ne prions pas pour ceux que l’on va administrer ; si nous négligeons d’aller auprès d’eux pouvant le faire ; si, étant auprès des malades, nous leur cachons leur état ; si nous détournons ceux qui veulent faire venir le prêtre, ou si nous ne l’avons pas appelé quand les malades le réclamaient ; si nous négligeons de les instruire sur ce sacrement, de leur apprendre qui l’a institué, les effets qu’il produit en nous, pourquoi on nous le donne, et quelles sont les dispositions que nous devons y apporter ; enfin, si nous n’avons pas prié pour ces pauvres malades, pendant qu’on leur administrait ce sacrement. Nous ne devons pas nous contenter d’y assister, mais il faut, autant que nous le pouvons, solliciter la miséricorde de Dieu pour eux.
Ceux qui les gardent doivent, autant que possible, leur laver les pieds et les mains avec de l’eau tiède, par respect pour le sacrement. Si c’est une fille ou une femme, ne jamais les laisser sans leur mettre un mouchoir au cou ; ces pauvres malades n’y pensent pas !… Hélas ! que de maîtres sont coupables, en envoyant leurs domestiques à l’hôpital presque morts ; ils meurent quelquefois en chemin, ou bien, arrivés à l’hôpital, ils reçoivent ce sacrement sans connaissance, et, par conséquent, sans fruit ! Combien d’autres ont de pauvres malades chez eux, et les laissent mourir, sans en avertir le prêtre de la paroisse ?… Les pères et mères, les maîtres et maîtresses, doivent encore voir s’ils ont négligé d’instruire leurs enfants et leurs domestiques de ce qui regarde ce sacrement, dès qu’ils sont en état de le recevoir ; s’ils négligent cela, ils seront cause que leurs enfants et leurs domestiques le profaneront. Mon Dieu, où sont ceux qui remplissent bien leurs devoirs ? Hélas ! qu’il y en a peu !…
Il faut encore vous examiner si vous n’avez pas pris plaisir à entendre, ou à dire vous-mêmes de ces paroles impies : « Il peut partir, ses bottes sont engraissées, ou encore : Il est
» c’est se railler des choses saintes. Il faut encore voir, si vous n’avez pas accompagné le bon Dieu plutôt par curiosité, que pour prier auprès du malade. Quant aux malades, ils ne doivent jamais attendre ces moments pour mettre ordre à leurs affaires temporelles ; ils doivent y penser tandis qu’ils sont en santé afin que, dans la maladie, ils ne s’occupent que du salut de leur âme. Ne manquez jamais de vous retenir des messes, ne vous fiez pas sur les promesses de vos héritiers, vous savez ce que l’on dit dans le monde, et cela est très vrai : « Le souvenir des morts s’en va avec le son des cloches. »
Les saints, M.F., regardaient comme un grand péché de laisser mourir une personne sans sacrements. Il y en a qui ont peur d’effrayer les malades, et n’osent pas leur parler de recevoir les sacrements ; quelle cruelle amitié !… Il est rapporté dans l’histoire qu’un pauvre père étant à l’article de la mort, personne ne lui parlait de se confesser ; une petite fille qui venait du catéchisme lui dit : « Mon père, le médecin dit que vous allez mourir ; ma mère pleure dans sa chambre, personne ne vous parle de vous confesser ; monsieur le curé nous a dit que c’était un grand péché que de laisser mourir une personne sans sacrements, voulez-vous que je le fasse venir ? » « Ah ! mon enfant, lui dit le père, va vite le chercher, je n’y pensais pas ; je souffre tant ! » Le prêtre vint, et le malade se confessa dans de très bonnes dispositions. Avant de mourir, il fit venir sa fille auprès de son lit, en lui disant : « Ah ! mon enfant, que je te remercie ! sans toi, j’étais damné ; je ne pensais pas à me confesser. »
Hélas ! que de pauvres malades meurent sans sacrements et se damnent par la faute de ceux qui les entourent, et qui n’ont pas la charité de les faire confesser ! Nous devons encore avoir une grande dévotion à sainte Barbe, pour demander au bon Dieu, par sa protection, de recevoir nos derniers sacrements . Il est rapporté dans l’histoire qu’un saint évêque exilé, n’ayant point de moyens de recevoir les sacrements, la sainte Vierge vint avec des anges, etc…. Il faut encore ne jamais manquer, si le prêtre n’y pensait pas, de lui faire appliquer au malade les indulgences plénières, qui sont la remise de toutes les peines que nous devons souffrir en purgatoire.
