les divines paroles , ce que Jesus a dit aux Chretiens

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"Les Divines Paroles"

ou ce que le Seigneur a dit à ses intimes dans le cours des siècles chrétiens

parle Père Saudreau

 

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( Tome 1 : 260 pages 15 euros ; Tome 2 : 260 pages 15 euros et 6,70 euros de port ) :

Editions Saint-Jean / librairie chrétienne ( e-mail : editionsaintjean@orange.fr )

 

 

Chapitre premier

Encouragements divins à lire, à méditer et à faire connaître aux autres les paroles révélées

1. Le Seigneur ordonne d’écrire ses paroles

         Sainte Thérèse 1 entendit un jour le Seigneur lui dire : « Tu sais que je te parle quelquefois. Ne manque pas d’écrire mes paroles, car si elles ne te sont pas utiles à toi-même, elles pourront l’être à d’autres » (Relations 52.) Et une autre fois : « Ne manque pas d’écrire les avis que je te donne, afin de ne pas les oublier. Puisque tu aimes à avoir par écrit ceux qui te viennent des hommes, comment regardes-tu comme une perte de temps d’écrire ceux que tu reçois de moi ? Un temps viendra où les uns et les autres te seront nécessaires. » (Relations 64).

 Le confident et le confesseur d’Angèle de Foligno 2 ayant transcrit les paroles du Seigneur que lui avait rapportées la bienheureuse, celle-ci craignit qu’il ne se fût glissé dans ces pages quelque erreur. Le Seigneur dit à Angèle : « tout ce

1 Sainte Thérèse naquit en 1515 et mourut en 1582. Les citations sont faites d’après la traduction du P. Bouix, ou d’après la traduction des Carmélites, Paris, Beauchesne, ou sur l’original : Obras de Santa Teresa de Jesu, par D.Vicente de la Fuente, 1881.

2 Sainte Angèle de Foligno mourut en 1309. Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno a été écrit par son confesseur, le Père Arnaud. (Traduction par le p. Doncoeur. Par M.J. Ferré, par Hello.)

      *

1. UTILITE DES PAROLES REVELEES        (page 2)

              1 – UTILITE DES PAROLES REVELEES

Peux; tes écrits sont destinés à les faire connaître, toute parole que tu écris chante ma miséricorde. Ecris le plus que tu le peux. Je veux avoir besoin de toi, pauvre petit rien, pour faire parvenir aux âmes mes miséricordes. » ( Pp. 16 104.)

   2. Bénédictions promises à ceux qui ont écrit les paroles divines.

 Paroles du Seigneur à sainte Gertrude : « Celui qui transcrira ce livre 1  recevra à chaque trait qui s’y trouve les flèches de l’amour que je lui lancerai de mon divin Cœur et qui exciteront dans son âme les sentiments les plus délicieux d’une divine suavité. » (Prologue.) «  Le travail de la personne qui écrit ce livre m’est aussi agréable que si elle avait suspendu en mon honneur  autant de cassolettes qu’elle y a formé de lettres. » (Liv.V, ch. III.) Dis au frère qui écrit quand tu parles, dit le Seigneur à sainte Angèle de Foligno, de travailler à se faire petit. Il est aimé du Dieu tout-puissant. Dis-lui d’aimer le Dieu tout-puissant. » (Ch.  I.)

3. Le Seigneur à aidé ceux qui ont transmis aux hommes ses paroles

Sainte Mechtilde 2 sachant que deux de ses sœurs – dont l’une n’était autre, semble-t-il, que sainte Gertrude, écrivait un livre de toutes les révélations qui lui avaient été faites, disait au Seigneur : D’où puis-je savoir que tout ce qui est écrit est vrai, puisque je ne l’ai ni lu ni approuvé ? Et encore le lirais-je que je ne m’en rapporterais pas parfaitement à moi-même. Le Seigneur lui répondit : « Je suis dans les cœurs de celles qui désirent t’entendre, en exitant

2 On sait que le livre de sainte Gertrude n’est guère autre chose que l’ensemble des instructions

 

& p.3 à 12

 

Jésus parle de l’utilité des Apparitions et des paroles révélées

 

I  Utilité des Paroles Révélées

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sainte Véronique Juliani 1, j’entendis une voix intérieure qui me dit : " Je suis avec toi, que veux-tu de plus ? " Cette voix me paraissait être celle du Seigneur. Elle me causait tant de contentement que j’étais comme hors de moi ; cependant je continuais d’écrire. A la fin ne le pouvant plus, je voulus me mettre à faire oraison. Mais de nouveau j’entendis la voix qui me dit : " Ecrit ; la fatigue que tu éprouves m’est agréable autant que l’oraison, par ce que ces choses (que tu écris seront de grand profit aux âmes. Donc écrit tout. Ce sont mes œuvres, n’en doute pas. " (Diario, 13 septembre 1697.) " Tes écrits iront dans le monde entier, pour ma gloire et le bien des âmes. " (23 maggio 1697.)

 " Ma fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron 2, je veux vous découvrir les grâces que vous avez reçues de moi, votre Epoux, et que vous les écriviez avec les manquements que vous y avez apportés…à la vérité vous y souffrirez beaucoup, le démon vous tourmentera de toutes manières, mais, ma fille, ayez bon courage, je vous assisterai ; les tourments passeront, et si vous persévérez, il sera enfin confondu et votre Jésus règnera tout pur dans votre cœur. " (Ire part., ch. Ier.)

Le Sauveur fit le même commandement à la bienheureuse Varani d’écrire les révélations qu’il lui avait faites sur ses souffrances intérieures. (Opere spirituali, p. 53.)

Les directeurs de sainte Marguerite-Marie 3 lui avaient ordonné d’écrire les grâces merveilleuses qu’elle recevait, mais elle éprouvait une vive répugnance à le faire ; son divin Maître

1 Sainte Véronique Juliani, née en 1660, mourut en 1727. Elle avait souvent assuré que les instruments de la Passion étaient imprimés dans son cœur. On voulut, après sa mort, vérifier ses déclarations ; tout se trouva conforme à ce qu’elle avait décrit. Nous citons toujours son journal, récemment publié et édité par le P. Pizzicaria, S. J. , Couvent des Capucines, Citta di Castello, Italie.

2 Madeleine Vigneron (1628-1667) vécut à Senlis, puis à Paris d’une vie très édifiante, qu’elle termina après sept années de maladies et de souffrances héroïquement endurées. Son directeur, le P. Mathieu Bourdin, minime, a publié ses mémoires, qui contiennent des choses remarquables. (Paris, 1689.).

3 Sainte Marguerite-Marie (1647-1690). Nous citons d’après l’édition de ses œuvres, par Mgr Gauthey.

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l’en reprit : Pourquoi refuses-tu d’obéir à ma voix qui te demande de mettre par écrit ce qui vient de Moi et non de toi, ca tu n’y a pour ta part qu’une simple adhérence ; considère ce que tu es et ce que tu mérites, et tu pourras connaître d’où vient le bien que tu possèdes. Pourquoi crains-tu puisque je t’ai donné pour asile le lieu où tout est rendu facile. " (Editions Gauthey, I, p. 109.)

Comme Marguerite en accomplissant ressentait toujours la même peine et s’en plaignait à Notre-Seigneur : " Poursuit ma fille, poursuit, il n’en sera ni plus ni moins pour toutes les répugnances ; il faut que ma volonté s’accomplisse ", lui dit Jésus. (II, p. 39.)

Notre Seigneur dit à Marie-Céleste 1 : " Bien aimée de mon cœur, écris de moi. Ce que je t’ai communiqué dans le secret, dis-le publiquement. Car ma volonté est que tu manifestes les vérités que tu as reçues de ma sagesse sur mon Incarnation et la magnificence des œuvres que j’ai accomplies en prenant la nature humaine. Oh ! que de secrets et ma mort sont cachées aux hommes ! Je te commande donc d’écrire de moi afin que mon nom soit glorifié sur la terre. " (Vie, p. 362.)

Jésus déclara plusieurs fois à Sœur Benigna Consolata 2 la mission qu’Il voulait lui confier, et lui fit comprendre qu’elle devait être son instrument.

Ayant dit quelque chose à Jésus du désir que j’avais de faire connaître ses miséricordes, Il me dit : " Mais oui, tu le …

1 La vénérable Marie-Céleste Costarosa (1696-1795) fut cette sainte religieuse que Notre-Seigneur chargea de faire savoir à saint Alphonse de Liguori qu’Il l’avait choisi pour fonder un Ordre nouveau, qui fut l’Ordre du Très saint Rédempteur. (Vie, par le R. P. Favre, Paris, librairie Saint-Paul, 1931.)

2 Sœur Benigna-Consolata Ferrero, née à Turin (1885), entrée au couvent de la Visitation à Côme, le 30 décembre 1907, y mourut en odeur de sainteté, le 1er septembre 1916. Elle reçut dès sa jeunesse les instructions de Jésus. Le Sauveur l’appelait d’abord de son nom de baptême, Maria. A sa prise d’habit, le nom de Benigna-Consolata, et Jésus l’appela dès lors Benigna. Les citations sont extraites, soit de la notice en italien, faite par le couvent de Côme, soit de la Vie, traduite en français, imprimerie Roudil, 3, quai Saint-Clair, Lyon..

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peux; tes écrits sont destinés à les faire connaître. Toute parole que tu écris chante ma miséricorde. Ecris le plus que tu le peux. Je veux avoir besoin de toi, pauvre petit rien, pour faire parvenir aux âmes mes miséricordes. " (Pp. 103, 104.)

2. Bénédictions promises à ceux qui ont écrit

Les paroles divines

 Paroles du Seigneur à sainte Gertrude : " Celui qui transcrira ce livre 1 recevra à chaque trait qui si trouve les flèches de l’amour que je lui lancerai de mon divin Cœur et qui exciteront dans son âme les sentiments les plus délicieux d’une divine suavité. " (Prologue.) " Le travail de la personne qui a écrit ce livre m’est aussi agréable que si elle avait suspendu en mon honneur autant de cassolettes qu’elle y formé de lettres. " (Liv. V, ch. III.) " Dis au frère qui écrit quand tu parles, dit le Seigneur à sainte Angèle de Foligno, de travailler à se faire petit. Il est aimé du Dieu tout-puissant. Dis-lui d’aimer le Dieu tout-puissant. " (Ch. L.)

3. Le Seigneur a aidé

Ceux qui ont transmis aux hommes ses paroles

 Sainte Mechtilde 2 sachant que deux de ses Sœurs-dont l’une n’était autre que, semble-t-il, que sainte Gertrude-écrivaient un livre de toutes les révélations qui lui avaient été faites, disait au Seigneur : D’où puis-je savoir que tout ce qui est écrit est vrai, puisque je ne l’ai ni lu ni approuvé ? Et encore le lirais-je que je ne m’en rapporterais pas parfaitement à moi-même. Le Seigneur lui répondit : "  Je suis dans les cœurs de celles qui désirent t’entendre, en exitant

1 On sait que le livre de sainte Gertrude n’est guère autre chose que l’ensemble des instructions qu’elle reçut du Seigneur.

2 Sainte Mechtilde (1241-1298) vécut dans le monastère d’Helfta en Saxe. (Révélations, texte latin édité par les Pères Bénédictins, Paris, Oudin, 1877 ; traduction francaise par les mêmes, Oudin, 1978.)

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chez elles ce désir. Je suis leur intelligence lorsqu’elles t’entendent, qui leur fait comprendre ce que tu leur rapportes. Je suis aussi dans leur bouche lorsqu’elles en parlent : je suis dans leur main lorsqu’elles l’écrivent, en tout je suis leur aide et leur coopérateur ; et de la sorte tout ce qu’elles dictent et écrivent en moi et par moi qui suis la vérité, est vrai… Ce qu’elles écrivent, bien que manquant de l’élégance avec laquelle je te l’ai communiqué, toutefois avec l’aide et la coopération de ma grâce, recevra le cachet et la confirmation de ma vérité. Tu m’as d’ailleurs si souvent prié de ne pas te laisser séduire par l’esprit d’erreur, que tu as toute raison de croire que ma bonté t’a exaucée en ce point. " (Ve part., ch. XXII.)

 Plus tard, quand le livre fut achevé, le Seigneur lui dit : ne crains rien, c’est moi qui ai tout fait ; tout est donc mon ouvrage. Le don que tu as eu vient de moi, et aussi véritablement que tu l’as reçu de mon Esprit, de même c’est mon esprit qui a poussé vraiment celles-ci à écrire et à poursuivre ce travail. Elles ont en vérité écrit d’après mon Esprit tous les mots de ce livre, qui éternellement brilleront dans leurs couronnes devant mes yeux. " Ve part. , ch. XXXI)

 Sainte Gertrude, dont une autre Sœur écrivait également les révélations, reçut du Seigneur la même assurance : " Puisque tu sais que ma volonté est que ce livre soit écrit, pourquoi te troubler ? C’est moi en effet qui pousse celle qui l’écrit, et je l’aiderai fidèlement. " (Prologue.)

4. Pourquoi Dieu choisit les simples

Pour être ses interprètes

On avait dit à la Sœur Mechtilde 1 que le livre contenant

1. Mechtilde de Magdeboug, morte vers 1293, après avoir pendant de longues années vécu saintement, isolée au milieu du monde, entra dans le monastère d’Helfta où vivait alors sainte Gertrude et sainte Mechtilde. Ces deux grandes servantes de Dieu ont rendu témoignage à sa sainteté et à la vérité de ses révélations. (Révélations de la Sœur Mechtilde, traduction française, Oudin, Paris, 1878 ; édition latine, Oudin, 1877.)

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ses révélations seraient brûlé. Hélas Seigneur, dit-elle, m’avez-vous donc fait illusion en m’ordonnant d’écrire ce livre ? Dieu apparut aussitôt à son âme affligée, et tenant ce livre dans sa main droite, Il dit : " Ma bien aimée, ne soit pas troublée à ce point ; on ne peut brûler la vérité. Celui qui me le prendra des mains devra être plus fort que moi… Considère avec attention mes paroles et vois avec quel amour elles manifestent mes secrets et ne doute plus de toi-même. " Et comme l’humble Sœur objectait son ignorance et sa misère : " Ma fille, reprit le Seigneur, beaucoup de gens perdent leur or précieux par leur négligence, ils ne suivent pas la voie qui les auraient conduits à une école supérieure… J’ai toujours cherché pour accorder mes dons spirituels les plus humbles, les plus petits. Les hautes montagnes ne peuvent recevoir la révélation de mes grâces, car mon Esprit-Saint les fait couler dans les humbles vallées. Beaucoup qui passent pour savants dans les Ecritures ne sont à mes yeux que des insensés. C’est pour moi une grande gloire et c’est pour la sainte chrétienté (l’Eglise), une force puissante de voir une bouche ignorante donner des leçons, d’après mon Esprit-Saint, aux langues érudites. " (Introduction, V.)

 Le frère Henri 1 ayant manifesté son étonnement des révélations faites à Sœur Mechtilde, le Seigneur dit à celle-ci : " Demande-lui comment il se fit que les apôtres

après avoir montré une si grande timidité, parurent si hardis quand ils eurent reçu le Saint-Esprit… demande-lui comment Daniel prit la parole, quand il n’était qu’un enfant, qu’il convainquit de mensonge les vieillards iniques et qu’il délivra Suzanne. " (Liv.II, ch. XXII.)

5, Fruits que doivent produire

Les paroles divines

Le Fils de Dieu dit à sainte Brigitte : " Les paroles que vous entendez dans vos révélation raniment comme une bonne boisson ceux qui désirent la charité, elles échauffent

1 C’était un dominicain savant et vertueux..

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les froids, elles apaisent les troublés, elles affermissent les faibles d’esprit. " (Liv.V, n° 11.)

 A la Sœur Mechtilde furent dites ces paroles : " J’envoie ce livre à tous les gens d’église, bons ou mauvais, parce que si les colonnes se renversent, l’édifice ne peut plus se soutenir…C’est moi qui l’ait fait, ne pouvant plus me retenir de répandre au dehors mes faveurs…Dans ce livre toutes les âmes désolées, troublées trouveront leur consolation, mais ceux qui chercheront ailleurs leur consolation recevront de ces paroles un trouble plus grand encore. " (Introduction, VI.)  " Ce livre est écrit avec le sang de mon cœur. " (Liv. II, ch. XII.)

Sainte Gertrude entendit le Seigneur lui dire : " Si quelqu’un veut lire en ce livre pour son progrès spirituel, je l’attirerai près de moi de telle sorte qu’il semblera que je tiens le livre dans mes mains et que je m’associe à sa lecture… J’aspirerai le soufle de ses désirs qui viendront émouvoir mes entrailles en sa faveur ; je lui inspirerai le souffle de ma divinité, et mon esprit renouvellera son intérieur. " (Prologue.) " Je retrouve partout dans le livre l’inexplicable douceur de l’amour divin, qui l’a fait écrire ; j’y respire la suave odeur de la bonne volonté de la personne qui l’écrit, enfin je suis agréablement flatté d’y contempler l’image de ma gratuite bonté, qui se manifeste à chaque page. " (Liv. V, ch. XXXIII.) " Je pénétrerai de la douceur de mon amour divin et je féconderai toutes les paroles de ce livre… qui a été vraiment écrit sous l’impulsion de mon esprit. Quiconque venant à moi avec un cœur humilié voudra y lire pour l’amour de mon amour, je le prendrai en mon sein, et lui montrerai, comme de mon doigt, les endroits qui lui seront utiles… et je lui ferai sentir le souffle de ma divinité pour le salut de son âme. " (Ibid., ch. XXXIV.)

 Semblables promesses furent faites à sainte Mechtilde : " Tout ce qui est écrit dans ce livre a coulé de mon Cœur divin et y reviendra… Tous ceux qui me recherchent avec un cœur fidèle, trouveront dans ce livre une cause de joie, ceux qui m’aiment s’embraseront davantage de mon amour et ceux qui sont dans l’affliction y trouveront la consolation. " (Liv. II, ch. XLIII.)

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6. Les paroles divines ont aussi pour but

de guérir les hommes de leurs péchés

Sainte Brigitte fut chargée de transmettre à son archevêque les paroles suivantes : " Vous admirez pourquoi je parles. Mais " levez vos yeux, voyez et écoutez. Demandez comment je suis méprisé de tous, rejeté de tous ; personne ne veut m’avoir en son amour. Le cœur de l’homme est dévoré par une cupidité insatiable du levant jusqu’au couchant, cruel même jusqu’à verser le sang de son prochain. Tout le monde s’habille avec orgueil. Les hommes se livrent à la volupté comme des animaux. Quels sont les défenseurs de la foi; en trouve-t-on qui combattent les ennemis de Dieu, où sont ceux qui donnent leur vie pour le Seigneur ? Vous trouverez bien peu d’hommes qui soient mes amis. Pensez à ces choses et vous verrez que je ne parle pas sans sujet… Prenez donc mes paroles et voyez si elles sont, non pas pourries, mais pures et entières, si elles témoignent une foi saine et droite ; voyez si elles sont dignes de mon or, si elles conduisent de l’honneur du monde à l’honneur de Dieu, de la voie de l’enfer à la sublimité du ciel. " (Rével extrav., 51.)

7. Les péchés des hommes peuvent empêcher le fruit

des paroles divines

 Toutes les œuvres de Dieu peuvent être combattues par les créatures. Ainsi il peut se trouver des obstacles qui empêchent, au moins momentanément la parole divine de porter son fruit ; le Seigneur l’a déclaré en ces termes à sainte Brigitte : Ce royaume (de Suède) est souillé par un grand péché qui depuis longtemps reste impuni ; c’est pourquoi mes paroles n’y peuvent fructifier, comme je l’expliquerai par une comparaison. Si l’on plantait en terre un noyau sur lequel on mettait un fardeau pesant, la tige ne pourrait monter. Le noyau étant bon, ne pouvant pousser en haut, pousserait en bas et étendrait très profondément ses racines ; et après, non seulement il portera de bons fruits, mais encore il

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anéantira tout ce qui s’oppose à sa croissance, et il s’étendra par-dessus l’obstacle. Ce noyau signifie ma parole, qui ne peut fructifier en ce royaume, à raison du péché ; elle profitera plus ailleurs jusqu’à ce que, ma miséricorde grandissant, l’endurcissement de cette terre et de ce royaume soit ôté. " (Liv. V, ch. XII.)

Ainsi beaucoup d’œuvres divines combattues persévèrent dans la prière et le sacrifice, elles n’en produisent que de plus grands fruits.

8. Il ne faut mépriser les révélations divines

Sainte Gertrude se demandait pourquoi le Seigneur la pressait de manifester ce qui est écrit dans son livre, car elle n’ignorait pas que certains petits esprits feraient peu de cas de ses dons et s’en serviraient comme d’un texte à calomnies. Le Seigneur lui dit : " Pour ceux qui voudraient calomnier ces dons, que le péché leur en retombe sur leur tête. (Liv. Ier, ch. XV.)

Je ne souffre pas ceux qui pervertissent le sens de ces révélations et qui parlent contre ces écrits ; au reste je triompherai d’eux comme des autres. " (Liv. V. ch. VII.)

Celui qui, poussé d’une veine et orgueilleuse curiosité, faussera le sens de ce livre, je ne le supporterai pas et je n’hésiterai pas à le renverser par ma vertu divine et à le couvrir de confusion. " (Liv. V. ch. XXXIV.)

 " Moins il y a du vôtre dans ces écrits, plus ils sont de moi, dit le Seigneur, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, sachez que mon dessein n’est autre que d’avancer votre perfection et non point de la retarder. Les démons qui ont fait passer la conduite de ma vie pour criminelle, bien qu’elle fut l’innocence même voudraient encore faire passer pour telle la conduite que je tiens sur votre âme, quoi qu’elle fut remplie de mes plus grandes miséricordes… Quand ces écrits viendraient à être méprisés comme un récit qui passe par la croyance, cela ne doit point vous décourager, puisque les hommes ont condamné ce qu’ils m’ont vu faire d’extraordinaire ; quoique je l’ai autorisé par des raisons divines et que ce fût pour leur salut, ils n’ont

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pas laissé de me persécuter jusqu’à me procurer la mort. Ainsi ces écrits pourront bien être condamnés de plusieurs esprits sur cette raison que l’on n’a point accoutumé d’entendre des choses semblables ; mais ils doivent savoir que cette condamnation fondée sur cette seule raison est très injuste et très injurieuse à ma miséricorde, que j’étends extraordinairement sur qui il me plait. " (Ire part., ch. XI.)

 

9. Il faut lire peu à la fois,

Puis méditer et relire souvent les divines paroles

 

 Le Seigneur dit à Mechtilde : " Quand une colombe vient à un tas de blé elle ne l’emporte pas tout entier, mais elle y choisit ce qui lui plaît davantage ; fais de même lorsque tu entends ou que tu lis la parole de Dieu, et que tu ne peux tout retenir dans ton esprit, recueilles-en pour toi quelques traits, sur lesquels tu exerceras ta mémoire, pensant ainsi : Voyons, qu’est ce que ton Bien-Aimé t’annonce dans cette lecture. "  (IIIe partie., ch. XLI.)

Et à Sœur Mechtilde de Magdebourg : " Ce livre n’annonce au monde que moi seul, et il révèle dignement mes secrets. Quiconque voudra bien comprendre ce livre, devra le lire neuf fois. " (Introduction, VI.)

 

Chapitre II

Dieu Amour

 

I. – Les qualités de l’Amour divin

1. Amour de Dieu le Père pour son fils

Et du Fils de Dieu pour son Père

Sainte Madeleine de Pazzi (1566-1607) fut carmélite, à Florence. Elle avait de fréquentes extases, pendant lesquelles elle faisait connaître ce que Dieu lui révélait. Parlant tantôt en son nom, tantôt au nom du Père, ou du Verbe ou du Saint-Esprit. Six secrétaires écrivaient alors ce qui sortait de ses lèvres, puis quand elle était revenue de son extase, sur l’ordre de la Mère Prieure, elle révisait ce qui avait été écrit.  (Œuvres, recueillies par le P. Brancaccio, traduites par Don Anselme Bruviaux, Paris, Palmé, 1873

 

Le Père éternel parla ainsi par la bouche de sainte Madeleine de Pazzi : « l’âme de mon Verbe, se tenant dans mon sein, me regarde et je la regarde moi-même avec un regard de contemplation, d’admiration, d’amour, d’anéantissement, de pureté, de paix, de conseil, de piété, de libéralité, de miséricorde,  de justice, de bonté, de sagesse, de puissance, de communication, de vérité, d’union, d’éternité, de clarté, de transformation et de glorification… O ma fille, épouse de mon fils unique, écoutez attentivement ; si vous voulez comprendre ce que je vais vous dire : au moment où l’âme du Verbe entra dans mon sein (au jour de l’Ascension) elle me regarda, mais d’un regard ineffable et incompréhensible pour vous, et ce regard fut pour elle la source d’une joie immense. Sans doute elle jouissait déjà de la gloire auparavant, puisqu’elle ne cessa de m’être unie depuis son Incarnation, mais elle en reçut alors une auréole plus éclatante que je lui donnais en récompense de la victoire qu’elle venait de remporter sur p.22. la mort et le péché; comme aussi de l’obéissance et de l’amour avec lequel elle avait accompli l’œuvre de votre Rédemption, que je lui avais imposée, amour si ardent et si immense que nulle créature ne peut s’en faire une idée, bien loin de le comprendre. La beauté de cette âme, rehaussée par la splendeur de cette gloire nouvelle et par cet amour immense, que je voyais dans mon Verbe pour la créature, me plut tellement, qu’au moment ou elle entra dans mon sein et fixa ses regards sur moi, je fixais aussi les miens sur elle, et ce regard réciproque, qui rendit plus ardent ce foyer d’amour et plus éclatante cette gloire de la divinité, fit jaillir sur la terre une abondante et ineffable rosée de grâces…

Demande de l’âme : Dites-moi, je vous prie, ô mon Père, ce que le Verbe regardait dans votre sein.

 Réponse du Père : « Il regardait la divinité et l’égalité qu’il tient de moi, qui suis, en qualité de Père le principe et la source vitale de la Très Sainte Trinité, à laquelle son âme était unie en moi. Il regardait avec une complaisance infinie cette Essence divine qu’Il avait reçue de moi, et son âme se contemplait en moi comme dans un miroir voyait les grâces immenses, les trésors infinis qui Lui avaient été communiqué par cette union et qu’elle recevait à un titre nouveau en vertu de ce regard. » (Ire part., ch. XXIV.)

2. Dieu nous a aimés avant de nous créer

et cet amour est tout gratuit

                                     Notre-Seigneur dit à sainte Catherine de Gênes : « Si tu savais combien j’aime les âmes tu ne pourrais plus jamais savoir autre chose en cette vie ; car cette connaissance te ferais mourir ; et si tu vivais, ce serais par l’effet d’un miracle… Mon amour est infini et je ne puis qu’aimer ce que j’ai créé. La cause de mon amour n’est autre que lui-même, et comme tu n’es pas capable de l’entendre, demeure en paix et n’entreprends

P.23

 pas de chercher ce que tu ne saurais trouver. (Dialogue, IIe part., ch. V, p. 347.).

 

                                      1 Sainte Catherine de Gênes (1447-1510) a écrit un traité du Purgatoire et les Dialogues. (Vie et Œuvres, par le vicomte de Bussières, 2e édition, revue par le P. Millet, Paris, Allard, édition Italienne, Gênes, 1847.)

 P.23

    Seigneur, disait la même sainte, qu’est  ce donc que l’homme dont vous avez tant de soin ! Je ne sais si vous êtes son Seigneur ou son serviteur ; il semble que l’amour vous ait aveuglé à tel point que vous ne connaissiez plus nos misères. Le Seigneur lui répondit : Tu demandes une chose si grande que tu ne saurais la comprendre ; mais pour contenter ton intelligence faible et pauvre, je t’en montrerai quelque chose ; si je t’en donnais une plus claire vue, tu ne pourrais vivre, à moins que la grâce ne te soutînt…

  « Sache d’abord que je suis Dieu immuable et que j’aimais l’homme avant de le créer. Je l’aimais d’un amour infini, pur, simple, sans cause aucune ; je ne puis pas ne pas aimer ce que j’ai créé et destiné selon son degré à contribuer à ma gloire. De plus j’ai amplement pourvu l’homme de tous les moyens convenables pour parvenir à sa fin. Je lui ai accordé des dons naturels et des grâces surnaturelles, qui, de ma part, ne lui manquent jamais. De plus mon amour infini l’entoure par divers moyens et voies afin de le soumettre à ma providence, et je ne trouve rien qui me soit contraire que le libre arbitre dont je l’ai doué. Je combats toujours ce libre arbitre par l’amour jusqu’à ce que l’homme me le donne et m’en fasse un présent ; puis, après l’avoir accepté, je le réforme peu à peu par une opération secrète et avec un soin amoureux et jamais je ne l’abandonne que je ne l’ai mené à la fin à laquelle il est destiné. » (IIIe part., ch. 1er, p. 372.)

