marques de la veritable devotion a Marie et principales pratiques

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Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge Marie

                                 «PREPARATION AU REGNE DE JESUS-CHRIST»]

                                          De Saint Louis-Marie Grignion de Monfort

 

 

II. «EN QUOI CONSISTE LA DEVOTION A MARIE»

 

[B. MARQUES DE LA VERITABLE DEVOTION A MARIE]

 

[1. «FAUX DEVOTS ET FAUSSES DEVOTIONS A LA SAINTE VIERGE»]  cliquez ici pour lire ce chapitre

 

[1. «Les dévots ctritiques»]

[2. «Les dévots scrupuleux»]

 [3. «Les dévots extérieurs»]

[4. «Les dévots présomptueux»]

[5. «Les dévots inconstants»]

[6. «Les dévots hypocrites»]

[7. «Les dévots intéressés»]

 

[2. MARQUES DE LA VERITABLE DEVOTION A LA SAINTE VIERGE] cliquez ici pour lire ce chapitre

 

[1. «La vraie dévotion est intérieure»]

[2. «La vraie dévotion est tendre»]

[3. «La vraie dévotion est sainte»]

[4. «La vraie dévotion est constante»]

[5. «La vraie dévotion est désintéressée»]

 

 

 

[C. «PRINCIPALES PRATIQUES DE DEVOTION A MARIE»]cliquez ici pour lire ce chapitre

 

 

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[B. MARQUES DE LA VERITABLE DEVOTION A MARIE]

90. Ces cinq vérités présupposeées, il faut maintenant plus

que jamais faire un bon choix de la vraie dévotion à la Très

Sainte Vierge: car il y a plus que jamais de fausses

dévotions à la Sainte Vierge, qu’il est facile de prendre pour

de véritables dévotions. Le diable, comme un faux monnayeur et

un trompeur fin et expérimenté, a déjà tant trompé et damné

d’âmes par une fausse dévotion à la Très Sainte Vierge, qu’il

se sert tous les jours de son expérience diabolique pour en

damner beaucoup d’autres, en les amusant et endormant dans le

péché, sous prétexte de quelques prières mal dites et de

quelques pratiques extérieures qu’il leur inspire. Comme un

faux monnayeur ne contrefait ordinairement que l’or et

l’argent et fort rarement les autres métaux, parce qu’ils n’en

valent pas la peine, ainsi l’esprit malin ne contrefait pas

tant les autres dévotions que celles de Jésus et de Marie, la

dévotion à la Sainte Communion et la dévotion à la Sainte

Vierge, parce qu’elles sont, parmi les autres dévotions, ce

que sont l’or et l’argent parmi les métaux.

91. Il est donc très important de connaître, premièrement,

les fausses dévotions à la Très Sainte Vierge pour les éviter,

et la véritable pour l’embrasser; secondement, parmi tant de

pratiques différentes de la vraie dévotion à la Sainte

Vierge, quelle est la plus parfaite, la plus agréable à la

Sainte Vierge, la plus glorieuse à Dieu et la plus

sanctifiante pour nous, afin de nous y attacher.

[1. «FAUX DEVOTS ET FAUSSES DEVOTIONS A LA SAINTE VIERGE»]

92. Je trouve sept sortes de faux dévots et de fausses

dévotions à la Sainte Vierge, savoir: 1 les dévots critiques;

2 les dévots scrupuleux; 3 les dévots extérieurs; 4 les

dévots présomptueux; 5 les dévots insconstants; les dévots

hypocrites; 7 les dévots intéressés.

[1. «Les dévots ctritiques»]

93. Les dévots critiques sont, pour l’ordinaire, des savants

orgueilleux, des esprits forts et suffisants, qui ont au fond

quelque dévotion à la Sainte Vierge, mais qui critiquent

presque toutes les pratiques de dévotion à la Sainte Vierge

que les gens simples rendent simplement et saintement à cette

bonne Mère, parce qu’elles ne reviennent pas à leur fantaisie.