III. Mais quelles sont les dispositions que nous devons avoir pour recevoir dignement ce sacrement ? J’en trouve trois. La première, c’est d’être en état de grâce, la seconde, c’est la résignation à la volonté de Dieu, la troisième, souffrir la maladie avec patience. Je dis qu’il faut être en état de grâce, c’est-à-dire, s’être confessé ; parce que si l’on recevait ce sacrement avec un péché mortel sur la conscience, l’on commettrait un horrible sacrilège. O mon Dieu, quel malheur !… Si vous êtes en état de péché et que vous ne puissiez parler, il faut vous exciter à la contrition, et vous confesser par signes, autant que vous pourrez. Hélas ! qu’il est difficile de bien se confesser dans ce moment, quand on a négligé de le faire pendant le temps de la santé !… Il ne faut pas cependant se laisser aller au désespoir, quelque misérable que l’on soit ; quand même nous aurions commis de grands et nombreux péchés, il faut toujours espérer en la bonté de Dieu. Il faut faire mettre un crucifix devant nos yeux, afin qu’en le regardant, nous voyons la grandeur de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs. Cette image fera naître en nous une grande confiance, en pensant que la miséricorde de Dieu est encore infiniment plus grande que nos péchés, et que, quoique bien pécheurs, nous pouvons espérer notre pardon. Il est vrai qu’il faut bien craindre pour tant de grâces méprisées et tant de péchés commis ; mais il faut penser que Dieu a promis que jamais il ne refuserait le pardon à celui qui le lui demande comme il faut.
2° Une autre disposition que doit avoir le malade, c’est de se soumettre entièrement à la volonté de Dieu, et de ne point se tourmenter de sa guérison ; il faut qu’il sache que si la santé est nécessaire au salut de son âme, le bon Dieu le guérira. Il est vrai qu’il n’est pas défendu d’avoir recours au médecin ni aux remèdes, puisque Dieu a établi les médecins et créé les remèdes. Nous voyons que Jésus-Christ lui-même a cherché quelques consolations dans ses peines, lorsqu’il alla trouver ses apôtres en leur disant : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ; » et lorsqu’étant sur la croix il dit aussi : « Mon père, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Ce n’est pas qu’il eût besoin de secours, mais seulement pour nous montrer qu’il n’est pas défendu de chercher quelque soulagement dans nos maladies et quelques consolations dans nos peines. Mais à l’exemple de Jésus-Christ, disons à Dieu : « Mon Dieu, que votre sainte volonté se fasse toujours, et non la mienne », soyons toujours contents, de quelque manière qu’on se conduise à notre égard, nous sommes sûrs que le salut de notre âme s’y trouvera.
Tout nous engage donc à faire recevoir les derniers sacrements à ceux qui sont dans nos maisons ; d’abord il y a une bénédiction particulière quapporte Jésus–Christ en y venant. Ensuite, nous ne pouvons pas rendre un plus grand service, c’est-à-dire faire une plus belle oeuvre de charité, que de fournir à un malade les moyens de s’assurer le ciel. Enfin, nous sommes sûrs que le bon Dieu ne nous refusera pas la même grâce, quand nous serons à l’heure de la mort. Nous ne devons jamais négliger de faire venir un prêtre ; il vaut mieux que le prêtre vienne vingt fois de trop, que si vous laissiez mourir votre malade sans sacrements. D’ailleurs un prêtre a toujours un grand plaisir à voir un malade, et les malades à leur tour doivent sentir le bonheur de cette visite. Saint Bernard nous rapporte que saint Malachie, archevêque de Cologne, avait été appelé par un malade. Quand il fut arrivé, on lui dit que le malade n’était pas en danger, qu’il pouvait attendre au lendemain ; et sur cela l’archevêque reprit son chemin. Peu d’instants après, on court après lui, disant que le malade est mort. « Ah ! malheureux, s’écrie-t-il, c’est bien par ma faute. » Il se rend près de lui, quoiqu’il fût mort, se prosterne la face contre terre, répand des larmes en abondance, et engage tous ceux qui étaient avec lui à prier aussi. « Non, mon Dieu, je n’aurai point de consolation que vous n’ayez rendu la vie à ce mort ! redoublons nos larmes, mes enfants, disait-il à ceux qui étaient avec lui, peut-être que le bon Dieu se laissera toucher. » Après avoir passé toute la nuit à prier, il regarde le mort, il le voit remuer les yeux et les lèvres. « Ah ! mes amis, s’écrie-t-il, le bon Dieu lui rend la vie. » Il lui administre alors les sacrements, il ne les avait pas plutôt reçus, qu’il expira .
