Jesus Christ porte la Croix

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Quatrieme mystere douloureux du Rosaire ( chapelet ) :

 

Jésus Christ porte la Croix :

 

Jesus porte la Croix

Jésus Christ porte la Croix

 

 

1-  d’après les visions et paroles de Jésus données à Maria Valtorta dans  « l’Evangile tel qu’il m’a été révélé » :

2 –  puis d’après les visions de Anne Catherine Emmerich , cliquez ici pour y accéder

 

 

Arrivent les deux larrons encadrés chacun par une décurie de soldats. C’est l’heure de partir. Longin donne les derniers ordres.

Une centurie est disposée sur deux rangs distants de trois mètres l’un de l’autre, et elle sort ainsi sur la place où une autre centurie a formé un carré pour repousser la foule afin qu’elle ne gêne pas le cortège. Sur la petite place, se trouvent déjà des hommes à cheval : une décurie de cavalerie avec un jeune gradé qui les commande et avec les enseignes. Un soldat à pied tient par la bride le cheval moreau[1][2] du centurion. Longin monte en selle et va à sa place à deux mètres en avant des onze cavaliers.

On apporte les croix : celles des deux larrons sont plus courtes. Celle de Jésus est beaucoup plus longue. Je dis que la pièce verticale n’a pas moins de quatre mètres. Je la vois apportée déjà formée.

J’ai lu à ce sujet, quand je lisais… c’est-à-dire il y a des années, que la croix fut formée en haut du Golgotha et que le long du chemin les condamnés portaient seulement les deux poteaux sur leurs épaules. C’est possible, mais moi, je vois une vraie croix bien formée, solide, avec les bras parfaitement encastrés dans la pièce principale et bien renforcée par des clous et des boulons. En fait, si on réfléchit qu’elle était destinée à soutenir le poids appréciable qu’est le corps d’un adulte et à le soutenir même dans les convulsions finales, appréciables aussi, on comprend qu’elle ne pouvait être montée sur le sommet étroit et incommode du Calvaire.[2][3]

Avant de donner la croix à Jésus, on Lui passe au cou l’écriteau avec la mention « Jésus le Nazaréen Roi des Juifs ». La corde qui le soutient s’emmêle dans la couronne qui se déplace et griffe là où il n’y a pas déjà de griffures et pénètre en de nouveaux points en donnant une douleur nouvelle et en faisant de nouveau couler du sang. Les gens rient d’une joie sadique, insultent, blasphèment.

Maintenant ils sont prêts, et Longin donne l’ordre de marche : « D’abord le Nazaréen, derrière les deux larrons; une décurie autour de chacun, les sept autres décuries sur les ailes et comme renfort, et le responsable sera le soldat qui fait frapper à mort les condamnés ».

Jésus descend les trois marches qui amènent du vestibule sur la place. Et il apparaît tout de suite avec évidence que Jésus est dans des conditions de grande faiblesse. Il vacille en descendant les trois marches, gêné par la croix qui repose sur son épaule toute écorchée, par l’écriteau qui se déplace devant Lui et dont la corde scie le cou, par les balancements qu’imprimé au corps la longue 267> pièce de la croix qui saute sur les marches et sur les aspérités du sol.

Les juifs rient de le voir comme un homme ivre qui tâtonne et ils crient aux soldats: « Poussez-le. Faites-le tomber. Dans la poussière le blasphémateur ! »

Mais les soldats font seulement ce qu’ils doivent faire, c’est-à-dire ordonnent au Condamné de se mettre au milieu du chemin et de marcher. Longin éperonne son cheval et le cortège se met lentement en mouvement.

Longin voudrait aussi faire vite en prenant le chemin le plus court pour aller au Golgotha car il n’est pas sûr de la résistance du Condamné. Mais la pègre déchaînée — et l’appeler ainsi, c’est encore un honneur — ne veut pas de cela. Ceux qui ont été les plus rusés sont déjà en avant, au carrefour où la route bifurque pour aller d’un côté vers les murs, de l’autre vers la ville. Ils s’agitent, crient quand ils voient Longin prendre la direction des murs. « Tu ne dois pas ! Tu ne dois pas ! C’est illégal ! La Loi dit que les condamnés doivent être vus par la ville où ils ont péché ! » Les juifs, qui sont à la queue du cortège, comprennent que par devant on essaie de les frustrer d’un droit et ils unissent leurs cris à ceux de leurs collègues.

Par amour de la paix, Longin prend la route qui va vers la ville et en parcourt un tronçon. Mais il fait signe aussi à un décurion de venir près de lui (je dis décurion parce que c’est un gradé mais c’est peut-être quelqu’un que nous appellerions son officier d’ordonnance) et il lui dit doucement quelque chose. Celui-ci revient en arrière au trot, et à mesure qu’il rejoint le chef de chaque décurie il transmet l’ordre. Ensuite il revient vers Longin pour dire que c’est fait. Enfin il rejoint sa place primitive dans le rang derrière Longin.

Jésus avance haletant. Chaque trou de la route est un piège pour son pied qui vacille et une torture pour ses épaules écorchées, pour sa tête couronnée d’épines sur laquelle descend à pic un soleil exagérément chaud qui de temps à autre se cache derrière un rideau de nuages de plomb, mais qui, même caché, ne cesse pas de brûler. Jésus est congestionné par la fatigue, par la fièvre et par la chaleur. Je pense que même la lumière et les cris doivent le tourmenter. Et s’il ne peut se boucher les oreilles pour ne pas entendre ces cris déchaînés, il ferme à demi les yeux pour ne pas voir la route éblouissante de soleil… Mais il doit aussi les rouvrir parce qu’il bute contre les pierres et contre les trous et chaque fois qu’il 268> bute, c’est une douleur car il remue brusquement la croix qui heurte la couronne, qui se déplace sur l’épaule écorchée, élargit la plaie et augmente la douleur.

Les juifs ne peuvent plus le frapper directement; mais il arrive encore quelques pierres et quelques coups de bâton, les premières spécialement dans les petites places remplies par la foule, les seconds au contraire dans les tournants, dans les petites rues où l’on monte et descend des marches tantôt une, tantôt trois, tantôt davantage, à cause des dénivellations continuelles de la ville. Là, nécessairement, le cortège ralentit et il y a toujours quelque volontaire qui défie les lances romaines pour donner un nouveau coup au chef d’œuvre de torture qu’est désormais Jésus.

Les soldats le défendent comme ils peuvent. Mais même en le défendant ils le frappent parce que les longs manches des lances, brandies en aussi peu d’espace, le heurtent et le font buter. Mais arrivés à un certain point les soldats font une manœuvre impeccable et, malgré les cris et les menaces, le cortège dévie brusquement par un chemin qui va directement vers les murs, en descendant, un chemin qui abrège beaucoup la route vers le lieu du supplice.

Jésus halète toujours plus. La sueur coule sur son visage en même temps que le sang qui coule des blessures de la couronne d’épines. La poussière se colle sur ce visage trempé et le maculent de taches étranges, car il y a aussi du vent maintenant. Des coups de vent syncopés à longs intervalles où retombe la poussière que la foule a élevée en tourbillons, qui amènent des détritus dans les yeux et dans la gorge.

A la Porte Judiciaire sont déjà entassés quantité de gens, ceux qui, prévoyants, se sont choisis de bonne heure une bonne place pour voir. Mais un peu avant d’y arriver, Jésus a déjà failli tomber. Seule la prompte intervention d’un soldat, sur lequel Lui va presque tomber, empêche Jésus d’aller par terre. La populace rit et crie : « Laissez-le ! Il disait à tous : « Levez-vous ». Qu’il se lève Lui, maintenant… »

Au-delà de la porte, il y a un torrent et un petit pont. Nouvelle fatigue pour Jésus d’aller sur ces planches disjointes sur lesquelles rebondit plus fortement le long bois de la croix. Et nouvelle mine de projectiles pour les juifs. Les pierres du torrent volent et frappent le pauvre Martyr…

Alors commence la montée du Calvaire. Un chemin nu, sans un brin d’ombre, avec des pierres disjointes, qui attaque directement la montée.

269> Ici aussi, à l’époque où je lisais, j’ai lu que le Calvaire n’avait que quelques mètres de hauteur. Possible. Ce n’est certainement pas une montagne. Mais c’est une colline, et certainement pas plus basse qu’est par rapport à Lungami le mont aux Croix, là où se trouve la basilique de Saint Miniato à Florence. On dira : « Oh ! c’est peu de chose ! » Oui, pour quelqu’un qui est sain et fort c’est peu de chose. Mais il suffit d’avoir le cœur faible pour sentir si c’est peu ou beaucoup !… Je sais qu’après avoir eu le cœur malade, même alors qu’il s’agissait d’une manière bénigne, je ne pouvais gravir cette pente sans souffrir beaucoup et je devais m’arrêter à chaque instant, et je n’avais pas de fardeau sur les épaules. Et je crois que Jésus avait le cœur très malade surtout après la flagellation et la sueur de sang… et je ne contemple rien autre que ces deux chose?.

Jésus éprouve donc une douleur aiguë dans la montée et avec le poids de la croix qui, longue comme elle est, doit être très lourde.