3. Dieu nous aime malgré nos défauts

              Qu’Il combat sans cesse

« Quand  à ton autre question : pourquoi j’aime cet homme qui m’est si contraire et qui est plein de misères, dont l’infection monte de la terre au ciel, je te réponds : à cause de mon infinie bonté et du pur amour dont j’aime l’homme, je ne puis m’arrêter à  ses défauts, ni cesser de faire mon œuvre, laquelle consiste à le combler toujours de bien. Je lui montre ses faiblesses à ma lumière et les lui fait connaître ; lorsqu’il

(p.25) les connaît, il les pleure, et lorsqu’il les pleure, il s’en purifie. Mais je suis offensé par l’homme lorsqu’il met obstacle à l’opération  que j’ai ordonnée pour le mener à sa fin, en d’autres termes lorsque mon amour ne peut agir selon les besoins de la créature ; cet obstacle c’est le péché. Quant à cet amour que tu demandes à connaître, tu ne saurais le comprendre, car il n’a ni forme ni mesure ; tu ne peux le connaître par la voie de l’entendement, parce qu’il n’est pas intelligible ; il se connaît quelquefois par ses effets. Quiconque n’aurait pas perdu la foi. Quiconque qui n’aurait pas perdu la foi et verrait les effets que je produis dans les hommes par ces rayons d’amour que je répands secrètement dans leurs cœurs, en serait certainement enflammé à tel point qu’il ne pourrait vivre, car la véhémence de cet amour le réduirait à néant. Quoique la créature soit presque toujours dans l’ignorance à cet égard, tu vois cependant que poussés par cet amour inconnu, des hommes abandonnent volontairement le monde, les biens, les amis, les parents ; les autres amours et les plaisirs leur deviennent alors odieux. Cet amour porte l’homme à se vendre pour être esclave, à devenir sujet des autres jusqu’à la mort ; il augmente tellement qu’il ferait endurer mille martyres, comme l’expérience le fait voir continuellement. » (Dialogue, IIIe part., ch. Ier.) .

4. L’amour de Dieu pour nous est toujours en éveil

L’Eternel dans son Ineffable clémence jeta sur Catherine (de Sienne) 1 un regard plein de tendresse et voulu lui expliquer

Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) fut, pendant sa courte vie, l’une des saintes les plus favorisées de communications célestes. Les unes nous furent transmises par le bienheureux Raymond de Capoue, son confesseur à qui la sainte les fit connaître ; les autres furent recueillies par ses secrétaires pendant ses extases, et formèrent le Livre de la divine doctrine ou le Dialogue. Alors, en effet, Dieu le Père parlait en elle et elle répondait. (Dialogo della divina Providenza, nuova edizio secondo un inedito codice,Bari, 1912, et traduction Cartier, Paris, Lethielleux, 19°3 ; Vie, par la Comtesse de Flavigny, Paris, Santon, 1880.)

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comment la divine providence ne manque jamais à personne. Il s’exprime ainsi : « O ma fille bien aimée, combien de fois te l’ai-je répété, oui je veux faire miséricorde au monde et assister chacun selon ses besoins ; mais l’homme ignorant trouve la mort où j’ai placé la vie et il se rend ainsi cruel à lui-même. Moi je veille toujours et je veux que tu sache que ce que je donne à chacun est réglé par mon infinie providence. Avec ma providence j’ai créé l’homme et quand je l’ai regardé en moi-même, je me suis passionné pour la beauté de ma créature, car il m’avait plu de la créer à mon image et à ma ressemblance. » (Dialogue, ch. CXXXV, n°1 et 2.)

Sainte Brigitte vit un jour, assis entre les saints sur un siège majestueux, Jésus-Christ, qui lui dit ces paroles : « Je suis la vraie charité ; tout ce que j’ai fait de toute éternité je l’ai fait par amour ; de même tout ce que j’ai fait et ferai procèdera de mon amour. Mon amour est aussi grand et aussi incompréhensible maintenant qu’il l’était le jour de ma passion, quand par ma mort, dans un exès d’amour je délivrai des limbes tous mes élus. S’il était possible que je mourusse tout autant de fois qu’il y d’âmes en enfer, je souffrirais pour chacune d’elle comme je souffris alors pour toutes ; mon corps serait encore tout disposé à endurer tous ces tourments. » (Liv.VII, ch. XIX.)

5. L’amour de Dieu pour nous est fort, éternel,

  Plein d’ardeur

O Seigneur, disait Mechtilde de Magdeberg, aimez-moi beaucoup, aimez moi souvent, aimez-moi longtemps… Elle entendit cette réponse :

Que je t’aime souvent, cela est dans ma nature, car je suis moi-même l’amour. Que je t’aime fortement, c’est selon mon désir, car je veux être fortement aimé. Enfin que je t’aime longtemps, cela est du ressort de mon éternité, car je suis sans fin. » (Liv. IV, ch. V.)

, ch. V.) Sainte Mechtilde vit le Seigneur ouvrir la plaie de son très doux Cœur, et il lui dit : « Regarde toute l’étendue de mon

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amour pour le bien connaître ; tu ne pourra le trouver nulle part plus clairement que dans les paroles de l’Evangile car on n’en  jamais entendu qui exprimassent un amour plus fort  ou plus tendre que celles-ci : Comme mon Père m’a aimé, ainsi je vous ai aimé (Jean XV, 9), ainsi que d’autres semblables que j’ai adressées tant à mes disciples qu’à mon Père en comblant ceux-là de mes bienfaits. Ière part.., ch. XXI.).

Un jour Notre Seigneur dit à sainte Angèle de <Foligno : »Ma fille, ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée Ego te non amavi per truffam. » Cette parole, écrit la chère sainte, me porta dans l’âme un coup mortel, car mes yeux s’ouvrirent, et je vis dans la lumière de quelle vérité cette  parole était vraie. Je voyais les actes, les effets réels de cet amour et jusqu’où, en vérité, il avait conduit le fils de Dieu. Je vis ce qu’il supporta dans sa vie et dans sa mort pour l’amour de moi par la vertu réelle de cet amour indicible qui lui brûlait les entrailles. Non, non, il ne m’avait pas aimée par moquerie, mais d’un amour épouvantablement sérieux, vrai, profond, parfait, et qui était dans ses entrailles. Et alors, mon amour à moi, mon amour pour lui m’apparut comme une mauvaise plaisanterie, comme un mensonge abominable. Ici, ma douleur devint intolérable, et je m’attendais à mourir sur place. Et d’autres paroles vinrent qui augmentèrent mes souffrances : « Ce n’est pas que je me suis fait ton serviteur, ce n’est pas de loin que je t’aie touchée. »  Eh bien ! moi, m’écriai-je, c’est tout le contraire. Mon amour n’a été que plaisanterie, mensonge et affectation. Je n’ai jamais voulu approcher de vous en vérité, pour partager les travaux que vous avez endurés pour moi, et que vous avez voulu endurer ; je ne vous ai jamais servi dans la vérité et dans la perfection, mais dans la négligence et dans la duplicité. » (Hello, ch. XXXIII ; Doncoeur, p.240 ; Ferré, p. 341.)

Une nuit que sainte Mechtilde se trouvant éveillée saluait le Seigneur du plus profond de son cœur, elle Le vit venir à elle du palais du ciel et lui dire en plaçant son Cœur divin sur son propre cœur : «  Une abeille ne se précipite jamais dans les prés verdoyants pour y butiner parmi les fleurs avec plus d’avidité que je suis prêt à venir dans ton âme quand elle m’appelle. » (IIe part., ch.  III.)

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   Un jour, la même sainte s’inclinant sur le sein de son Bien-aimé entendit à l’intérieur du Cœur divin résonner comme trois battements : « Ces trois battements, lui dit le Seigneur marquent trois paroles que j’adresse à l’âme aimante. La première est ; viens, c’est-à-dire sépare-toi de toutes les créatures ; la seconde est : entre, avec la confiance d’une épouse ; la troisième : dans le lit nuptial qui est le Cœur divin. » (Ire part., ch. XX.)

 

6 L’amour de Dieu pour nous est d’une profondeur

infinie.

Il m’arriva, raconte Marcelline Pauper 1, qu’étant au lit une voix forte m’éveilla, me disant : « Lisez. » Je vis une grande lumière et une main qui me présenta ce mot écrit en lettres d’or : AMOUR. Je considérai fort attentivement l’ O qui se trouve au milieu de ce mot, dont la figure était très parfaite. La voix me dit : « Considère » et je vis dans cette main écrit de même en caractères d’or : Croix, l’O également au milieu d’une beauté infinie et il me fut dit : «  L’un s’éprouve par l’autre. » (Vie, ch. VI.)

7. Le cœur de l’homme fait les délices de Jésus

Le Cœur de Jésus se révélait à sainte Mechtilde : « Rien ne me donne autant de délices que le cœur de l’homme, dont je dois toutefois souvent me passer. J’ai tous les biens en abondance, le cœur de l’homme seul m’échappe souvent. » ( IVe part., ch. XXXIV.)

1 Marcelline Pauper (1663-1708) entra dans l’institut des Sœurs de la Charité de Nevers, cinq ans après sa fondation ; elle y vécut très  saintement et fut très favorisée du Seigneur. Sa vie, écrite par elle-même, fut publiée par le P. Bouix, S.J., Nevers, 1871

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8. Les maux comme les biens viennent de l’amour

Notre-Seigneur, dit Sœur-Marie-aimée de Jésus 1 , me montra qu’il m’avait créée pour lui en me plaçant dans le chœur ; que de même que dans la cire une partie est recueillie pour brûler devant son tabernacle, et l’autre pour des usages vulgaires, de même il m’avait attirée dans le cloître afin  que son amour me consumât en sa sainte présence. Puis Il lui découvrait de combien de maux elle eût été affligée en cette vie, si elle avait eu le malheur d’être assez ingrate pour Lui préférer une créature ; et elle comprit que la vengeance de ce céleste Epoux eût été une vengeance d’amour dans le seul but de la ramener à Lui. Et Notre-Seigneur lui dit : « Si l’épouse infidèle eût été si ardemment aimée, combien penses-tu que doit l’être l’épouse fidèle ? »

     9. L’amour souffre de ne pouvoir donner

Etant à l’Eglise devant le Saint Sacrement, raconte, Madeleine Vigneron, Notre-Seigneur me fit connaître que le refus des grâces Lui est insupportable, car Il n’est dans le Saint Sacrement que pour les communiquer. Ne trouvant personne sur qui décharger son amour, cet amour est comme un feu renfermé qui Le consumerait entièrement s’il en était capable et qui Lui causerait beaucoup plus de souffrances que son Père ne Lui avait envoyé sur la croix. (Vie, II e part., ch XV)

10. Jésus est heureux d’avoir souffert pour nous

La vigile de sainte Claire, Marguerite de Cortone 2 après

1 Sœur Marie-Aimée de Jésus, carmélite de Paris, vécut de 1839 à 1874. Sa    vie a été publiée par les Carmelites exilées à Natoye, province de Namur, Belgique.

2 Sainte Marguerite de Cortone (1247-1297), après avoir vécu neuf ans dans le désordre, se convertit (1273) et répara les fautes de sa jeunesse.

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Avoir reçu dévotement le corps du Fils de Dieu, l’entendit lui dire : « Fille bénie, pour l’amour de qui j’ai pris un corps dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie, qu’elles soient bénies, ces peines auxquelles je me suis soumis pour toi ! Qu’elle soit bénie aussi mon Incarnation. Bénis soient aussi mon Incarnation ! Bénis soient également les travaux que j’ai endurés ! Béni soit enfin  l’amour qui m’a uni aux hommes ! Je compte peu de justes en ce moment parmi mes enfants par rapport au nombre des méchants. N’eussé-je qu’un seul dans le monde, je bénirais à cause de lui toutes les  souffrances que j’ai endurées. » (Sa vie, par son confesseur, traduction Brivain, ch. V, § 44.)

Notre bon Sauveur me dit, raconte Julienne de Norwich 1 : » Vois combien je t’ai aimée. » Ce qui était me dire : ma bien-aimée vois donc, moi qui suis ton Seigneur et ton Dieu, ton créateur et ton bonheur sans fin, quelle satisfaction et quelle joie je trouve dans ton salut, et par amour pour moi, réjouis-toi avec moi. Je t’ai aimée a ce point qu’avant de mourir pour toi, je le désirais ardemment. Et maintenant que je l’ai fait, après avoir souffert volontiers tout ce que j’ai pu souffrir, mes souffrances les plus affreuses sont changées en une joie, en un bonheur éternel pour toi comme pour moi. Comment pourrait-il se faire que si tu me demandes n’importe quoi de ce qu’il te plaît, je n’éprouve pas un grand plaisir à te l’accorder. (X e Révélation, trad. Meunier, p.96.)

 Es-tu contente de ce que j’ai souffert pour toi ? dit à Julienne de Norwich le bon Sauveur.- Oui mon bon Maître, soyez-en béni.- Eh bien si tu en es satisfaite, je le suis encore davantage,

 par une pénitence héroïque. Après sa mort, de nombreux et éclatants miracles furent opéré par son intercessions. Son confesseur, le P. Giunta Bevegnati, a écrit sa vie intime (Traduction par l’abbé Brivain, Lyon, Nouvellet, 1900.)

1Julienne de Norwich fut une sainte recluse, dont la vie qui dura un siècles s’écoula dans la ville de ce nom, en Angleterre (1342-1442).  (Révélations, London, 1902; traduction de P. Meunier, O. S. B.,Paris, Oudin, 1910.)

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.Suite, n°2 « Chapitre II Dieu Amour »

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Notre bonheur : « Tant que j’ai été sur la terre, a-t-il dit à Marguerite de Cortone, mon corps n’a pas eu un seul jour de bonheur complet, et pourtant j’enivre ici bas mes amis des joies célestes en leur donnant le repos et la paix. « (Vie intime, IX, 38.)

11. L’amour de Dieu est gratuit

La Mère Françoise de la Mère de Dieu 1 étant un jour dans un profond sentiment de sa bassesse et de son indignité, disait à Notre Seigneur : Vous savez ce que je suis ; que ne faites-vous vos miséricordes à des âmes qui vous soient fidèles, pourquoi vous arrêter a un si chétif rien ? Il lui dit : «  Je sais bien que vous n’êtes rien, et ce n’est pas à cause de ce que vous êtes, mais parce que vous avez dérobé mon cœur. Oui, par ma seule bonté, je me suis laissé dérober mon cœur, et parce que par ma miséricorde, je me suis établi en vous, je ne puis rien vous refuser. » (Vie. Ch. XIII, P 186.)

 Une autre fois, le Seigneur lui dit : « Celles auxquelles je veux me donner ne doivent pas penser qu’elles sont mieux disposées que les autres, mais je veux me donner à elles pour les exciter à m’aimer et me servir plus fidèlement. Quand je suis venu sur la terre, je n’y ai trouvé que pécheur et péchés, et je n’ai pas laissé de venir pour les attirer à moi. Ainsi, quoiqu’il y ait de l’imperfection dans une âme, je ne laisse pas de me donner à elle pour l’attirer par ma bonté. « (Vie, ch. XXVIII, p .384.)

   12. Dieu aime certaines âmes d’un amour de préférence

 Dieu dit un jour à sainte Véronique Juliani : « Je t’ai choisie pour ma plus grande gloire. Ce qui te manque, je le suppléerai par ton amour. Je veux te faire tant et de si grandes grâces,

La mère Françoise de la Mère de Dieu (1615-1671), religieuse d’une sainteté éminente, fut supérieure des Carmels de Dieppe et de Pont-Audemer.  Vie, Paris Lecoffre, 1906.)

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Que tu deviennes un incendie d’amour, tu seras embrasée et tu communiqueras tes ardeurs au prochain comme je le voudrai ; et j’opérerai tout par ton intermédiaire. Mais je te fait savoir que désormais je ne veux plus d’ingratitude, mais fidélité et pur amour. » (Diario, 10  giugno 1699.)

Combien d’âmes aimées d’un amour de prédilection, prévenues de grâces de choix, ne répondent pas aux desseins de Dieu !

13. La fidélité rend l’âme plus chère à Dieu

A une personne-très vraisemblablement sainte Gertrude qui nous a transmis ce fait –qui priait pour sainte Metchilde le Seigneur dit : Ma bien-aimée pour qui tu m’as si souvent rendu des actions de grâce, entre les vertus insignes qu’elle possédait, m’a plu surtout pour les suivantes : pour son parfait renoncement à elle-même, pour l’union parfaite de sa volonté et de la mienne, car elle n’a jamais voulu que l’accomplissement de ma volonté et toutes mes œuvres et mes jugements avaient toujours son assentiment. Ensuite elle était très compatissante, portant secours et consolation avec une admirable affection a tous les affligés. Quatrièmement elle aimait absolument le prochain comme elle-même et de toute sa vie elle n’a fait aucun mal au prochain. Cinquièmement elle eut un cœur tranquille et pacifique et jamais elle ne permit qu’il y séjournât rien qui pût troubler mon repos en elle… rendez-moi grâces pour tout le bien que j’ai opéré et opère encore en elle et que j’opérerai  dans toute l’éternité, spécialement pour ces délices et ce doux repos que j’ai goûtés en elle, pour ce courant de félicité que j’ai versé en elle, pour la sainte opération de mon Esprit en elle, et pour la parfaite jouissance qui me permettait de goûter en elle mes délices les plus chères 1. » (Ve part., ch.XXVI.)

1 Sainte Gertrude qui a rédigé le livre des Révélations de sainte Mechtilde, nous y rapporte que le jour où mourut sa sainte amie, pas une seule âme chrétienne dans le monde entier ne descendit en enfer. Les méchants, ou bien s’ils décédèrent en ce jour, obtinrent la contrition par

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 les mérites de cette âme si heureuse et si chérie de Dieu, ou bien, s’ils étaient si pervers et si endurcis qu’ils résistèrent à toute grâce, le Seigneur ne permit point qu’en ce jour leurs âmes sortisse de leur corps pour ne pas laisser un si terrible jugement s’exercer dans un jour de si grande solennité et d’une si grande joie pour son cœur. (Sainte Mechtilde, VIIe part., ch. XV.)

 1 La  vénérable Elisabeth Canori vécut à Rome (1774-1825) et se sanctifia dans l’état du mariage. (Biografia da Antonio Pagani, Roma, 1911.)

2 Esprite de Jésus vécut à Carpentras (1628-1658). (Vie, par Jean Dupont, publiée par le P. Potton, Paris, Poussielgue, 1862.)

  14.. Jésus intercède près de son Père

  Pour l’âme imparfaite et indifférente

 Dans sa jeunesse la vénérable Elisabeth Canori 1 bien que remplissant fidèlement ses devoirs de religion n’était pas pieuse. Plus tard, comme elle demandait à Jésus : Mon bien-aimé Jésus, que pensiez-vous quand j’étais si éloignée de vous ? Peut-être pensiez-vous à m’écraser des foudres de votre justice. Et Jésus, dit-elle, lui répondit : « Non, ma chère fille ; je plaidais ta cause auprès de mon Père avec autant d’instances que si ma félicité eût dépendu de la possession de ton amour. » ( Ch, III..)

 Une autrefois Il lui déclara que ses ingratitudes n’avaient  ni diminué, ni altéré l’amour qu’Il avait toujours eu pour son âme et ne l’avait pas empêché de Lui accorder si elle eût correspondu fidèlement. (Ch. XXXV.) Il lui avait donc été donné de regagner par sa générosité les pertes qu’elle avait faites.

II. – Tendresses de Jésus

15. Le Seigneur se plait à nous redire son amour

 Toutes les fois que la vénérable Esprite de Jésus2, du Tiers-Ordre de Saint-Dominique, prononçait le très saint Nom de Jésus, elle croyait entendre ce doux Sauveur lui répondre

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 Dans le fond de son cœur : « Je te regarde toujours ! « et lorsqu’elle disait : «  Où êtes-vous, mon Dieu ? « elle croyait entendre la même voix lui dire : » «   Je suis dans ton cœur, mon amour ! » Quand elle élevait les yeux vers le ciel, Dieu la remplissait d’une pensée très vive de l’amour qu’il avait pour elle ; elle croyait alors  intérieurement ces paroles du  prophète :  « Je t’ai aimé de toute éternité ! »

 Lorsqu’elle se sentait triste à la vue de ses misères, elle croyait que Jésus llui disait : « Je t’aime de tout mon cœur. » Un jour après la sainte communion, son âme étant pénétrée de la pensée de l’amour qu’avait pour elle son Sauveur, Il lui dit : « Mon épouse, ma fille, mon cœur est à toi, mon cœur t’aime, tous les anges te regardent, et ils sont ravis de voir l’amour que j’ai pour toi ! »  Ch. X.)

Comme sainte Gertrude s’étonnait que Jésus la comblât de ses faveurs et de ses largesses divines, elle si peu digne, le Seigneur lui dit : « L’amour m’a forcé. » (Liv. III, ch. XVI)

16. Comment Jésus prend ses complaisances

dans l’âme fidèle

Elles sont touchantes les louanges adressées par Jésus à Sœur Mechtilde : « Tu es une lumière devant mes yeux, tu es une lyre à mes oreilles, tu es la voie de mes paroles, tu es l’honneur de ma sagesse, tu es une vie dans moi vivant, tu es une louange dans mon existence. » Liv. IV, ch. IX.)  Et une autre fois : Tu es mon désir, tu es le sentiment de mon amour, tu es un doux rafraichissement pour mon sein, tu es un baiser puissant de ma bouche, tu es la joie délicieuse de mes merveilles. Je suis en toi et tu es en moi ; nous ne pouvons être plus rapprochés, car nous sommes tout deux fondus et passés en une seule forme et nous resterons ainsi éternellement sans nous lasser jamais. » (Liv. IV, ch. X.).

«  Je t’ai désirée avant le commencement du monde ; je te désire et tu me désires. Quand deux désirs ardents se rencontrent, c’est l’amour parfait. » (Liv. VII, ch. XVI.).

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II –  Dieu Amour

17. Jésus prend ses délices

Dans tout ce que ses bien-aimés font pour Lui

Sainte Gertrude disait au Seigneur : Je ne puis rien trouver sur la terre en quoi je puisse me plaire, sinon  vous seul, mon Seigneur si doux.- « Et moi, répondit le Seigneur, je ne trouve au ciel et sur la terre aucunes délices sans toi, parce que je t’associe par l’amour à toutes mes joies en sorte que je ne jouis d’aucune douceur que je n’en jouisse avec toi ; car plus il y a pour moi de douceur, plus il y a pour toi  de fruit. » (Liv. Ier, ch.XI.)

 « Mon amour s’est tellement enlacé en toi que je ne puis vivre heureux sans toi…Celui qui a toujours été privé d’un membre, n’en éprouve pas de douleur, comme celui à qui on le coupe lorsqu’il a grandi ; aussi depuis que j’ai placé mon amour sur toi, je ne pourrais souffrir que nous fussions séparés. » (Liv. III, ch. V.) « L’œil de ma divinité se plaît d’une manière ineffable à s’arrêter sur toi, que j’aie crée si belle et si agréable en tout par tant de grâces et de faveurs dont je t’ai enrichie. Mon oreille reçoit comme les sons de la plus douce harmonie, toutes les paroles d’amour que tu m’adresses quand tu me pries pour les pécheurs où pour les âmes du purgatoire, ou que tu reprends, ou que tu instruis, ou que tu profères de quelque manière que ce soit une parole pour ma gloire. Quand même il n’y aurait aucune utilité pour personne ou aucun résultat, toutefois à raison de ta bonne volonté et de l’intention pure qui n’a que moi pour objet, cela résonne avec suavité objet, cela résonne avec suavité dans mes oreilles et vient m’émouvoir jusqu’au fond de mon divin Cœur. L’espérance aussi qui te fait sans cesse soupirer après moi exhale pour moi une odeur délicieuse. Tes gémissements et tes désirs sont à mon goût plus agréables que les mets les plus exquis. Enfin je trouve dans ton amour les charmes des embrassements les plus doux. » (Liv.III, ch. I.) Une nuit que Gertrude, forcée par la maladie, n’avait pu rester que fort peu de temps à Matines : Que peut-il vous revenir de gloire, mon Seigneur dit –elle, des courts instants qu’une indigne comme moi a pu consacrer aux divins offices ? Quel avantage, lui fut-il

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 répondu, un époux peut-il retirer des tendresses que son épouse pendant l’espace d’une seule nuit lui prodigue pour contenter son propre cœur Or aucun époux n’a jamais pu trouver autant de charme aux caresses de son épouse que je n’en goûte même dans le court instant où mes élus me donnent leur cœur pour que je me délecte avec eux. » (Liv. IV, ch. XXXVIII.)

18. Aime-moi, puisque je t’aime

Marguerite de Cortone, toute confuse des paroles de tendresse que Jésus lui adressait, s’en regardait comme très indigne et disait ; Si ces paroles flatteuses que je viens d’entendre sont celles de l’ennemi qui se transforme en ange de lumière, je t’ordonne de cesser de parler et de t’éloigner. Celui qui te parle, répondit Jésus, est celui que tu as crucifié,, Celui qui t’a ressuscitée de la mort du péché, Celui qui t’appelle aux amertumes de la pénitence, par lesquelles l’âme se purifie de toute souillure, Moi, ton Rédempteur, que tu aimes et que tu recherches en tout, je te dis que tu es ma fille bien-aimée , que je veux t’enrichir des dons les plus précieux de ma grâce à ce point  que nulle femme  de ton temps n’en a encore reçu de si grands…Aime-moi donc, puisque je t’aime. Publie mes louanges et je te louerai et te ferai louer dans le monde entier…Toutes les grâces que tu as reçues jusqu’à ce jour ne sont rien en comparaison de celles que je te réserve, car l’œil ne saurais voir, le cœur n’oserais penser ni croire aux grâces sublimes que je me dispose à t’accorder… Ma fille, mon Père t’aime, ma Mère et tous les saints aussi…Tu es ma fille, parce que tu m’obéis. Tu es mon épouse, parce que je suis ton seul amour; tu es ma Mère parce que tu accomplis dans la mesure de tes forces les volontés de mon Père et j’ajoute que sur la terre il n’y en a pas que j’aime plus que toi. Cependant que ces paroles ne te remplissent pas de présomption, car ces consolations tu ne les a pas encore achetées ; un temps viendra ou tes souffrances t’apprendront le prix que m’a coûté ton salut.- Seigneur Jésus, pourrais-je supporter ces peines ? – J’en ai souffert de plus grandes pour toi, ma fille », répondit Jésus. (Vie  intime, ch. IV,  § 3, 7, 8.)

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II. –Dieu Amour

19. les invitations affectueuses de l’Epoux divin.

 Jésus dit à sainte Véronique Juliani : « Je suis ton Epoux. Quand donc te décideras-tu à m’aimer véritablement ? Je suis tout à toi ; je viens à toi pour t’attirer en moi ; je viens à toi pour faire une seule chose avec moi ; je viens à toi pour te transformer toute en moi. » (Diario, 18 giugno 1697.)

 Le Seigneur, dit la bienheureuse Marie-Madeleine Martinengo 1, dans son infinie bonté m’adressait intérieurement des paroles d’une céleste douceur. Si, transpercée de douleur pour mes péchés, je Lui demandais pardon, Il me répondait dans le sanctuaire intime de mon cœur : « Ma fille, tu as été déjà purifiée dans mon sang. » Si je Lui demandais sa sainte dilection, je voyais s’ouvrir son divin Cœur. Il plaçait dans cette fournaise d’amour mon cœur qui restait enflammé de saintes ardeurs. Si je lui disais : Mon  Dieu, je suis toute à vous, Il me répondait : « Et moi, ma fille, je suis toute à toi. » A chaque parole que je lui adressais, j’entendais en retour des paroles de vie éternelle qui me liquéfiaient de douceur, Elle n’était que pensionnaire. (Vie, ch. II.)