Ils révoquent en doute tous les miracles et histoires

rapportés par des auteurs dignes de foi, ou tirés des

chroniques des ordres religieux, qui font foi des miséricordes

et de la puissance de la Très Sainte Vierge. Ils ne sauraient

voir qu’avec peine des gens simples et humbles à genoux devant

un autel ou image de la Sainte Vierge, quelquefois dans le

coin d’une rue pour y prier Dieu; et ils les accusent

d’idolâtrie, comme s’ils adoraient le bois ou la pierre; ils

disent que, pour eux, ils n’aiment point ces dévotions

extérieures et qu’ils n’ont pas l’esprit si faible que

d’ajouter foi à tant de contes et historiettes qu’on débite de

la Sainte Vierge. Quand on leur rapporte les louanges

admirables que les saints Pères donnent à la Sainte Vierge, ou

ils répondent qu’ils ont parlé en orateurs, par exagération,

ou ils donnent une mauvaise explication à leurs paroles.

Ces sortes de faux dévots et de gens orgueilleux et

mondains sont beaucoup à craindre et ils font un tort infini à

la dévotion à la Très Sainte Vierge, et en éloignent les

peuples d’une manière efficace, sous prétexte d’en détruire

les abus.

[2. «Les dévots scrupuleux»]

94. Les devôts scrupuleux sont des gens qui craignent de

déshonorer le Fils en honorant la Mère, d’abaisser l’un en

élevant l’autre. Ils ne sauraient souffrir qu’on donne à la

Sainte Vierge des louanges très justes, que lui ont données

les saints Pères; ils ne souffrent qu’avec peine qu’il y ait

plus de monde à genoux devant un autel de la Sainte Vierge que

devant le Saint-Sacrement, come si l’un était contraire à

l’autre; comme si ceux qui prient la Sainte Vierge ne priaient

pas Jésus-Christ! Ils ne veulent pas qu’on parle si souvent de

la Sainte Vierge et qu’on s’adresse si souvent à elle.

Voici quelques sentences qui leur sont ordinaires: A quoi

bon tant de chapelets, tant de confréries et de dévotions

extérieures à la Sainte Vierge. Il y a en cela bien de

l’ignorance. C’est faire une mômerie de notre religion.

Parlez-moi de ceux qui sont dévots à Jésus-Christ (ils le

nomment souvent sans se découvrir, je le dis par parenthèse):

il faut recourir à Jésus-Christ, il est notre unique

médiateur; il faut prêcher Jésus-Christ, voilà le solide!

Ce qu’ils disent est vrai dans un sens; mais par rapport

à l’application qu’ils en font, pour empêcher la dévotion à la

Très Sainte Vierge, il est très dangereux, et un fin piège du

malin, sous prétexte d’un plus grand bien; car jamais on

n’honore plus Jésus-Christ que lorsqu’on honore plus la Très

Sainte Vierge, puisqu’on ne l’honore qu’afin d’honorer plus

parfaitement Jésus-Christ, puisqu’on ne va à elle que comme à

la voie pour trouver le terme où on va, qui est Jésus.

95. La Sainte Eglise, avec le Saint-Esprit, bénit la Sainte

Vierge la première, et Jésus-Christ le second: Benedicta tu in

mulieribus, et benedictus fructus ventris tui, Jesus. Non pas

parce que la Sainte Vierge soit plus que Jésus-Christ ou égale

à lui: ce serait une hérésie intolérable; mais c’est que pour

bénir plus parfaitement Jésus-Christ, il faut auparavant bénir

Marie. Disons donc avec tous les vrais dévots de la Sainte

Vierge, contre ses faux dévots scrupuleux: O Marie, vous êtes

bénie entre toutes les femmes, et béni est le fruit de votre

ventre, Jésus.