Il trouve une pierre qui dépasse et, épuisé comme il l’est, il lève trop peu le pied, il bute et tombe sur le genou droit réussissant pourtant à se relever à l’aide de la main gauche. La foule pousse des cris de joie… Il se relève, il avance de plus en plus courbé et haletant, congestionné, fiévreux…

L’écriteau, qui cahote devant Lui, Lui gêne la vue et son long vêtement, maintenant qu’il avance courbé, traîne par terre par devant et gêne sa marche. Il bute de nouveau et tombe sur les deux genoux, en se blessant de nouveau là où il est déjà blessé, et .la croix qui échappe de ses mains et tombe, après Lui avoir frappé fortement le dos, l’oblige à se pencher pour la relever et à peiner pour la mettre de nouveau sur ses épaules. Pendant qu’il le fait on voit nettement sur son épaule droite la plaie faite par le frottement de la croix, qui a ouvert les plaies nombreuses de la flagellation et en a fait une seule qui transsude de l’eau et du sang, de sorte que la tunique est toute tachée à cet endroit. Les gens applaudissent même, heureux de ces chutes si mauvaises.

Longin incite à se hâter, et les soldats, à coups de plat de dague, invitent le pauvre Jésus à avancer. On reprend la marche avec une lenteur de plus en plus grande malgré tous les efforts.

Jésus semble tout à fait ivre tant sa marche est chancelante et il heurte tantôt l’un tantôt l’autre des deux rangs de soldats, occupant toute la route. Les gens le remarquent et crient : « Sa doctrine Lui est montée à la tête. Vois, vois comme il titube ! » Et d’autres, qui ne sont pas du peuple, mais des prêtres et des scribes, ricanent : « Non ! Ce sont les festins dans la maison de Lazare qui encore Lui montent à la tête. Ils étaient bons ? Maintenant mange notre nourriture… » et d’autres phrases semblables.

Longin, qui se tourne de temps en temps, a pitié et commande 270> une halte de quelques minutes. Et il est tellement insulté par la populace que le centurion ordonne aux troupes de charger. Et la foule lâche, devant les lances qui brillent et menacent, s’éloigne en criant et en descendant ça et là sur la montagne.

C’est ici que je revois sortir de derrière des décombres, peut-être de quelque muret éboulé, le petit groupe des bergers. Désolés, bouleversés, poussiéreux, déchirés, ils appellent à eux le Maître par la force de leurs regards. Et Lui tourne la tête, les voit… Il les fixe comme si c’était des visages d’anges, paraît se désaltérer et se fortifier de leurs pleurs, et il sourit… On redonne l’ordre d’avancer et Jésus passe juste devant eux et entend leurs pleurs angoissés. Il tourne avec difficulté la tête de sous le joug de la croix et leur sourit de nouveau…

Ses réconforts… Dix visages… une halte sous le soleil brûlant…

Et puis, tout de suite, la douleur de la troisième chute complète. Et cette fois, ce n’est pas qu’il bute. Mais il tombe par un soudain fléchissement de ses forces, par une syncope. Il s’allonge en se frappant le visage sur les pierres disjointes, restant dans la poussière, sous la croix retombée sur Lui. Les soldats essaient de le relever. Mais comme il paraît mort, ils vont le rapporter au centurion. Pendant qu’ils vont et viennent Jésus revient à Lui, et lentement, avec l’aide de deux soldats dont l’un relève la croix et l’autre aide le Condamné à se mettre debout, il reprend sa place. Mais il est vraiment épuisé.

« Arrangez-vous pour qu’il ne meure que sur la croix ! » crie la foule.

« Si vous le faites mourir avant, vous en répondrez au Proconsul, souvenez-vous-en. Le coupable doit arriver vivant au supplice » disent les chefs des scribes aux soldats.

Ceux-ci les foudroient de leurs regards féroces mais, par discipline, ne parlent pas.

Longin, cependant, a la même peur que les juifs que le Christ meure en route et il ne veut pas avoir d’ennuis. Sans avoir besoin que quelqu’un le lui rappelle, il sait quel est son devoir de préposé à l’exécution et il y pourvoit. Il y pourvoit en désorientant les juifs qui sont déjà accourus en avant par la route qu’ils ont rejointe de tous les côtés de la montagne en suant, en se griffant pour passer à travers les buissons rares et épineux du mont aride et brûlé, en tombant sur les détritus qui l’encombrent comme si c’était un lieu de déblai pour Jérusalem, sans sentir d’autre peine que celle de perdre un halètement du Martyr, un de ses regards douloureux, un 271> geste même involontaire de souffrance, et sans d’autre peur que celle de ne pas arriver à avoir une bonne place. Longin donne donc l’ordre de prendre le chemin le plus long qui monte en lacets au sommet et qui pour cela est beaucoup moins rapide.

Il semble que ce soit un sentier qui, à force d’être parcouru, soit devenu un chemin suffisamment pratique. Ce croisement de chemin avec l’autre arrive environ à moitié de la montagne. Mais je vois que plus haut, par quatre fois, la route directe se trouve coupée par celle qui monte avec beaucoup moins de pente et qui par compensation est beaucoup plus longue. Et sur cette route, il y a des gens qui montent mais qui ne participent pas à l’indigne chahut des obsédés qui suivent Jésus pour jouir de ses tourments : des femmes pour la plupart, en pleurs et voilées, et quelques petits groupes d’hommes très peu nombreux en vérité, plus en avant de beaucoup que les femmes, qui vont disparaître à la vue quand, en continuant, le chemin fait le tour de la montagne. Ici le Calvaire a une sorte de pointe faite en museau d’un côté alors que de l’autre elle tombe à pic. Les hommes disparaissent derrière la pointe rocheuse et je les perds de vue.

Les gens qui suivaient Jésus hurlent de rage. C’était plus beau, pour eux, de le voir tomber. Avec des imprécations obscènes au Condamné et à ceux qui le conduisent, ils se mettent en partie à suivre le cortège judiciaire et en partie montent presque en courant par la route rapide pour se dédommager de leur déception par une excellente place sur le sommet.

Les femmes, qui s’avancent en pleurant, se retournent en entendant les cris, et voient que le cortège tourne de ce côté. Elles s’arrêtent alors en s’adossant au mont, craignant d’être jetées en bas par les juifs violents. Elles abaissent encore plus leurs voiles sur leurs visages et il y en a une qui est complètement voilée comme une musulmane, ne laissant libres que ses yeux très noirs. Elles sont vêtues très richement et ont pour les défendre un vieil homme robuste dont, enveloppé dans son manteau comme il l’est, je ne distingue pas le visage. Je ne vois que sa longue barbe plutôt blanche que noire qui sort de son manteau foncé.

 Quand Jésus arrive à leur hauteur elles sanglotent plus fort et se courbent en profondes salutations. Puis elles s’avancent résolument. Les soldats voudraient les repousser avec leurs lances, mais celle qui est couverte comme une musulmane écarte un instant son voile devant l’enseigne arrivé à cheval pour voir ce que c’est que ce 272> nouvel obstacle, et il donne l’ordre de la faire passer. Je ne puis voir son visage ni son vêtement, car elle a déplacé son voile avec la rapidité d’un éclair et son habit est complètement caché par un manteau qui arrive jusqu’à terre, lourd, fermé complètement par une série de boucles. La main, qui pour un instant sort de dessous pour déplacer le voile, est blanche et belle, et c’est avec ses yeux noirs l’unique chose que l’on voit de cette grande matrone certainement influente puisque l’officier de Longin lui obéit ainsi.

Elles s’approchent de Jésus en pleurant et s’agenouillent à ses pieds pendant que Lui s’arrête haletant… et pourtant il sait encore sourire à ces pieuses femmes et à l’homme qui les escorte qui se découvre pour montrer qu’il est Jonathas. Mais celui-ci, les gardes ne le font pas passer, seulement les femmes. L’une d’elles est Jeanne de Chouza. Elle est plus défaite que quand elle était mourante. De rouge, elle n’a que les traces de ses pleurs et puis c’est tout un visage de neige avec ses doux yeux noirs qui, ainsi brouillés comme ils le sont, sont devenus d’un violet foncé comme certaines fleurs. Elle a dans les mains une amphore d’argent et l’offre à Jésus, mais Lui refuse. D’ailleurs son essoufflement est si grand qu’il ne pourrait même pas boire. De la main gauche, il s’essuie la sueur et le sang qui Lui tombe dans les yeux, qui, coulant le long de ses joues rouges et de son cou par les veines gonflées dans le battement essoufflé du cœur, trempe tout son vêtement sur la poitrine.

Une autre femme, qui a près d’elle une jeune servante avec un coffret dans les bras, l’ouvre, en tire un linge de lin très blanc, carré, et l’offre au Rédempteur. Il l’accepte et comme il ne peut avec une seule main le faire par Lui-même, la femme pleine de pitié l’aide, en faisant attention de ne pas heurter la couronne, à le poser sur son visage. Jésus presse le linge frais sur son pauvre visage et l’y tient comme s’il trouvait un grand réconfort. Puis il rend le linge et parle : « Merci Jeanne, merci Nique… Sara… Marcella… Élise… Lidia… Anne… Valeria… et toi… Mais… ne pleurez pas… sur Moi… filles de… Jérusalem… mais sur les péchés… les vôtres et ceux… de votre ville… Bénis… Jeanne… de n’avoir…plus d’enfants… Vois… c’est une pitié de Dieu… de ne pas… de ne pas avoir d’enfants… car… ils souffrent de… cela. Et toi aussi… Élisabeth… Mieux… comme cela a été… que parmi les déicides… Et vous… mères… pleurez sur… vos fils, car… cette heure ne passera pas… sans châtiment… Et quel châtiment, s’il en est ainsi pour,.. l’Innocent… Vous pleurerez alors… d’avoir conçu… allaité et… 273> d’avoir encore… vos fils… Les mères… de ce moment-là… pleureront parce que… en vérité, je vous le dis… qu’il sera heureux… celui qui alors… tombera… sous les décombres… le premier. Je vous bénis… Allez… à la maison… priez… pour Moi. Adieu, Jonathas… éloigne-les… »

Et au milieu d’un cri aigu de pleurs féminins et d’imprécations juives, Jésus se remet en marche.