 Le vénérable Bernard-François de Hoyos 2  ayant passé par des épreuves intimes très pénibles, reçut, le 15 août 1730, la faveur du mariage spirituel : « Désormais, lui dit le Seigneur, tu es à moi et je suis à toi ; tu peux te dire et signer Bernard de Jésus ; tu es Bernard de Jésus et je suis Jésus de Bernard ; mon honneur est le tien, et ton honneur est le mien. » (Vida, ch. XII.)

                   1La bienheureuse Marie-Madeleine Martinengo (1687-1737) fut une clarisse capucine du monastère de Brescia ; elle a été béatifiée par Léon XIII, le 3 juin 1900. (Vie par le R.P Ladislas, de

Vannes, Paris, Poussielgue, 1901)

       2 Le vénérable de Hoyos (1711-1735), de la Compagnie de Jésus, fut un grand apôtre de la dévotion au Sacré-Cœur, qu’il contribua à répandre dans l’Espagne. (Vida, por el Padre Vicente Agusti, Barcelona, 1896.)

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                « Ma fille disait le Seigneur à la bonne Armelle1, tu est la fille de l’amour. » Jésus dit à Sœur Saint-Martinien 2 , le 17 octobre 1861, après la sainte communion :  « tu es mon épouse, tu es ma fille, tu es chère, oui, bien chère à mon Cœur ; ma Mère et mes saints t’aiment ; mon Père et l’Esprit-Saint te voient ; ils contemplent avec plaisir le triomphe de ma grâce en toi. Je t’aime, mais aime moi bien, toi aussi. Ne crains pas, je serai toujours avec toi ; mais soi-moi bien fidèle. Fais connaître tout à ton père spirituel et obéis en tout et partout. Demande-moi ce que tu voudras, car je suis ton Epoux, mais aussi ton Créateur, ton Dieu, ton Père ; demande, ne crains pas. »

 Une autre fois, le 1er novembre 1861, Jésus lui dit encore : « Aime-moi et je t’aimerai ; si mon Cœur a besoin d’être aimé, le tien en a aussi besoin. Prends part à mes peines et je prendrai part aux tiennes. »

 

20. Ma bien-aimée est à moi et je suis à elle

Jésus adressait parfois à  Sœur Marie-Josèphe Kumi 3 des paroles d’une ineffable tendresse : «J’ai une épouse : « J’ai une épouse qui demeure cachée en mon Cœur et qui est au gré de mon Cœur ; Elle a ma forme ; elle est vêtue de la couleur de mon vêtement, elle tient les clefs à la main, et en véritable épouse, elle règne sur les inépuisables trésors de ma charité. Les flèches de son amour blessent mon Cœur. Le sien est toujours ouvert pour que je puisse y venir à volonté et me

1 Armelle Nicolas (1606-1671) était une humble servante qui passa la plus grande partie de sa vie à Vannes où elle mourut en grande réputation de sainteté.

 2 La Sœur Saint-Martinien (1831-1862), religieuse de la Congrégation de Saint Charles d’Angers, passa sa vie dans le soin des malades. Elle pratiqua d’héroïques vertus. On a publié deux petits volumes de ses lettres à son directeur. (En vente à la Communauté de Saint Charles, Angers.)

 3 Marie-Josèphe Kumi (1763-1817), religieuse dominicaine du couvent de Wesen, au diocèse de Saint-Gall, en Suisse, y mena une vie admirable d’humilité, de pénitence et d’amour. Sa vie a été publiée en 1906, par Masson, Lyon, Vitte.

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Soulager par sa tendresse des injures que je reçois des hommes. La bonne volonté de son cœur m’a tellement charmé que je l’ai faite maîtresse de mes trésors ; elle est enrichie de l’or de mon pur amour ; plongée dans la mer insondable de la paix, et pourtant elle ne si abreuve pas (c’est-à-dire elle ne recherche pas sa satisfaction) ; elle se trouve sur la terre et ne la touche pas, parce qu’elle n’y est attachée à rien. Elle ne voit pas le ciel, parce qu’elle agit moins pour lui que par amour. Elle s’élève chaque jour plus haut dans la perfection de l’amour parce qu’elle s’abaisse dans son néant. Elle est imprimée dans mon Cœur et moi dans le sien. » (Vie, ch. IX.)

21. Le duel d’amour

Dans une lettre à sainte Jeanne de Chantal, le P. Galice, barnabite, raconte un combat mystérieux qui s’était engagé entre le divin Maître er sa fidèle servante Anne-Marguerite Clément 1 dont il était le directeur : Notre-Seigneur vint assaillir son cœur de la plus vive blessure d’amour qu’elle eut encore éprouvé et il lui dit :  « Je veux t’enrôler dans ma milice, je veux te couvrir de mes armes… Je veux t’apprendre à devenir habile au combat, non pas contre le monde et le diable ; ce sera contre moi-même que tu te serviras de mes propres armes ; il faut que nous entrions dans la lice pour combattre à nous deux. » Il lui montra ensuite une armure complète et se servit des armes dont parles saint Paul pour lui en donner l’explication. « L’amour doit commencer cette guerre, continua le divin Maître, le même amour la poursuivre et ton pauvre cœur l’achever. Je ne veux point d’autre but à mes coups que ton cœur même. Je prétends le faire mourir d’amour. » Puis comme un habile archer Il lança trois

La mère Anne-Marguerite Clément (1593-1661) fut reçue en 1617 dans l’ordre de la Visitation, à Annecy, 1 par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal. Formée par ces deux grands serviteurs de Dieu, elle mena une vie très sainte et fut l’une des plus remarquables religieuses de l’ordre naissant. Elle fonda les monastères de Montargis et de Melun. (Vie, par les Visitandines, Paris, 1686 ; nous avons donné une nouvelle Vie en 1915, Paris, Téqui.)

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flèches brûlantes du feu de son amour dans le cœur de sa servante, qui crut qu’elle en perdrait la vie…Mais le combat n’était pas achevé ; elle devait combattre à son tour Jésus dons lui ordonna de se remettre sur pied et de porter des coups à son Cœur divin. « Voici ton blanc, dit-Il en lui montrant ce Cœur ? et le but de tes flèches. » Cette jeune guerrière, se sentant peu habile, faisait résistance, faisait résistance : Quoi Seigneur, blesserai-je votre divin Cœur. Avec quelles armes puis-je le faire ? « Tes flèches, repartit Jésus, ne sont autres que les mouvements de ton amour envers moi ; aime-moi donc et tu blesseras mon Cœur. » Elle le perça en effet par la force de l’amour que l’amour même alluma en elle et fit une ouverture suffisante pour se cacher dans ce Cœur adorable, où Jésus l’unit à Lui. (Vie, de 1915, p. 279.)

Une autre fois, c’était la veille de la fête de la conversion de saint Paul, son divin Epoux lui dit : « Tu me persécutes plus violemment que Saul, mais bien différemment, car tu me persécute par la violence de l’amour ; tu ne me donnes point de repos… Tu as blessé mon Cœur par la pointe de tes désirs et par les flèches  de tes amours ; tu as été si impitoyable que tu m’as blessé de toutes parts. » Elle vit le Cœur divin tout couvert de plaies, dont une était assez grande pour lui donner entrée. Elle y fut tirée par cet Amant victorieux…Le lendemain Jésus revenant à elle, lui dit : « Je veux à mon tour entrer dans ton cœur et y amener toute la Trinité. » Et le Père y prit place, ainsi que le fils et le Saint Esprit. (Ibid., p. 438.)

 Jésus lui dit encore : « Je suis un aigle royal qui ne se nourrit que de cœurs. » (p. 413.)

22. Jésus à ses intimes agonisants

Peu de temps avant de mourir, Angèle de Foligno dit à ceux qui l’entouraient : Jésus Christ, Fils de Dieu, m’a présentée au Père. (Ferré, p. 515 ; Doncoeur, p. 349.) Et plus tard elle entendit ces paroles : « O mon épouse, ô toute belle, ô toi que j’ai aimée en vérité, je ne veux pas que tu viennes à moi chargée de douleurs, mais parée de la joie

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inénarrable. Il convient au roi de revêtir celle qu’il aima  depuis longtemps d’un manteau royal. » Et on me montra un manteau de lumière, capable de vêtir une âme… Et le Verbe me dit : «  Viens, ma bien aimée, que j’ai aimée d’un grand amour ; viens, car tous les saints t’attendent en grande joie. Je ne te confierai ni aux anges ni aux saints ; je viendrai en personne et je t’enlèverai moi-même. Tu es telle qu’il faut pour me convenir ; tu es très haute devant ma Majesté. » (Hello,ch.LXX ;Doncoeur, p. 352 ; Ferré, p. 519.)

23. Le ciel doit être désiré par amour

 « On demande, dit le Seigneur à Brigitte pourquoi les peines de l’enfer ne sont point vues. Si les peines de l’enfer étaient vues comme elles sont, l’homme sécherait de crainte et chercherait le ciel non par esprit d’amour, mais par crainte. Or c’est parce que personne ne doit désirer le ciel par crainte de la peine, mais par la charité, que je cache la peine des damnés. » (Liv. V, ch. II.)

24. Donne-moi ton cœur

 Souvent la divine Sagesse se montrait à Henri 1 sous une forme d’une exquise beauté et avec un sourire plein de grâce et de majesté ; elle lui disait : « Mon fils, donne-moi ton cœur. Ne crains rien, je serai avec toi. Je te secourrai dans toutes les peines, parce que je t’aime d’une manière toute spéciale. Pour preuve de ma tendresse, je veux changer

Le bienheureux Henri Suzo (1295-13 66), né à Uberlingen, près du lac de Constance, fut dominicain ; il a laissé des écrits justement célèbres. Nous empruntons d’ordinaire la traduction de P. Thiriot, Paris, Lecoffre, 1899.. Edition allemande, Munich, 1876).

Ton nom. Tu ne sera plus Frère Henri, tu seras Frère Amant ; si le monde l’ignore, les anges du ciel le sauront, et les hommes mêmes l’apprendront un jour, afin qu’ils voient combien mes serviteurs me sont chers. » (Œuvres, trad. Cartier, § 41, d’après Surius.)

25.  Je t’aime beaucoup plus que tu ne m’aimes !

 Le Seigneur me provoquait à l’amour, rapporte sainte Angèle Foligno, et Il disait : «  O ma fille chérie, ô ma fille et mon temple ! ô ma fille et ma joie ! Aime moi, car je t’aime beaucoup plus que tu ne m’aimes. » Parmis ces paroles, en voici qui revenaient souvent : « O ma fille, ma fille et mon épouse, que tu m’es douce ! » Puis Il ajoutait : « Oh ! je t’aime beaucoup. Oh ma fille et mon épouse ! je me suis posé et reposé en toi ; maintenant pose-toi et repose-toi en moi. Tu as prié mon serviteur François. François m’a beaucoup aimé, j’ai beaucoup fait en lui, mais si quelque autre personne m’aimait plus que François, je ferais plus en elle. » (Hello, ch. XX ; Doncoeur, p. 60 ; Ferré p. 49.)

 Et il se plaignait de la rareté des fidèles et de la rareté de la foi et Il gémissait et Il disait : « J’aime d’un amour immense l’âme qui m’aime sans malice  (sans doute : sans mêler à l’amour qu’elle a pour moi quelque autre affection déréglée). A une telle âme je ferais de plus grandes grâces qu’aux saints des siècles passés, par qui Dieu fit les prodiges qu’on raconte aujourd’hui. Or, personne n’a d’excuses car tout le monde peut aimer ; Dieu ne demande à l’âme que l’amour car il aime, lui, Il est l’amour de l’âme. » Et quelles sont profondes ces dernières paroles, ajoutait Angèle, Dieu ne demande à l’âme que de l’aimer !

 Il  m’expliquait sa passion et tout ce qu’Il a fait pour nous et il ajoutait :  « Regarde bien ; trouve-tu en moi quelque chose qui ne soit pas amour ? » Il se plaignait de trouver en ce temps peu de personnes en qui il puisse déposer sa grâce… (Ch. XX, Bolland., n° 50, 51 ; Ferré, p.83 ; Doncoeur, p.79.)

 « Tu ne peux jamais répandre sur moi de parfums si doux,

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dit le Sauveur à Sainte Mechtilde, que de me faire reposer sans interruption dans ton âme. » (Liv. IV, 9.)

 Jésus parlait de même à Sainte Brigitte : « O toi ma fille, que j’ai choisie pour moi, aime-moi de tout ton cœur, non pas comme un fils ou une fille, ou comme les parents aiment leurs enfants, mais plus que tout ce qui est au monde ; car moi qui t’ai crée, je n’ai épargné aucun de mes membres pour l’amour de toi, et j’aime tellement ton âme, que j’aimerais mieux être crucifié une autre fois, si c’était possible, que de m’en priver. » (Liv, Ier, ch. Ier.)

26. Jésus, pour être plus aimé

Communique quelque chose de son amour

La Mère Anne-Marguerite Clément voyait souvent Notre Seigneur qui se réjouissait de la conquête de son cœur, comme ferait un victorieux qui s’est assujetti un royaume. Une fois ce bon sauveur lui fit connaître la joie qu’il avait eue de s’incarner pour elle. Elle voulut Lui donner son cœur en retour, mais elle se souvint qu’elle l’avait mis dans le Cœur de Dieu et qu’elle n’avait plus rien à offrir. Jésus lui dit « Donne-moi celui que je te donne ; désormais u auras les œuvres de ce cœur nouveau ; pour cela met ta main dans le mien pour y puiser tout ce que tu voudras. » Et que peut-on puiser dans ce cœur divin, si ce n’est l’amour ?  (Vie, 1915, p. 437.)

27 .  Jésus cache son amour pour aviver nos désirs

Le divin Sauveur me dit, raconte sainte Angèle de Foligno : « Je t’aime d’un amour immense, mais je te le montre pas, je te le cache… Mes yeux voient tes défauts, mais c’est comme si je ne m’en souvenais plus. J’ai déposé, j’ai caché en toi mon trésor. » Comme Il me cachait, me disait-Il, son amour à cause de mon impuissance à le porter : si vous êtes, lui dis-je, le Dieu tout-puissant, vous pouvez me donner la force de porter votre amour. Il répondit : »Tu aurais alors ce que tu désires et ta faim diminuerait ; je veux au contraire que tu me désires, que tu aies faim de moi, que tu languisses d’amour. » (Hello, ch. XXI ; Ferré, p. 79 ; Doncoeur, p.78.)

28.  Les préférés de  Jésus. Ils doivent tout faire par amour

Jésus dit à Gertrude-Marie 1, pendant sa retraite de 1902 : « J’ai des préférences pour toi ; tu dois en avoir  pour moi. La preuve de mes préférences, ce sont mes grâces de choix ; la preuve des tiennes, ce sera ta générosité. Tu prépare ton année, tu cherche les moyens de me faire plaisir, et moi, ton Dieu, je te prépare mes faveurs. Plus tu sens le besoin de me donner, plus mon cœur sens le besoin de te combler de faveurs. Change tout en or de l’amour ; transforme chaque en une pièce d’or pour payer la dette des ingrats. A mesure que tes répugnances augmenteront, que la vertu te deviendra plus pénible, donne d’avantage et plus joyeusement » (Ch. VI.)

 Jésus m’a dit : « Je t’enrichis pour que tu enrichisses les autres. » Ch. CXCIV.)

29. Adorable jalousie de Jésus

 Sainte Rose de Lima 2 vit la Vierge du Rosaire abaisser ses regards, avec un visage joyeux, sur l’enfant – Jésus qu’elle tenait dans ses bras, puis la regarder elle-même. Le divin

1 Gertrude-Marie (1870-1909),  religieuse de Saint-Charles d’Angers, simple et modeste, vécut d’une vie irréprochable ; elle fut très favorisée du Seigneur.  Des âmes pdeu prudentes s’étant crues, après la lecture du livre qui raconte sa vie, favorisée de grâces extraordinaire, le Saint-Office a voulu empêcher ces abus ; mais la sentence qu’il a portée pour arrêter la diffusion de cet ouvrage n’était pas une condamnation proprement dite, et le livre n’a jamais été mis à l’Index. Les passages que nous citons sont toous conformes à la saine doctrine.

2 Sainte Rose naquit et mourut à Lima (1586-1617),  (Vie, par Masson, Lyon, Vitte, 1896.)

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Enfant en fit autant et dit : « Rose de mon cœur,  soyez pour toujours mon épouse fidèle. » ( Vie, ch. XVI.)

 Il est dit dans l’écriture que Dieu est jaloux ; en effet, toute rivalité lui déplaît, n’existât-elle que dans une fleur. Rose de Lima cultivait des fleurs pour les autels, ses soins surtout se portaient sur un basilic qui, a cause de son parfum, lui semblait plus digne d’être offert au Roi des cieux. Un matin, elle trouva sa plante chérie déracinée. Sensible à cette perte, elle se retirait en gémissant, lorsque Jésus vint à sa rencontre, et lui dit:  « pourquoi vous affligez-vous? Moi, qui suis la fleur des champs, je vous reste. N’êtes-vous pas plus heureuse de me posséder que votre basilic et toutes vos plantes parfumées, qui ne durent qu’un instant ? Je veux être votre basilic, et c’est pour cela que j’ai détruit l’autre. Reversez donc sur moi l’amour que vous lui portiez. » Dès lors, toutes les fleurs devinrent  indifférentes à Rose, et Notre Seigneur l’aima plus tendrement que jamais, comme il le fit connaître à une pieuse femme de Lima : « Je porte ma Rose, lui dit il, dans l’endroit le plus intime de mon Cœur, parce que le sien est tout à moi, et que j’en ai seul la possession tranquille. » (Ch. XX.)

 « Aime-moi de tout ton cœur, de toutes tes forces et de toutes tes puissances, disait Jésus à Anne-Marguerite Clément, car je ne veux pas que tu aimes autre chose que moi. Je veux être l’unique roi de ton cœur. Si tu m’aimes, je te pardonnerai tous tes péchés ; l’amour est la pénitence que je te demande. Aime-moi donc, ma fille, car je suis ton Dieu et ton salut. » (Vie, 1915, p. 461.)

IV.- Délicatesse de Jésus

30. Combien Jésus est sensible

A ce que l’on fait pour Lui et contre Lui

Pendant que Françoise de la Mère de Dieu vaquait avec activité à ses fonctions de maîtresse des novices, Notre Seigneur la tenait toujours bien près de Lui, soit pour l’aider

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dans sa charge, soit pour procurer sa sanctification personnelle. Si quelques unes de celles dont Notre-Seigneur lui donnait le soin se laissaient aller en  quelque dissipation ou infidélité,, Il s’en plaignait à elle, lui disant : « Une telle m’a fait telle et telle chose. » Si d’autres fois ces âmes embrassaient quelques pratiques de vertu avec fidélité, Il s’en réjouissait avec elle, lui disant : « Qu’est-ce qu’un père ne fait point pour son enfant? Pourquoi vous étonnez-vous ; ne suis-je point votre père ? «  (Vie, ch. XIII.)

 

31. Bénédictions accordées à ceux qui font du bien

aux amis de Jésus

Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Ma fille, si je considérais les œuvres des habitants de Cortone, ils mériteraient d’être châtiés de différentes manières, mais eu égard à leur respect et à leur dévouement  pour toi, je leur ferai grâce et ils n’auront rien à souffrir du péril qui les menace. J’accorderai  la même faveur à tous ceux qui par amour pour moi t’aimeront et te protègeront.  Au contraire, j’affligerai ceux qui te molesteront soit par leurs paroles, soit par leurs actions, soit même dans le cœur. » Aussitôt la sainte intercéda pour ceux-ci, à l’exemple de Moïse priant pour sa sœur et pour ceux qui l’outrageaient. (Vie intime, CH. VI, § 11.)

 Une autre fois le Seigneur lui dit : Dis à tel Frère Mineur (le P. Giunta) de te visiter et de te consoler par amour pour moi. Je l’en récompenserai par de grandes grâces sur la terre et par une gloire plus grande dans le ciel…Tous ceux pour  lesqueks tu me prieras en ressentiront de suite l’heureux effet. Je vais plus loin en t’assurant que j’aime ceux qui t’aiment ; et ceux qui ne t’aiment pas ne sentiront point la saveur de ma grâce. » (Ibid., ch. IX, § 26.)

 « Sache, dit un jour le Seigneur à la vénérable Marie-Céleste, que je donne des grâces et des bienfaits à tous ceux qui t’aiment ou qui te font quelque bien, et je recevrai comme

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Fait à moi-même ce qu’on te fera à toi, car je me réjouis de voir aimé ce que j’aime. Vois donc jusqu’où va mon amour pour toi. » (Vie, p. 154.)

 Combien le Seigneur est un ami fidèle et délicat ! N’a-t-il pas dit à son peuple : « Si tu écoutes ma voix et si tu fais tout ce que je te dis, je serai l’ennemi de tes ennemis et j’affligerai ceux qui t’affligent. » (Exode, XXIII, 22.) Auparavant il avait dit à Abraham : « Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront. » (Genèse, XII, 3.) S’il a dit : « Toutes les fois que vous aurez fait – de pareilles œuvres de charité – au moindre de mes frères,  c’est à moi que vous l’aurez fait » (Matth., XXV, 40 ), combien est-il plus sensible encore à tout ce que l’on fait pour ou contre ses vrais amis !

32. Bontés de Dieu pour les amis de ses amis

Parlant de Sainte Mechtilde à une autre religieuse, qui semble bien avoir été sainte Gertrude, le Seigneur dit :  « Tous ceux qui l’aimeront à cause de moi, je les attirerai à moi avec plus de douceur et d’intime suavité ; à ceux qui me loueront ou me rendront pour elle des actions de grâces et me féliciteront d’avoir élu et perfectionné une telle âme, je donnerai ce qui leur aura plu davantage en elle, et j’ajouterai même ce qui m’y aura plu davantage à moi-même. Quand elle sera à ces derniers moments et que je viendrai pour la prendre avec moi, a vous qui alors avec désir et dévotion préparerez vos cœurs pour ma grâce, me remerciant pour les bienfaits que je lui ai départis, je vous donnerai selon vos désirs les grâces suivantes : à certains je verserai les consolations spirituelles ; à d’autres j’accorderai, soit l’illumination de l’âme, soit la ferveur de l’amour ; à d’autres une sagesse intelligente ou une utile doctrine qu’elles enseigneront au prochain, à d’autres l’avancement dans la religion afin qu’elles servent d’exemple à autrui. » (Ve part., ch. XXVI.)

 « A tous ceux qui ont confiance en toi, dit Jésus à sainte

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Lutgarde 1, et qui seront aimés de toi, je ferai du bien à cause de toi. » (Ch. VIII.)  Et un jour quelle priait pour un pécheur, le Seigneur lui répondit :  « Voici que je lui pardonne parce qu’il s’est confié en toi ; je ferai la même miséricorde à ceux que tu aimes et qui mettent en toi leur espérance. » (Ch. IX)

 Comment se fait-il, pensait une fois la Mère Françoise de la Mère de Dieu, que ce sont toujours les mêmes pour lesquelles Notre-Seigneur m’accorde toujours es grâces particulières ? Et elle Le priait de se donner à toutes. Jésus-Christ lui demanda ;  « N’aimez-vous pas celles qui m’aiment ? « Elle répondit : oui, mon Seigneur, et je voudrais leur faire quelque bien, parce qu’elles vous aiment. Il lui dit : « et moi aussi, j’aime qui vous aime et comme vous n’avez rien à leur donner, je veux y suppléer et me donner moi-même aux personnes qui vous aiment. » (Vie, ch. XXVIII, p. 384.)

 « Je prendrai soin de récompenser ou de venger tout ce qui te sera fait, a dit Jésus à Sainte Marguerite-Marie. » (Ed. Gauthey, II, p. 192.)

 Et à Sainte Angèle de Foligno : « demande-moi une grâce pour toi, pour tes compagnons, pour tout ceux que tu veux, et prépare-toi à recevoir, car je suis beaucoup plus prêt à donner que. toi à recevoir. » ( Hello, ch. XX ; Doncoeur, p.61 ; Ferré, p. 51.)

33. Jésus aime nos amis plus que nous ne les aimons

Françoise de la Mère de Dieu suppliait instamment Notre Seigneur de délivrer une âme du purgatoire. Jésus lui dit avec un grand témoignage d’amour : Je suis saint et ma sainteté ne peut souffrir aucune impureté. J’ai plus de désir de la délivrer qu’elle et vous n’en avez ; mais il faut que mon ordonnance soit accomplie ; j’excite à prier pour elle 2. » (Vie, ch. X, p. 130)

1 Sainte Lutgarde vécut de 1182 à 1246 ; on l’a appelée la Marguerite-Marie belge. (Vie, par le P. Jonquet, oblat de Marie, Bruxelles à la Basilique nationale, 1907.)

 Sainte Mechtilde après sa mort apparut à sainte Gertrude,qui lui demanda d’interceder pour ceux qu’elle avait aimés sur la terre d’un amour spécial et de demander qu’ils soient délivrés de leurs défauts. Elle répondit à sa sainte amie : «Je reconnais clairement  dans la lumière de vérité que toute l’affection que j’ai pu avoir pour quelqu’un sur la terre est à peine comme une goutte d’eau  au regard de l’océan, comparée à cette affection si tendre dont est animé le Cœur divin envers ceux que j’aimais. J’y reconnais également la diposition, avantageuse à un point incompréhensible, par laquelle Dieu laisse à l’homme certains défauts, qui lui donnent lieu de s’hummilier et de s’exercer, et ainsi de faire chaque jour des progrès vers le salut, tellement que je ne puis avoir m^me la moindre pensée de vouloir autre chose que ce que la sagesse toute puissante et la bienveillance très sage de mon très doux et très sage Seigneur a ordonné de chacun selon son bon plaisir. Aussi pour une disposition si bien ordonnée de la divine Bonté, je ne puis que me répendre en louanges et en actions de grâces. » (Sainte Mechtilde, (VIIe part., ch. XII.)

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V. – Les Plaintes de L’Amour

34. Le Cœur de Jésus est bien mal payé de ses bienfaits

Un jour, le Saint Sacrement étant exposé, Marguerite-Marie vit son bon Maître tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies, brilllantes comme autant de soleils. De sa sacrée humanité sortait des flammes, surtout de sa divine poitrine. L’ayant ouverte, Il lui découvrit son divin Cœur, les merveilles de son amour et jusqu’à quel excès il l’avait porté à aimer les hommes dont Il ne recevait que de l’ingratitude : Ce qui m’est plus sensible, lui dit il, que tout ce que j’ai souffert en ma passion. S’ils rendaient quelque retour à mon amour, j’estimerais peu ce que j’ai fait pour eux, et voudrais, s’il se pouvait, en souffrir davantage ; mais ils n’ont que des froideurs et rebuts pour tous mes empressements à leur faire du bien.  Mais, du moins, donne-moi ce plaisir à suppléer à leur ingratitude, autant que tu pourras en être capable. » (Ed. Gauthey, II, p. 71.)

Une autre fois l’aimable Cœur de Notre-Seigneur se présenta à Marguerite-Marie, en lui disant ces paroles : « J’ai une soif ardente d’être honoré des hommes dans le Saint

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Sacrement, et je ne trouve presque personne qui s’efforce, selon mon désir, de me désaltérer, usant envers moi de quelque retour. »  (II, p.600.)

35. L’Amour n’est pas aimé

 

Marie-Dominique Moes 1 était encore une enfant quand elle entendit ces plaintes du Sauveur : « Ah ! ma chère enfant, combien je suis content de trouver de la compassion chez toi ! Comme je trouve peu d’âmes qui m’aiment ! Au lieu d’amour je ne trouve que haine et mépris. Si seulement ces âmes connaissaient l’amour immense que je leur porte, il ne serait pas possible qu’elles me méconnussent à un tel point. Combien je voudrais toutes les cacher dans mon cœur ; mais non, elles ne le veulent pas. Elles passent à côté de moi, comme si je n’avais rien fait pour elles. Ma chère enfant, je veux établir ma demeure dans ton petit cœur enfantin. Je m’y cacherai lorsque mes enfants ingrats m’y persécuteront. Ton cœur doit partager mes souffrances Et parce que tu désires tant souffrir davantage encore avec moi, j’arrangerai les choses de manière à te faire trouver de plus grandes douleurs dans tes maux d’yeux, ainsi que de la négligence et des privations au lieu de pitié. Par ces souffrances et plusieurs autres tu seras préparée à l’œuvre que je veux accomplir pr toi malgré toutes les contradictions et persécutions. » (I Teil, Kap. II,n. 5, seite 41.)