[3. «Les dévots extérieurs»]

96. Les dévots extérieurs sont des personnes qui font

consister toute la dévotion à la Très Sainte Vierge en des

pratiques extérieures; qui ne goûtent que l’extérieur de la

dévotion à la Très Sainte Vierge, parce qu’ils n’ont point

d’esprit intérieur; qui diront force chapelet à la hâte,

entendront plusieurs messes sans attention, iront aux

processions sans dévotion, se mettront de toutes ses

confréries sans amendement de leur vie, sans violence à leurs

passions et sans imitation des vertus de cette Vierge très

sainte. Ils n’aiment que le sensible de la dévotion, sans en

goûter le solide; s’ils n’ont pas de sensibilités dans leurs

pratiques, ils croient qu’ils ne font plus rien, ils se

détractent, ils quittent tout cela, ou il font tout à baton

rompu. Le monde est plein de ces sortes de dévots extérieurs,

et il n’y a pas de gens plus critiques des personnes d’oraison

qui s’appliquent à l’intérieur comme à l’essentiel, sans

mépriser l’extérieur de modestie qui accompagne toujours la

vraie dévotion.

[4. «Les dévots présomptueux»]

97. Les dévots présomptueux sont des pécheurs abandonnés à

leurs passions, ou des amateurs du monde, qui, sous le beau

nom de chrétien et de dévot à la Sainte Vierge, cachent ou

l’orgueil, ou l’avarice, ou l’impureté, ou l’ivrognerie, ou la

colère, ou le jurement, ou la médisance, ou l’injustice, etc.;

qui dorment en paix dans leurs mauvaises habitudes, sans se

faire beaucoup de violence pour se corriger, sous prétexte

qu’ils sont dévots à la Vierge; qui se promettent que Dieu

leur pardonnera, qu’ils ne mourront pas sans confession, et

quils ne seront pas damnés, parce qu’ils disent leur chapelet,

parce qu’ils jeûnent le samedi, parce qu’ils sont de la

confrérie du Saint Rosaire ou Scapulaire, ou de ses

congrégations, parce qu’ils portent le petit habit ou la

petite chaîne de la Sainte Vierge, etc.

Quand on leur dit que leur dévotion n’est qu’une illusion

du diable et qu’une présomption pernicieuse capable de les

perdre, ils ne le veulent pas croire; ils disent que Dieu est

bon et miséricordieux; qu’il ne nous a pas faits pour nous

damner; qu’il n’y a homme qui ne pèche; qu’ils ne mourront pas

sans confession; qu’un bon peccavi à la mort suffit; de plus

qu’ils sont dévots à la Sainte Vierge; qu’ils portent le

scapulaire; qu’ils disent tous les jours sans reproche et sans

vanité sept Pater et sept Ave en son honneur; qu ‘ils disent

même quelquefois le chapelet et l’office de la Sainte Vierge;

qu’ils jeûnent, etc. Pour confirmer ce qu’ils disent et

s’aveugler davantage, ils apportent quelques histoires qu’ils

ont entendues ou lues en des livres, vraies ou fausses,

n’importe pas, qui font foi que des personnes mortes en péché

mortel, sans confession, parce qu’elles avaient, pendant leur

vie, dit quelques prières ou fait quelques pratiques de

dévotion à la Sainte Vierge, ou ont été ressucitées pour se

confesser, ou leur âme a demeuré miraculeusement dans leur

corps jusqu’à la confession, ou par la miséricorde de la

Sainte Vierge, ont obtenu de Dieu, à leur mort, la contrition

et le pardon de leur péchés, et par là ont été sauvés, et

qu’ils espèrent la même chose.

98. Rien n’est si damnable, dans le christianisme, que cette

présomption diabolique; car peut-on dire avec vérité qu’on

aime et qu’on honore la Sainte Vierge, lorsque, par ses

péchés, on pique, on perce, on crucifie et on outrage

impitoyablement Jésus-Christ son Fils? Si Marie se faisait une

loi de sauver par sa miséricorde ces sortes de gens, elle

autoriserait le crime, elle aiderait à crucifier et outrager

son Fils; qui l’oserait jamais penser?

99. Je dis qu’abuser ainsi de la dévotion à la Très Sainte

Vierge, qui, après la dévotion à Notre-Seigneur au Très Saint-

Sacrement, est la plus sainte et la plus solide, c’est

commettre un horrible sacrilège, qui, après le sacrilège de

l’indigne communion, est le plus grand et le moins

pardonnable.