Jésus est de nouveau trempé de sueur. Les soldats aussi suent et les deux autres condamnés, car le soleil de ce jour d’orage est brûlant comme la flamme et le flanc de la montagne devenu brûlant lui aussi s’ajoute à la chaleur du soleil. Que devait être l’effet de ce soleil sur le vêtement de laine de Jésus, en contact avec les blessu­res des fouets, il est facile de l’imaginer et d’en être horrifié… Mais Lui ne profère pas une plainte. Seulement, bien que la route soit beaucoup moins rapide et n’ait pas ces pierres disjointes, si dangereuses pour son pied qui traîne maintenant, Jésus titube toujours plus fort, allant heurter un rang de soldats puis le rang opposé, et fléchissant de plus en plus vers la terre.

Ils pensent supprimer cet inconvénient en Lui passant une corde à la taille et en la tenant par les deux bouts comme si c’étaient des rênes. Oui, cela le soutient, mais ne Lui enlève pas son fardeau. Au contraire, la corde en heurtant la croix, la déplace continuellement sur l’épaule et la fait frapper la couronne qui désormais a fait du front de Jésus un tatouage sanglant. De plus, la corde frotte la taille où se trouvent tant de blessures et certainement doit les ouvrir de nouveau. Aussi la tunique blanche se colore à la taille d’un rosé pâle. Pour l’aider, ils le font souffrir plus encore.

Le chemin continue, il fait le tour de la montagne, revient presque en avant vers la route rapide. Là se trouve Marie avec Jean. Je dirais que Jean l’a amenée en cet endroit ombragé, derrière la pente de la montagne, pour qu’elle se refasse un peu. C’est l’endroit le plus escarpé de la montagne. Il n’y a que ce chemin qui la côtoie. Au-dessous la côte descend rapidement et au-dessus la pente est aussi forte. A cause de cela les cruels la négligent. Là il y a de l’ombre, car je dirais que c’est le septentrion, et Marie, adossée comme elle l’est à la montagne, est à l’abri du soleil. Elle se tient debout appuyée au flanc de la montagne mais elle est déjà épuisée. Elle aussi halète, pâle comme une morte dans son vêtement bleu très foncé, presque noir.

Jean la regarde avec une pitié désolée. Lui aussi a perdu toute trace de couleur et il est terreux, avec deux yeux las et écarquillés, 274> dépeigné, les joues creusées comme s’il avait été malade. Les autres femmes : Marie et Marthe de Lazare, Marie d’Alphée et de Zébédée, Suzanne de Cana, la maîtresse de la maison et d’autres encore que je ne connais pas, sont au milieu du chemin et elles regardent si le Sauveur arrive. Ayant vu que Longin arrive, elles accourent près de Marie pour lui donner la nouvelle. Marie, soutenue par le coude par Jean, se détache, majestueuse dans sa douleur, de la côte du mont et se met résolument au milieu du chemin, en ne s’écartant qu’à l’arrivée de Longin qui, du haut de son cheval, regarde la femme pâle et celui qui l’accompagne, blond, pâle, aux doux yeux de ciel comme elle. Et Longin hoche la tête pendant qu’il la dépasse suivi des onze cavaliers.

Marie essaie de passer entre les soldats à pied mais ceux-ci, qui ont chaud et sont pressés, cherchent à la repousser avec leurs lances, d’autant plus que du chemin pavé volent des pierres pour protester contre tant de pitié. Ce sont encore les juifs qui lancent encore des imprécations à cause de l’arrêt causé par les pieuses femmes et disent : « Vite ! Demain c’est Pâque. Il faut tout finir avant le soir ! Complices qui méprisez notre Loi ! Oppresseurs ! A mort les envahisseurs et leur Christ ! Ils l’aiment ! Voyez comme ils l’aiment ! Mais prenez-le ! Mettez-le dans votre Ville maudite ! Nous vous le cédons ! Nous n’en voulons pas ! Les charognes aux charognes ! La lèpre aux lépreux ! »

 Longin se lasse et éperonne son cheval, suivi des dix lanciers, contre la canaille qui l’insulte et qui fuit une seconde fois. C’est en le faisant qu’il voit une charrette arrêtée, montée certainement des cultures maraîchères qui sont au pied de la montagne et qui attend avec son chargement de salades que la foule soit passée pour descendre vers la ville. Je pense qu’un peu de curiosité chez le Cyrénéen et ses fils l’ont fait monter jusque là, car il n’était vraiment pas nécessaire pour lui de le faire. Les deux fils, allongés sur le tas de légumes, regardent et rient après les juifs en fuite. L’homme, de son côté, un homme robuste sur les quarante-cinquante ans, debout près de l’âne qui effrayé veut reculer, regarde attentivement vers le cortège.

Longin le dévisage. Il pense qu’il peut lui être utile et lui ordonne : « Homme, viens ici. » Le Cyrénéen fait semblant de ne pas entendre, mais avec Longin on ne plaisante pas. Il répète l’ordre de telle façon que l’homme jette les rênes à un de ses fils et s’approche du centurion.

« Tu vois cet homme ? » lui demande-t-il, et en parlant ainsi, il se retourne pour indiquer Jésus et il voit à son tour Marie qui supplie les soldats de la laisser passer. 275> Il en a pitié et crie : « Faites passer la Femme. » Puis il reprend à parler au Cyrénéen : « Il ne peut plus avancer ainsi chargé. Tu es fort. Prends sa croix et porte-la à sa place jusqu’à la cime. »

« Je ne peux pas… J’ai l’âne… il est rétif… les garçons ne savent pas le retenir. »

Mais Longin lui dit : « Va, si tu ne veux pas perdre l’âne et gagner vingt coups comme punition. »

Le Cyrénéen n’ose plus réagir. Il crie aux garçons : « Allez vite à la maison et dites que j’arrive tout de suite » et puis il va vers Jésus.

Il le rejoint juste au moment où Jésus se tourne vers sa Mère que seulement alors il voit venir vers Lui, car il avance si courbé et les yeux presque fermés comme s’il était aveugle, et il crie : « Maman ! »

C’est la première parole depuis qu’il est torturé qui exprime sa souffrance. Car dans cette parole, il y a la confession de tout et de toute sa terrible douleur de l’esprit, du moral et de la chair. C’est le cri déchiré et déchirant d’un enfant qui meurt seul, parmi les argousins et au milieu des pires tortures… et qui arrive à avoir peur même de sa propre respiration. C’est la plainte d’un enfant qui délire et que déchirent des visions de cauchemar… Et il veut la mère, la mère parce que seul son frais baiser calme l’ardeur de la fièvre, que sa voix fait fuir les fantômes, que son embrassement rend la mort moins effrayante…

 Marie porte la main à son cœur comme si elle avait reçu un coup de poignard et vacille légèrement, mais elle se reprend, hâte sa marche et en allant les bras tendus vers son Fils martyrisé, elle crie : « Fils ! » Mais elle le dit d’une telle manière que qui n’a pas un cœur d’hyène le sent se fendre par cette douleur.

Je vois que même parmi les romains il y a un mouvement de pitié… et pourtant ce sont des hommes d’armes habitués aux tueries, marqués de cicatrices – Mais la parole : « Maman ! » et « Fils ! » sont toujours les mêmes et pour tous ceux qui, je le répète, ne sont pas pires que des hyènes, et sont dites et comprises partout, et soulèvent partout des flots de pitié…

Le Cyrénéen a cette pitié… Il voit que Marie ne peut embrasser son Fils à cause de la croix, et qu’après avoir tendu les mains, elle les laisse retomber, persuadée de ne pouvoir le faire. Elle le regarde seulement, essayant de sourire de son sourire martyr, pour le réconforter alors que ses lèvres tremblantes boivent ses larmes. Lui, tordant la tête de sous le joug de la croix, cherche à son tour à 276> lui sourire et à lui envoyer un baiser avec ses pauvres lèvres blessées et fendues par les coups et la fièvre. Le Cyrénéen, à ce spectacle, se hâte d’enlever la croix et il le fait avec la délicatesse d’un père, pour ne pas heurter la couronne et ne pas frotter les plaies.

Mais Marie ne peut baiser son Fils… L’attouchement, même le plus léger, serait une torture sur les chairs déchirées, et Marie s’en abstient. Et puis… les sentiments les plus saints ont une pudeur profonde et ils veulent le respect ou du moins la compassion. Ici, c’est la curiosité et surtout le mépris. Se baisent seulement leurs deux âmes angoissées.

Le cortège se remet en marche sous la poussée des flots d’un peuple furieux qui les presse, les sépare, en repoussant la Mère contre la montagne, l’exposant au mépris de tout un peuple… Maintenant, derrière Jésus, marche le Cyrénéen avec la croix. Et Jésus, libéré de ce fardeau, marche mieux. Il halète fortement, portant souvent la main à son cœur comme s’il avait une grande douleur, une blessure à la région sterno-cardiaque, et maintenant qu’il le peut, n’ayant plus les mains liées, il repousse les cheveux tombés en avant, tout gluants de sang et de sueur, jusque derrière les oreilles, pour sentir l’air sur son visage congestionné, il délace le cordon du cou qui le fait souffrir quand il respire… Mais sa marche est plus facile.

Marie s’est retirée avec les femmes. Elle suit le cortège une fois qu’il est passé, et ensuite, par un raccourci, elle se dirige vers le sommet de la montagne défiant les imprécations de la plèbe cannibale. Maintenant que Jésus est libre, le dernier lacet de la montagne est assez vite parcouru et ils sont proches de la cime toute remplie d’un peuple qui pousse des cris.