Il n’y a pas pour nous de spectacle plus salutaire que celui de voir administrer à un malade les derniers sacrements. Lorsque étant en santé, nous entendons sonner la cloche du viatique, quittons notre ouvrage pour un instant ; allons voir ce que nous serons un jour, et ce que nous pouvons dans ce moment de notre vie. Allons, M.F., entendre ce pauvre malade nous crier : « Ah ! mes amis, venez à mon secours, demandez au bon Dieu qu’il veuille bien avoir pitié de moi ; venez voir, semble-t-il nous dire, ce que vous serez vous-même un jour. » Si, quand nous voyons administrer un malade, nous faisions bien ces réflexions : Oui, un jour viendra que je serai à la place de ce pauvre malade, quelles seront mes pensées dans ce moment ? Que penserai-je et que dirai-je de mes plaisirs, de mon attachement à ces biens qui en ont perdu tant d’autres ? Que penserai-je de mes vengeances, de mes injustices et de mon ivrognerie ? Quelle vie, pour aller paraître devant un Dieu qui ne me fera pas grâce d’une minute, et qui voudra savoir comment je l’ai employée ! Hélas ! dirons-nous dans toute l’amertume de notre âme ! ah ! moment épouvantable, qui a porté les plus grands saints presque au désespoir. Ah ! triste moment pour un chrétien qui a fait le mal !… Quel spectacle plus capable de nous convertir que la présence d’un mourant qui va quitter ce monde pour toujours ?. . Regardez-le un instant, M.F., voyez ces pauvres yeux mourants et presque éteints, il semble nous dire : « Ah ! mon ami, n’attendez pas d’être comme moi pour faire le bien !… si Dieu me rendait la santé, oh ! que ma vie serait bien plus chrétienne qu’elle n’a été jusqu’à présent ! Si le bon Dieu me retire de ce monde dans cette maladie, que vais-je devenir ?… puisque dans ma vie je ne vois que du mal et presque pas de bien. Ah ! priez Dieu qu’il veuille me pardonner »
Lorsque nous voyons entrer le prêtre dans la chambre d’un mourant, disons-nous : Quel va être le sort de ce- malade ? Ou le ciel, ou l’enfer ! Mon Dieu que ce moment est terrible !… Oui, dans ce moment, le bon Dieu va ou le recevoir dans son sein, ou le vomir pour jamais de sa présence. Oh ! quel malheur de n’avoir vécu que pour se creuser un enfer !… Le prêtre, avant de lui administrer les sacrements, fait plusieurs prières pour implorer la miséricorde de Dieu sur lui ; il prend l’huile sainte pour faire les onctions, et semble lui dire : « Mon ami, profitez bien du peu de temps qui vous reste, si vous ne revenez pas, c’est la dernière grâce que le bon Dieu vous accorde en ce monde. » Il implore les prières des assistants, afin de demander miséricorde pour le malade ; puis, il fait les onctions. Il commence par les yeux, comme s’il lui disait : « Fermez ces yeux qui, tant de fois, se sont ouverts sur des objets impurs, et qui ont ainsi perdu votre âme ; refusez-leur pour un instant la lumière, puisqu’ils en ont si mal profité. » « Mon Dieu, dit le prêtre, pardonnez-lui tant de mauvais regards, et tant de curiosités, par lesquels le péché est entré dans son âme et lui a donné la mort. Mon Dieu, pardonnez–lui tous les péchés qu’il a commis par le sens de la vue. » Considérez, M.F., ces yeux qui autrefois étaient ardents pour le mal, dont le regard brillait d’un feu impur, voyez-les, dis-je, sous la main du prêtre, dont la présence le frappe de terreur ; voyez et considérez sous la main du ministre du Seigneur la pauvre tête de cette jeune fille qui a tant pris de soin à se parer, qui tant de fois a passé des heures entières à se considérer devant une glace de miroir, qui, dans toutes ses manières, ne cherchait qu’à plaire et à s’attirer les regards du monde. Ses yeux, qui autrefois allumaient des flammes dans le cur du jeune libertin, les voilà maintenant qui jettent l’épouvante dans l’âme de ceux qui l’environnent.