Le jour de la fête du Sacré-Cœur, en 1859, Jésus dità Marie-Dominique : « O hommes aveuglés, qu’êtes-vous devenus ? N’ai-je pas répandu tout mon sang pour vous et ne me suis-je pas donné moi-même à vous en nourriture ? Et tout

La Mère Marie-Dominique-Claire Moes (1832-1895), femme d’une héroïque vertu , très favorisée du ciel, fut la fondatrice du couvent des Dominicaines, à Luxembourg. (Vie, par l’Abbé Barthel, recteur dudit coubent. Les citations seront toujours faites d’après l’édition allemande, dont l’édition française n’est qu’un abrégé.)

 

 

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cela ne suffit pas pour faire naître en vous un amour réciproque ? Ah ! qu elle douleur pour mon Cœur aimant ! (1 Teil, Kap. XIV, seite 224.).

 Notre Seigneur, dit encore la même servante de Dieu, s’est plainte à moi de l’ingratitude des hommes envers son Cœur si affectueux; Il s’est plaint surtout des âmes qui Lui ont promis une inviolable fidèlité et qui malgré cela continuent de méconnaître son amour. Puis il me parla de ces âmes ferventes qui procurent à son Cœur une grande joie et qui lui servent comme de refuge quand Il est repoussé par tant d’ingrats. Heureuses les âmes, dit Il, dans lesquelles je fais mon entrée ; elles seront rendues participantes de tout le torrent de mes grâces. » (III Teil, Kap. Vin, n. 3, seite 623, 624.)

36. Jésus à sans cesse sous les yeux

Le spectacle des péchés de tout l’univers

Sainte Catherine de Sienne pleurait en pensant aux maux de l’Eglise/ « Ma bien douce fille, lui dit le Seigneur tes larmes sont toutes puissantes, parce que elles sont répandues par amour pour moi. Je ne puis résister à tes désirs. Mais regarde les souillures qui déshonorent le visage de mon épouse. Elle porte comme une lèpre affreuse l’impureté ; l’amour propre, l’orgueil et l’avarice de ceux qui vivent dans son sein. (Dialogue, ch. XIV) Rappelles toi qu’avant la peste, je t’ai montré combien j’avais en horreur le vice impur et combien le monde en était infecté… Je te fis voir alors l’univers tout entier. Tu vis ce malheureux péché dans presque toutes les conditions, et les démons qui s’enfuyaient pour ne pas le voir, et l’infection qu’ill causait ; la peine que tu en ressentais dans ton âme était si grande que   tu tee croyais sur le point de mourir. Et tu n’apercevais pas pour toi et pour mes autres serviteurs un endroit où vous puissiez vous réfugier, car cette lèpre était répandue partout ; tu ne trouvais aucun asile parmi les petits et les grands, parmi les vieux et parmi les jeunes… la plupart avaient l’âme et le corps souillés de ce vice maudit. Je t’ai montré cependant, au milieu de tous ces coupables, un certain nombre de préservés ; car, parmi

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les méchants j’ai toujours des élus dont la vertu et les bonnes œuvres retiennent ma justice et m’empêchent de commander aux rochers d’écraser les coupables, à la terre de les engloutir, aux animaux de les dévorer et aux démons d’emporter leur âme et leur corps. Je cherche même des moyens pour pouvoir leur faire miséricorde en les faisant changer de vie ; j’y emploie mes serviteurs qui sont purs de cette lèpre et je les fait prier pour eux. » (Dialogue, ch. CXXIV.)

 Une nuit, raconte la Sœur Mechtilde, je vis Notre-Seigneur sous la forme d’un pèlerin qui semblait voyager par toute la chrétienté. Je tombais à ses pieds et lui dis : Cher pèlerin, d’où venez-vous ? Il répondit : Je viens de Jérusalem (il voulait dire l’Eglise), et j’ai été chassé de chez moi. Les païens ne me connaissent pas, les Juifs ne veulent pas de moi et les chrétiens m’attaquent. »  Je priais alors pour l’Eglise. Notre Seigneur se plaignit des affronts qu’il avait essuyés de la part des chrétiens, rappelant tout le bien qu’Il leur avait fait dès le commencement, combien Il avait travaillé pour eux et ajoutant qu’il cherchait encore tous les jours une place où il pût répandre ses grâces. « Avec leur libre arbitre, dit Il, ils me chassent du logis de leur cœur ; quand ils mourront, tels je les trouverai, tel je les jugerai. » (Liv.VIII, ch. XIII.)

37. Jésus voit renouveler sa douloureuse passion

 Non moins touchantes sont les plaintes adressées par le Sauveur à Sainte Brigitte : « J’ai voulu que mon corps pur de tout péché fut déchiré pour les péchés de tous, depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête  et qu’il fut cloué à la croix. Il est maintenant immolé tous les jours sur l’autel, afin que l’homme m’aime davantage et se ressouvienne plus souvent des bienfaits dont je l’ai comblé. Mais maintenant je suis oublié de tous, négligé, méprisé et chassé de mon propre royaume comme un roi à la place duquel le larron infernal est élevé et honoré. C’est dans le cœur de l’homme que je devais régner, et j’avais bien le droit d’être son roi et seigneur puisque je l’avais créé et racheté. Or il a enfreint la foi qu’il m’avait promise au baptême, il a violé et méprisé les lois que

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Je lui avais données, il aime sa propre volonté et dédaigne de m’écouter. En outre il exalte le démon, ce pernicieux larron, et il lui a donné sa foi…il est donc juste et raisonnable qu’il expérimente sa tyrannie…Mais bien que je sois si méprisé, je suis si miséricordieux que quiconque me demandera pardon et s’humiliera, je lui pardonnerai toutes ses fautes, mais celui qui persistera à me mépriser, je le visiterai en ma justice, en sorte qu’il tremblera de peur à ma voix. » (Liv. Ier, ch. Ier.)

« Combien il y a maintenant dans le monde de gens de la même trempe que ceux qui me crucifièrent. Ils m’attachent au bois par la volonté qu’ils ont de pécher ; Ils me flagellent par leur impatience, car ils ne veulent pas supporter une parole pour l’amour de moi ; ils me couronnent des épines de leur orgueil ; ils percent mes mains et mes pieds par le fer de leur endurcissement… Je suis assez puissant pour les écraser et tout le monde avec eux ; mais si je les écrasais, ceux qui resteraient me serviraient par crainte, tandis que c’est par amour qu’ils doivent me servir… Je mourrais certes de grand cœur, poussé par l’incomparable amour que j’ai pour l’homme, si cela était possible. » (Liv. Ier, ch. xxx.)

38. Il y a dans le monde un terrible abus des grâces

Les pécheurs, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, sont plongés dans un gouffre si profond qu’il ne faut pas moins que toute ma puissance et ma bonté pour les en retirer. Aussi mes élus sont maintenant plus persécutés que jamais. Le temps est venu où les hommes pêchent plus par malice que par fragilité ; plus ma bonté leur prodigue de grâces et de bienfaits, plus n voit augmenter leur perversité. Si quelque chose pouvait exciter l’étonnement des esprits bienheureux, ce serait sans aucun doute, cette malice extrême des créatures, qui est d’ailleurs si faiblement combattue par ceux qui la connaissent…Ne voyez vous pas que le jardin de mon Eglise est tout environné de ronces et d’épines et que les fleurs des bons désirs en sont tellement étouffées qu’ils ne peuvent qu’a grand peine produire leurs fruits ? La bonté

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que je communique à mes créatures trouve tant d’opposition dans la sagesse humaine qu’elle demeure presque partout stérile ; La vie des hommes n’est plus qu’un vain étalage de cérémonies trompeuses, et quand on s’approche du saint tribunal, institué par mon Verbe pour rendre aux pécheurs la grâce  qu’ils ont perdue, il semble qu’on y va plutôt  pour s’excuser que pour s’accuser ; ce qui fait qu’on augmente ses péchés  plutôt que d’en obtenir le pardon ; Les chrétiens, mes enfants, ne s’inquiètent plus de leurs obligations, ils n’’ouvrent plus les yeux pour voir ce qu’ils doivent corriger… D’où vient ce lamentable relâchement ? Du maudit respect humain, de l’amour propre et de l’orgueil qui jette un voile un voile sur leurs yeux… Ma fille bien-aimée, j’ai fait de youtes les créatures coùùe autant de canaux magnifiques que j’ai rempli d’une onde pure et limpide, mais elles la convertissent en une fange impure. »(I Ve part. , ch. XXI.)

Il y a quelques jours, raconte Gemma Galgani 1, à peine eus-je reçu Jésus dans la communion qu’il m’adressa cette parole : « Dis-moi, ma fille, m’aimes tu ? Si tu m’aimes-tu ?  Si tu m’aimes tu feras tout ce que je veux de toi. »   Puis il continua en soupirant : Quelle ingratitude et quelle malice il à vivre dans le péché y a dans le monde !  Les pécheurs s’obstinent à vivre dans le péché ; les âmes viles et lâches ne se font aucune violence pour dompter la chair ;  les âmes affligées tombent dans l’abattement et le désespoir ; chaque jour en tous l’indifférence va en s’aggravant et personne ne se réveille. Pour moi du haut du ciel je ne cesse de dispenser grâces et faveurs à toutes mes créatures,  lumière et vie à l’Eglise, vertu et force à ceux qui la dirigent, sagesse à ceux qui doivent éclairer les âmes vivant dans les ténèbres, constance et force à ceux qui sont appelés à me suivre, grâces de toutes sortes à tous les justes et même  aux pécheurs qui restent dans leurs antres ténébreux; je leur fait parvenir jusque-là ma lumière, jusque-là je cherche par tous les moyens à les attendrir, à les convertir. Et à tout cela

 1 Gemma Galgani (1878-1903) passa la plus grande  partie de sa vie à Lucques, en Toscane. Sa vie, écrite par son confesseur, est trop répandue pour qu’il soit besoin d’en dire davantage. (Biografia dalP. Germano di S. Stanislas, Vie edtizione,, Roma, 1910.)

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qu’est-ce que je gagne? Quelle correspondance est-ce que je  trouve dans mes créatures que j’ai tant aimé?  Personne ne se soucie plus de mon Cœur ni de mon amour. Je suis oublié comme si je ne les eusses jamais aimés, comme si je n’eusse jamais souffert pour eux, comme si je fusse pour tous un inconnu !  Mon cœur est constamment dans la peine ; presque toujours je reste seul dans les églises, et lorsque l’on s’y réunit en grand nombre on a de tout autres motifs, et je dois souffrir de voir mon église, ma maison changée en un théâtre et lieu de divertissement .Beaucoup sous des dehors hypocrites me trahissent par des communions sacrilèges. » Jésus aurait continué, mais je fus contrainte de Lui dire : O Jésus, Jésus je n’en puis plus. (Ch. XXX.).

 « Il est besoin, lui dit une autre fois Jésus, d’une grande expiation particulièrement pour les péchés et les sacrilèges des ministres du sanctuaire. Si ce n’était des anges qui assistent à mon autel, combien de ceux-là je foudroyerais sur le coup. »  (Ch. xxxII.)

39. Jésus compte sur la terre bien peu de vrais amis

 Notre Seigneur dit à sainte Thérèse : « Ah ! Ma fille qu’il y en a peu qui m’aiment véritablement ! S’Ils m’aimaient, je ne leur cacherait pas mes secrets. Sais-tu ce que c’est que m’aimer véritablement ? C’est de bien comprendre  que tout ce qui ne m’est pas agréable n’est que mensonge. Cette réalité que tu ne comprends pas maintenant tu l’entendra clairement un jour par le profit qu’en retirera ton âme. » (Vie, ch. XL.)

 Françoise de la Mère de Dieu entendit de la bouche du Sauveur des plaintes semblables : Oh! combien j’ai peu de vrais amis, en comparaison du grand nombre de ceux qui m’offensent, je veux que vous suppléiez. » Et Il lui montra ce qu’il demandait de ses vrais amis est une adhérence, une adoration et un amour perpétuel envers Lui. (Ch. XIV.)

 « Je cherche partout des âmes pour me donner et communiquer à elles, et j’en trouve si peu dans lesquelles je puisse faire pleinement ce que je veux, » (Ch. XV.)

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 Une autre fois Il lui fit comprendre l’excès de ses bontés et la valeur  des dons qu’Il veut faire aux âmes, et Il se plaignit à elle de ce qu’il trouve si peu de cœurs disposés à le recevoir, de ce que les uns  lui ferment la porte par le péché et l’ingratitude ; de ce que d’autres ont des cœurs petits qui ne se soucient point de recevoir ses grâces, pourvu qu’ils se sauvent, sans vouloir prendre part  aux intérêts de intérêts de sa gloire. Il lui dit : « Ne soyez pas ainsi, je veux que vous ayez un grand cœur, un cœur étendu par la charité sur toute la terre, pour prendre mes intérêts et pour réparer, par amour et zèle de mon honneur ce que tant d’âmes manquent de me rendre. Je vous ai choisie pour mon lieu de refuge, et pour vous donner les grâces que les autres refusent. » (Ch. XXVIII.)

 Elle le vit un jour tout couvert de petites croix.Il lui dit : « Ce sont les péchés et les imperfections de toutes les âmes qui m’ont été autant de croix. Oh ! Qu’il y en a peu, ma fille, qui pensent à mes souffrances comme je le désire ; pensez-y pour tout ceux qui ne le font point. Il y a  en cela un grand gain, car je vous donnerai tout ce que je leur donnerais s’ils y pensaient. » (Ch. XXXIII)

 Une autre fois après la sainte communion, le divin Sauveur lui dit : «  Je veux vous donner vie, mais auparavant il faut que je détruise votre vie propre. Quand je veux être vie à une âme et être sa seule vie, je suis premièrement en elle, non seulement comme un serviteur, mais comme un valet ; car bien souvent un serviteur ne fait que suivre son maître, tandis que le valet nettoie la maison. . Ainsi je suis en cette âme, la nettoyant, la purifiant et ôtant toutes les ordures, pour le rendre une demeure qu me soit agréable ; car je ne peux prendre de plaisir en elle qu’elle ne soit toute purifiée. Mais quand je l’ai rendue nette, alors je n’y suis plus comme serviteur, mais comme maître absolu. Je me repose en elle, j’y établis ma demeure et je me rends seul vivant en cette âme. Je suis l’unique principe de ses actions, de ses mouvements, de ses respirations, de ses paroles, et de ses pensées. Elle ne peut plus agir ni se mouvoir que par moi. Comme je suis sa vie, je donne une vertu, une valeur, une efficacité à tout ce qui procède d’elle, selon le bon plaisir de ma volonté, afin qu’en aucune chose, elle ne s’en puisse détourner en un

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Seul point ! Oh ! qu’il y en a peu en qui je trouve lieu de donner cette vie ! Qu’il y en a peu qui veuillent souffrir ce qu’il faut porter pour ! Je l’offre à beaucoup mais peu la reçoivent .» Mais mon Seigneur, dit Françoise, dans le monde entier n’y en a-t-il pas des milliers qui vous donnent lieu? –   Il lui répondit en soupirant et en poussant une douloureuse exclamation : « Oh ma fille, je ne veux point vous le dire, je vous affligerais trop. » (Ch. XXIX.)

 Notre-Seigneur dit à Marie-Aimée que bien petit était le nombre des âmes qui ne se recherchaient point en Le servant et qui pouvaient dire à son exemple : Pour moi, je ne recherche point ma gloire. (Ch. XVII.)

40. Jésus persécuté par ceux qu’Il a le plus aimé

 Un jour à son réveil, la bienheureuse Marguerite-Marie entendit une voix qui lui disait : le Seigneur se lasse d’attendre ; Il veut entrer dans son grenier pour cribler son froment et séparer le bon grain d’avec le chétif.  Mon peuple choisi me persécute secrètement ; il a irrité ma justice ! Mais je manifesterai ses péchés secrets par des châtiments visibles. Je criblerai les coupables, dans le crible de ma sainteté de justice, pour les séparer d’avec mes bien-aimés, les ayant séparés, je les environnerai de cette même sainteté qui se met entre le pécheur et ma miséricorde, et quand elle a un fois environné le pécheur, il est impossible qu’il se reconnaisse, sa conscience demeure sans remords, son entendement sans lumière, son cœur sans contrition ; il meurt enfin, dans son aveuglement. » Lui découvrant ensuite son Cœur tout déchiré et transpercé de coups : « Voilà, lui dit-il les blessures que je reçois de mon peuple choisi. Les autres se contentent de frapper sur mon corps ; les religieux attaquent mon Coeur qui n’a jamais cessé de les aimer. Mais mon amour cédera enfin à ma juste colère, pour châtier ces orgueilleux attachés à la terre, qui me méprisent et n’affectionnent que ce qui m’est contraire, me quittant pour les créatures,, fuyant l’humilité pour ne chercher que l’estime d’eux-mêmes. Et leurs cœurs étant vides de charité il ne leur reste plus que le nom de religieux. » Ed. Gauthey, II, p. 173.)

41. Quelles sont les causes des tristesses de Jésus

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  Sainte Véronique Juliani écrivait à son confesseur la lettre suivante que nous abrégeons :

     Votre Révérence m’ayant commandé de demander à Dieu la raison pour laquelle le crucifix est devenu si triste, je l’ai demandé pendant cinq nuits.

    La première nuit, il me dit que l’une des raisons est le peu de cas que       l’on fait de sa sainte  Passion ; on la médite, il est vrai, mais en courant, et personne n’imprime profondément dans son esprit les peines et les douleurs qu’Il a endurées pour notre amour.

La seconde nuit, se montrant plus que la première fois défiguré et le visage baigné de larmes : « Vois, dit-ll, comment je suis traité et à quoi je suis réduit. Tout ceci provient des horribles blasphèmes que vomissent sans cesse contre moi mes créatures. »

La troisième nuit, Il se montra tout meurtri et défiguré : « Je me fais voir ainsi à toi, dit et à beaucoup d’autres, afin de les porter à aimer d’un amour véritable les souffrances et les croix. Mais je vois tout le contraire car peu nombreuses sont celles qui aiment la croix en union avec ma volonté. »

La quatrième nuit, Dieu me montra un lieu obscur tout plein d’instruments de douleurs. Au milieu il y avait une croix toute resplendissante dont les rayons illuminaient tout le reste et faisaient voir distinctement tous ces instruments de mort. Le Seigneur m’inspira que tous ces instruments ainsi éclairés par la croix signifiaient que nos souffrances doivent être unies aux mérites de la très sainte croix et à toutes les douleurs qu’Il endura dans sa Passion ; Le lieu obscur où étaient déposés ces instruments signifiait que celui qui n’unit pas ses souffrances à celles de Jésus, demeure enseveli dans les ténèbres et n’a aucun mérite devant Dieu. Il me parut que  le Seigneur me dit en même temps que l’on manquait beaucoup en cela dans notre monastère, que les souffrances de quelques-unes étaient comme cachées dans les ténèbres, parce qu’elles étaient endurées par force et que

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la perte d’un si précieux trésor était une des raisons du changement remarqué dans son image.

La cinquième nuit Notre Seigneur me découvrit trois points particuliers qui Lui déplaisaient souverainement : 1° Le peu de respect que l’on a pour les supérieure ; 2° Les aigreurs et rancunes dont l’ennemi tire tants d’avantages et qui nuisent grandement aux âmes ; 3° La manière de vivre trop commodément et non selon la sainte pauvreté. (Diaro, vol.II, p. 713.)

Cette nuit, rapporte ailleurs la même sainte, le Seigneur m’a fait connaître que maintenant dans le  monde entier, il n’y a que péchés. «  Tous me fuient et feigncnt de ne pas voir une multitude d’âmes entraînées par le démon ; et il m’a fait comprendre que c’était des âmes de religieux. « Je te les fait voir, dit-Il, afi ; n que tu aies à cœur de prier pour eux Il y en a que tu reconnaîtrais, mais je ne veux pas te les manifester.. » (Diar io, 14 giugno 1797.)

Gertrude-Marie reçutn elle aussi, plus d’une fois les plaintes du doux Sauveur : Depuis vendredi 26 avril, une tristesse profonde pèse sur mon âme, une tristesse que Notre-Seigneur me fait partager. Je Lu en ai demandé la cause : « C’est que, m’a répondu Jésus, en ce moment il y a des âmes  que j’aime d’un amour spécial, m’abandonnent, des âmes que j’ai comblées ! des âmes sur lesquelles j’avais droit de compter pour me consoler, pour me dédommager de l’oubli, de l’ingratitude des autre hommes ! Et ces enfants privilégiés, ces âmes choisies m’abandonnent ! » (30 avril 1907.)

Ce matin Jésus s’est présenté à moi sous la figure d’un voyageur et Il m’a dit : « Viens avec moi ; je parcours le monde entier, je frappe à laa porte de tous les cœurs, la plupart m’en refusent l’entrée. Viens accompagne-moi partout ;  quand je frapperai, tu prieras ; quand je serai rebuté, tu me consoleras. » (22août 1907.)

Aujourd’hui, après la communion, j’ai vu dans le Cœur de Jésus des milliers et des milliers d’épines. Les unes ne laissaient apercevoir qu’une toute petite tête ; d’autres plus resssorties laissant paraître une large tête. En me faisant remarquer les premières, Notre-Seigneur m’a dit : « Ces

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épines enfoncées si avant dans mon Cœur représentent les péchés souvent renouvelés. A chaque péché l’épine s’enfonce davantage. » (17 janvier 1907.)

« Mon Cœur déborde déborde de toutes parts. Il ne peut plus contenir toutes les grâces que les âmes refoulent sans cesse. Prends, ma fille, prends. » (26 décembre 1906.)

42. Les déceptions de Jésus

Au mois de mai 1910 une religieuse visitandine de Paris étant à l’article de la mort eut une visite de Jésus qui la guérit miraculeusement et qui lui dit :  « … Et surtout aime-moi. J’ai tant besoin d’amour et j’en trouve si peu, même auprès des cœurs qui me sont consacrés. Je suis l’Epoux fidèle ; en moi il n’y a pas de déception ; mais qu’elles sont rares ; mais qu’elles sont rares mes épouses auprès desquelles je ne rencontre pas bien des déceptions. »

Les religieuses ne sont pas toujours assez religieuses, dit aussi le Sauveur à Gertrude-Marie, elles nr sont pas assez mortifiées ; elles ne savent pas assez s’oublier ;  même les meilleures ne sont pas tout ce qu’elles devraient être. » (27 novembre 1906.)

43. Beaucoup d’âmes religieuses aiment peu

parce qu’elles ne désirent pas assez l’amour

Adressant une exhortation à ses religieuses le 13 octobre 1553, sainte Catherine de Ricci 2 entra en extase et leur rapporta alors des paroles que Jésus l’avait chargée de leur dire : « Lève-toi, prends avec moi ta croix ; anime-toi à instruire tes Sœurs par mes exemples, et dis leur que, par amour pour elles, je me suis passionné pour la croix, voulant

1 Sainte Catherine de Ricci (1522-1590) du Tiers ordre régulier de saint Dominique, naquit à Florence, et vécut dans un couvent de Prato, en Toscane. (Vie, par le  P. Hyacinte Bayonne, O. P. Paris, Poussielgue,  1873.)

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II Dieu Amour p. 61

agir et faire, avant d’enseigner. Va donc avec ardeur et dis à mes filles qu’il ne doit pas leur paraître pénible de porter leur croix par amour pour moi, puisque moi, l’auteur de l’amour, j’en ai porté une si pesante par amour pour elles.

Leurs croix à elles, c’est l’observance des trois vœux, des règles et des constitutions, observance dont bien peu se préoccupent, et, s’il y en a encore quelques-unes qui y pensent, elle n’est que le dernier de leur souci, tandis qu’elle devrait être leur affaire la plus importante. Elles m’ont toutes oublié, elles ont toutes négligé mon amour, moi qui les ai tant aimées et qui a tant souffert pour elles !  Oh ! qu’ai-je du faire pour toi et pour elles, que je n’ai point fait ?  Les grâces qui leur ont manqué, ce sont elles-mêmes qui s’en sont privé volontairement par leurs mauvaises dispositions, ou en ne les demandant pas, ou en ne les cherchant pas, ou en ne les désirant pas. Moi, je n’attendais, pour les leur donner que de les voir désirer ardemment et demander avec ferveur. On ne donne pas des joyaux et des perles à ceux qui n’en connaissent pas le prix. Ni moi non plus, je ne livre pas mes dons et mes faveurs à ceux qui ne savent pas les apprécier. Je ne les donne qu’aux âmes qui les recherchent jusqu’à se rendre importunes en les demandant, nuit et jour, à force de soupirs et de larmes.

« Elles ne se souviennent plus de moi, elles ont presque entièrement oublié de m’aimer. Et pourtant qui aime ne désire et ne mérite rien tant que d’être aimé. Oh ! Dis-moi, est ce qu’elles ne sont pas mes délices? Est-ce qu’elles ne sont pas consacrées à mon service et au zèle de ma gloire ? Eh ! Ne voient-elles donc pas où en est le monde et combien peu s’y souviennent de moi ? C’est que la voie de la perdition est large et suivie par le grand nombre, tandis que celle de la perdition est étroite et difficile au commencement ; mais à quiconque  y entre pour mon amour, je sais la rendre bientôt douce et facile. Non, ce n’est pas moi qui néglige quelque chose pour leur venir en aide ; ce sont elles qui négligent d’invoquer mon secours et de penser à moi, moi qui ait tant d’amour pour elles, moi dont elles font les délices et qui me sent si heureux de me trouver au milieu d’elles.

 Mais je ne veux plus qu’elles persévèrent dans cette voie :

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Je veux qu’elles secouent le sommeil de leur négligence, quelles sortent de leur ornière et qu’elles se gardent de tout murmure, dans la mesure, dans la mesure de leurs forces. Loin de moi de vouloir qu’elles s’attristent outre mesure de mes reproches et qu’elles en demeurent abattues et découragées. Non, je ne désire que de les voir revenir à moi avec confiance, moi qui peux et veux les changer en ferventes religieuses. Je sais bien qu’elles ne peuvent rien sans ma grâce ; mais qu’elles mettent courageusement la main à l’œuvre, pleines de confiance en mon secours, et je les délivrerai de toute peine et de toute angoisse.

 Quelles viennent à  moi, qui les attends les bras ouverts sur la croix. Quelles prennent de grand cœur, sur leurs épaules, leur croix des trois vœux, des règles et des constitutions, et que rien ne soit plus capable de la leur faire abandonner. Qu’elles l’étreignent vigoureusement avec les mains des bonnes œuvres à l’exemple de tant de vierges saintes qui ont renoncé a toutes les choses du monde et à elles-mêmes pour mon amour et qui ont sacrifié leur propre vie  dans un saint et généreux martyre. Aussi quand leur Epoux est venu au-devant d’elles, voyant la lampe de leur cœur allumée et toute pleine de l’huile de la charité et des bonnes œuvres, il les a introduites avec allégresse dans le lieu de leurs noces éternelles. » (Vie, ch. XX.)

 

CHAPITRE III

Dieu Bonté

1. Heureux qui s’applique à connaître la bonté de Dieu

Parole du Seigneur à Sœur Mechtilde : « Celui qui méditera combien je suis bon s’attachera à moi pour jamais. » (Liv. V, ch. XX.)

 O mon unique bien-aimé, disait sainte Mechtilde au Seigneur, qu’aimez-vous mieux que les hommes connaissent de

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vous ?  Le Seigneur répondit : « Ma bonté et ma justice : ma bonté qui me fait attendre miséricordieusement l’homme jusqu’à ce qu’il se convertisse, à quoi je l’attire continuellement par ma grâce ;  mais quand il ne veut absolument pas se convertir, ma justice réclame sa damnation. » L’âme : Et que dites vous de votre charité ? Le Seigneur : « Un fidèle ami fait part de tous ses biens à son ami et lui révèle ses secrets ; ainsi je fais moi aussi. » Ire part., ch. XIII.)

2. Bonté du Père éternel

Un soir, raconte sainte Thérèse, comme j’étais à Matines, Notre Seigneur se plaça entre mes bras, comme les peintres Le représentent mort entre les bras de la Sainte Vierge. Ce fut par une vision intellectuelle, mais si vive, qu’elle ressemblait à une vision imaginative. Notre Seigneur me dit : « Ne t’étonne pas de ceci. Mon Père est avec ton âme dans une union bien plus grande, sans comparaison. » (Relation, 44.)