Longin s’arrête et il ordonne que tous, inexorablement, soient repoussés plus bas, pour dégager la cime, lieu de l’exécution. Une moitié de la centurie exécute l’ordre en accourant sur place et en repoussant sans pitié tous ceux qui s’y trouvent, en se servant pour cela de leurs dagues et de leurs lances. Sous la grêle des coups de plat et des bâtons les juifs de la cime s’enfuient. Et ils voudraient se placer sur l’esplanade qui est au-dessous. Mais ceux qui y sont déjà ne cèdent pas et parmi ces gens s’allument des rixes féroces. Ils semblent tous fous.

Comme je l’ai dit l’an dernier, le Calvaire, à son sommet, a la forme d’un trapèze irrégulier, légèrement plus haut d’un côté, à partir duquel la montagne descend rapidement pour un peu plus de la moitié de sa hauteur. Sur cette petite place on a déjà préparé 277> trois trous profonds tapissés de briques ou d’ardoises, creusés exprès, en somme. Tout près d’eux, il y a des pierres et de la terre prêtes pour butter les croix. D’autres trous, par contre, ont été laissés pleins de pierres. On comprend qu’ils les vident d’une fois sur l’autre selon le nombre de ceux qui servent.

Sous la cime trapézoïdale, du côté où la montagne ne descend pas, il y a une sorte de plate-forme en pente douce qui forme une seconde petite place. De celle-ci partent deux larges sentiers qui côtoient la cime, de sorte que celle-ci est isolée et surélevée d’au moins deux mètres de tous les côtés.

Les soldats, qui ont repoussé la foule de la cime, apaisent, à coups persuasifs de lances, les rixes et dégagent le chemin pour que le cortège puisse passer sans encombre dans le bout de chemin qui reste, et ils restent là à faire la haie pendant que les trois condamnés, encadrés par les cavaliers et protégés en arrière par l’autre demie centurie, arrivent au point où ils doivent s’arrêter: au pied du plancher naturel, surélevé qui forme la cime du Golgotha.

Pendant que cela arrive, j’aperçois les Marie et un peu en arrière d’elles Jeanne de Chouza avec quatre autres des dames de tout à l’heure. Les autres se sont retirées et elles doivent l’avoir fait par elles-mêmes car Jonathas est là, derrière sa maîtresse. Il n’y a plus celle que nous appelons Véronique et que Jésus a appelée Nique, et sa servante manque aussi et aussi la dame toute voilée à laquelle les soldats obéirent. Je vois Jeanne, la vieille qu’on appelle Élise, Anne et deux que je ne saurais identifier. Derrière ces femmes et les Marie, je vois Joseph et Simon d’Alphée, et Alphée de Sara avec le groupe des bergers. Ils ont lutté avec ceux qui voulaient les repousser en les insultant, et la force de ces hommes, que multiplient leur amour et leur douleur, s’est montrée si violente qu’ils ont vaincu en se créant un demi-cercle libre contre les juifs lâches qui n’osent que lancer des cris de mort et tendre leurs poings. Mais rien de plus, car les bâtons des bergers sont noueux et lourds et la force et l’adresse ne manquent pas à ces preux. Et je ne me trompe pas de parler ainsi. Il faut un vrai courage pour rester aussi peu nombreux, connus comme galiléens ou fidèles au Galiléen, contre toute une population hostile. L’unique point, de tout le Calvaire, où on ne blasphème pas le Christ !

Le mont, des trois côtés qui descendent en pente douce vers la vallée, n’est qu’une fourmilière. La terre jaunâtre et nue ne se voit plus, et sous le soleil qui va et vient, paraît un pré fleuri de corolles 278> de toutes les couleurs tant sont serrés les couvre-chefs et les manteaux des sadiques qui le couvrent. Au-delà du torrent, sur le chemin, une autre foule; au-delà des murs, une autre encore. Sur les terrasses les plus proches, une autre. Le reste de la ville nu… vide… silencieux. Tout est ici : tout l’amour et toute la haine. Tout le Silence qui aime et pardonne, toute la Clameur qui hait et lance des imprécations.

Pendant que les hommes préposés à l’exécution préparent leurs instruments en achevant de vider les trous, et que les condamnés attendent dans leur carré, les juifs réfugiés dans le coin opposé aux Marie les insultent. Ils insultent même la Mère : « A mort les galiléens ! A mort ! Galiléens ! Galiléens ! Maudits ! A mort le blasphémateur galiléen ! Clouez sur la croix même le sein qui l’a porté ! Loin d’ici les vipères qui enfantent les démons ! A mort ! Purifiez Israël des femmes qui s’allient au bouc !… »

Longin, qui est descendu de cheval, se tourne et voit la Mère… Il ordonne de faire cesser ce chahut. La demie centurie, qui était derrière les condamnés, charge la racaille et désencombre complètement la seconde petite place, alors que les juifs s’échappent à tra­vers la montagne en s’écrasant les uns les autres. Les onze cavaliers descendent aussi de cheval et l’un d’eux prend les onze chevaux en plus de celui du centurion et les mène à l’ombre, derrière la côte de la montagne.

Le centurion se dirige vers la cime. Jeanne de Chouza s’avance, l’arrête. Elle lui donne l’amphore et une bourse, et puis se retire en pleurant, pour aller vers le coin de la montagne avec les autres.

Là-haut, tout est prêt. On fait monter les condamnés. Jésus passe encore une fois près de la Mère qui pousse un gémissement qu’elle cherche à freiner en portant son manteau sur sa bouche. Les juges la voient et rient et se moquent d’elle.

Jean, le doux Jean, qui a un bras derrière les épaules de Marie pour la soutenir, se retourne avec un regard féroce, son oeil en est phosphorescent. S’il ne devait pas protéger les femmes, je crois qu’il prendrait à la gorge quelqu’un de ces lâches.

A peine les condamnés sont-ils sur le plateau fatal que les soldats entourent la place de trois côtés. Il ne reste vide que celui qui surplombe.

Le centurion donne au Cyrénéen l’ordre de s’en aller et il s’en va de mauvaise grâce cette fois et je ne dirais pas par sadisme, mais par amour, si bien qu’il s’arrête près des galiléens en partageant avec eux les insultes dont la foule prodigue au petit nombre de 279> fidèles au Christ. Les deux larrons jettent par terre leurs croix en blasphémant.

Jésus se tait. Le chemin douloureux est terminé.

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Jésus Christ porte la Croix :

 

( d’apres les visions de Anne Catherine Emmerich )

 

XXX. JÉSUS PORTE SA CROIX

Lorsque Pilate eut quitté son tribunal, une partie des soldats le suivit et se rangea devant le palais pour former le cortège ; une petits escorte resta près des condamnés.

Vingt-huit Pharisiens armés, parmi lesquels les six ennemis acharnés de Jésus qui avaient pris part à son arrestation sur le mont des Oliviers, vinrent à cheval sur le forum pour l’accompagner au supplice. Les archers conduisirent le Sauveur au milieu de la place, et plusieurs esclaves entrèrent par la porte occidentale, portant le bois de la croix qu’ils jetèrent à ses pieds avec fracas. Les deux bras étaient provisoirement attachés à la pièce principale avec des cordes. Les coins, le morceau de bois destiné à soutenir les pieds, l’appendice qui devait recevoir l’écriteau et divers autres objets furent apportés par des valets du bourreau. Jésus s’agenouilla par terre, prés de la croix, l’entoura de ses bras et la baisa trois fois, en adressant à voix basse à son Père un touchant remerciement pour la rédemption du genre humain qui commençait. Comme les prêtres, chez les païens, embrassaient un nouvel autel, le Seigneur embrassait sa croix, cet autel éternel du sacrifice sanglant et expiatoire. Les archers relevèrent Jésus sur ses genoux, et il lui fallut à grand peine charger ce lourd fardeau sur son épaule droite. Je vis des anges invisibles l’aider, sans quoi il n’aurait pas même pu le soulever. Il resta à genoux, courbé sous son fardeau. Pendant que Jésus priait, des exécuteurs firent prendre aux deux larrons les pièces transversales de leurs croix, ils les leur placèrent sur le cou et y lièrent leurs mains : les grandes pièces étaient portées par des esclaves. Les pièces transversales n’étaient pas droites, mais un peu courbées. On les attacha, lors du crucifiement, à l’extrémité supérieure du tronc principal. La trompette de la cavalerie de Pilate se fit entendre, et un des Pharisiens à cheval s’approcha de Jésus agenouillé sous son fardeau, et lui dit : “  Le temps des beaux discours est passé ; qu’on nous débarrasse de lui. “ En avant, en avant ” ! On le releva violemment, et il sentit tomber sur ses épaules tout le poids que nous devons porter après lui, suivant ses saintes et véridiques paroles.

Alors commença la marche triomphale du Roi des rois, si ignominieuse sur la terre, si glorieuse dans le ciel.