Le prêtre fait l’onction des oreilles. Hélas ! voyez comment l’on tourne et retourne cette tête défaillante qui fut l’idole du monde et qui croyait être la seule bien faite. Ces oreilles autrefois ornées d’or ou de diamants, dont elle avait tant de soins de faire briller l’éclat devant les rayons du soleil. Voyez ces cheveux que le prêtre écarte, ces cheveux qu’elle arrangeait et frisait jadis avec tant de soins, les voilà tout ruisselants des sueurs de la mort. « Mon Dieu, dit le ministre du Seigneur, pardonnez à cette pauvre mourante, tous les péchés qu’elle a commis par ses oreilles, par l’or et les diamants, dont elle a pris tant de soins d’embellir cette tête d’iniquité. » Laissons, M.F., cette tête ornée avec tant d’artifice ; laissons-la, l’enfer semble l’attendre, et la mort la presser.
Le prêtre lui fait des onctions sur le nez, ce nez qui, tant de fois, a cherché les bonnes odeurs et qui maintenant exhale déjà la corruption . Le prêtre lui fait des onctions sur les lèvres, instruments de tant de voluptés, de tant de médisances, de calomnies, de paroles et de chansons infâmes. « Mon Dieu, dit le prêtre, que cette bouche soit purifiée par cette onction, de toutes les mauvaises paroles prononcées. Faites à cette pécheresse, la grâce de ne jamais entendre ces foudroyantes paroles que tout réprouvé entendra un jour sortir de votre bouche : « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel. »
Le prêtre prend ses mains, mains qui ont commis tant d’iniquités, ces pauvres mains qui sont à cette heure trempées des sueurs de la mort ! « Mon Dieu, pardonnez à ces mains souillées de tant de péchés ! » De là, le prêtre fait les onctions sur la poitrine , cette poitrine ornée avec tant de soin, et des soins si souvent répétés, toujours dans la coupable espérance d’attirer les yeux et de plaire au monde ; voilà le moment où le Seigneur semble descendre dans ce cur, avec le flambeau à la main pour en examiner tous les plis et replis . « Mon Dieu, dit le prêtre, pardonnez à cette malheureuse tous les péchés qu’elle a commis, par tant de pensées d’orgueil, de haine, de vengeance, par toutes les mauvaises pensées et les mauvais désirs qui ont corrompu son pauvre cur ! Enfin, le prêtre fait l’onction aux pieds, ces pieds qui autrefois étaient actifs à courir au mal ; ces pieds qui l’ont tant de fois portée dans les jeux, les danses et les bals ; les voilà donc comme liés dans ces draps, incapables même de se remuer. Voilà ce corps déjà enlacé dans les bras de la mort…
Oui, considérez un moment, M.F., le corps de cette jeune fille de vanité, qui n’a cherché que les moyens de relever sa beauté. Voyez ce visage, qu’elle lavait autrefois avec tant de précaution, afin de lui conserver sa fraîcheur ; le voilà tout décomposé. Voyez ce cou, qui était embelli avec tant d’art de riches bijoux et qui portait ces deux ou trois rangs de collerettes ; hélas ! il ne peut plus seulement soutenir sa pauvre tête. Qu’est devenue cette beauté que rehaussait encore ces vêtements de forme et de couleurs si bien choisies ? Et dans ce corps, mon Dieu, qu’est devenue cette pauvre âme, que vous aviez faite par le Baptême aussi belle qu’un ange ?… Mon Dieu, mon Dieu ! quelle route va-t-elle prendre ? Sera-ce le ciel, sera-ce l’enfer, qui doit être sa demeure éternelle ?
Oui, M.F., ce sera le ciel, si cette pauvre âme reçoit le sacrement de l’Extrême-onction avec les dispositions que je vous ai indiquées plus haut ; si, sincèrement pénitente de sa vie criminelle, elle reçoit comme il faut ces derniers sacrements et se jette dans les bras de la miséricorde de Dieu. Mais pour nous, tâchons de vivre saintement, et nous sommes sûrs qu’en retour, le bon Dieu ne nous privera pas du bonheur de faire une bonne mort. C’est ce que je vous souhaite.