  Et une autre fois la même sainte rapporte ceci : le Père éternel m’approchait de Lui et m’adressait des paroles pleines de douceur. Il me dit entre chose en me témoignant beaucoup d’amour : « Je t’ai donné mon Fils, l’Esprit-Saint et la Vierge. Et toi, que pourras-tu me donner ? » (Relation, 22.)

 Il m’est impossible, dit Marie Brotel 1, d’exprimer l’imense bonté de Dieu le Père. Il me regardais d’un regard paternel qui m’anéantissait d’amour. Je croyais que dans Dieu le Père il y avait surtout la grandeur et la puissance ; mais non, c’est surtout et au dessus de tout l’amour que j’y ai vu. Il m’a dit :  « Ma fille les hommes ne me connaissent pas et c’est pour cela qu’ils me servent avec une crainte servile et comme étant bien sévère ; mais tu vois mon amour pour mes créatures et mon désir de les voir heureuses » (Vie, appendice, I, n° 16.)

1 Marie Brotel (1819-1888) fut une humble domestique qui passa presque toute sa vie à Grenoble.. Ses pénitences étaient héroïques ; ses prières pour l’Eglise, pour les pécheurs, étaient continuelles. S vie a été publiée par les Pçres du Sacré-Cœur, exilés à Brugelette, Belcique, 1909



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3. Bonté de Dieu qui se donne Lui-même

Et au premier appel

Au moment de l’élévation de l’hostie, le Seigneur dit à sainte Mechtilde : « Voici que je me livre tout entier avec tout le bien qui est en moi, en la puissance de ton âme, afin qu’il soit absolument en ta puissance de faire de moi tout ce qu’il te plaira. » (IIe part., ch.II.) Et une autre fois : « Voici que je me remets en ta puissance pour être ton captif et pour que tu commandes de moi tout ce que tu voudras, et moi, tel qu’un captif qui ne peut que ce que son maître lui ordonne, je serai à tes ordres. » (Ch. XXXI) « Toutes les fois que tu gémis tu m’attires en toi, je me suis rendu plus facile à obtenir que toute autre chose ; il n’est objet si vil et si insignifiant, un brin de fil ou une paille qu’on puisse acquérir par un simple acte de volonté ; mais moi, un seul vouloir, un seul soupir suffit pour me mettre en la possession de l’homme. » (IIIe part., ch. XXXV.)

4 Dieu se donne autant qu’on veut le recevoir

Sainte Gertrude vit le Seigneur qui, répandant de toutes parts les flots de son amour divin, se donnait à toute la communauté avec ces paroles : « Je suis tout à vous ;; que chacun de vous jouisse de moi selon son désir. » (Liv. III., ch. XVII.) Mais ce désir, d’après lequel le Seigneur mesure le don qu’il fait de Lui-même est le fruit d’une volonté sincère et efficace et non le produit d’une simple velléité.

Jésus dit à Bénigna : « On a une idée trop petite de la bonté de Dieu, de sa miséricorde, de son amour envers les créatures; on mesure Dieu par les créatures, mais Dieu n’est pas limité, aussi sa bonté est sans limite ! Oh ! Pouvoir se servir, profiter de Dieu et ne pas le faire ! Et pourquoi ne le fait-on pas ? parce que, dans le monde on ne Le connaît pas. Je suis un trésor infini, mis par mon Père éternel à la disposition de tous ; mes créatures me refusent, et combien c’est à leur détriment, elles le comprendront seulement dans l’éternité. » (Notice, pp. 88, 89.)

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5. Dieu par bonté s’est rabaissé et mis à notre portée

dans l’Incarnation

Le Seigneur a expliqué à sainte Brigitte pourquoi sa divinité ne s’était pas manifestée d’une manière éclatante : « l’infirmité corporelle n’aurait pu la supporter ; si les yeux corporels voyaient la divinité, ils se fondraient comme la cire devant le feu ; et même si l’âme avait cette faveur de voire la divinité, le corps se fondrait et deviendrait comme de la cendre. Ma divine bonté ne l’a pas voulu, car si je montrais ma divinité, qui est incomparablement plus brillante que le feu et que le soleil, j’irais contre moi-même, qui ai dit : Nul homme ne me verra sans mourir. (Exode, XXXIII, 20.) Les prophètes eux-mêmes ne m’ont pas vu comme je suis en la divinité. Aussi moi qui suis le Dieu de miséricorde, afin que l’homme m’entendît mieux, je me suis montré à lui sous une forme qui pouvait être vue et ressentie, c’est-à-dire dans mon humanité. » (Liv. v, ch. v.)

6. Bonté toute gratuite. Ames choisies

Le Seigneur dit à Mechtilde : « Moi qui suis le Créateur de l’univers, je n’ai besoin d’aucune récompense, mais te es toi-même ma récompense, car mon Père céleste t’a donnée à moi pour être mon  épouse et ma fille. »  La sainte s’écria : Pourquoi, Seigneur très aimant, agissez-vous ainsi avec moi/ – Uniquement par un effet de ma bonté, parce que j’ai placé en toi les délices de mon Cœur. » (IIe part., ch. VIII.)

  Le Seigneur dit à Gertrude : « Ma fille, je ne suis resté que depuis la sixième heure jusqu’à celle des vêpres, attaché à la croix, et cependant  je l’ai bien élevée en honneur. Vois par là de quels bienfaits je me propose de récompenser les cœurs où j’ai reposé des années entières. » A ces paroles la sainte dit : Hélas ! je vous ai donné bien peu de contentement en mon cœur ! – « Et quel contentement ai-je eu sur ce bois ! répondit le Seigneur. Mais ma gratuite bonté qui l’a choisi de préférence à d’autres, m’a induit à l’honorer. De même je récompenserai ceux que j’aurai choisi par un effet gratuit de ma bonté. » (Liv. IV, ch.LII.)

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7. Dieu est maître de ses dons

 Le confesseur de Françoise de Bona 1 la reprenant sévèrement lui dit qu’il était à craindre que toutes ses visions et ses révélations ne fussent des tromperies du démon : « Dis de ma part à ton confesseur, dit le Seigneur à l’humble religieuse : N’est-il pas en mon pouvoir de faire de mes servantes ce qu’il me plaît ? « (Liv. II, ch. xv II.)

8. Bonté qui n’oublie personne sur cette terre

 « Il n’y a personne au monde,  dit le Seigneur à sainte Brigitte, quelque enraciné qu’il soit avec le diable que le bon Esprit ne visite quelquefois et ne lui excite et émeuve le cœur.  Il y a personne aussi, quelque bon qu’il soit, que le diable ne tourmente par quelque tentation. » (liv. Ier, ch. LIV.)

9. Bonté qui accroît ses dons selon les efforts de l’âme

 « Ceux qui commencent à porter mon joug et qui font des efforts, à ceux là je donnerai ma grâce. Ceux qui supportent mon fardeau, c’est-à-dire qui s’efforcent d’un jour à l’autre, pour l’amour de moi, d’avancer dans le chemin de la perfection, je travaillerai avec eux, je serai leur force et les enflammerai d’amour, afin qu’ils me désirent davantage. Ceux qui sont nuit t jour dans les peines, qui souffrent avec patience et ne s’abattent pas, mais brûlent et s’enflamment de plus en plus, au  point que tout ce qu’ils font leur semble peu de choses, ceux-là sont mes amis très chers, mais ils sont en petit nombre. » (Ibid., liv.,Ier, xv)

 1 Françoise de Bona (1589-1669) fut religieuse au  Carmel d’Avignon ; elle y mourut en odeur de saintet ; après sa mort, on obtint par son intercession de nombreux miracles (Vie, par l’abbé Séaume, Aubanel,, Avignon, 1892)

 

 

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10. Bonté qui se révèle ou qui se cache

Selon le besoin des âmes

 Sainte Gertrude, considérant la clarté du soleil, de dit un jour : Si le  Seigneur qui a crée le soleil et qui est Lui-même un feu consumant, était aussi véritablement en moi, qu’il se montre fréquemment devant moi, comment serait-il possible que mon cœur demeurât si froid, et que j’eusse une conduite si peu raisonnable et si peu vertueuse ? Le Seigneur lui répondit : « En quoi exalterait-on ma  toute-puissance si, par-dessus tout, je ne pouvais en quelque lieu que je me trouve, me contenir en moi-même, ou révéler ma présence quand cela me convient le mieux, selon les circonstances de lieu, de temps et de personne ? » (Liv. II, ch. XVII.)

11. Bonté qui met son plaisir à nous faire du bien

 Le Père céleste dit à Bénigne Gojoz 1 : « Ma fille, lorsque vous serez parfaitement convaincue de votre néant et de votre misère, vous apprendrez à exalter mon nom et à vous réjouir dans le Seigneur, en reconnaissant que tout bien vient de moi, le Tout-Puissant, qui élève la poussière jusqu’à moi et fait le tout du rien ; vous saurez que ma miséricorde est infinie et que je me plais à la faire éclater puissamment en la sanctification des âmes, mes choisies, qui ne me résistent point, mais qui s’abandonnent avec une humble confiance à ma providence. Retenez ces leçons. Bénigne, et vous saurez que je suis Celui qui remplit et qui rassasie l’âme qui a faim de moi ; que si je parle, j’exécute ; que si vous vous quittez vous-même, vous me posséderez ; que si vous vous séparez du

 1 La soeur Jeanne-Bénigne Gojoz (1615-1692) fut reçue dns l’Ordre de la Visitation par sainte Jeanne de Chantal et choisie par elle pour être l’une des premières religieuses du monastère de Turin, où elle vécut dans une éminente sainteté. Sa vie, écrite par la Mère Gertrude-Elisabeth de Provane, fut publié seulement en 1846, puis en 1901 par  les soins du monastère de la Visitation de Turin. (En vente à ce monastère)

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cœur des créatures, vous aurez ma jouissance éternelle et la familiarité des anges ici bas ; que si vous quittez vos propres prévoyances, ma Providence prendra tout soin de vous, parce que j’aime surtout l’abandon et la dépendance des cœurs qui sont à moi ; je me plais à faire des miracles pour eux et en leur faveur ; je les pourvois de tout, comme une ville qui est mon séjour. La fille qui quittera le mieux sa terre et sa parenté (psaume XLIV) sera aussi celle qui entrera le mieux dans l’intérieur de Jésus-Christ, vraie terre promise. Les lumières qui viennent immédiatement de moi qui suis nommé le Père des lumières, sont les moins sensibles et les plus dégagés de forme, parce qu’elles partent de la vérité. L’âme la plus anéantie est la plus absorbée en moi. Le meilleur moyen de se tenir à moi est de connaître mon immense bonté, de savoir que tout votre bien vient de moi, et qu’ainsi vous ne vous devez rien attribuer. Le Tout donne et le rien reçoit. » (Vie, IIIe part., ch. III.)

 « Un époux, dit Jésus à Bénigna, saisit toutes les occasions d’offrir des dons à son épouse, et il jouit plus  à les lui faire qu’elle à les recevoir. » (Vie,, p. 37.)

 Nous sommes loin de connaître tous les bienfaits que nous recevons de Dieu, combien de grâces nous sont faites que nous ne connaîtrons  qu’au ciel ! Notre Seigneur me dit, raconte Jeanne-Bénigne Gojoz : « Ma fille, remercie-moi d’une grâce que je t’ai faite et qui t’es inconnue. C’est qu’à pareil jour, je t’ai préservée de tomber dans un grand risque de m’offenser chez ton père, dans ta plus tendre jeunesse, quelqu’un des domestiques ayant été séduit et payé pour te mettre dans le péril. (Vie, IIIe part., ch. XIII.)

12. Bonté qui ne suspend ses bienfaits

que pour les multiplier ensuite

 Notre Seigneur confirma les faveurs accordées à Gertrude, en condescendant d’une façon admirable aux plaintes de sa servante, qui l’accusait de n’avoir pas scellé ses promesses en la frappant la main dans la main, ainsi que font ceux qui  prennent quelque engagement. « Pour couper court à tes

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plaintes, approche et reçois la confirmation de mon engagement. » Le Seigneur ouvrit alors de ses deux mains son Cœur déifié, cette arche de la divine fidélité et de l’infaillible vérité, et ordonna à  Gertrude d’y porter sa main droite. Fermant alors cette ouverture, où sa main resta retenue, le Sauveur lui dit : «Voilà que je te promets de conserver dans leur intégrité les dons que je t’ai confié ; si cependant quelquefois, par une économie de ma Providence, j’en suspens pour un temps les effets, je m’engage à t’en dédommager ensuite au triple. » (Liv. II, ch. xx.)

 

13. Bonté qui attend le moment le plus opportun

 Pour communiquer ses grâces

 « Ma fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, j’ai vu autrefois mon Père porté à faire sur toi de grandes décharges de ses grâces pour le grand amour qu’Il te portait ; mais comme j’ai vu que tu n’étais pas bien disposée à les recevoir et qu’elles eussent été répandues inutilement et sans profit pour toi, je les ai mises en réserve pour te les donner en temps et lieu. » Et Notre-Seigneur faisait connaître qu’Il en usait ainsi envers tous les fidèles. (IIe part, ch. XIX.) Souvent nos prières ne sont pas exaucées aussi vite que nous le désirons ; l’effet en est suspendu, Dieu s’en souviendra à don heure.

14. Bonté qui voudrait donner davantage

 J’ai entendu, raconte sainte Véronique Juliani, que le Seigneur me  disait :  « Je suis toute à toi, et tu es toute à moi. » Et alors Il m’a communiqué un peu de son amour infini. Cet amour me faisait comprendre que je ne devais chercher qu’humilité, charité et obéissance ; j’entendis que le Seigneur me dit : « Voilà ce que je veux de toi ; et sans toi, je ne puis mener à bonne fin tout ce que j’ai dessein de faire à ton âme. » Et je l’entendis me dire encore et me répéter : « Sans toi, je ne puis pas. »  (Diario, 19 gennaio 1697.) Trop souvent,

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En effet, le Seigneur brûle de nous accorder ses dons, et nous l’en empêchons. Nous ne sommes pas capables, dit ailleurs la même sainte, de posséder le pur amour, si Dieu dans son infinie bonté , ne le met en nous ; mais cette grâce , Il l’accorde quand Il trouve un cœur disposé à la recevoir, et si grande est sa libéralité qu’il voudrait que tous nous fussions embrasés de son amour : « Je te fais ces grâces, me disait-Il, pour montrer que je fais du bien mêmes aux ingrats, et pour encourager toutes les âmes à l’aimer. Tout ce que je t’accorde, je l’accorderais à toutes les créatures, si elles voulaient me servir. » (Diario, 19 décembre 1715.)

 Dieu me fit connaître, dit Marcelline Pauper, que si les âmes étaient fidèles, Il remplirait leurs capacités de ses grâces et les enrichirait des dons du Saint-Esprit. Il me dit : « Je ne cherche qu’à me répandre, mais je demande des âmes pures. » (Vie, ch. XVIII.)

 Gertrude-Marie a écrit : « Nul ne sait m’a dit Jésus jusqu’où irait ma familiarité avec une âme qui se livrerait totalement à moi. Quand une âme prononce avec beaucoup d’amour ces mots : Notre Père, qui êtes aux cieux, elle va droit à mon Coeur, c’est une flèche  qui la transperce, c’est une flèche qui le transperce. »  (10 mai 1907.) « Ah ! vous ne connaissez pas le Cœur de Dieu, m’a dit Notre-Seigneur, vous ne savez pas vous approcher de Lui ; vous ne savez pas crier : Père. Peu d’âmes sue la terre pratiquent à l’égard de Dieu cette familiarité que cependant Il attend de ses enfants. » (30 juin 1907.) Je me suis rappelé cette parole divine que j’ai entendue au mois de décembre : « On me chasse de partout, je me rapproche. On ne veut pas que je sois connu ; je me découvrirai aux âmes, je me communiquerai à elles. » (27 février 1907.)

15. Quand Dieu demande, c’est pour donner

 Sainte Gertrude, voyant le Seigneur dans sa gloire, les mains pleines de présents mais ne pouvant distinguer à quoi il paraissait si fort occupé, l’interrogea, et Il répondit : « Je distribue des dons. Veux-tu m’offrir aussi ce que tu as gagné de mérites, pour accroître cette libéralité que je te fais ? » La

 

 

III. Dieu Bonté p 73

« Toutes les fois, lui dit le Seigneur, que tu te retournes vers moi dans une semblable disposition, je te recevrai comme un ami reçoit son ami qui lui demande l’hospitalité d’un jour ; il lui témoigne par ses actes et ses paroles toutes sortes d’amitiés, avec une bienveillance et une attention remplie de joie et de délicatesse. En recevant ces marques de tendresse, cet ami songerait plus d’une fois comment il pourrait rendre la pareille à son ami, lorsque celui-ci viendrait aussi à le visiter : ainsi moi-même je pense sans cesse en mon Cœur et je règle avec soin  comment pour toutes les amitiés que tu m’as faites sur la terre, je te récompenserai en la vie éternelle, selon la royale libéralité de ma toute puissance par des prévenances et des amitiés multipliées au centuple. » (Liv.  III, ch.  XLVII, p. 216.)

19. Bonté qui accorde la grâce d’une bonne mort

 Le Seigneur dit à Gertrude : « Quand je vois à l’agonie ceux qui, parfois, ont eu quelque douce pensée ou mémoire de moi, ou qui ont accompli quelque œuvre méritoire, je me montre à eux, au dernier moment, si bon, si tendre et si aimable, qu’ils se repentent du plus profond de leur cœur de m’avoir offensé et se repentir fait qu’ils sont sauvés. Aussi, je voudrais, pour cet excès de bonté, être glorifié par mes élus, et, parmi les actions de grâces qu’ils m’adressent pour mes bienfaits, en recevoir pour celui-ci de particulières. » (Ed. lat., p. 187, liv.III, ch. XXX, n° 20.)

 Une fois que Marie-Aimée de Jésus priait pour la multitude des infidèles et qu’elle représentait combien le salut était difficile pour ces pauvres âmes qui ne Le connaissaient pas  et n’avaient ni ses enseignements, ni ses exemples, ni sess sacrements pour résister aux penchants de la nature déchue, Notre-Seigneur la consola en lui disant qu’aucune âme ne sera damnée sans l’avoir voulu absolument. (Vie, ch. XVII.)

 Un jour, que la pensée du mystère de la prédestination causait à sainte Rose de Lima le plus grand effroi, Jésus lui dit : « Ma fille, je ne condamne que ceux qui veulent être condamnés.

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Bannissez donc de votre esprit, à partir d’aujourd’hui, toute inquiétude sur cet article. »

 La Sœur Mechtilde rapporte cette parole du Seigneur:  « Je te dis en vérité, qu’il y en à un plus grand nombre dans la sainte Eglise qui vont après leur mort au ciel qu’il n’y en a qui descendent en enfer éternel. La justice néanmoins retient toujours ses droits ;  je n’enlève jamais de ses mains les fautes commises en sa présence, mais je veux, avant tout venir comme un père à l’âme accablée sous son fardeau, si je découvre en elle quelque bien et pas de désespoir ; j’y suis comme forcé par les sentiments paternels que je ressens pour les fils que j’ai engendrés. » (Ed. franç., liv.  VIch.  XI ; éd. Lat., liv. VI, ch. XV.)

 Jésus dit à Marie de Jésus Crucifié 1 : “Ce n’est pas moi qui choisis l’enfer pour vous ; vous faites ce choix vous-même. Pas une âme ne se perd sans que je lui aie parlé mille fois au cœur. » (Vie, p. 55.)

 Il dit de même à Bénigna-Consolata : « Celui-là seul se perd qui le veut et qui le veut obstinément, en dépit des efforts répétés, des efforts amoureux de ma grâce pour le conduire au bien. » (Notice,p.22.)

20. Dieu ne laisse pas facilement se perdre les âmes

qui Lui ont coûté si cher

Mechtilde priait pour une personne et disait : Mon Seigneur, je vous demande d’en agir miséricordieusement avec elle à ses derniers moments en lui donnant l’assurance de rester avec vous.- « Quel est l’homme sage qui jetterait et détruirait un trésor aimé, acquis à force de travail ?  répondit le Seigneur. » (IVe part., ch. XXVIII.)

 La même sainte demandant pour une  de ses sœurs en religion qu’elle eût à ses derniers moments un avant goût de  la

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vie éternelle, savoir, l’assurance de n’être jamais séparée de son Dieu, reçut une réponse aussi consolante : « Quel est le marin qui, après avoir heureusement amené ses biens au port, les jetterait alors volontairement à la mer ? » (Ibid., ch. XXXV, p.26.)

 1 Sœur Marie de Jésus-Crucifié  (1846-1878) fut une religieuse carmélite, syrienne d’origine, qui mourut en odeur de sainteté à Bethléem.. (Vie, par le P. Estrade, qui fut son directeur, Paris, Gabalda, 1913.)

21. Bonté qui tient compte des bonnes intentions

 Une dame avait consacré à Dieu son enfant, même avant sa naissance, et voulut que, si c’était une fille, elle fut fiancée  à Dieu ; mais l’enfant mourut dans la deuxième année de son âge. Son âme apparut à Mechtilde comme une vierge très belle et lui dit : Tous les dons que je devais recevoir du Seigneur, si réellement j’avais pris l’habit religieux, Il me les accorde maintenant par un effet de sa grande libéralité ; et ‘ai en plus une récompense particulière pour avoir été consacrée à Dieu dès le sein de ma mère. » Comme cela étonnait beaucoup Mechtilde, le Seigneur lui dit :

Pourquoi t’étonner ? Est-ce que les enfants baptisés ne sont pas sauvés par la foi d’autrui ? J’ai accepté la volonté bien déclarée de la mère pour le fait, et je récompense , dans son enfant, tous les biens qu’elle lui avait désirés 1 .

– Mais pourquoi , mon bien-aimé, avez-vous si tôt enlevé cet enfant ?

– Elle était si aimable, répondit le Seigneur, qu’il n’était pas expédient pour elle de rester sur la terre ; ensuite son père, après la mort de son aînée, aurait annulé le vœu de sa mère, et l’aurait gardée pour le siècle. » (Ve part., ch. XII.)

 1 Les faveurs ainsi accordées ne font pas partie du bonheur essentiel qui est mérité  de condigno et qui est proportionné au degré de charité auquel les fidèles se sont élevés sur la terre. Outre ce bonheur essentiel, les élus jouissent encore de privilèges, de dons accidentels très précieux. Saint Augustin pense que Dieu tient compte des souffrances endurées inconsciemment par les enfants baptisés et les en dédommage au Paradis.

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22. Bonté qui récompense les moindres actes d’amour

 L’intendant des religieuses d’Helfta se donnaient beaucoup de peines et de fatigues pour bien gérer les affaires du monastère. Sainte Gertrude priant le Seigneur de l’en récompenser reçut cette réponse : « Son corps qui s’épuise si souvent de fatigue pour moi en de tels travaux est pour moi comme un trésor dans lequel je mets en dépôt autant de pièces d’argent qu’il fait de mouvements pour satisfaire à la charge qu’il a reçue, et son cœur est un coffre-fort dans lequel je me plais à déposer une nouvelle pièce d’or, chaque fois qu’il recherche comment pourvoir pour ma gloire aux besoins de ceux dont il est chargé. »  Sainte Gertrude fit remarquer que cet homme n’était cependant pas poussé par des motifs tout désintéressés, et qu’au désir de faire son devoir se mêlait aussi  celui d’obtenir pour lui-même quelque gain. « Sa volonté, reprit le Seigneur, est tellement soumise à ma volonté divine que je suis toujours la cause principale de ses actions ; c’est pourquoi dans toutes ses pensées, ses paroles et ses actions, il gagne un fruit inestimable. Néanmoins s’il procédait dans chaque affaire avec une intention plus pure, ses œuvres deviendraient d’un plus grand prix, autant que l’or l’emporte sur l’argent. Enfin, si avec une intention plus pure encore il dirigeait vers moi ses pensées et ses sollicitudes,  elles en deviendraient d’autant plus belles et plus nobles qu’un or pur et raffiné vaut mieux qu’un or vieilli et obscurci. ».

(Liv. III, ch. LXIX.)

22.Bonté qui récompense le dévouement

de ceux qui se dépensent pour les amis de Dieu

 L’intendant des religieuses d’Helfta se donnait beaucoup de peines et de fatigues pour bien gérer les affaires du monastère. Sainte Gertrude priant le Seigneur de l’en récompenser reçut cette réponse : « Son corps qui s’épuise si souvent de fatigue pour moi en de tels travaux est pour moi comme un trésor dans lequel je mets en dépôt autant de pièces d’argent qu’il fait de mouvements pour satisfaire à la charge qu’il a reçue, et son cœur est un coffre-fort dans lequel je me plais à déposer une nouvelle pièce d’or, chaque fois qu’il recherche comment pourvoir pour ma gloire aux besoins de ceux dont il est chargé. Sainte Gertrude fit remarquer que cet homme n’était cependant pas poussé par des motifs tout désintéressés, et qu’au désir de faire son devoir se mêlait aussi celui d’obtenir pour lui-même quelque gain. « Sa volonté, reprit le Seigneur, est tellement soumise à ma volonté divine que je suis toujours la cause principale de ses actions ; c’est pourquoi dans toutes ses pensées, ses paroles et ses actions, il gagne un fruit inestimable. Néanmoins s’il procédait dans chaque affaire avec une intention plus pure, ses œuvres deviendraient d’un plus grand prix, autant que l’or l’emporte sur l’argent. Enfin, si avec une intention plus pure encore il dirigeait vers moi ses pensées et ses sollicitudes, elles en deviendraient d’autant plus belles et plus nobles qu’un or pur et raffiné vaut mieux qu’un or vieilli et obscurci. ». (Liv. III, ch. LXIX.)

23. Bonté qui récompense les moindres actes d’amour

 Ayant lancé vers le Seigneur des paroles de tendresse, l’humble Gertrude se demandait si son indignité ne rendait pas insipide au Bien-Aimé ses protestation d’amour. Le Seigneur la rassura en ces termes : « Qu’importe la nature du vase où l’on agite les parfums, pourvu qu’il exhalent toujours la même odeur ? De même lorsqu’on m’appelle : O très doux, ô très aimé, tout en se regardant comme une vile vie éternelle, savoir, l’assurance de n’être jamais séparée de son Dieu, reçut une réponse aussi consolante : « Quel est le marin qui, après avoir heureusement amené ses biens au port, les jetterait alors volontairement à la mer ? » (Ibid., ch. XXXV, p. 26.)

21. Bonté qui tien compte des bonnes intentions

 Une dame avait consacré à Dieu son enfant, même avant sa naissance, et vout que, si c’était une fille, elle fut fiancée à Dieu ; mais l’enfant mourut dans la deuxième année de son âge. Son âme. Son âme apparut à Mechtilde comme une vierge très belle et lui dit : « Tous les dons que je devais recevoir du Seigneur,  si réellement j’avais pris l’habit religieux, Il me les accorde maintenant par un effet de sa grande libéralité ; et j’ai en plus, une récompense particulière pour  avoir été consacrée à Dieu dès le sein de ma mère. »  Comme cela étonnait beaucoup Mechtilde, le Seigneur lui dit : « Pourquoi t’étonner ? Est-ce que les enfants baptisés ne sont pas sauvés par la foi d’autrui ? J’ai accepté la volonté bien déclarée de la mère pour le fait, et je récompense, dans son enfant, tous les biens qu’elle lui avait désiré 1. » – Mais pourquoi , mon bien-aimé, avez-vous si tôt enlevé cette enfant ? – Elle était si aimable répondit le Seigneur qu’il n’était pas expédient pour elle de rester sur la terre ;  Ensuite son père, après la mort de son aînée, aurait annulé le veux de sa mère,, et l’aurait gardée pour le siècle. » (Ve part., ch. XII.)

1 Les faveurs ainsi accordées ne font pas partie du bonheur essentiel qui est mérité de condigno  et qui est proportionné au degré de charité auquel les fidèles se sont élevés sur la terre. Outre ce bonheur essentiel, les élus jouissent encore de privilèges, de dons accidentels très précieux. Saint Augustin pense que Dieu tient compte des souffrances endurées inconsciemment par les enfants baptisés et les en dédommage au paradis. Il écrivait en effet à saint Jérôme : Quis novit quid parvulis de quorum cruciatibus duritia majorum contunditur, aut exercitur fides aut misericordia probatur, quis inquam, novit, quid ipsis parvulis in secreto judiciorum suorum bon oe compentionis reservet Deus ?