On avait attaché deux cordes au bout de l’arbre de la croix, et deux archers la maintenaient en l’air avec des cordes, pour qu’elle ne tombât pas par terre ; quatre autres tenaient des cordes attachées à la ceinture de Jésus ; son manteau, relevé, était attaché autour de sa poitrine. Le Sauveur, sous le fardeau de ces pièces de bois liées ensemble, me rappela vivement Isaac portant vers la montagne le bois destiné au sacrifice où lui-même devait être immole. Le trompette de Pilate donna le signal du départ, parce que le gouverneur lui-même voulait se mettre à la tête d’un détachement pour prévenir toute espèce de mouvement tumultueux dans la ville. Il était à cheval, revêtu de son armure, et entouré de ses officiers et d’une troupe de cavaliers. Ensuite venait un détachement d’environ trois cents soldats d’infanterie, tous venus des frontières de l’Italie et de la Suisse. En avant du cortège allait un joueur de trompette, qui en sonnait à tous les coins de rue et proclamait la sentence. Quelques pas en arrière marchait une troupe d’hommes et d’enfants qui portaient des cordes, des clous, des coins et des paniers où étaient différents objets ; d’autres, plus robustes, portaient des porches, des échelles et les pièces principales des croix des deux larrons ; puis venaient quelques-uns des Pharisiens à cheval ; et un jeune garçon qui portait devant sa poitrine l’inscription que Pilate avait faite pour la croix ; il portait aussi, au haut d’une perche, la couronne d’épines de Jésus, qu’on avait jugé ne pouvoir lui laisser sur la tête pendant le portement de la croix. Ce jeune homme n’était pas très méchant. Enfin s’avançait Notre Seigneur, les pieds nus et sanglants, courbé sous le pesant fardeau de la croix, chancelant, déchiré, meurtri, n’ayant ni mangé, ni bu, ni dormi depuis la Cène de la veille, épuisé par la perte de son sang, dévoré de fièvre, de soif, de souffrances intérieures infinies ; sa main droite soutenait la croix sur l’épaule droite ; sa gauche, fatiguée, faisait par moments un effort pour relever sa longue robe, où ses pieds mal assurés s’embarrassaient. Quatre archers tenaient à une grande distance le bout des cordes attachées à sa ceinture ; les deux archers de devant le tiraient à eux, les deux qui suivaient le poussaient en avant, en sorte qu’il ne pouvait assurer aucun de ses pas et que les cordes l’empêchaient de relever sa robe. Ses mains étaient blessées et gonflées par suite de la brutalité avec laquelle elles avaient été garrottées, précédemment, son visage était sanglant et enflé, sa chevelure et sa barbe souillée de sang ; son fardeau et ses chaînes pressaient sur son corps son vêtement de laine, qui se collait à ses plaies et les rouvrait. Autour de lui, ce n’était que dérision et cruauté : mais ses souffrances et ses tortures indicibles ne pouvaient surmonter son amour ; sa bouche priait, et son regard éteint pardonnait. Les deux archers placés derrière lui qui maintenaient en l’air l’extrémité de l’arbre de la croix, l’aide des cordes qui y étaient attachées augmentaient les souffrances de Jésus en déplaçant le fardeau qu’ils s’élevaient et faisaient tomber tour à tour. Le long du cortège marchaient plusieurs soldats armés de lances ; derrière Jésus venaient les deux larrons, conduits aussi avec des cordes chacun par deux bourreaux ; ils portaient sur la nuque les pièces transversales de leurs croix, séparées du tronc principal, et leurs bras étendus étaient attachés aux deux bouts. Ils n’avaient que des tabliers : la partie supérieure de Leur corps était couverte d’une espèce de scapulaire sans manches et ouvert des deux côtés ; leur tête était coiffée d’un bonnet de paille. Ils étaient un peu enivrés par suite d’un breuvage qu’on leur avait fait prendre. Cependant le bon larron était très calme ; le mauvais, au contraire, était insolent, furieux et vomissait des imprécations les archers étaient des hommes bruns, petits, mais robustes avec des cheveux noirs, courts et hérissés ; ils avaient la barbe rare et peu fournie, ils n’avaient pas la physionomie juive : c’étaient des ouvriers du canal appartenant à une tribu d’esclaves égyptiens. Ils portaient des jaquettes courtes et des espèces de scapulaires de cuir sans manches : ils ressemblaient à des bêtes sauvages. La moitié des Pharisiens à cheval fermait la marche ; quelques-uns de ces cavaliers couraient ça et là pour maintenir l’ordre. Parmi les gens qui allaient en avant, portant divers objets, se trouvaient quelques enfants juifs de basse condition, qui s’y étaient joints de leur propre mouvement. A une assez grande distance était le cortège de Pilate ; le gouverneur romain était en habit de guerre, au milieu de ses officiers, précédé d’un escadron de cavalerie et suivi de trois cents soldats à pied : il traversa le forum, puis entra dans une rue assez large. Il parcourait la ville afin de prévenir tout mouvement populaire.

Jésus rut conduit par une rue excessivement étroite et longeant le derrière des maisons, afin de laisser place au peuple qui se rendait au Temple, et aussi pour ne pas gêner Pilate et sa troupe. La plus grande partie du peuple s’était mise en mouvement aussitôt après la condamnation, La plupart des Juifs se rendirent dans leurs maisons ou dans le Temple, afin de terminer à la hâte leurs préparatifs pour l’immolation de l’agneau pascal ; toutefois, la foule, composée d’un mélange de toute sorte de gens, étrangers, esclaves, ouvriers, femmes et enfants, était encore grande, et on se précipitait en avant de tous les côtés pour voir passer le triste cortège ; l’escorte des soldats romains empêchait qu’on ne s’y joignit, et les curieux étaient obligés de prendre des rues détournées et de courir en avant : la plupart allèrent jusqu’au Calvaire, La rue par laquelle on conduisit Jésus était à peine large de deux pas ; elle passait derrière des maisons, et il y avait beaucoup d’immondices. Il y eut beaucoup à souffrir : les archers se trouvaient tout prés de lui, la populace aux fenêtres l’injuriait, des esclaves lui jetaient de la boue et des ordures, de méchants garnements versaient sur lui des vases pleins d’un liquide noir et infect, des enfants même, excités par ses ennemis, ramassaient des pierres dans leurs petites robes, et couraient à travers le cortège pour les jeter sous ses pieds en l’injuriant. C’était ainsi que les enfants le traitaient, lui qui avait aime les enfants, qui les avait bénis et déclarés bienheureux.

XXXI. PREMIERE CHUTE DE JESUS SOUS LA CROIX

La rue, peu avant sa fin, se dirige à gauche, devient plus large et monte un peu ; il y passe un aqueduc souterrain venant de la montagne de Sion ; je crois qu’il longe le forum où courent aussi sous terre des rigoles revêtues en maçonnerie, et qu’il aboutit à la piscine Probatique, près de la porte des Brebis. J’ai entendu le bruit de l’eau coulant dans les conduits. On trouve avant la montée une espèce d’enfoncement où il y a souvent de l’eau et de la boue quand il a plu, et où l’on a placé une grosse pierre pour faciliter le passage, ce qui se voit souvent dans les rues de Jérusalem, lesquelles sont très inégales en plusieurs endroits. Lorsque Jésus arriva là, il n’avait plus la force de marcher ; comme les archers le tiraient et le poussaient sans miséricorde, il tomba de tout son long contre cette pierre, et la croix tomba prés de lui. Les bourreaux s’arrêtèrent en le chargeant d’imprécations et en le frappant à grands coups de pied ; le cortège s’arrêta un moment en désordre : c’était en vain qu’il tendait la main pour qu’on l’aidât : “ Ah ! dit-il, ce sera bientôt fini ”, et il pria pour ses bourreaux ; mais les Pharisiens crièrent : “ Relèves-le ; sans cela il mourra dans nos mains. ” Des deux côtés du chemin on voyait ça et là des femmes qui pleuraient et des enfants, qui s’effrayaient. Soutenu par un secours surnaturel Jésus releva la tête, et ces hommes abominables, au lieu d’alléger ses souffrances, lui remirent ici la couronne d’épines. Lorsqu’ils l’eurent remis sur ses pieds en le maltraitant, ils replacèrent la croix sur son dos, et il lui fallut pencher de côté, avec des souffrances inouïes, sa tête déchirée par les épines, afin de faire place sur son épaule au fardeau dont il était chargé. C’est avec ce nouvel accroissement à ses tortures qu’il gravit en chancelant la montée que présentait ici la rue devenue plus large.