J’avoue que, pour être vraiment dévot à la Sainte Vierge,

il n’est pas absolument nécessaire d’être si saint qu’on évite

tout péché, quoiqu’il fût à souhaiter; mais il faut du moins

(qu’on remarque bien ce que je vais dire):

Premièrement être dans une sincère résolution d’éviter au

moins tout péché mortel, qui outrage la Mère aussi bien que le

Fils;

Secondement se faire violence pour éviter le péché;

Troisièmement, se mettre des confréries, réciter le

chapelet, le saint rosaire ou autres prières, jeûner le

samedi, etc.

100. Cela est merveilleusement utile à la conversion d’un

pécheur, même endurci; et si mon lecteur est tel, et quand il

aurait un pied dans l’abîme, je le lui conseille, mais à

condition qu’il ne pratiquera ces bonnes oeuvres que dans

l’intention d’obtenir de Dieu, par l’intercession de la Sainte

Vierge, la grâce de la contrition et du pardon de ses péchés,

et de vaincre ses mauvaises habitudes, et non pas pour

demeurer paisiblement dans l’état du péché, contre les remords

de sa conscience, l’exemple de Jésus-Christ et des saints, et

les maximes du saint Evangile.

[5. «Les dévots inconstants»]

101. Les dévots inconstants sont ceux qui sont dévots à la

Sainte Vierge par intervalles et par boutades: tantôt ils sont

fervents et tantôt ils sont tièdes, tantôt ils paraissent

prêts de tout faire pour son service, et puis, peu après, ils

ne sont plus les mêmes. Ils embrasseront d’abord toutes les

dévotions de la Sainte Vierge; il se mettront de ses

confréries, et puis il n’en pratiquent point les règles avec

fidélité; ils changent comme la lune, et Marie les met sous

ses pieds, avec le croissant, parce qu’ils sont changeants et

indignes d’être comptés parmi les serviteurs de cette Vierge

fidèle, qui ont la fidélité et la constance pour partage. Il

vaut mieux ne pas se charger de tant de prières et pratiques

de dévotion, et en faire peu avec amour et fidélité, malgré le

monde, le diable et la chair.

[6. «Les dévots hypocrites»]

102. Il y a encore de faux dévots à la Sainte Vierge, qui sont

des dévots hypocrites, qui couvrent leurs péchés et leurs

mauvaises habitudes sous le manteau de cette Vierge fidèle,

afin de passer aux yeux des hommes pour ce qu’ils ne sont pas.

[7. «Les dévots intéressés»]

103. Il y a encore des dévots intéressés, qui ne recourent à

la Sainte Vierge que pour gagner quelque procès, pour éviter

quelque péril, pour guérir d’une maladie, ou pour quelque

autre besoin de la sorte, sans quoi ils l’oublieraient; et les

uns et les autres sont de faux dévots, qui ne sont point de

mise devant Dieu ni sa sainte Mère.

104. Prenons donc bien garde d’être du nombre des dévots

critiques, qui ne croient rien et critiquent tout; des dévots

scrupuleux, qui craignent d’être trop dévots à la Sainte

Vierge, par respect à Jésus-Christ; des dévots extérieurs, qui

font consister toute leur dévotion en des pratiques

extérieures; des dévots présomptueux, qui, sous prétexte de

leur fausse dévotion à la Sainte Vierge, croupissent dans

leurs péchés; des dévots inconstants, qui, par légèreté,

changent leurs pratiques de dévotion, ou les quittent tout à

fait à la moindre tentation; des dévots hypocrites, qui se

mettent des confréries et portent les livrées de la Sainte

Vierge afin de passer pour bons; et enfin des dévots

intéressés, qui n’ont recours à la Sainte Vierge que pour être

délivrés des maux du corps ou obtenir des biens temporels.

[2. MARQUES DE LA VERITABLE DEVOTION A LA SAINTE VIERGE]

105. Après avoir découvert et condamné les fausses dévotions à

la Sainte Vierge, il faut en peu de mots établir la véritable,

qui est: 1 intérieure; 2 tendre; 3 sainte; 4 constante et

5 désintéressée.