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créature, la douceur qui m’est naturelle ne laisse pas d’en être émue jusqu’en ses profondeurs, et me fait exhaler à moi-même un arôme d’une merveilleuse suavité, qui répand sur celui qui a provoqué ma douceur par ces paroles de tendresse, une odeur de salut pour l’éternité. » (Liv. VI, ch. Ier.)

 Comme ses Sœurs s’inclinaient profondément en récitant à l’office ces mots : Verbum caro factum est, elle entendit que le Seigneur lui disait

p.78 à p.80

Dieu bonté P.78

divine bonté et ma justice donnent une récompense imparfaite comme est imparfaite l’œuvre que l’âme me présente. Quelquefois je la récompense par des biens temporels, quelquefois je lui accorde la vie de la grâce par le moyen de mes serviteurs que j’aime et que j’écoute. Ainsi l’ai-je fait pour mon glorieux apôtre saint Paul qui, par la prière de saint, cessa d’être infidèle et de persécuter les chrétiens. En quelque état que l’homme se trouve, il ne doit jamais cesser de bien faire. " (Dialogue, ch. XCIII.)

25. Bonté qui récompense les vertus

en faisant pratiquer de plus grandes

   Mechtilde demandait au Seigneur pourquoi le comte B… avait été choisi pour fondateur de sa communauté. Le Seigneur répondit : " C’était un homme d’un cœur doux et bienveillant ; tout ce qu’il a pu commettre de péchés, il l’a fait sans malice ; c’est  pourquoi ma sagesse a trouvé pour lui cette voie de salut ; car j’aime beaucoup un cœur bienveillant, tandis qu’un péché commis par malice devient un lourd fardeau pour l’âme ; et comme celui-ci a fondé ce monastère, non pour la faveur des hommes, mais pour ma gloire et le salut de son âme, et qu’il a fortement aimé la congrégation, par un droit spécial il s’est acquis les mérites de chaque personne, et jouit des biens de tous comme des siens propres. " (Ve part., ch. x.)

26. Bonté qui accepte la bonne volonté pour le fait

   Le Seigneur dit à Gertrude :  " J’ai accepté ta bonne volonté pour le fait ; car ma bonté, toujours désintéressée, exige que, lorsqu’une personne s’est proposée sincèrement quelques bonne œuvre ou quelque dévote pratique, quoique, par fragilité humaine ou par autre motif, elle n’en fasse rien, je ne  laisse pas d’avoir égard à sa bonne volonté, de l’accepter pour le fait et de l’en récompenser largement. " (Liv. IV, ch. xxv)

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   Mechtilde entendant lire dans l’Evangile ces paroles : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? (Jean, XXI, 15) fut ravie en esprit et se trouva en présence du Seigneur, qui lui dit : Je vais aussi t’interroger, et tu me répondras dans toute la sincérité de ta conscience. Est-il au monde quelque chose qui te soit si cher que tu ne voudrais pas, si cela était en ton pouvoir, l’abandonner pour mon amour ? " La sainte répondit : Vous savez, Seigneur, que si tout le monde était à moi, avec tout ce qu’il renferme, je l’abandonnerais en entier pour votre amour. Le Seigneur accepta aussitôt cette réponse de Mechtilde, comme si, en effet elle eu été la maitresse de l’univers, et l’eut abandonné pour Lui.

   L’interrogeant une seconde fois : " est-il quelque travail ou quelque joug d’obéissance que tu ne voudrais pas subir pour mon amour ? " – Seigneur, je suis prête à tout souffrir pour votre nom.-" Est-il quelque souffrance si grave, que tu refuserais de l’endurer pour mon amour ? " – Mon Seigneur, avec vous et avec votre aide, je suis prête à endurer toutes les souffrances. Le Seigneur accepta toutes ces réponses comme si elles eussent été suivies de l’effet. (IVe part., ch.LX.)

   Gertrude demanda au Seigneur de lui enseigner par quelle vertu elle pourrait lui plaire davantage. Le Seigneur lui répondit : " Puisque l’Esprit-Saint est la bonne volonté, applique-toi donc à avoir cette bonne volonté et ainsi tu pourra posséder ce que chaque vertu a de beauté et de perfection spéciale, car par la bonne volonté on gagne plus qu’on ne pourrait jamais le faire par des œuvres. Celui qui a la bonne volonté de me louer, de m’aimer par-dessus toute créature, de me rendre grâce, de compatir a mes douleurs et de pratiquer toutes les vertus de la manière la plus parfaite, s’il le pouvait, celui-là sera infailliblement récompensé par ma divine libéralité, et même plus largement que celui qui accomplirait l’œuvre de fait, sans avoir la même bonne volonté. " (Liv. IV, ch. XVII.)

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27.Bonté qui aime mieux regarder la sainteté future

que les défauts présents

   Le Seigneur dit à Mechtilde qui priait pour une personne plongée dans la tristesse : " " S’il lui vient à l’esprit qu’elle n’est pas du nombre des élus, qu’elle fasse comme un homme qui serait dans une vallée obscure ; si cet homme était désireux de voir le soleil, il monterait de la vallée sur la colline, et sortirait ainsi des ténèbres. Elle, de même, lorsqu’elle est plongée dans les ténèbres de la tristesse, qu’elle gravisse la montagne de l’espérance, et qu’elle me regarde des yeux de la foi, Moi, le céleste firmament dans lequel sont fixées comme des étoiles des âmes de tous les élus. Quoique ces étoiles soient obscurcies par les nuages du péché et les brouillards de l’ignorance, elles ne peuvent toutefois s’obscurcir dans leur firmament, c’est-à-dire dans ma divine clarté, parce que les élus bien que parfois enveloppés de péchés énormes, sont toujours regardés par moi, dans ma charité en laquelle je les ai élus, et dans cette clarté où ils doivent parvenir. C’est pourquoi il est bon qu’on se rappelle souvent avec quelle bonté gratuite on a été élu par moi, par quels secrets et merveilleux jugements je regarde comme un juste celui qui est en plein péché, avec quel amour j’ai changé en bien tout ce qui était mal  en lui, et qu’on me bénisse, moi, l’éternel firmament des élus 1. " (IVe part. ;ch. XXIV.)

   1 Dieu, dit Julienne de Norwich, me montra qu’au ciel le péché ne sera pas un sujet de honte, maisde louange pour celui qui l’aura commis (à cause de son repentir) , il y aura des joies spéciales proportionnées à la douleur que lui auront causée ses fautes. (Trad. Meunier p. 141.) C’est, dit-elle encore, de la part de notre Sauveur une souveraine marque d’amitié de veiller sur nous aussi tendrement, lorsque nous sommes en état de péché. Il ne s’en tient pas là. Il va jusqu’à nous toucker en nous montrant nos faures à la lumière de la grâce. Puis quand l’âme s’est repentie, Il lui dit :   " Ma bien-aimée, combien je suis heureux que tu sois revenue à moi ! Durant ton malheur, j’ai toujours été près de toi, tu vois maintenant quel est mon amour et combien nous sommes unis dans le bonheur. "

(Ibid.,P.150.)

 

III. Dieu Bonté P.81

28. Le chef- d’oeuvre de la bonté divine

est de conduire l’âme à la perfection

 « Dans toute l’œuvre de la Rédemption, dit le Seigneur à Gertrude, je me suis plus servi de la sagesse et de la bonté que de la puissance et de la majesté. Et cette sagesse, unie à la bonté, brille surtout en ce que je souffre les imparfaits, jusqu’à ce que je  les conduise par le libre choix de leur volonté à la voie de la perfection. » ( Liv. IV, ch. LXVIII.)

29. Bonté qui nous fait d’autant plus de bien

Qu’on nous fait plus de mal

 Le Seigneur dit à Gertrude : « On te fait quelquefois de la peine en parlant mal de toi ? Eh bien ! Des paroles de tes détracteurs fais-toi autant de vertus ; et lorsque tu en seras ornée, tu pourras venir à moi, et, ma compassion aidant, je te recevrai avec  bonté. Plus on blâmera sans raison ta conduite, plus mon Cœur te donnera de témoignages d’amour, parce que cela te rendra toute semblable à moi, dont on s’est plu à mal interpréter toutes les actions. » (Liv IV, ch. LXVIII.)

30. Bonté qui nous apprend à nous servir

 de l’amour infini

 Mechtilde priait pour une personne qui s’était plainte à elle de la peine qu’elle ressentait de ne pas assez aimer son Dieu et de ne pas Le servir avec assez de dévotion ; la sainte en conçut elle-même une grande tristesse, se croyant de tout point inutile, puisque Dieu, qui lui avait conféré de si grands bienfaits, n’était pas aimé comme Il devait l’être. Le Seigneur lui dit : « Allons, ma bien-aimée, ne t’afflige pas : tout ce qui est à moi est à toi. »  La sainte reprit : Si vraiment tout ce qui est à Vous est à moi, votre amour est donc mon amour, et l’amour c’est vous, ainsi que le dit saint Jean : Dieu est amour. (Jean, IV, 16.) Je vous offre donc cet amour, afin que,

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par lui, soit suppléé tout ce qui me manque. Le Seigneur accepta cette offrande et lui dit : « Tu feras très bien de la sorte, et, lorsque tu voudras me louer ou m’aimer et que tu ne pourras accomplir ton désir, tu diras : Bon Jésus, je vous aime; et pour out ce qui manque à mon amour, je vous prie d’offrir pour  moi à votre Père l’amour de votre Cœur. Tu diras à la personne pour laquelle tu pries de faire de même, et si elle y revient mille fois par jour, autant de fois j’offrirai pour elle mon amour au Père sans lassitude ni ennui. » (Ive part., ch. XXIII.)

31. Bonté qui répare nos négligences

Et supplée à notre impuissance

 Sainte Gertrude ne pouvant mettre dans la récitation de l’office divin toute l’attention et toute la ferveur qu’elle désirait, en était tout affligée. Le Seigneur, ne pouvant souffrir qu’elle fut triste, lui présenta son Cœur divin, sous la forme d’une lampe ardente, lui disant : « Voilà que je présente aux yeux de ton âme mon très doux Cœur, l’organe de l’adorable Trinité. Tu lui remettras avec confiance, pour qu’il y supplée, tout ce que tu ne peux accomplir parfaitement toi-même, et de la sorte, mes yeux ne  yeux ne verront rien en toi qui ne soit de la dernière perfection. Car de même qu’un fidèle serviteur est toujours à la volonté de son maître, ainsi mon Cœur sera désormais toujours à ta disposition, pour réparer à toute heure tes négligences. »

 Cette bonté du Seigneur remplit la sainte d’admiration et d’épouvante. Mais Lui, l’encourageant par cette comparaison, lui dit : « Si, ayant une voix sonore et flexible, et de plus aimant beaucoup à chanter, tu étais avec quelqu’un dont la voix serait désagréable et qui ne saurait pas chanter, tu serais indignée s’il ne voulais pas  te laisser exécuter ce que tu peux rendre si facilement, et que lui ne peut, qu’à grande peine, faire entendre. Eh bien ! mon Cœur divin, qui connaît la faiblesse et l’inconstance de l’homme, désire d’une ardeur incroyable que tu l’invites, sinon de paroles, au moins de quelque signe, à te remplacer et à exécuter pour toi ce que

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de toi-même tu es complètement incapable de faire. Car, pour pouvoir et savoir l’accomplir, il a une vertu toute puissante et une sagesse inscrutable ; et la douceur et la bonté qui lui sont naturelles font qu’il n’a qu’un désir qui est de s’en acquitter avec joie et bienveillance. »  (Liv. II, ch. XXV.)

 L’aimable Sauveur rassura de la même manière sainte Lutgarde :  « Ame troublée, ne te bouleverse plus l’esprit en récitant tes Heures : tes prières ont été exaucées et sont montées jusqu’à Dieu comme un agréable encens… Ne crains rien, moi même je suppléerai à ce qui te manque. » (Vie, par le P. Jonquet, ch. v.)

32. Bonté qui fait ce que nous aurions dû faire

 Un vendredi soir, Gertrude regardant le crucifix fut saisie de douleur d’avoir passé ce jour sans se rappeler, à chaque heure, ce que le Sauveur avait souffert pour son amour et elle Lui en exprima son profond regret. Jésus lui répondit de la croix : « Ce que tu as négligé, je l’ai fait pour toi ; à chaque heure j’ai recueilli en mon Cœur ce que tu aurais dû recueillir dans le tien ; j’attendais, avec une grande impatience, l’heure où tu devais me dire ton regret. Appuyé sur ce sentiment que tu m’exprimes, je veux offrir à Dieu mon Père tout ce que j’ai suppléé pour toi en ce jour, parce que, sans ton intention, tout ce que j’ai fait ne pourrait te profiter. » (Liv. III, ch. XLI.)

33. Bonté qui efface les taches des âmes

 Sainte Gertrude dit au Seigneur : Où sont donc les taches produites par l’impatience que j’avais en mon cœur, et que j’avais tant soit peu manifestée dans mes paroles ? – « Le feu de ma divinité les a totalement consumées, dit le Seigneur, comme c’est ma coutume de consumer toutes les tâches, et de corriger toutes les difficultés dans une âme vers laquelle je m’incline gratuitement poussé uniquement par ma bonté. » (Liv. III, ch. XVI.)

P. 84                                III.  –  Dieu Bonté

34. Bonté qui nous ramène à la présence de Dieu

 Le Seigneur dit à Gertrude : « Lorsque tu veux saisir quelque objet, tu étends la main, et lorsque tu as pris ce que tu voulais, tu la retires à toi ; ainsi moi-même, tout languissant d’amour pour toi, quand tu te dissipes aux choses extérieures, pour te reprendre, je te présente mon Cœur ; puis lorsque, m’obéissant, tu rentres en toi-même pour t’occuper de moi, je retire à moi mon Cœur avec toi, et je t’offre en lui la douceur de toutes les vertus. » (Liv. III, ch.. XXVI )

35. Bonté qui réconforte

 Le 22 août 1815 Elisabeth Canori pleurait ses infidélité, et si vive fut sa douleur que son cœur fut sur le point d’éclater, il lui sembla que ce fut un miracle qu’elle n’en mourût pas. Soudain elle entendit la voix très suave du Seigneur qui lui dit : « Ne t’étonne pas de ta misère ; tourne tes yeux et regarde. » Je regardai, écrit la servante de Dieu et je vis présentes devant moi et comme alignées en bon ordre toutes les bonnes oeuvres que, avec la grâce de Dieu, j’ai accomplies depuis le premier usage de ma raison jusqu’aujourd’hui. »Ecris, continua mon doux Seigneur, écrit les bons effets qu’a produit en moi ta grâce, » A ces mots je me mis à pleurer abondamment et je Le suppliai de ne pas exiger de moi pareille obéissance. Ma résistance ne Lui déplut pas, mais Il continua : « Ma fille bien-aimée, pourquoi veux-tu cacher les fruits de mes fatigues et de mes sueurs ? Manifeste plutôt mes éternelles miséricordes. » (Vita, ch. XXX.).

36. Bonté incomprise

 Une Sœur du Carmel de Dieppe, dont la mort très prompte surprit et affligea la communauté, apparut, une heure après son décès, à la Mère Françoise de la Mère de Dieu. Comme Françoise s’étonnait qu’elle venait si tôt à elle, Notre-Seigneur

P.85

Lui dit : « C’est quelle m’a été bien fidèle durant sa vie, et j’ai eu soin d’elle à la mort. » Mais Françoise ne pouvait s’empêcher de faire cette plainte : Mon Seigneur, vous avez laissé mourir notre chère Sœur sans sacrements ; j’espérais de votre bonté qu’elle aurait la grâce de vous recevoir.  Il lui répondit ; ce n’a pas été le manque de bonté, mais un surcroit de miséricorde, car je connaissais bien qu’elle n’avait pas besoin d’autre chose et je l’ai permis ainsi pour donner exemple aux autres. On a trop de crainte de faire recevoir si tôt les sacrements et de faire entrer pour cela les prêtres. Il vaut mieux le faire trois fois que d’en manquer une dans une chose si importante. On a tant de soin qu’il ne manque rien au corps, il faut avoir encore bien plus de soin pour les âmes. »  Puis comme Françoise Le priait pour la défunte, Il lui dit : « Je la récompenserai bien des vertus qu’elle a pratiquées, qui n’ont point paru aux créatures, mais bien devant moi à qui rien n’est caché. »  (Vie, ch. XI.)

37. Bonté divinement affectueuse

 Comme Mechtilde venait de saluer du fond de son cœur son Bien-Aimé, Il lui répondit : « Quand tu me salues, je te salue à mon tour ; quand tu me loues je me loue moi aussi en toi ; et quand tu rends grâces, moi aussi en toi et par toi je rends grâces à Dieu le Père. La sainte dit : Mon Bien-Aimé, quelle est cette salutation que vous adressez à mon âme, et que je ne sens pas ? – « Ma salutation n’est pas autre chose que ma tendre affection pour l’âme. Ainsi qu’une mère caresse son enfant sur ses genoux, lui apprend les paroles qu’il doit lui adresser à elle-même, reçoit avec un cœur de mère ce qu’il lui dit et quelquefois l’en récompense par un baiser, ainsi j’instruis l’âme, par une inspiration divine et un mouvement d’amour à me saluer, et, quand elle s’en acquitte dans sa petite mesure, j’accepte ses efforts dans la mesure de la grande affection d’un père et de là, je rends à l’âme son salut par une effusion de grâces quelle peut bien ne pas toujours ressentir. » (IIIe part., ch. IX.)

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38. Bonté qui nous bénit et qui nous garde

 

Le Seigneur s’adressant à une personne pour laquelle Mechtilde priait, lui dit : « Personne ne m’enlèvera jamais ton âme. » Puis, la bénissant, il fit sur elle le signe de la croix en disant : « Que ma divinité te bénisse, que mon humanité te fortifie, que ma tendresse te réchauffe et que mon amour te conserve ! (Ive part., ch. XXVI.)

39. Bonté qui varie ses dons par sagesse

 Sainte Gertrude ayant demandé à Notre-Seigneur pourquoi les révélations dont Il la favorisait différaient de celles de ses compagnes, Notre-Seigneur répondit :  « Si un maître était interrogé par plusieurs personnes d’un langage différent et qu’il répondit à toutes dans une seule langue, cela ne serait compris par personne ; mais, s’il parlait à chacun dans sa propre langue, en latin à celui qui serait latin, en grec à celui qui serait grec, on admirerait d’autant plus sa science et sa sagesse. Semblablement, plus je mets de diversité dans les dons que je communique, plus est évidente la profondeur insondable de ma sagesse, qui me fait répondre à chacun selon la portée de son intelligence, et lui révéler, ce que je veux révéler, selon la capacité et le sens que je lui ai moi-même accordés ; parlant aux plus simples par des images et des comparaisons plus sensibles, et au plus éclairés d’une manière moins imagée et plus cachée, mais plus élevé et plus spirituelle. » (Liv. III, ch. XLVIII.)

40. Bonté de Dieu et sa patience

à l’égard des pécheurs obstinés

 Le Seigneur fit souvent savoir à sainte Brigitte combien il était bon et patient envers les pécheurs; voici quelques-unes des paroles qu’il lui dit sur ce sujet :

 « Tu admires, ô mon épouse, pourquoi je souffre les méchants

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avec tant de patience, c’est parce que je suis miséricordieux. D’abord ma justice les supporte afin que leur temps soit entièrement accompli…Puis parce qu’ils ont  fait quelque bien dont ils doivent être récompensés, afin qu’il n’y ait pas un bien, quelque petit qu’il soit, fait pour l’amour de moi, qui n’ait pas sa récompense. Enfin, je les souffre pour faire voir à tous les yeux combien est grande la patience divine ; c’est pour cela que j’ai supporté Pilate, Hérode et Judas. » (Liv. Ier, ch. xxv.)

41. Ce que Dieu est pour l’âme

 Le Seigneur découvrit à la Mère Anne-Marie Clément les offices différents qu’Il remplissait à son égard ; 1° De Pasteur, qui la gouvernait ; 2° De Roi, qui voulait avoir un parfait empire sur elle ; 3° D’Epoux, très cher, mais jaloux, qui la conduisait dans ses celliers pour l’enivrer d’un vin délicieux ; 4° De Médecin, qui guérissait ses blessures par les remèdes de ses sacrements ; 5° De Maître et de Docteur qui lui enseignait ses vérités ; 6° De législateur, qui imprimait de son doigt son nom et ses lois dans son cœur ; 7° De Conseil et de Guide, la faisant marcher dans les sentiers de la justice et de l’équité ; 8° De Pilote, pour la faire arriver heureusement au port ; 9° Enfin de nourriture et de pain de vie, qui devait la fortifier. (Vie, 1915, p. 189.)

CHAPITRE IV

Dieu Justice

1. Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu

Sainte Thérèse récitant à l’office ces paroles du psalmiste : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables (ps. CXVIII, v. 137), se demandait comment un Dieu si juste lui accordait à elle, si indigne, tant de faveurs et de consolations,

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qu’Il refusait à des âmes qui lui paraissaient bien  plus fidèles et plus dignes qu’elle. Soudain elle entendit cette parole qui fut la première de toutes celles que le Seigneur lui adressa dans toute sa vie : «  Sers-moi et ne t’occupe pas d’autre chose. » (Vie, ch. XIX.)

2.Dieu respecte la liberté de ses créatures

 Françoise de la Mère de Dieu écrivait, le 18 octobre 1642, au P ; Gibieuf, qui fut, après le cardinal de la Bérulle, supérieur des Carmels de France : Je suis dans un grand désir que tout le monde se rende à Dieu et je lui dis quelquefois ; Vous savez, ô mon Dieu, que si je pouvais attirer à Vous toutes les âmes, je le ferais. Mais d’où vient que vous, qui pouvez toutes choses, vous permettez qu’il y en ait tant qui se perdent ? Il me dit une fois : « C’est que j’ai donné la liberté à l’homme et je lui en laisse la disposition, à moins que, volontairement, il ne me redonne cette liberté ; et alors je la prends et la fait se rendre à ce que je veux. » Et Il me fit entendre quel grand bien c’est pour une âme de n’avoir plus de liberté et d’être captive de Lui. Il me fit connaître qu’Il prenait une nouvelle puissance sur moi pour que je sois de plus en plus captive et dépendante de Lui et de cette captivité me donnerait plus de liberté, m’affranchissant de tout ce qui pourrait m’empêcher de l’aimer. (Vie, ch. VIII.) Les passions seules asservissent, parce qu’elles font faire à l’homme ce qu’il voudrait ne pas faire ; au contraire, là où est l’Esprit Saint, là est la  liberté : ubi Spiritus, ibi libertas. En effet, ceux qui renoncent à leur liberté pour se laisser conduire en tout par le Saint-Esprit, ne font, sous sa divine influence, que ce qu’ils se réjouissent de faire.

2. Réversibilité des grâces. Le compte qu’il faut en rendre

Je sentis, dit Françoise de la Mère de Dieu, la divine Majesté qui me paraissait n’être pas contente de la lâcheté et négligence de quelques âmes, qui ne cherchaient qu’à se ?

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avec tant de  patience, c’est parce que je suis miséricordieux. D’abord ma justice les supporte afin que leur temps soit entièrement accompli… Puis parce qu’ils ont fait quelque bien, dont  ils doivent être récompensés, afin qu’il n’y ait pas un bien, quelque petit qu’il soit, fait pour l’amour de moi, qui n’ait sa récompense. Enfin je les souffre pour faire voir à tous les yeux combien est grande la patience divine ; c’est pour cela que j’ai supporté Pilate,  Hérode et Judas. » (Liv. Ier, ch. XXV.)

CHAPITRE IV, Dieu Justice

1. Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu

Sainte Thérèse récitant à l’office ces paroles du psalmiste : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables (ps. CXVIII, v. 137), se demandait comment un Dieu si juste lui accordait à elle, si indigne, tant de faveurs et de consolations

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qu’Il refusait à des âmes qui lui paraissaient bien plus fidèles et plus dignes qu’elle. Soudain elle entendit cette parole qui fut la première de toutes celles que le Seigneur lui adressa dans toute sa vie : Sers-moi et ne t’occupe pas d’autre chose. » (Vie, ch. XIX.)

2. Dieu respecte la liberté de ses créatures

Françoise de la Mère de Dieu écrivait, le 18 octobre 1642, au P. Gibieuf, qui fut, après le cardinal de Bérulle, supérieur des carmels de France : Je suis dans un grand désir que tout le monde se rende à Dieu et je lui dis quelquefois : Vous savez, ô mon Dieu, que si je pouvais attirer à vous toutes les âmes, je le ferais. Mais d’où vient que vous, qui pouvez toutes choses, vous permettez qu’il y en ait tant qui se perdent ? Il me dit une fois : « C’est que j’ai donné l liberté à l’homme et je lui en laisse la disposition, à moins que, volontairement, il me redonne cette liberté ; et alors je la prends et la fait se rendre à ce que je veux. » Et Il me fit entendre quel grand bien c’est pour une âme de n’avoir plus de liberté et d’être captive de Lui. Il me fit connaître qu’Il prenait une nouvelle puissance sur moi pour que je sois de plus en plus captive et dépendante de Lui et que cette captivité me donnerait plus de liberté, m’affranchissant de tout ce qui pourrait m’empêcher de l’aimer  (Vie, ch VIII.) Les passions seules asservissent, parce qu’elles font faire à l’homme ce qu’il voudrait ne pas faire ; au contraire, là où est l’Esprit-Saint, là est la liberté : ubi Spiritus, ibi libertas. En effet, ceux qui renoncent à leur liberté pour se laisser conduire en tout par le Saint-Esprit, ne font, sous sa divine influence, que ce qu’ils se réjouissent de faire.

3. Réversibilité des grâces ; Le compte qu’il faut en rendre

                    Je sentis, dit Françoise de la Mère de Dieu, la divine Majesté qui me paraissait n’être pas contente de la lâcheté et négligence de quelques âmes, qui ne cherchaient qu’à se

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            satisfaire elles-mêmes et ne travaillaient point à Lui plaire et il me dit : « Oh ! Combien perdent ces âmes par leur faute », me faisait comprendre que la grâce qu’Il leur voulait donner, Il la donne aux âmes fidèles (Vie, ch. XVI.) C’est la sentence de l’Evangile : ôtez-lui la mine et donnez-la à celui qui en a dix… On donnera à celui qui à déjà et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a. » (Luc, XIX, 25, 26.) Dieu me fit entendre, dit encore Françoise, que venant juger l’âme, Il lui demande compte particulièrement de l’usage qu’elle a fait de sa vocation, de toutes ses actions, pensées, paroles et intentions, du temps qu’elle à passé sans l’employer à sa perfection. (Ibid.) Mais à ceux qui sont fidèles, il est accordé grâces sur grâces. « Ne vous étonnez pas, dit un jour la Sainte Vierge à Françoise, de ce que mon fils fait en vous, car lorsqui’Il a choisi une âme pour se communiquer à elle et qu’elle Lui est adhérente (unie de cœur et de volonté), on ne peut comprendre ce qu’Il opère, la favorisant à la place de tout ceux qui ne Lui donnent point lieu de régner en eux. » (Vie, ch. XI.)

Notre-Seigneur, dit Madeleine Vigneron, m’a fait connaître que son occupation dans l’Eucharistie était de présenter des grâces à toutes les personnes qui se trouvaient là présentes devant Lui et que, si quelques-unes les refusaient, Il les reprenait et en faisait largesse aux autres qui étaient fidèles à les recevoir. De sorte que si, dans cette assemblée, il n’y a qu’une âme fidèle à les bien recevoir, elle s’en retourne remplie de toutes les grâces des autres. (I I e part., ch. XV.)