XXXII. DEUXIEME CHUTE DE JESUS SOUS LA CROIX

La mère de Jésus, toute navrée de douleur, avait gu1tté le Forum prés d’une heure auparavant, après le prononcé du jugement inique qui condamnait son fils, elle était accompagnée de Jean et de quelques femmes. Elle avait visité plusieurs endroits sanctifiés par les souffrances du Seigneur, mais lorsque le son de la trompette, l’empressement du peuple et la mise en mouvement du cortège de Pilate annoncèrent le départ pour le Calvaire, elle ne put résister au désir de voir encore son divin fils, et elle pria Jean de la conduire à un des endroits où Jésus devait passer. Ils venaient du quartier de Sion ; ils longèrent un des cotés de la place que Jésus venait de quitter, et passèrent par des portes et des allées ordinairement fermées, mais qu’on avait laissées ouvertes parce que la foule se précipitait dans toutes les directions. Ils passèrent ensuite par le côté occidental d’un palais dont une porte s’ouvrait sur la rue où entra le cortège après la première chute de Jésus. Je ne sais plus bien si ce bâtiment n’était pas une dépendance du palais de Pilate, avec lequel il semblait communiquer par des cours et des allées ; mais d’après mes souvenirs d’aujourd’hui, je crois plutôt que c’était la demeure du grand-prêtre Caiphe, car son tribunal seul était à Sion. Jean obtint d’un domestique ou d’un portier compatissant la permission d’aller gagner la porte en question avec Marie et ceux qui l’accompagnaient. Un des neveux de Joseph d’Arimathie était avec eux : Suzanne, Jeanne Chusa et Salomé de Jérusalem accompagnaient la sainte Vierge. Quand je vis la mère de Dieu pâle, les yeux rouges de pleurs, tremblante et se soutenant à peine, traverser cette maison, enveloppée de la tête aux pieds dans un manteau d’un gris bleuâtre, je me sentis le coeur tout déchiré. On entendait déjà le bruit du cortège qui s’approchait, le son de la trompette et la voix du héraut criant le jugement au coin des rues. La porte fut ouverte par le domestique ; le bruit devint plus distinct et plus effrayant. Marie pria et dit à Jean : “  Dois-je voir ce spectacle ? dois-je m’enfuir ? comment pourrai-je le supporter ” ? “ Si vous ne restiez pas ”, répondit Jean, “ vous vous le reprocheriez amèrement plus tard ”.Ils passèrent alors la porte ; elle s’arrêta et regarda à droite sur le chemin qui montait un peu et redevenait uni à l’endroit où était Marie. Hélas ! comme le son de la trompette lui perça le coeur ! Le cortège était encore à quatre-vingts pas de là ; il n’y avait pas de peuple en avant, mais des deux côtés et derrière quelques groupes. Beaucoup de gens de la populace qui avaient quitte le forum les derniers couraient çà et là par des rues détournées pour trouver des places d’où ils pussent voir le cortège. Lorsque les gens qui portaient les instruments du supplice s’approchèrent d’un air insolent et triomphant, la mère de Jésus se prit à trembler et à gémir, elle joignit ses mains, et un de ces misérables demanda : “ Quelle est cette femme qui se lamente ” ? Un autre répond : “ C’est la mère du Galiléen ”. Quand ces scélérats entendirent ces paroles, ils accablèrent de leurs moqueries cette douloureuse mère ; ils la montrèrent au doigt, et l’un d’eux prit dans sa main les clous qui devaient attacher Jésus à la croix, et les présenta à la sainte Vierge d’un air moqueur. Elle regarda Jésus en joignant les mains, et, brisée par la douleur, s’appuya pour ne pas tomber contre la porte, pâle comme un cadavre et les lèvres bleues. Les Pharisiens passèrent sur leurs chevaux, puis l’enfant qui portait l’inscription, puis enfin, à deux pas derrière lui, le fils de Dieu son fils, le très saint, le rédempteur, son bien-aimé Jésus, chancelant, courbé sous son lourd fardeau, détournant douloureusement sa tête couronnée d’épines de la lourde croix qui pesait sur son épaule. Les archers le tiraient en avant avec des cordes ; son visage était livide, sanglant et meurtris : sa barbe inondée d’un sang à moitié figé qui en collait tous les poils ensemble. Ses yeux éteints et ensanglantés, sous l’horrible tresse de la couronne d’épines, jetèrent sur sa douloureuse mère un regard triste et compatissant, et trébuchant sous son fardeau, il tomba pour la seconde fois sur ses genoux et sur ses mains. Marie, sous la violence de sa douleur, ne vit plus ni soldats ni bourreaux elle ne vit que son fils bien-aimé réduit à ce misérable état ; elle se précipita de la porte de la maison au milieu des archers qui maltraitaient Jésus, tomba à genoux près de lui et le serra dans ses bras. J’entendis les mots : “  Mon fils ! Ma mère ! ” mais je ne sais s’ils furent prononcés réellement ou seulement en esprit.

Il y eut un moment de désordre : Jean et les saintes femmes voulaient relever Marie. Les archers l’injurièrent ; l’un d’eux lui dit : “ Femme, que viens-tu faire ici ? Si tu l’avais mieux élevé il ne serait pas entre nos mains ! ” Quelques soldats furent émus. Cependant ils repoussèrent la sainte Vierge en arrière, mais aucun archer ne la toucha. Jean et les femmes l’entourèrent, et elle tomba comme morte sur ses genoux contre la pierre angulaire de la porte, à laquelle le mur s’appuyait. Elle tournait le des au cortège ; sa mains touchèrent à une certaine hauteur la pierre contre laquelle elle s’affaissa C’était une pierre veinés de vert. Ses genoux y laissèrent des cavités ; ses mains, à l’endroit où elle les avait appuyées, des marques moins profondes. C’étaient des empreintes un peu confuses, semblables à celles que la main laisse sur une pâte épaisse en frappant dessus. Je vis cette pierre, qui était fort dure, transportée dans la première église catholique établie prés de la piscine de Bethsaïda, sous l’épiscopat de saint Jacques-le-Mineur. J’ai déjà dit, et je le répète ici, que j’ai vu plusieurs fois de semblables empreintes produites sur la pierre par le contact de saints personnages, à l’occasion de grands événements. C’est aussi vrai que ce mot : “ Les pierres en seraient émues ”  ; que cet autre mot : “ Cela fait impression. ” L’éternelle vérité, dans son infinie miséricorde, n’a jamais eu besoin de l’imprimerie pour transmettre à la postérité des témoignages touchant les choses saintes. Les deux disciples qui étaient avec la mère de Jésus l’emportèrent dans l’intérieur de la maison dont la porte fut fermée. Pendant ce temps, les archers avaient relevé Jésus et lui avaient remis d’une autre manière la croix sur les épaules. Les bras de la croix s’étaient détachés : l’un des deux avait glissé et s’était pris dans les cordes. Ce fut celui-ci que Jésus embrassa, de sorte que par derrière la pièce principale penchait davantage vers la terre. Je vis, çà et là, parmi la populace qui suivait le cortège en proférant des malédictions et des injures, quelques figures de femmes voilées et versant des larmes.

XXXIII. SIMON DE CYRENE , TROISIEME CHUTE DE JESUS

Le cortège arriva à la porte d’un vieux mur intérieur de la ville. Devant cette porte est une place où aboutissent trois rues. Là, Jésus, ayant à passer encore par-dessus une grosse pierre, trébucha et s’affaissa ; la crois roula à terre près de lui ; lui-même, cherchant à s’appuyer sur la pierre, tomba misérablement tout de son long et il ne put plus se relever. Des gens bien vêtus qui se rendaient au Temple passèrent par là et s’écrièrent avec compassion : “ Hélas ! le pauvre homme se meurt ! ” Il y eut quelque tumulte on ne pouvait plus remettre Jésus sur ses pieds, et les Pharisiens, qui conduisaient la marche, dirent aux soldats : “ Nous ne pourrons pas l’amener vivant, si vous ne trouvez quelqu’un pour porter sa croix ”. Ils virent à peu de distance un paien, nommé Simon de Cyrène, accompagné de ses trois enfants, et portant sous le bras un paquet de menues branches, car il était jardinier et venait de travailler dans les jardins situés près du mur oriental de la ville. Chaque année, il venait à Jérusalem pour la fête, avec sa femme et ses enfants, et s’employait à tailler des haies comme d’autres gens de sa profession. Il se trouvait au milieu de la foule dont il ne pouvait se dégager, et quand les soldats reconnurent à son habit que c’était un païen et un ouvrier de la classe inférieure, ils s’emparèrent de lui et lui dirent d’aider le Galiléen à porter sa croix. Il s’en défendit d’abord et montra une grande répugnance, mais il fallut céder à la force. Ses enfants criaient et pleuraient, et quelques femmes qui le connaissaient les prirent avec elles. Simon ressentait beaucoup de dégoût et de répugnance à cause du triste état où se trouvait Jésus et de ses habits tout souillés de boue ; mais Jésus pleurait et le regardait de l’air le plus touchant Simon l’aida à se relever, et aussitôt les archers attachèrent beaucoup plus e. arrière l’un des bras de la croix qu’ils assujettirent sur l’épaule de Simon. Il suivait immédiatement Jésus, dont le fardeau était ainsi allégé. Les archers placèrent aussi autrement la couronne d’épines. Cela fait, le cortège se remit en marche. Simon était un homme robuste, âgé de quarante ans ;il avait la tête nue : son vêtement de dessus était court : il avait autour des reins des morceaux d’étoffe : ses sandales, assujetties autour des jambes par des courroies, se terminaient en pointe : ses fils portaient des robes bariolées. Deux étaient déjà grands ; ils s’appelaient Rufus et Alexandre, et se réunirent plus tard aux disciples. Le troisième était plus petit, et je l’ai vu encore enfant prés de saint Etienne. Simon ne porta pas longtemps la croix derrière Jésus sans se sentir profondément touché.

XXXIV. VERONIQUE ET LE SUAIRE

le cortège entra dans une longue rue qui déviait un peu à gauche et où aboutissaient plusieurs rues transversales. Beaucoup de gens bien vêtus se rendaient au Temple et plusieurs s’éloignaient à la vue de Jésus par une crainte pharisaïque de se souiller, tandis que d’autres marquaient quelque pitié. On avait fait environ deux cents pas depuis que Simon était venu porter la croix avec le Seigneur, lorsqu’une femme de grande taille et d’un aspect imposant, tenant une jeune fille par la main, sortit d’une belle maison située à gauche et précédée d’une avant-cour fermée par une belle grille, à laquelle on arrivait par une terrasse avec des degrés. Elle se jeta au-devant du cortège. C’était Séraphia, femme de Sirach, membre du conseil du Temple, qui fut appelée Véronique, de vera icon (vrai portrait), à cause de ce qu’elle fit en ce jour.