[1. «La vraie dévotion est intérieure»]

106. Premièrement, la vraie dévotion à la Sainte Vierge est

intérieure, c’est-à-dire elle part de l’esprit et du coeur,

elle vient de l’estime qu’on fait de la Sainte Vierge, de la

haute idée qu’on s’est formée de ses grandeurs, de l’amour

qu’on lui porte.

[2. «La vraie dévotion est tendre»]

107. Secondement, elle est tendre, c’est-à-dire pleine de

confiance en la Très Sainte Vierge, comme d’un enfant dans sa

bonne mère. Elle fait qu’une âme recourt à elle en tous ses

besoin de corps et d’esprit, avec beaucoup de simplicité, de

confiance et de tendresse; elle implore l’aide de sa bonne

Mère en tout temps, en tout lieu et en toute chose: dans ses

doutes, pour être redressée; dans ses tentations, pour être

soutenue; dans ses faiblesses, pour être fortifiée; dans ses

chutes, pour être relevée; dans ses découragements, pour être

encouragée; dans ses scrupules, pour en être ôtée; dans ses

croix, travaux et traverses de la vie, pour être consolée.

Enfin, en tous ses maux de corps et d’esprit, Marie est son

recours ordinaire, sans crainte d’importuner cette bonne Mère

et de déplaire à Jésus-Christ.

[3. «La vraie dévotion est sainte»]

108. Troisièmement, la vraie dévotion à la Sainte Vierge est

sainte, c’est-à-dire qu’elle porte une âme à éviter le péché

et imiter les vertus de la Très Sainte Vierge,

particulièrement son humilité profonde, sa foi vive, son

obéissance aveugle, son oraison continuelle, sa mortification

universelle, sa pureté divine, sa charité ardente, sa patience

héroïque, sa douceur angélique et sa sagesse divine. Ce sont

les dix principales vertus de la Très Sainte Vierge.

[4. «La vraie dévotion est constante»]

109. Quatrièmement la vraie dévotion à la Sainte Vierge est

constante, elle affermit une âme dans le bien, et elle la

porte à ne pas quitter facilement ses pratiques de dévotion;

elle la rend courageuse à s’opposer au monde, dans ses modes

et maximes; à la chair, dans ses ennuis et ses passions; au

diable, dans ses tentations; en sorte qu’une personne vraiment

dévote à la Sainte Vierge n’est point changeante, chagrine,

scrupuleuse ni craintive. Ce n’est pas qu’elle ne tombe et

qu’elle ne change quelquefois dans la sensibilité de sa

dévotion; mais si elle tombe, elle se relève en tendant la

main à sa bonne Mère; si elle devient sans goût ni dévotion

sensible, elle ne s’en met point en peine: car le juste et le

dévot fidèle de Marie vit de la foi de Jésus et de Marie, et

non des sentiments du corps.

[5. «La vraie dévotion est désintéressée»]

110. Cinquièmement enfin, la vraie dévotion à la Sainte Vierge

est désintéressée, c’est-à-dire qu’elle inspire à une âme de

ne se point rechercher, mais Dieu seul dans sa sainte Mère. Un

vrai dévot de Marie ne sert pas cette auguste Reine par un

esprit de lucre et d’intérêt, ni pour son bien temporel ni

éternel, corporel ni spirituel, mais uniquement parce qu’elle

mérite d’être servie, et Dieu seul en elle; il n’aime pas

Marie précisément parce qu’elle lui fait du bien, ou qu’il en

espère d’elle, mais parce qu’elle est aimable. C’est pourquoi

il l’aime et la sert aussi fidèlement dans les dégoûts et

sécheresses que dans les douceurs et ferveurs sensibles; il

l’aime autant sur le Calvaire qu’aux noces de Cana. Oh! qu’un

tel dévot de la Sainte Vierge, qui ne se recherche en rien

dans les services qu’il lui rend, est agréable et précieux aux

yeux de Dieu et de sa Sainte Mère! Mais qu’il est rare

maintenant! C’est afin qu’il ne soit plus si rare que j’ai mis

la plume à la main pour écrire sur le papier ce que j’ai

enseigné avec fruit en public et en particulier dans mes

missions, pendant bien des années.