4. Les bontés de Dieu rendent plus rigoureux

les droits de sa justice

Le Père éternel donna à sainte Marie-Madeleine de Pazzi les instructions suivantes : « Mon Verbe ayant pris sur Lui l’expiation des péchés du monde, il semble au premier coup d’œil que la justice n’ait plus rien à faire, là où s’est déployée une si grande miséricorde…Elle ne laisse pas cependant d’exister toujours et même elle doit s’exercer dans l’avenir avec plus de rigueur et de sévérité. Car le verbe, ayant anéanti

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sur la croix tous les péchés des hommes, ne peut plus, pour ainsi dire, supporter la vue du moindre défaut dans la créature… Le sang et la mort de mon Verbe ayant comblé la créature de biens infinis, elle se trouve beaucoup plus étroitement obligée qu’auparavant à nous servi et à nous aimer, pour reconnaître l’amour avec laquelle nous l’avons créée et rachetée, d’où il suit que les fautes qu’elle commet dans son ingratitude sont plus grandes et exigent une plus grande punition. Il est vrai cependant, ma fille, que le sang et les mérites du Verbe, lorsqu’on les applique aux âmes souffrantes par le sacrifice de l’autel, diminuent beaucoup la rigueur de leurs peines, car la vue de ce sang m’est tellement chère qu’elle apaise facilement mon courroux. » (Ire part., ch. XXIII.)

5. La miséricorde méprisée est vengée par la justice

Dieu dit à sainte Catherine de Sienne : « Tu le vois, ma fille bien-aimée, les hommes ont été régénérés dans le sang de mon Fils et rétablis dans la grâce : mais ils la méconnaissent et s’enfoncent de plus dans le mal ; ils me poursuivent de leurs outrages et méprisent mes bienfaits. Non seulement ils repoussent ma grâce, mais ils me la reprochent, comme si j’avais d’autres buts que leur sanctification. Plus ils s’endurciront et plus ils seront punis ; leur châtiment sera plus terrible qu’il ne l’aurait été avant la rédemption. N’est-il pas juste que celui qui a beaucoup reçu soit tenu de donner davantage à son bienfaiteur ?

Les hommes me sont bien redevables, eux qui ont reçu le trésor de ce sang précieux qui les a  rachetés, et la dette est plus grande après la rédemption qu’avant. Ils me doivent l’amour envers le prochain ; ils me doivent des vertus sincères et véritables et s’ils ne s’acquittent pas, plus ils me doivent, plus ils m’offensent. Ma justice alors demande que je proportionne  la peine à l’offense et que je rende plus terrible pour eux la peine de l’éternelle damnation. Aussi le mauvais chrétien est-il beaucoup plus puni que le païen. Le feu terrible de ma vengeance, qui brûle sans consumer, le torture davantage, et le ver rongeur de la conscience le dévore plus profondément.

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IV. – Dieu Justice

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dément. Quels que soient leurs tourments, les damnés ne peuvent perdre l’être ; ils demandent la mort sans pouvoir l’obtenir, le péché ne leur ôte que la vie de la grâce. » (Dialogue, ch..XV.)

6. Les promesses de la miséricorde et les menaces de la justice

 Le Seigneur se plaignit souvent à sainte Brigitte des désordres des pécheurs et lui fit connaître combien il est terrible pour eux de tomber entre les mains de sa justice : « Je veux entrer dans leurs cœurs ; mais ils disent : nous aimons mieux mourir que de quitter nos volontés. Vois, ô mon épouse, de quelle trempe ils sont : je les ai faits, et d’une seule parole je pourrais les détruire ; cependant vois comme ils s’enorgueillissent contre moi. Maintenant, à cause des prières de ma Mère et de tous les saints, je suis encore si miséricordieux et si patient que je veux leur envoyer des paroles sorties de ma bouche et leur offrir ma miséricorde. S’ils veulent la recevoir, je serai apaisé et je les aimerai ; sinon, je leur ferai ressentir ma justice et ils seront confondus publiquement devant les anges et les hommes, et ils seront jugés comme des larrons. Comme des larrons pendus au gibet sont dévorés par des corbeaux, de même ceux-ci  seront dévorés par des démons sans jamais se consumer; comme ceux qui sont punis par le cep de bois ne trouvent aucun repos, de même ceux-ci seront en tout et partout environnés de douleur et d’amertume. Un fleuve de feu coulera en leur bouche ; de jour en jour ils seront en proie à de nouveaux supplices. » (Liv. Ier, ch v.)

 O mon Seigneur, dit Brigitte, donnez-leur la force d’éviter le péché et la grâce de vous aimer. Notre-Seigneur lui répondit : « Ils sont accoutumés aux souillures et ne peuvent être enseignés que par les verges. Et plût à Dieu qu’ils ne connussent et se repentissent de leurs fautes quand ils seront châtiés. » (Liv. IV, ch. CXXXI.)

 O Seigneur, dit encore Brigitte, ne vous indignez-pas si je parle. Envoyez quelques uns de vos amis qui les avertissent des périls prochains et terribles qui pendent sur leur tête. Il est écrit, dit Notre-Seigneur, que le mauvais riche du fond de

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l’enfer demanda qu’on envoyât quelqu’un pour avertir ses frères, afin qu’ils ne se perdissent pas comme lui, et il lui fut répondu : non, car ils ont Moïse et les prophètes pour les enseigner. Je dis maintenant de même : ils ont maintenant les évangiles, les prophéties, les exemples et les paroles des docteurs ; ils ont la raison et l’intelligence ; qu’ils en usent et ils seront sauvés ; car si je t’envoie, tu ne pourras pas crier si haut que tu sois entendue. Si j’y envoie mes amis, ils sont en si petit nombre qu’à peine les entendront-ils. Néanmoins j’enverrai mes amis à ceux qu’il me plaira, et ils prépareront la voie à Dieu. » (Liv. IV, ch. XXXVII.)

   1 La vénérable Marguerite du Saint-Sacrement (1619 – 1648) vécut au Carmel de Beaune et mourut dans une grande réputation de sainteté, qui s’accrut encore après sa mort par les miracles dus à son intercession. Nous citons la Vie composée par le P. Amelote, oratorien, et publiée à £Paris en 1654.

7. Dieu retient sa justice et épanche sa miséricorde

              Le Fils de Dieu montra à la vénérable Marguerite du Saint-Sacrement 1 deux fleuves qui sortaient de son côté ouvert l’un se répandait continuellement sur toute la terre et l’autre, qui de sa nature ne demandait qu’à prendre son cours, était arrêté par la main du Sauveur : « Ce fleuve qui se répand, dit-Il, c’est ma miséricorde, qui est ouverte aux pécheurs ;  l’autre que je retiens de ma  main, c’est ma justice, dont j’empêche les effets durant cette vie afin de donner lieu à la pénitence. C’est toutefois en telle sorte que ceux qui méprisent ma grâce tombent secrètement dans ma justice, qui, moins elle châtie par des peines manifestes, plus elle punit par des aveuglements secrets.   (Liv. V, ch. v.)

8. Les âmes fidèles doivent d’efforcer

De faire contrepoids aux iniquités des pécheurs

   « Ma fille, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, la malice des créatures est si grande que si ma colère

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n’était apaisée par mes élus et les épouses de mon Verbe, j’en tirerais une vengeance dont vous ne pourriez même pas supporter la vue. Ne vous laissez donc pas endormir par une lâche indifférence, mais appliquez-vous, conjointement avec mes élus, à expier tant d’outrages qui sont faits à moi et  à ma vérité. Sachez que ceux qui ne font rien contre le péché s’en rendent en quelque sorte complice et que les iniquités des hommes crient vengeance avec plus de force que le sang d’Abel…

   Savez-vous à quoi ressemble la malice des créatures ? A un mur infranchissable qui s’élève entre elles et qui empêche mes grâces d’arriver jusqu’à leur cœur. O ma fille, ne cessez pas d’offrir à moi et a ma vérité le sang de mon Verbe Lui-même pour apaiser ma colère…

 Voyez comme tous les hommes sont entre les griffes du démon ! Voyez comme sa gueule est ouverte pour les dévorer ! Bien loin de l’éviter ils vont s’y jeter d’eux-mêmes et il n’en est aucun qui lui échapperait, si mes élus ne les sauvaient par leur prière. Pour moi, j’écris dans un livre qui vous est inconnu, toutes les iniquités des méchants, et je mets en regard tous les secours qui leur ont été donnés par mes élus.

   Au jour du jugement, j’ouvrirai ce livre devant mon Verbe, a qui j’ai donné le pouvoir de les juger, afin qu’ils voient la justice de leur condamnation aux peines éternelles. Je fais aussi enregistrer dans le plus grand détail toutes les bonnes actions de mes élus, pour en donner connaissance à toutes les créatures en ce grand jour, et leur faire voir que c’est à juste titre que je leur donne la gloire éternelle. » (IVe part., ch. XXI.)

9. Les bons eux-mêmes portent la peine

De leurs négligences et de leurs défauts

  Un certain homme, très remarquable par sa science et fort habile en droit civil, quitta son pays et vint demander à Marguerite de Cortone de prier pour qu’il obtînt d’être consolé dans ses peines. Marguerite ayant prié obtint de Dieu cette réponse : « Dis à cet homme qu’il s’est attiré la peine dont il souffre, non pour avoir eu l’intention de commettre le péché, mais pour sa négligence à l’éviter. Car au moment où il se

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sentit porté au péché, il a résisté à la tentation, mais il n’en a pas fui pleinement les occasions, et pour cela les imaginations mauvaises sont entrées dans son âme, qui l’ont empêché de recevoir mes grâces avec autant d’abondance que s’il eût été plus vigilant. Quant à cet abattement d’esprit dans lequel il se trouve, dis-lui d’en attribuer la cause à ce que, tout en désirant me servir, il conserve dans son cœur un attrait trop sensible aux hommes du siècle, et il a une grande présomption de ses qualités intellectuelles. » (Vie, ch. IX, § 17.)

10. La justice divine trouve encore à punir,

même chez les âmes vertueuses qui ont fait une très précieuse mort

   Au monastère d’Helfta mourut, pendant que vivait sainte Gertrude, une jeune religieuse qui avait eu une grande dévotion à Marie: munie de tous les sacrements, elle était à l’agonie lorsque de ses mains déjà mourantes elle prit le crucifix et salua les saintes plaies avec des expressions si tendres, et les couvrit de baisers si ardents que les assistants en éprouvèrent une merveilleuse componction. Elle fit ainsi diverses prières avec une admirable piété et s’étant un peu reposée, elle mourut à ce moment. Gertrude ayant appris qu’elle avait dû être purifiée avant de sortir de son corps, demanda au Seigneur quelle souillure elle avait pu contracter par fragilité humaine. Le Seigneur lui répondit : « Elle se complaisait quelque peu dans son propre sens et je l’en ai purifiée en permettant qu’elle trépassât avant que le couvent n’ai achevé la prière commune qui se disait pour elle ; ce qui lui causa une très vive anxiété, car elle craignit de perdre beaucoup de n’avoir pas eu les suffrages du couvent. Ainsi a-t-elle été purifiée de cette tache. » Mais Seigneur, reprit Gertrude, ne pouvait-elle être purifiée de cette tache par la contrition du cœur lorsqu’elle demandait, au moment  de sa mort, la rémission de tout ses péchés ? Le Seigneur répondit : « Une contrition générale de la sorte n’a pu la purifier, pace qu’elle est restée quelque peu à son sens propre, en ne se rendant pas pleinement à ce qu’on lui enseignait. Il fallait donc qu’elle souffrit quelque chose pou être purifiée. » (Liv. V, ch. III.)

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  Sainte Gertrude demandait au Seigneur pourquoi la vierge E…, dont il lui avait révélé la gloire avait éprouvé, en son agonie, une grande frayeur, reçut cette réponse : « C’est mon excessive fidélité qui en a été cause. Quelques jours auparavant comme elle m’avait, dans sa maladie, prié par ton intermédiaire, de la recevoir après sa mort sans délai et que sur ta promesse, elle y comptait pleinement, j’ai voulu récompenser la confiance qu’elle montrait. Mais elle était d’un âge où l’on est rarement quitte de quelques négligences légères, comme de se plaire en des choses qui ne sont pas grandement nécessaires. Elle a du se purifier de ses taches dans la maladie, et lorsque je l’appelai à la gloire, je n’ai pas souffert que ces douleurs, supportées avec tant de patience, ne lui donnassent pas aussitôt une gloire éternelle. C’est pourquoi j’ai permis qu’elle fût effrayée de l’aspect du démon,  ce qui lui a tenu lieu de purgatoire tandis que ses autres souffrances restaient en elle comme un titre de sa gloire éternelle. » – Et pendant ce temps où étiez-vous, ressource des désespérés? Dit Gertrude.- « Je m’étais caché à sa gauche ; mais aussitôt qu’elle fut purifiée, je me suis présenté à elle, et l’ai prise avec moi pour le repos et la gloire éternelle. »       (Liv. V, ch. II.)

11. Dieu, même en punissant le péché,

tient compte des vertus du coupable

   « Il arrive, dit le Seigneur à sainte Brigitte, que les justes pour leur plus grand mérite font une mort très pénible, afin que ceux qui ont aimé la vertu s’envolent au ciel délivrés de leurs péchés. Ainsi est-il écrit que le lion tua le prophète désobéissant et ne mangea point son corps, mais le garda. (III Rois,  24.) S’il le tua ce fut par ma mission, afin que le prophète fût puni, mais ne mangea point son corps pour manifester les bonnes œuvres de l’apôtre et afin que celui-ci étant purifié en cette vie, fut trouvé juste dans l’autre 1. » (Liv. V, ch. IX)

1 Ainsi dit Serenus dans Cassien, (Col., VII, 25.)

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12. Dieu corrige sévèrement les âmes fidèles

Mais Il corrige en Père

   Jeanne-Bégnigne Gozoz s’étant trop arrêtée à réfléchir sur son peu de mérites et sur ses infidélités, Notre Seigneur lui fit connaître que ce retour sur elle-même, qui dénotait sans doute trop peu de confiance en Dieu, ne Lui agréait pas : Tu veux toujours te plaindre et parce que je te gratifie avec des distinctions si merveilleuses, tu voudrais te voir sans défaut. Eh bien, je vais te punir rigoureusement ; choisis donc une de ces trois punitions : la première de ne trouver plus de satisfaction en rien que tu fasse et qui te soit offert ; la deuxième que tu soit attaquée de grands maux corporels ; la troisième que le prochain ne trouves plus en toi la douceur qu’il a trouvée jusqu ici .»  Contre son ordinaire de laisser à Dieu le choix de tout ce qui la concernait, elle choisit soudain la première et la dernière, sentant une grande opposition et aversion à la deuxième ; A ce coup son Epoux se plaignit fortement : Eh quoi, dit-Il, ne pourrai-je donc point encore disposer de cette ingrate à mon élection et à ma volonté ! » Alors, raconte-t-elle dans mes mémoires, Il me dit en termes exprès que je ne serais jamais sans souffrances corporelle. Je m’m’y soumis, Lui demandant un humble pardon et Lui promettant une soumission aveugle. Au même instant ce Dieu « qui blesse et qui guérit, qui tue et vivifie » (Deuter., XXXII, 39) vint fondre sur moi par un torrent de grâces en me disant : « Eh bien tu souffriras les trois châtiments. » Mais je n’eu pas lieu de me plaindre de cet arrêt, me trouvent d’autre part comblée de biens. (Vie. Ch. v.).

13. Les péchés des hommes attirent les châtiments divins

  Le jour de la fête de la purification de Marie, Notre Seigneur dit à Marguerite de Corttone : « Sache que le monde sera affligé de différentes tribulations pour les péchés dont Il se rends coupable. La multitude des iniquités des hommes s’est tellement accrue en ce siècle que je puis te dire que

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c’est à peine si j’ose prier mon Père pour eux, et ma Mère elle même, l’avocate des pécheurs, redoute de le faire près de moi, son Fils, à cause de tant d’iniquités. » Après cette révélation divine, les Sarrasins remportèrent la victoire, et des maux incalculables fondirent sur Rome, la Toscane, la Sicile, l’Angleterre, la France et sur beaucoup d’autres provinces. (Vie, ch. IX, § 32.)

Le second dimanche de l’Avent, Notre-Seigneur dit à Marguerite: « Je te dis que mon peuple ne  me reconnait plus, qu’il m’oublie et n’a cure de moi. Cependant ces mépris et ces offenses dont je souffre, je ne m’en plains pas auprès de mon Père, comme je le fais avec toi, afin de ne pas attirer sur lui les châtiments qu’il mérite, mais j’intercède afin de lui éviter une sentence de condamnation. Je t’avertis que les pécheurs auront à souffrir d’amères tribulations, car avant la fin de ce siècle, ils auront à essuyer les fléaux de la peste, de la famine et de la guerre. La puanteur de leurs vices, tant du corps que de l’esprit, est montée jusqu’à moi et je ne puis plus la supporter. Aujourd’hui la malice des chrétiens pour inventer de nouveaux crimes surpasse celles des Juifs au temps de ma passion. » (Ibid., ch. XI, § 9.)

14. Jugement d’un mauvais riche

   Un homme noble, qui se souciait peu de Dieu, étant à table et blasphémant les saints, mourut subitement. Sainte Brigitte vit  son âme comparaître au jugement et le Souverain Juge lui dit : « Bien que je sache toute chose, réponds-moi, et que Brigitte entende ta réponse : N’as-tu pas entendu ce que j’ai dit : je ne veux point la mort du pécheur, mais sa conversion ? Pourquoi donc, le pouvant, n’est-tu pas revenu à moi » Il répondit : Certes je l’ai entendu, mais je ne m’en suis pas soucié. Le Juge dit derechef : « N’as-tu pas entendu : allez, maudits, au feu éternel et venez mes élus ? »- Je l’ai entendu, mais je n’en croyais rien. Le Juge dit encore : « N’as-tu pas entendu dire que l’étais juste Juge et éternellement redoutable ?  Pourquoi donc ne m’as-tu pas craint ? »  -Je l’ai entendu, mais je m’aimais trop et j’ai fermé mes oreilles, j’ai

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endurci mon cœur afin de ne pas y penser. – Le Juge dit : Il est donc juste que la tribulation et l’angoisse ouvre ton esprit, puisque tu n’as pas voulu entendre quand tu le pouvais. Alors l’âme fut rejetée et une voix fut entendue qui disait : « Comme le premier principe de toute chose n’aura point de fin, de même ton malheur n’en aura point. » (Liv. VI, ch. XXVIII.)

15. Jugement d’un religieux infidèle

   Parlant d’un moine dissolu le Seigneur dit à sainte Brigitte : « Le cœur de cet homme crie à moi comme par trois voix. La première dit : Je veux faire mes volontés ; je dormirai et je me lèverai quand il me plaira, je parlerai selon mon bon plaisir. Ce qui est de mon goût entrera dans ma bouche. Je ne me soucie point de la sobriété, mais je cherche l’assouvissement de la nature; je lui donnerai tout ce qu’elle désire ; je désire avoir de l’argent en ma bourse, des vêtements moelleux. Quand j’aurai toutes ces choses, je serai content ; c’est en cela que je fais consister le bonheur. La deuxième voix dit : la mort n’est pas si dure qu’on le dit ; le jugement n’est pas si sévère qu’il est écrit. Les prédicateurs nous menacent de choses terribles pour nous faire prendre garde à bien vivre, mais elles seront plus douces à raison de la

Miséricorde divine. Pourvu que je puisse accomplir ici mes volontés, faire ce qui me plaît et jouir de ce qu’il y a de meilleur, que l’âme aille ou elle pourra. La troisième voix criait : Dieu ne m’aurait point crée s’il n’eût voulu me donner le ciel ; Il n’aurait pas souffert, s’il n’avait pas voulu m’introduire dans la patrie des vivants. Je ne connais que par ouï-dire le royaume céleste, je ne sais si je dois croire ou non. Pour moi, le royaume céleste est ce que je tiens. Voilà ce qu’étaient ses pensées et ses volontés.

   « Je vais répondre à la première voix : mon ami ta voix ne tend point au ciel ; tu ne te plais pas à considérer ma passion ; c’est pourquoi l’enfer t’est ouvert, car tu ne désires et tu aime les choses viles et basses. Je réponds à la seconde voix : mon fils, la mort te sera très dure, le jugement te sera intolérable

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il est impossible que tu l’évite ; tu auras une peine très amère, si tu ne te corriges. Je réponds à la troisième voix : mon frère, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par amour pour toi, afin que tu me fusses semblable, et que, si tu t’es retiré de moi, tu puisses revenir à moi. Or maintenant ma charité a été éteinte en toi ; mes œuvres te sont à charge et à dégoût, mes paroles te semblent des fadaises, mes voies te paraissent difficiles ; c’est pourquoi il te reste un supplice amer et la compagnie des diables, si tu me tournes le  dos à moi, qui suis ton très débonnaire Créateur et Seigneur. »

   Or ce moine infidèle fut tué par ses ennemis et sainte Brigitte entendit le Seigneur lui dire : « Va, maudit, aux incirconcis que tu as suivis, puisque tu n’as pas voulu entendre la voix de ton Père. » (Liv, ch. XIX.)

16 . Jugement d’un damné et d’un élu

  Sainte Brigitte voyait au jugement divin deux démons d’un aspect très hideux. L’un dit au Juge : Donnez-moi pour épouse cette âme qui m’est semblable. Le Juge lui dit : »Quel droit y as-tu ? Le démon répondit : …De quelle espèce est cette âme à qui est-elle semblable, aux anges ou aux démons ?…Le Juge reprit : « Bien que je sache toutes choses, cependant pour l’amour de mon épouse ici présente, dis comment cette âme est semblable à toi. » Le démon dit : Je ne veux rien voir qui vous appartienne ; elle aussi n’a pas voulu voir, quand elle le pouvait, ce qui concernait le salut de son âme, mais elle s’amusait aux choses temporelles. Comme moi elle n’a rien voulu entendre qui fût à votre honneur… Tout ce qu’elle a pu prendre, elle l’a retenu et l’eût gardé plus longtemps, si vous eussiez permis qu’elle vécut davantage.  . . ses désirs insatiables étaient sans bornes, sa cupidité était telle que toute la terre ne pouvait l’assouvir ; telle est ma cupidité, car si je pouvais perdre toutes les âmes du ciel, de la terre et du purgatoire, je le ferais. Sa poitrine est aussi froide que la mienne, car elle ne vous aima jamais, ni ne pris goût à vos avertissements…Dès le commencement

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de ma création, ma volonté s’est tournée contre Vous, de même la volonté de cette âme fut toujours contraire à vos commandements. . . Donc puisque nous sommes semblables en tout, jugez-nous et unissez-nous.

   Alors un ange pris la parole : Seigneur, depuis que cette âme fut unie à un corps je la suivis toujours ; . . . maintenant je la laisse comme un sac vide de toutes sortes de biens. Elle réputait vos paroles à mensonge ; elle croyait que votre jugement était faux elle réputa votre miséricorde pour néant. Il est vrai, elle fut fidèle dans le mariage, mais par affection à celle à qui elle état unie ; elle allait à la messe, mais pour ne pas être rejetée par les chrétiens, et aussi pour obtenir la santé et pour conserver les richesses et les honneurs du monde. Or, Seigneur, vous lui avez donné plus que ne méritaient ses services ; vous lui avez donné des enfants, la santé, la richesse, et vous lui avez épargné les infortunes quelle redoutait. . . Vous lui avez donné cent pour un ; tout ce qu’elle a fait a été récompensé. Je la quitte maintenant, vide de toutes sortes de biens.

   Le démon parla à son tour : O Juge puisqu’elle a suivi mes volontés, jugez qu’elle me soit unie… Le Juge dit : « Que l’âme dise ce qu’il lui semble de votre mariage avec elle.» Elle dit au Juge : J’aime mieux être dans les peines de l’enfer que de venir dans les joies du ciel, afin que Vous ô Dieu, vous n’ayez en moi aucune consolation. Vous m’êtes tant à haine que je ne me soucie point de mes peines, pourvu que vous n’ayez aucune joie de moi. Et le démon reprit : J’ai les mêmes sentiments ; j’aime mieux être éternellement tourmenté que de jouir de votre gloire, si vous devez avoir de là quelque contentement.

   Alors le Juge s’étant tourné vers moi, Brigitte, qui voyait tout ceci, me dit : « Malheur à cette âme ! Elle est pire que le larron ; elle a eu son âme vénale ; elle a été insatiable des immondices de la chair ; elle a trompé son prochain ; c’est pourquoi tous crient vengeance contre elle ; les anges détournent leur face, les saints fuient sa compagnie. »  Puis s’adressant au démon, le Juge lui dit : Si vous vous humiliez, je vous donnerai la gloire ; si cette âme eût demandé pardon avec résolution de s’amender au dernier moment de sa vie,

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jamais elle ne fut tombée entre tes mains ; mais parce qu’elle a préservé jusqu’à la fin en ton obéissance, la justice veut qu’elle soit éternellement avec toi. Néanmoins les biens qu’elle a faits en sa vie, s’il y en a quelqu’un, restreindront ta malice et t’empêcheront de la tourmenter autant que tu veux. » Comme le diable semblait se réjouir grandement, le Juge lui dit : « Pourquoi te réjouis-tu tant de la perte d’une âme ? Dis-le, de sorte que mon épouse, ici présente, l’entende. »  Le démon dit : quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment ; plus je la tourmente, plus je suis tourmenté. Mais parce que Vous l’avez racheté de votre sang, que vous l’avez tellement aimée que vous êtes donné à elle, lorsque par mes suggestions, je puis vous l’arracher, je me réjouis.

   Le Juge lui dit : ta malice est grande. Mais regarde, je le permets. » Et voici qu’une étoile montait au plus haut des cieux, et le démon la voyant devint muet. C’était l’âme du Frère Algotte, prieur et docteur en théologie, qui ayant été trois ans aveugle et tourmenté de la pierre, finit ses jours heureusement. Notre-Seigneur dit au démon : A qui est-elle semblable? » Le démon répondit : elle est plus brillante que le soleil, comme je suis plus noir que la fumée ; elle est toute pleine de douceurs et jouit de l’amour divin et moi je suis plein de malice et d’amertume.

   Notre-Seigneur lui dit : « Quelles pensées en as-tu dans ton cœur et qu’est-ce que tu voudrais donner pour qu’elle fût en ta puissance ? » Le démon répondit : Je donnerais toutes les âmes qui sont descendues en enfer depuis Adam jusqu’à maintenant pour avoir celle-là 1  et je voudrais endurer les peines les plus dures, comme si on me donnait tant de coups de poignards qu’il ne restât pas sur moi l’espace de la pointe d’une aiguille.

   Notre-Seigneur reprit : « Ta fureur est grande contre moi et contre mes élus, et moi je suis si charitable que, s’il en était besoin, je mourrais encore, et j’endurerais pour chaque âme

   1 Ces paroles ne veulent pas dire que cette âme eût plus de valeur à ses yeux que toutes les autres ; mais elles manifestent la rage inexprimable du  démon ; et telle est toujours sa fureur quand une âme est sauvée, surtout quand c’est une âme généreuse et sainte, pour qui sa ,aine est beaucoup pllus grande.

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et pour chacun des esprits immondes le même supplice que j’ai enduré une fois sur la croix pour toutes les âmes. » Puis Il dit à cette âme qu’on voyait comme une étoile : « Viens, ma bien aimée, jouir des contentements indicibles que tu as tant désirés ; viens à la douceur qui ne finira jamais ;  viens à ton Dieu et Seigneur que tu as tant de fois appelé de tes désirs. Je me donnerai à toi moi-même, moi en qui sont tous les biens et toutes les douceurs. »

   Alors Notre-Seigneur se tournant vers moi, Brigitte, qui voyais tout cela en esprit, me dit : « Ma fille, tout ceci a été fait en un instant, mais parce que tu ne peux entendre les choses spirituelles que par des similitudes, j’ai voulu te les montrer ainsi, afin que l’homme comprenne combien je suis rigoureux aux méchants et combien débonnaire aux bons. » (Liv. VI, ch. XXXI.)

17. Jugement, purification et délivrance de l’âme d’un soldat

   On lit dans les révélations de sainte Brigitte : Un démon apparut au jugement divin, qui tenait l’âme d’un défunt toute tremblante. Voici de la proie, dit-il au Juge, votre ange et moi avons suivi cette âme depuis sa naissance jusqu’à la fin de ses jours, lui pour la sauver, moi pour la perdre. Elle est à la fin tombée dans mes mains, mais votre justice ne s’est  pas prononcée ; c’est pourquoi je ne la possède pas avec assurance. Je la désire avec autant d’ardeur qu’un animal affamé et si tourmenté par la faim qu’il mange ses membres. Pourquoi est-elle tombée en mes mains plutôt qu’en celles de son ange ? – Le juge répondit : « Parce que ses péchés sont en plus grand nombre que ses bonnes œuvres. » Le démon dit : j’ai un livre tout plein de ses péchés. Le nom de ce livre est Désobéissance. En ce livre sont sept livres et chacun a trois colonnes, et chaque colonne n’a pas moins de mille paroles et souvent plus. Puis sur l’ordre du Juge, le démon énuméra en détail les péchés d’orgueil, de cupidité, d’envie, d’avarice, de paresse, de colère et de volupté commis par le défunt.