Séraphia avait préparé chez elle d’excellent vin aromatisé, avec le pieux désir de le faire boire au Seigneur sur son chemin de douleur. Elle était déjà allée une fois au-devant du cortège : je l’avais vue, tenant par la main une jeune fille qu’elle avait adoptée, courir à côté des soldats, lorsque Jésus rencontra sa sainte mère. Mais il ne lui avait pas été possible de se faire jour à travers la foule et elle était retournée près de sa maison pour y attendre Jésus. Elle s’avança voilée dans la rue : un linge était suspendu sur ses épaules : la petite fille, âgée d’environ neuf ans, se tenait près d’elle et cacha, à l’approche du cortège, le vase plein de vin. Ceux qui marchaient en avant voulurent la repousser, mais, exaltée par l’amour et la compassion, elle se fraya un passage avec l’enfant qui se tenait à sa robe, travers la populace, les soldats et les archers, parvint à Jésus, tomba à genoux et lui présenta le linge qu’elle déploya devant lui en disant : “ Permettez-moi d’essuyer la face de mon Seigneur. ” Jésus prit le linge de la main gauche, l’appliqua contre son visage ensanglanté, puis le rapprochant de la main droite qui tenait le bout de la croix, il pressa ce linge entre ses deux mains et le rendit avec un remerciement. Séraphia le mit sous son manteau après l’avoir baisé et se releva. La jeune fille leva timidement le vase de vin vers Jésus, mais les soldats et les archers ne souffrirent pas qu’il s’y désaltérât. La hardiesse et la promptitude de cette action avaient excité un mouvement dans le peuple, ce qui avait arrêté le cortège pendant près de deux minutes et avait permis à Véronique de présenter le suaire. Les Pharisiens et les archers, irrités de cette pause, et surtout de cet hommage publie rendu au Sauveur, se mirent à frapper et à maltraiter Jésus, pendant que Véronique rentrait en hâte dans sa maison.

A peine était-elle rentrée dans sa chambre, qu’elle étendit le suaire sur la table placée devant elle et tomba sans connaissance : la petite fille s’agenouilla près d’elle en sanglotant. Un ami qui venait la voir, la trouva ainsi près du linge déployé où la face ensanglantée de Jésus s’était empreinte d’une façon merveilleuse, mais effrayante. Il fut très frappé de ce spectacle, la fit revenir à elle et lui montra le suaire devant lequel elle se mit à genoux en pleurant et en s’écriant : “ Maintenant, je veux tout quitter car le Seigneur m’a donné un souvenir ”. Ce suaire était de laine fine, trois fois plus long que large ; on le portait habituellement autour du cou : quelquefois on en avait un second qui pendait sur l’épaule. C’était l’usage d’aller avec un pareil suaire au-devant des gens affligés, fatigués ou malades, et de leur en essuyer je visage en signe de deuil et de compassion. Véronique garda toujours le suaire pendu au chevet de son lit. Après sa mort, il revint par les saintes femmes à la sainte Vierge, puis à l’Eglise par les apôtres.

Séraphia était cousine de Jean-Baptiste, car son père et Zacharie étaient fils des deux frères. Elle était née à Jérusalem. Lorsque Marie, à l’âge de quatre ans, fut amenée dans cette ville pour faire partie des vierges du Temple je vis Joachim, Anne et d’autres personnes qui les accompagnaient, aller dans la maison paternelle de Zacharie, qui était pas loin du marché aux poissons. Il s’y trouvait un vieux parent de celui-ci, qui était, je crois, son oncle et le grand-père de Séraphia. Elle avait au moins cinq ans de plus que la sainte Vierge et assista à son mariage avec saint Joseph. Elle était aussi parente du vieux Siméon qui prophétisa lors de la présentation de Jésus au Temple, et liée avec ses fils dés sa jeunesse. Ceux-ci tenaient de leur père un vif désir de la venue du Messie qu’éprouvait aussi Séraphia. Cette attente du salut était alors dans le coeur de bien des personnes pieuses comme une aspiration secrète et ardente : les autres ne pressentaient rien de semblable pour l’époque où ils vivaient. Lorsque Jésus, âgé de douze ans, resta à Jérusalem et enseigna dans le Temple, Séraphia, qui n’était pas encore mariée, lui envoyait sa nourriture dans une petite auberge, située à un quart de lieue de Jérusalem où il restait quand il n’était pas dans le Temple, et où Marie, peu après la nativité, venant de Bethléem pour présenter Jésus au Temple, s’était arrêtée un jour et deux nuits chez deux vieillards. C’étaient des Esséniens qui connaissaient la sainte Famille. La femme était parente de Jeanne Chusa. Cette auberge était une fondation pour les pauvres : Jésus et les disciples venaient souvent y loger. Dans les derniers temps de sa vie, lorsqu’il enseigna dans le Temple, je vis souvent Séraphia y envoyer des aliments. Mais alors elle n’était pas tenue par les mêmes personnes.

Séraphia se maria tard : son mari, Sirach, descendait de la chaste Suzanne ; il était membre du conseil du Temple. Comme dans le commencement il était très opposé à Jésus, sa femme eut beaucoup à souffrir de lui à cause de son attachement pour le Sauveur. Quelquefois même il l’enfermait pendant assez longtemps dans un caveau. Joseph d’Arimathie et Nicodème le ramenèrent à de meilleurs sentiments, et il permit à Séraphia de suivre Jésus. Lors du jugement chez Caiphe. Il se déclara pour Jésus avec Joseph et Nicodème, et se sépara comme eux du Sanhédrin. Séraphia est une grande femme encore belle : elle doit pourtant avoir plus de cinquante ans ; lors de l’entrée triomphale du dimanche des Rameaux, je la vis détacher son voile et l’étendre sur le chemin où passait le Sauveur. Ce fut ce même voile qu’elle apporta à Jésus pendant cette marche plus triste, mais plus triomphale encore, pour effacer les traces de ses souffrances, ce voile qui donna à celle qui le possédait un nouveau nom, le nom glorieux de Véronique (1) et qui reçoit encore aujourd’hui les hommages publics de l’Eglise.

(1) Nous ajoutons ici quelques détails donnes par la soeur Emmerich sur sainte Véronique, un jour qu’on lui avait fait toucher des reliques de cette sainte ; c’était le 9 août 1821 : “  J’eus, dit-elle, une vision que Je ne me rappelle pas avoir jamais eue précédemment. Dans la troisième année qui suivit l’ascension du Christ, je vis l’empereur romain envoyer quelqu’un à Jérusalem pour recueillir les bruits relatifs a la mort et à la résurrection de Jésus. Cet homme emmena avec lui à Rome Nicodeme, Séraphia et le disciple Epaphras, parent de Jeanne Chusa. C’était un serviteur des disciples, homme plein de simplicité, qui avait été attaché au service du Temple et qui avait vu Jésus ressuscité dans le Cénacle et ailleurs. Je vis Véronique chez l’empereur, Il était malade : son lit était élevé sur deux gradins : un grand rideau pendait Jusqu’à terre La chambre était carrée, pas très grande : il n’y avait pas de fenêtres mais le Jour venait d’en haut : il y avait de longs cordons avec lesquels on pouvait ouvrir et fermer des volets. L’empereur était seul : ces gens étaient dans l’antichambre. Véronique avait avec elle, outre le suaire, un des linceuls de Jésus et elle déploya le suaire devant l’empereur qui était tout seul, c’était une bande d’étoffe longue et étroite qu’elle avait auparavant portée en guise de voile sur la tête et autour du cou. L’empreinte de la face de Jésus se trouvait à une des extrémités et lorsqu’elle la présenta à l’empereur, elle ramassa dans si main gauche l’autre extrémité du suaire. La face de Jésus s’y était imprimée avec son sang. Cette empreinte n’était pas comme un portrait, elle était même plus grande qu’un portrait, parce que le linge avait été appliqué tout autour du visage. Sur l’autre drap était l’empreinte du corps flagelle de Jésus. Je crois que c’était un des draps sur lesquels on l’avait couché pour le laver avant de l’ensevelir. Je ne vis pas l’empereur toucher ces linges mais il fut guéri par leur vue. Il voulait retenir Véronique à Rome et lui donner une maison et des esclaves, mais elle demanda la permission de retourner à Jérusalem pour mourir au lieu où Jésus était mort Élie y revint en effet, et lors de la persécution contre les chrétiens qui réduisit à la misère et à l’exil Lazare et ses soeurs, elle s’enfuit avec quelques autres femmes. Mais on la prit et on l’enferma dans une prison où elle mourut de faim pour le nom de Jésus. à qui elle avait si souvent donné la nourriture terrestre et qui l’avait nourri de sa chair et de son sang pour la vie éternelle. Je me rappelle vaguement d’avoir vu dans une autre occasion, comment, après la mort de Véronique, le voile resta entre les mains des saintes femmes, comment il alla . ensuite à Edesse, où le porta le disciple Thaddée et où il opéra beaucoup de miracles, puis à Constantinople, et enfin comment il fut transmis à l’Eglise par les apôtres. J’ai cru une fois qu’il .. était à Turin où est le linceul du Sauveur, mais je vis à cette occasion l’histoire de tous ces linges sacrés et ils se sont confondus dans mes souvenirs. aujourd’hui encore j’ai vu beaucoup de choses touchant Séraphia ou Véronique, mais je ne . les raconte pas parce que Je ne m’en souviens que confusément. ”