111. J’ai déjà dit beaucoup de choses de la Très Sainte

Vierge; mais j’ai encore beaucoup plus à dire, et j’en

omettrai encore infiniment davantage, soit par ignorance,

insuffisance, ou défaut de temps, dans le dessein que j’ai de

former un vrai dévot de Marie et un vrai disciple de Jésus-

Christ.

112. Oh! que ma peine serait bien employée si ce petit écrit,

tombant entre les mains d’une âme bien née, née de Dieu et de

Marie, et non du sang, de la volonte de la chair, ni de la

volonté de l’homme, lui découvrait et inspirait, par la grâce

du Saint-Esprit, l’excellence et le prix de la vraie et solide

dévotion à la Très Sainte Vierge, que je vais décrire

présentement! Si je savais que mon sang criminel pût servir à

faire entrer dans le coeur les vérités que j’écris en

l’honneur de ma chère Mère et souveraine Maîtresse, dont je

suis le dernier des enfants et des esclaves, au lieu d’encre,

je m’en servirais pour former ces caractères, dans l’espérance

que j’ai de trouver de bonnes âmes, qui par leur fidélité à la

pratique que j’enseigne, dédommageront ma chère Mère et

Maîtresse des pertes qu’elle a faites par mon ingratitude et

infidélité.

113. Je me sens plus que jamais animé à croire et à espérer

tout ce que j’ai profondément gravé dans le coeur, et que je

demande à Dieu depuis bien des années, savoir: que tôt ou tard

la Très Sainte Vierge aura plus d’enfants, de serviteurs et

d’esclaves d’amour que jamais, et que par ce moyen, Jésus-

Christ, mon cher Maître, règnera dans les coeurs plus que

jamais.

114. Je prévois bien des bêtes frémissantes, qui viennent en

furie pour déchirer avec leurs dents diaboliques ce petit

écrit et celui dont le Saint-Esprit s’est servi pour l’écrire,

ou du moins pour l’envelopper dans les ténèbres et le silence

d’un coffre, afin qu’il ne paraisse point; ils attaqueront

même et persécuteront ceux et celles qui le liront et

réduiront en pratique. Mais n’importe! mais tant mieux! Cette

vue m’encourage et me fait espérer un grand succès, c’est-à-

dire un grand escadron de braves et vaillants soldats de Jésus

et de Marie, de l’un et l’autre sexe, pour combattre le monde,

le diable et la nature corrompue, dans les temps périlleux qui

vont arriver plus que jamais.

Qui legit, intelligat. Qui potest capere, capiat.

[C. «PRINCIPALES PRATIQUES DE DEVOTION A MARIE»]

115. Il y a plusieurs pratiques intérieures de la vraie

dévotion à la Très Sainte Vierge, dont voici les principales

en abrégé:

1 L’honorer comme la digne Mère de Dieu, du culte

d’hyperdulie, c’est-à-dire l’estimer et l’honorer par-dessus

tous les autres saints, comme le chef-d’oeuvre de la grâce et

la première après Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme; 2

méditer ses vertus, ses privilèges et ses actions; 3

contempler ses grandeurs; 4 lui faire des actes d’amour, de

louange et de reconnaissance; 5 l’invoquer cordialement; 6

s’offrir et s’unir à elle; 7 faire ses actions en vue de lui

plaire; 8 commencer, continuer et finir toutes ses actions

par elle, en elle, avec elle [et pour elle], afin de les faire

par Jésus-Christ, en Jésus-Christ, avec Jésus-Christ et pour

Jésus-Christ, notre dernière fin. Nous expliquerons cette

dernière pratique.