XXXV. QUATRIEME ET CINQUIEME CHUTES DE JESUS
-LES FILLES DE JERUSALEM

Le cortège était encore à quelque distance de la porte qui est située dans la direction du sud-ouest. On arrive par un chemin un peu en pente à Cette porte qui est fortifiée. On passe d’abord sous une arcade voûtée, puis sur un pont, puis sous une autre arcade. A la sortie, les murs de la ville vont quelque temps au midi, puis au couchant, puis encore au midi, pour entourer la montagne de Sion. A droite de la porte, la muraille va dans la direction du nord, jusqu’à la porte de l’angle, puis elle tourne vers le levant, en longeant la partie septentrionale de Jérusalem. Lorsque le cortège approcha de la porte, les archers accélérèrent leur marche. Le chemin était très inégal et, immédiatement avant la porte, il y avait un grand bourbier. Les archers tirèrent violemment Jésus en avant et on se pressa les uns contre les autres. Simon de Cyrène voulut passer à côté, ce qui fit dévier la croix, et Jésus tombant pour la quatrième fois sous son fardeau, fut rudement précipité dans le bourbier, en sorte que Simon put à peine retenir la croix. Il dit alors d’une voix affaiblie et pourtant distincte : “  Hélas ! hélas ! Jérusalem, combien je t’ai aimée ! j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu me chasses si cruellement hors de tes portes ” ! Le Seigneur parla ainsi avec
une tristesse profonde, mais les Pharisiens ayant entendu ces Paroles, l’insultèrent de nouveau, disant : “ ce perturbateur n’en a pas fini : il tient encore de mauvais pro-pos ”; Puis ils le frappèrent et le traînèrent en avant pour le retirer du bourbier, Simon de Cyrène fut si indi-gné des cruautés exercées envers Jésus, qu’il s’écria : “ Si vous ne mettez pas fin à vos infamies je jette là la croix, quand même vous voudriez me tuer aussi. ” Au sortir de la porte On voit un chemin étroit et rocail-leux, qui se dirige quelque temps au nord et conduit au Calvaire. La grande route d’où ce chemin s’écarte se par-tage en trois embranchements à quelque distance de là : l’un tourne à gauche vers le sud-ouest, et conduit à Bethléhem par la vallée de Bibon : l’autre se dirige au couchant, vers Emmaüs et Joppe; le troisième tourne au nord-ouest autour du Calvaire, et aboutit à la pointe de l’angle qui conduit à Bethsur. De la porte par laquelle Jésus sortit, on peut voir à gauche, vers le sud-ouest, celle de Bethléem. Ces deux portes sont, parmi les portes de Jérusalem, les plus rappro-chées l’une de l’autre. Au milieu de la route, devant la Porte, à l’endroit où commence le chemin du Calvaire, on avait placé sur un poteau un écriteau annonçant la con-damnation à mort de Jésus et des deux larrons. Les carac-tères étaient blancs et en relief, comme si on les y eût col-lés. Non loin de là, à l’angle de ce chemin, était une troupe de femmes qui pleuraient et gémissaient . C’étaient pour la plupart des vierges et de pauvres femmes de Jérusalem avec leurs enfants, qui étaient allées en avant du cortège,; d’autres étaient venues pour la Pâque de Bethléem, d’Hé-bron et des lieux circonvoisins. Jésus tomba presque en défaillance mais il n’alla pas tout à fait à terre, parce que Simon fit reposer la croix sur le sol, s’approcha de lui et le soutint. C’est la cinquième chute de Jésus sous la croix. A la vue de son visage si défait et si meurtri, les femmes poussèrent des cris de douleur, et, suivant la coutume juive, présentèrent à Jésus des linges pour essuyer sa face. Le Sauveur se tourna vers elles, et dit : “ Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi : pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants, car il viendra bientôt un temps où l’on dira : Heureuses les stériles et les entrailles qui n’ont point engendré et les seins qui n’ont point allaité! Alors on commencera à dire aux montagnes : Tombez sur nous! et aux collines : Couvrez-nous! Car si on traie ainsi le bois vert, que sera ce de celui qui  est sec ? Il leur adressa d’autres belles paroles que j’ai oubliées : je me souviens seulement qu’il leur dit que leurs larmes seraient récompensées, qu’elles marcheraient doré-navant sur d’autres chemins, etc. Il y eut une pause en cet endroit : les gens qui portaient les instruments du supplice se rendirent à la montagne du Calvaire suivis de cent sol-dats romains de l’escorte de Pilate, lequel avait accompagné  de loin le cortège; arrivé à la porte, il rebroussa chemin vers l’intérieur de la ville.

XXXVI. JESUS SUR LE MONT GOLGOTHA

SIXIÈME ET SEPTIÈME CHUTES DE JÉSUS

On se remit en marche, Jésus pliant sous son fardeau et sous les coups, monta péniblement entre les murs de la ville et le Calvaire. A l’endroit où le sentier tortueux se détourne et  monte vers le midi. il tomba pour la sixième fois, et cette chute fat très douloureuse. On le poussa, on le frappa brutalement qua jamais, et il arriva au rocher du Calvaire, of, il tomba sous la croix pour la septième fois. Simon de Cyrène, maltraité et fatigué lui-même, était plein d’indignation et de pitié : il aurait voulu soulager en-core Jésus, mais les archers le chassèrent en l’injuriant. Il se réunit bientôt après aux disciples. On renvoya aussi tous  les enfants et les manoeuvres qui avaient fait partie du cortège et dont on n’avait plus besoin. Les Pharisiens à cheval étaient arrivés par des chemins commodes situés du côté occidental du Calvaire. On pouvait voir de là pardessus les murs de la ville. Le plateau supérieur, le lieu du supplice, est de forme circulaire; son étendue est à peu près celle d’un manège de moyenne grandeur : tout autour est un terrassement que coupent cinq chemins. Ces cinq chemins se retrouvent en beaucoup d’endroits du pays ; ainsi, aux lieux où l’on prend les eaux, où l’on baptise, à la piscine de Bethsaida : plusieurs villes ont aussi cinq portes. C’est une disposition ordinaire dans les établissements des temps antiques ; elle s’est conservée parfois dans ceux des temps plus récents, quand une bonne inspiration y a présidé. Il y a là, comme partout dans la Terre Sainte, un sens profond et comme une prophétie accomplie aujourd’hui par l’ouverture des cinq voies de salut dans les cinq plaies sacrées du Sauveur. Les Pharisiens à cheval s’arrêtèrent devant le plateau, du côté du couchant où la pente de la montagne est douce : le côté par où l’on amène les condamnés est sauvage et escarpé. Une centaine de soldats romains, originaires des frontières de la Suisse, étaient postés de coté et d’autre. Quelques-uns étaient prés des deux larrons, qu’on n’avait pas conduits tout à fait en haut pour laisser la place libre, mais qu’on avait couchés sur le des un peu plus bas, à l’endroit où le chemin se détourne vers le midi, en leur laissant les bras attachés aux pièces transversales de leur croix. Beaucoup de gens, la plupart de la basse classe, des étrangers, des esclaves, beaucoup de femmes, toutes personnes qui n’avaient point à craindre de se souiller, se tenaient autour de la plate-forme. Leur nombre allait toujours croissant sur les hauteurs environnantes, où s’arrêtaient beaucoup de gens qui se rendaient à la ville. Vers le couchant, au penchant de la montagne de Gihon, il y avait tout un camp d’étrangers venus pour la fête. Beaucoup d’entre eux regardaient de loin, d’autres s’approchaient successivement.

Il était à peu prés onze heures trois quarts lors de la dernière chute de Jésus et du renvoi de Simon. Les archers tirèrent Jésus avec les cordes pour le relever, délièrent les morceaux de la Croix et les mirent par terre les uns sur les autres. Hélas ! quel douloureux spectacle se présenta : le Sauveur debout sur le lieu de son supplice, si triste, si pâle, si déchiré, si sanglant ! Les archers le jetèrent à terre en l’insultant : “ Roi des juifs, lui dirent-ils, nous allons arranger ton trône. ” Mais lui-même se coucha sur la croix de son propre mouvement ; si le triste état où il se trouvait lui eût permis de le faire plus promptement, ils n’auraient pas eu besoin de le jeter par terre. Ils l’étendirent sur la croix pour prendre la mesure de ses membres, pendant que les Pharisiens qui se trouvaient là l’insultaient ; puis ils le relevèrent et le conduisirent à soixanted1x pas au nord, à une espèce de fosse creusés dans le roc, qui ressemblait à une cave ou à une citerne : ils l’y poussèrent si rudement, qu’il se serait brisé les genoux contre la pierre sans un secours miraculeux. Ils en fermèrent l’entrée et laissèrent là des gardes J’entendis distinctement ses gémissements plaintifs. Je crois aussi avoir vu au-dessus de lui des anges qui l’empêchaient de se briser les genoux ; cependant il gémit d’une façon qui d6chirait le coeur. La pierre s’amollit sous ses genoux, Ce fut alors que les archers commencèrent leurs préparatifs. Au milieu de la plate-forme circulaire trouvait le point le plus élevé du rocher du Calvaire ; c’était une éminence ronde d’environ deux pieds de hauteur, à laquelle on arrivait par quelques degrés. Ils creusèrent là les trous où les trois croix devaient être plantées, et dressèrent à droite et à gauche les croix des voleurs, qui étaient grossièrement préparées et plus basses que selles de Jésus. Les pièces transversales, contre lesquelles ceux-ci avaient toujours les mains liées, furent fixées plus tard au-dessous du bout supérieur de la pièce principale. Ils placèrent la croix du Christ au lieu où ils devaient la clouer, de manière à pouvoir la lever sans peine et la faire tomber dans le trou qui lui était destiné. Ils assujettirent les deux bras, clouèrent le morceau de bois où devaient reposer les pieds, percèrent des trous pour les clous et pour l’inscription, enfoncèrent des coins au-dessous de chacun des bras, et tirent ça et là quelques entailles, soit pour la couronne d’épines, soit pour les reins du Sauveur, afin que son corps fût soutenu, non suspendu, et que tout le poids ne portât pas sur les mains, qui auraient pu être arrachées des clous. Ils plantèrent des pieux en terre derrière l’6minence où devait s’élever la crois, et y fixèrent une poutre destinée à servir de point d’appui aux cordes avec lesquelles ils soulèveraient la croix ; enfin ils firent d’autres préparatifs du même genre.

 

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