116. La vraie dévotion à la Sainte Vierge a aussi plusieurs

pratiques extérieures dont voici les principales:

1 S’enrôler dans ses confréries et entrer dans ses

congrégations; 2 entrer dans les religions instituées en son

honneur; 3 publier ses louanges; 4 faire des aumônes, jeûnes

et mortification d’esprit ou de corps en son honneur; 5

porter sur soi ses livrées, comme le saint rosaire ou le

chapelet, le scapulaire ou la chaînette; 6 réciter avec

attention, dévotion et modestie ou le saint rosaire composé de

quinze dizaines d’Ave Maria en l’honneur des quinze principaux

mystères de Jésus-Christ, ou le chapelet de cinq dizaines, qui

est le tiers du rosaire, ou en l’honneur des cinq mystères

joyeux, qui sont: l’Annonciation, la Visitation, la Nativité

de Jésus-Christ, la Purification et le Recouvrement de Jésus-

Christ au Temple; ou en l’honneur des cinq mystères

douloureux, qui sont: l’Agonie de Jésus-Christ au jardin des

Olives, sa Flagellation, son Couronnement d’épines, son

Portement de Croix et son Crucifement; ou en l’honneur des

cinq mystères glorieux, qui sont: la Résurrection de Jésus-

Christ, son Ascension, la Descente du Saint-Esprit ou la

Pentecôte, l’Assomption de la Sainte Vierge en corps et en âme

dans le ciel, et son Couronnement par les trois personnes de

la très sainte Trinité. On peut dire aussi un chapelet de six

ou sept dizaines en l’honneur des années qu’on croit que la

Sainte Vierge a vécu sur la terre; ou la petite couronne de la

Sainte Vierge, composée de trois Pater et douze Ave, en

l’honneur de sa couronne de douze étoiles ou privilèges; ou

l’office de la Sainte Vierge, si universellement reçu et

recité dans l’Eglise; ou le petit psautier de la Sainte

Vierge, que saint Bonaventure a fait en son honneur, et qui

est si tendre et si dévot, qu’on ne peut le réciter sans en

être attendri; ou quatorze Pater et Ave en l’honneur de ses

quatorze allégresses; ou quelques autres prières, hymnes et

cantiques de l’Eglise, comme le Salve Regina, l’Alma, l’Ave

Regina coelorum, ou le Regina coeli, selon les différents

temps; ou l’Ave maris stella, O gloriosa Domina, etc., ou le

Magnificat ou quelques autres prières de dévotion, dont les

livres sont pleins; 7 chanter et faire chanter en son honneur

des cantiques spirituels; 8 lui faire un nombre de

génuflexions ou révérences, en lui disant par exemple, tous

les matins, soixante ou cent fois: Ave Maria, Virgo fidelis,

pour obtenir de Dieu par elle la fidélité aux grâces de Dieu

pendant la journée; et le soir, Ave Maria, Mater

misericordiae, pour demander pardon à Dieu par elle des péchés

qu’on a commis pendant la journée; 9 avoir soin de ses

confréries, orner ses autels, couronner ou embellir ses

images; 10 porter et faire porter ses images en procession,

et en porter une sur soi, comme une arme puissante contre le

malin; 11 faire faire ses images ou son nom, et les placer ou

dans les églises, ou dans les maisons, ou sur les portes et

entrées des villes, des églises et des maisons; 12 se

consacrer à elle d’une manière spéciale et solennelle.

117. Il y a une quantité d’autres pratiques de la vraie

dévotion à la Très Sainte Vierge, que le Saint-Esprit a

inspirées aux saintes âmes, qui sont très sanctifiantes; on

les pourra lire plus au long dans le Paradis ouvert à

Philagie, composé par le R. Père Paul Barry, de la Compagnie

de Jésus, où il a recueilli un grand nombre de dévotions que

les saints ont pratiquées en l’honneur de la Très Sainte

Vierge, lesquelles dévotions servent merveilleusement à

sanctifier les âmes, pourvu qu’elles soient faites comme il

faut, c’est-à-dire:

1 avec une bonne et droite intention de plaire à Dieu

seul, de s’unir à Jésus-Christ comme à sa fin dernière, et

d’édifier le prochain; 2 avec attention, sans distraction

volontaire; 3 avec dévotion, sans empressement ni négligence;

4 avec modestie et composition de corps respectueuse et

édifiante.

 

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