   Quand il eût fini son accusation, la Mère de Miséricorde

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s’approcha, et invitée par son divin Fils à parler, elle dit au démon : « Sais-tu toutes les pensées des hommes ? » – Non, répondit le diable, je ne connais que celles qui se manifestent par les œuvres extérieures et ce que je puis en conjecturer.- La Sainte Vierge reprit : « Qu’est ce qui peut effacer les écrits de ton livre ? » – une seule chose, qui est la charité ; quiconque l’obtient, soudain l’écriture de mon livre est effacée. – « Dis-moi, poursuivit Marie, quelqu’un peut-il être si méchant et si corrompu qu’il ne puisse venir à résipiscence pendant qu’il vit ? » – Il n’y à personne, répondit le démon, qui s’il le veut, ne le puisse avec la grâce ; Quand un pécheur, quel qu’il soit, change sa mauvaise volonté en une bonne, tous les démons ne sauraient le retenir.

   Alors la Mère de Miséricorde dit à ceux qui étaient autour d’elle :  « Cette âme à la fin de sa vie s’est tournée vers moi et m’a dit : Vous êtes Mère de Miséricorde. Je suis indigne de prier votre Fils, parce que mes péchés sont trop grands et trop nombreux. Je vous supplie donc d’avoir pitié de moi, car vous ne refusez jamais votre Miséricorde à qui vous la demande. Je me tourne donc vers vous et je vous promets, si je vis, de me corriger, de tourner ma volonté vers votre Fils et de n’aimer que Lui… » Le diable reprit : Je n’ai rien su d’une telle volonté.- Se tournant vers le Juge, la Sainte Vierge lui dit : O mon Fils, que le démon ouvre maintenant son livre et qu’il voie s’il y a quelque chose d’effacé. » Et le démon dut reconnaître que tous les péchés de cette âme étaient effacés.

   Le Juge dit alors au bon ange qui était là présent : «  Où sont donc les bonnes œuvres de cette âme. » Et le bon ange les énuméra. Et le diable cria, s’adressant à Marie : Malheur, malheur, vous m’avez déçu. J’ai perdu, je suis vaincu. Le Juge dit au démon :  « Je te permets maintenant de voir la vérité et la justice ;  dis, que ceux qui sont ici l’entende, quelle est ma volonté et quel doit être le jugement de cette âme. » Le démon répondit : qu’elle soit purifiée de telle sorte qu’il n’y reste aucune  tache ; car elle ne peut arriver à Vous avant qu’elle soit purifiée. Combien de temps sera-t-elle en mes mains ? Le Juge répondit : « Je veux que tu n’entres point en elles, mais  tu dois la purifier jusqu’à ce qu’elle ait

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enduré la peine selon la grandeur de sa faute. Elle doit voir ses péchés et ses abominations ; elle doit te voir en ta méchanceté ; elle doit voir les peines terribles des autres âmes. Elle doit entendre les malheurs horribles, parce qu’elle à voulu entendre les cris épouvantables et les moqueries des démons. Elle sera brûlée d’un feu très ardent, tant au-dedans qu’au dehors, de sorte qu’il n’y aura pas la moindre tache qui ne soit effacée par ce feu ; elle souffrira une grande rigueur de froid, parce qu’elle brûlait de l’ardeur de ses passions et elle était glacée dans ma charité ; elle sera aux mains du démon, afin qu’il n’y ait pas la moindre pensée qui ne soit purifiée. Et comme elle aurait voulu vivre en son corps jusqu’à la fin du monde, elle devra être dans la souffrance jusqu’à la fin  du monde. Celui qui me désire ardemment et aspire à quitter le monde pour être avec moi mérite d’avoir le ciel sans peine, les épreuves de la vie présente lui servant de purification ; celui qui craint la mort et pour  la mort elle-même et pour les peines qui la suivent, celui-là mériterait une peine plus légère ; mais celui qui désire vivre jusqu’au jour du jugement par amour pour cette vie, mérite d’être retenu dans le purgatoire jusqu’au jour du jugement. »

   Alors la Vierge Marie, pleine de miséricorde, dit : « Béni soyez-vous, mon Fils, pour votre justice qui est unie à la miséricorde. Bien que nous voyions et sachions toutes choses en vous, néanmoins pour l’instruction des autres, dites-nous quel remède on peut appliquer pour diminuer un si long temps, et quel remède pour éteindre un feu si ardent, et délivrer cette âme des mains du démon.- Il y a trois choses, répondit le Fils, qui abrégeront la peine, éteindront le feu et l’arracheront aux mauvais esprits ; la première, si par quelque peine on expie ses injustices ; la deuxième par de très grandes aumônes car, par l’aumône, les flammes sont éteintes comme le feu par l’eau ; la troisième par les messes et sacrifices et par les prières de ses amis. »  La Mère de Miséricorde reprit alors : En quoi lui profitent maintenant les bonnes œuvres qu’il a faites pour vous ? » – Le fils répondit : « Il n’y aura pas la moindre parole dite pour mon honneur, pas la moindre bonne pensée qui n’aie sa récompense. Tout ce qu’il a fait pour l’amour de moi est maintenant devant lui

P.105,  IV Dieu justice

et lui sert de soulagement dans ses peines; et moindre sont les rigueurs du feu. »

   La Mère de Dieu intercéda encore, alléguant que cette âme avait certaines pratiques en son honneur, comme de jeûner la veille de ses fêtes, de réciter son office, de chanter ses louanges, et elle obtint que cette âme ne vît point les démons dans toute leur horreur, qu’elle n’entendît point les paroles qui l’eussent couverte de confusion, qu’elle n’entendît point les paroles qui l’eussent couverte de confusion, qu’elle ne ressentît point le froid glacial qu’elle avait mérité par sa froideur pour Dieu.

   Puis les saints intercédèrent à leur tour et obtinrent que les démons n’aient pas le pouvoir de l’aveugler et de l’empêcher de se consoler par la pensée que ses maux prendraient fin et que la gloire lui serait donnée.

   Cette âme était celle d’un soldat, doux et ami des pauvres. Sa femme fit pour lui de grandes aumônes. Quatre après cette vision, sainte Brigitte la vit derechef comme un jeune enfant très beau et à demi vêtu. La sainte intercéda pour elle et le Juge lui dit : « des larmes de charité m’ont été présentées pour elle. Qu’on la porte au séjour du repos que l’œil n’a point vu , que l’oreille ne peut entendre, qu’elle-même, si elle était en la chair, ne pourrait comprendre ; là ou il n’y a point de ciel au dessus ni de terre au dessous; là ou la hauteur est incompréhensible, la longueur indicible, la largeur admirable  et la profondeur inexprimable ; là où Dieu est sur toute chose, autour et au-dedans de toutes choses, où il régit et contient toutes choses sans être contenu par aucune. »

   Alors sainte Brigitte vit  que cette âme montait au ciel, aussi brillant qu’une étoile. (Liv. V, ch. XL.)

18. Dieu, quand il punit ses intimes, les punit en père

   Jésus dit à sainte Marguerite-Marie : « Lorsque tu feras des fautes, je les purifierai par les souffrances, si tu  ne le fait pas par la pénitence, et je ne te priverai de ma présence pour cela, mais je te la rendrai si douloureuse qu’elle tiendra lieu de tout autre supplice. » (Ed. Gauthey, II, p. 564.)

P.106   v.  –  Dieu Miséricorde

1. L’Océan de la Miséricorde

   « Je suis, a dit le Seigneur à la Mère Anne-Marguerite Clément, la grande mer et le vaste océan de miséricorde, sans fond ni rive. Je veux que tu t’abandonnes à moi sans réserve. » (Vie, 1915, p. 284.)

   « Ma miséricorde fait avec ma charité comme le fond de mon être », a-t-Il dit à sainte Marie-Madeleine de Pazzi. (IVe part., ch. x.)

« Ma miséricorde, dit le Père éternel à sainte Catherine de Sienne, est, sans aucune comparaison, beaucoup plus grande envers vous que tu ne peux le voir, car ta vue est imparfaite et finie, tandis que ma miséricorde est infinie et parfaite. Il y a donc entre ton appréciation et la réalité toute la distance du fini à l’infini. » (Dialogue, ch. XXXI.)

2. Le monde perdu. Le monde racheté

   Enseignement de Dieu à sainte Catherine de Sienne : « Je vous ai donné le Verbe, mon Fils unique, parce que le genre humain tout entier était corrompu par le péché du premier homme, et que, sorti de la chair viciée d’Adam, vous ne pouviez plus acquérir la vie éternelle. J’ai voulu unir ma grandeur infinie à la bassesse de votre humanité, afin de vous rendre la grâce qu’avait détruite le péché. Je ne pouvais souffrir comme Dieu la peine que ma justice réclamait pour le péché, et l’homme était incapable d’y satisfaire, puisque l’offense était commise contre moi, qui suis la bonté infinie. C’est pour cela que j’ai envoyé le Verbe, mon Fils, revêtu de votre nature déchue, afin qu’il souffrît dans la chair même

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qui m’avait offensé, et qu’il endurât la douleur jusqu’à la mort ignominieuse de la croix. Il satisfit ainsi à ma justice, et ma miséricorde put pardonner à l’homme et lui rendre encore accessible la félicité suprême pour laquelle il avait été crée. La nature humaine unie à la nature divine racheta le genre humain, non seulement par la peine qu’elle supporta dans la chair d’Adam, mais par la vertu de la divinité, dont la puissance est infinie. Il ne resta plus de la tache originelle après le baptême qu’un penchant au mal, une faiblesse des sens, qui est dans l’homme comme la cicatrice d’une plaie. » (Dialogue, ch. XIV.)

3. La miséricorde combat le désespoir

La présomption et l’endurcissement

« C’est ma miséricorde qui fait espérer l’homme en ma miséricorde pendant sa vie. Je ne lui accorde pas cette grâce pour qu’il m’offense, mais pour qu’il se livre à ma charité et à la considération de ma bonté. Il fait le contraire, quand il m’offense, parce qu’il compte sur ma miséricorde. Cependant je le conserve dans l’espérance de ma miséricorde, afin qu’au moment de sa mort il puisse s’y attacher, et qu’il ne périsse pas en tombant dans le désespoir, car ce qui est le plus odieux pour moi et le plus malheureux pour lui,  c’est le désespoir.

   Ce dernier péché est plus grand que tous ceux qu’il a commis. Ce qui fait que ce péché m’irrite et lui nuit plus que les autres, c’est qu’il y a dans les autres péchés un certain plaisir, un entrainement des sens, et qu’on peut en avoir un regret qui attire la miséricorde ; mais dans le péché de désespoir, comment prétexter la faiblesse, puisqu’on n’y trouve aucune jouissance, mais au contraire, une peine insupportable? Le désespoir est le mépris de ma miséricorde ;  il fait croire la faute plus grande que ma miséricorde et ma bonté. Celui qui tombe dans ce péché ne se repent pas et ne pleure pas véritablement de m’avoir outragé, il pleure son malheur et non mon offense ; et c’est pourquoi il tombe dans l’enfer, ou il sera tourmenté pour ce péché et pour tous ceux qu’il a commis. S’il se fût repenti de l’offense qu’il m’avait faite, s’il

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avait espéré dans ma miséricorde, il eût trouvé le pardon, car ma miséricorde est infiniment plus grande que tous les péchés que peuvent commettre les créatures. Aussi ceux qui la jugent inférieure à leurs péchés, me déplaisent plus que tous les autres. C’est là le péché qui n’est pardonné ni en cette vie ni en l’autre. Quand  vient l’heure de la mort pour celui qui a vécu dans le désordre et le crime, le désespoir me déplaît tant que je voudrais le faire espérer dans ma miséricorde c’est pour cela que pendant sa vie je me suis servi d’un doux stratagème en le laissant trop compter sur ma miséricorde ;  l’habitude de l’espérance l’expose moins à la perdre  au moment de la mort, quand se font entendre les terribles reproches de la conscience.

   «Cette grâce vient du foyer de mon ineffable charité, mais, parce que l’homme la reçoit avec les ténèbres de l’amour-propre, d’où procède toute faute, il la méconnait, et la douceur de ma miséricorde n’est, pour son cœur, qu’un motif de présomption ; c’est que sa conscience lui reproche en présence des démons ; elle lui rappelle la patience et la grandeur de ma miséricorde sur laquelle il comptait. Il devait se livrer à  la charité et à l’amour des vertus, en employant saintement le temps qui lui était donné, et il s’est servi, et il s’est servi du temps et de l’espérance de ma miséricorde pour m’offenser. » (Sainte Catherine de Sienne, Dialogue, ch. CXXXII, nor 5, 6,7, 8.)

   « Celui qui m’offense en s’appuyant sur ma miséricorde ne peut pas dire qu’il espère en ma miséricorde, il est plutôt coupable de présomption, cependant il a la foi en ma miséricorde. Si, quand vient l’heure de la mort, il reconnaît ses fautes et décharge sa conscience par une sainte confession, la présomption cesse, et il ne m’offense plus. La miséricorde lui reste, et, avec cette miséricorde, il peut, s’il le veut, se rattacher à l’espérance. Sans cela il ne pourrait éviter le désespoir, qui l’entraînerait avec les démons dans l’éternelle damnation. » (Ibid., n° 4.)

   « Personne ne sera rejeté s’il espère dans le sang de mon Fils et dans ma miséricorde ; mais personne aussi ne dois être assez aveugle et assez insensé pour attendre à ce dernier moment. »  (Ibid., ch. CXXIX.)

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4. Providence miséricordieuse de Dieu

Envers les pécheurs

   Voici une instruction donnée par Dieu à sainte Catherine de Sienne : « Pour ceux qui sont dans la mort du péché, je réveille leur conscience par la douleur

      de l’aiguillon qu’ils ressentent au fond de leur cœur, par les peines qu’ils      éprouvent dans leur cœur et par les moyens si variés que la parole humaine ne saurait les dire ; les remords et les peines qu’ils éprouvent les éloignent bien souvent du mal. Quelquefois aussi, lorsque je vois l’homme qui penche vers le péché mortel et vers l’amour désordonné de la créature, je lui ôte l’occasion et le temps de céder à sa volonté mauvaise; et alors la tristesse qu’il en éprouve le fait rentrer en lui-même, réveille le cri de sa conscience et  le guérit de la folie où il était tombé. Qui me fait agir de la sorte? Ce n’est pas le pécheur qui ne me cherche pas et qui ne demande le secours de ma providence que pour pécher, ou  pour jouir des richesses, des plaisirs et des honneurs du monde, c’est mon amour qui me pousse, car je vous ai aimés avant votre naissance.

  « Je suis aussi forcé d’agir ainsi par les prières des serviteurs fidèles, qui, par la grâce du Saint-Esprit, pour ma gloire et pour l’amour du prochain, demandent avec une ardente charité leur conversion, s’efforçant d’apaisera colère et de lier les mains de ma justice, sous les coups de laquelle le pécheur devrait tomber. Leurs larmes et leurs supplications me retiennent et me font violence. Mais qui les pousse à crier ainsi vers moi ? C’est ma Providence qui veille aux besoins de ceux que tue le péché ; car il est écrit : je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » (Dialogue, ch. CXV.)

5. Dieu presse ses amis de prier pour les pécheurs

Notre-Seigneur se présentant à Marguerite-Marie, un jour qu’elle était devant le Saint Sacrement, lui dit « Ma fille, veux-tu bien me sacrifier les larmes que tu as versées pour

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laver les pieds de ma bien-aimée, qui s’est rendue coupable en suivant un étranger. »

   Mon Seigneur, lui répondit-elle, je vous ai tout sacrifié, ne m’étant réservé ni intérêts, ni prétentions en ce que je  ferai, que ceux du bon plaisir de votre Cœur Sacré. Deux fois Notre-Seigneur lui fit la même demande, lui disant que l’âme de sa bien-aimée, tombée dans le péché, désirait en sortir ;  quelle était entrée dans un purgatoire  pour se purifier et qu’il lui fallait ce secours. Quelques temps après, Il lui dit que sa bien-aimée c’était la Visitation, qui ne devait avoir qu’un cœur et qu’une âme ; que ce purgatoire était la solitude, (la retraite annuelle), ajoutant :  « Ma fille, donne-leur ce dernier avertissement de ma part : Que chacune rentre en soi-même pour faire profiter la grâce que je lui présente par le moyen de ma sainte Mère, car celles qui n’en profiteront pas demeureront comme des arbres secs qui ne rapportent plus de fruits. Elles pourront encore recevoir quelques lumières de ma sainteté de justice qui, en éclairant le pécheur, l’endurcit, lui fait voir le mauvais état où il est, sans lui donner aucune grâce victorieuse pour l’en retirer, ce qui le jette dans le désespoir ou le rend insensible à sn propre malheur. Voilà l’un des plus rigoureux  châtiments de ma sainteté de justice, dont elle punit le pécheur impénitent. » (Ed. Gauthey, II, p.172.)

6. Personne n’échappe à la main de Dieu

   Apprends, ma fille, dit le Seigneur à sainte Catherine de Sienne, que personne ne peut échapper à mes  mains, parce que je suis celui qui suis. Vous n’avez pas l’être par vous-même, mais vous êtes fait par moi, qui suis le Créateur de toutes les choses qui participent à l’être, excepté le péché qui n’est pas (car il n’a pas été fait par moi), et comme il n’est pas en moi, il n’est pas digne d’être aimé. La créature se rends coupable parce qu’elle aime le péché qu’elle ne devrait pas aimer et parce qu’elle me hait, moi, qu’elle devrait tant aimer puisque je suis le Souverain Bien, et  que je lui ai donné l’être avec tant d’amour. Mais elle ne peut m’échapper, car

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P.111  Dieu Miséricorde

Ou elle est punie par ma justice pour ses fautes, ou elle est sauvée par ma miséricorde. Ouvre donc l’œil de ton intelligence et regarde ma main et tu verras la vérité de ce que je te dis. »

   Catherine, pour obéir à l’ordre du Père suprême, regarda et vit dans sa main l’univers entier.  – « Ma fille, vois et comprends que personne ne peut m’échapper, tous sont le sujet de ma justice ou de ma miséricorde, car tous ont été crées par moi et je les aime d’un amour ineffable, et malgré leurs iniquités je leur ferai miséricorde par le moyen de mes serviteurs et je t’accorderai ce que tu m’as demandé avec tant d’amour et tant de douleur. » (Dialogue, ch. XVIII)

7. La miséricorde s’étend aux païens

comme aux chrétiens

   Le Seigneur donna à sainte Brigitte cette consolante instruction : « Je fais miséricorde aussi bien aux païens qu’aux Juifs et il n’y a aucune créature en dehors de ma miséricorde, car quiconque pense que ce qu’il croit est la vérité, parce qu’il ne lui a jamais été prêché rien de meilleur, et fait de toutes ses forces ce qu’il peut, sera jugé avec miséricorde. Si rien n’a empêché les infidèles de rechercher le vrai Dieu, ni la difficulté, ni la crainte de perdre l’honneur et les biens, mais seulement un empêchement humain, moi qui ait vu Corneille et le Centurion qui n’étaient pas baptisés être grandement récompensés, je sais qu’ils seront rémunérés comme leur foi l’exige. » (Liv. III, ch. XXVI.)

8. Combien Dieu a hâte de pardonner

   Il n’y a si grand pécheur auquel je ne remette aussitôt, s’il se repent sincèrement, tous ses péchés, et sur qui je n’incline mon Cœur avec autant de clémence et de douceur que s’il n’eût jamais péché. » – S’il en est ainsi, demanda sainte Mechtilde, comment se fait-il que l’homme misérable n’en ressente rien ? – Le Seigneur répondit/ « Cela vient de

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ce qu’il n’a pas encore perdu tout le goût de péché. Si après sa conversion, l’homme  résistait avec force aux vices, de manière à extirper tout le goût et la délectation du péché, sans aucun doute il ressentirait la douceur de l’Esprit divin. » (IVè part., ch. LVIII.)

9. La miséricorde, fruit de l’amour,

est plus grande que nos infidélités

   « Sais-tu bien, ma très chère fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, que tu appartiens à ce grand Dieu éternel et tout puissant et qu’Il t’aime plus que tu ne Lui es infidèle. »  (IVe part., liv. LXII, avril 1667.)

   Le père éternel dit à Sœur Mechtilde : « Mon Cœur ne peut persister à repousser de moi le pécheur ; c’est pourquoi je le poursuis si longtemps jusqu’à ce que je le saisisse. »Et l’âme de Jésus dit à son tour :  « Dans la  Sainte Trinité, sans interruption, j’offre à tous moments tous les pécheurs de la terre, afin que Dieu ne lexs laisse pas tomber dans l’éternel abîme. » (Liv. Ier, ch. XIV.)

   Sainte Catherine de Gênes vit un jour un rayon d’amour sortir de la source divine et se diriger vers l’homme pour le faite mourir à lui-même, et il lui fut montré que lorsque ce rayon rencontre des obstacles, il en résulterait une des plus grandes peines que Dieu pût avoir, s’il était possible que Dieu eût de la peine. Ce rayon entoure l’âme de toutes parts pour entrer en elle ; mais l’âme lorsqu’elle est aveuglée par l’amour propre, ne l’aperçoit pas. Et elle comprit que lorsque Dieu voit une âme se damner sans pouvoir la pénétrer à cause de son obstination, Il semble dire : « L’amour que je lui porte est si grand que jamais je ne voudrais l’abandonner. » Quant à l’âme privée de l’amour divin, elle devient quasi aussi méchante que cet amour lui-même est suave et bon. Je dis quasi parce Dieu fait encore quelque miséricorde. Il lui parut que le Seigneur disait encore : « Par ma volonté je ne voudrais jamais que tu te damnasses ; l’amour que je ressens pour toi est tel que, s’il m’était possible de souffrir à ta place, je le ferais avec joie, mais si tu pêches, l’amour ne

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pouvant demeurer avec le péché, je suis forcé de t’abandonner. Unie à moi, tu serais capable de toute béatitude, mais séparée de moi, tu deviens capable de toute espèce de mal. » (Dialogue, Ire part., ch. VIII.)

10. Jésus et les pécheurs

   Le Seigneur apparaissant à Mechtilde avec un vêtement ensanglanté, lui dit : «  De même que mon humanité s’est présentée, avec un amour ineffable à Dieu le Père, toute couverte de sang, en victime, sur l’autel de la croix, ainsi, dans le même sentiment d’amour je m’offre au Père céleste pour les pécheurs, en Lui représentant tous les divers tourments de la passion ; ett ce que je désire le plus est que le pécheur se convertisse et qu’il vive. » (IVe part., ch. LI.)

   Autre parole du Seigneur à la même sainte : Tant qu’un pécheur reste dans le péché, il me retient comme enchaîné ;  étendu sur la croix ; mais aussitôt qu’il se convertit, il me délie incontinent, et moi, comme si vraiment je venais d’être détaché de la croix, je tombe sur lui comme autrefois sur Joseph (d’Arimathie), avec ma grâce et ma miséricorde, et me livre en son pouvoir, en sorte qu’il peu faire de moi tout ce qu’il veut. Mais s’il persévère dans le péché jusqu’à la mort, ma justice aura pouvoir sur lui, et alors elle le jugera selon son mérite. » (Ive part., ch. LVI.)

   La prière de Marguerite de Cortone consistait surtout à considérer sa vileté, et elle se demandait comment elle osait communier, s’en trouvant indigne. Mais Notre-Seigneur la consola en lui disant : « Si j’ai revêtu ton âme de la splendeur de mes grâces, ce n’est pas seulement pour ton profit personnel, mais je veux que l’exemple d’une vocation si gratuite de ma part donne confiance aux pécheurs qui voudrons revenir sincèrement à moi, afin qu’ils sachent que le sein de ma miséricorde est toujours ouvert. » (Vie intime, ch..VIII, § 3.)

   Une autre fois, le Seigneur lui dit : « Ce qui m’attire à toi, c’est que je te destine à être une lumière pour le monde, afin qu’il soit sauvé en imitant ta pénitence. » (Ibid.,ch. v, § 45.)

   Un jour, dit Soeur Marie-Aimée, que je m’étonnai des tendresses de mon Dieu,

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alors que je Lui avouais mes fautes, Il me dit : « Comment veux-tu que j’agisse différemment à ton égard. Si le plus grand pécheur du monde se retournait vers moi après ses crimes, comme tu me reviens après tes négligences, je le recevrais incontinent dans les bras de ma miséricorde. » (Vie, ch. XIII.)

   Marie-Catherine Putigny 1  eut un jour la vision des deux disciples cheminant sur la route d’Emmaus. Quand toute la scène, telle que la dépeint l’Evangile, eut passé sous ses yeux, le Sauveur lui dit : « C’es ainsi que j’agis à l’égard du pécheur : mes  premières avances sont plus sensibles pour l’aider à sortir de la mauvaise voie, mais loin de l’abandonner ensuite à lui-même, je marche à coté de lui dans la  vie ; ma parole s’insinue doucement en son âme, elle y produit la connaissance et l’amour de la vérité. C’est à l’amener à ce but que ma grâce tend incessamment malgré d’apparentes lenteurs. » (Vie, ch. XXIII.)

   1 Sœur Marie-Catherine Putigny (1803-1885) fut une humble sœur converse du monastère de la Visitation de Metz. Elle vécut et mourut comme une sainte, et bien des faits prouvèrent la vérité des faveurs qu’elle recevait de Dieu. Sa vie a été écrite par les sœurs de son monastère en 1888.

11. Miséricorde disposée à accorder

plus qu’on oserait demander

   Le Seigneur dit à Gertrude dans une communion : « Afin que tu saches que mes miséricordes sont au-dessus de tous mes ouvrages, et que rien ne saurait épuiser l’abîme de ma bonté, je suis tout disposé à t’accorder, pour le prix de ce sacrement de vie beaucoup plus que tu n’oserais jamais me demander. » (Liv. III, ch. XVIII ; éd. lat., p.161.)

12. La miséricorde mérite d’être d’autant plus exaltée

Qu’elle fait du bien à de plus indignes

   Gertrude rendait grâce au Seigneur pour les bienfaits dont Il la comblait malgré son indignité, Le vit entouré de

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tous les saints, qui faisaient résonner des chants mélodieux à la louange du Seigneur, et elle entendit ces paroles : « Fais attention avec qu’elle douceur cette louange pénètre les oreilles de ma Majesté et vient toucher jusqu’au fond de mon Cœur plein d’amour ; garde-toi de désirer désormais avec tant d’importunité  d’être délivrée des liens de la chair, puisque, telle que tu es, je t’accorde les dons gratuits de mon amour ; car plus celui sur lequel je m’incline est indigne, plus je suis, et avec justice, honoré et exalté par toutes les créatures. » ( Liv. II, ch.  XIX.)

13. Le bras de la miséricorde et le bras de justice

   Catherine de Racconigi 1 vit un jour Notre-Seigneur crucifié de telle sorte qu’il avait un bras plus long que l’autre. Jésus lui dit que le bras le plus court représentait sa justice, et le plus long sa miséricorde. « D’eux même dit-il, ils sont égaux. Mais en ce siècle corrompu, la miséricorde est plus déployée que la justice.

14. Il ne faut jamais désespérer du salut d’un pécheur

La Mère Scazziiga, qui fut la supérieure de Bénigna Consolata a témoigné au procès de béatification que la servante de Dieu avait appris de Seigneur qu’il exerçait sa miséricorde même dans cas les plus désespérés : « Si une personne enfoncée dans le péché trouvait la mort sous un train ou sous une automobile, que nul ne dise : elle est perdue ; car personne ne peut savoir ce qui se passe en ce moment entre l’âme et Dieu. Je peux donner un tel jet de lumière, capable de susciter une lumière si intense que l’âme passe du fond de l’iniquité à l’étreinte de ma miséricorde. » (Vie, p. 449.)

   Sainte Catherine de Racconigi (1486-1547), du tiers-ordre de saint Dominique, vécut au milieu du monde en    grand renom de sainteté.

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15. Miséricorde triomphant de la justice

   Carpus indigné contre deux pécheurs qui refusaient de céder à son zèle se livra à un chagrin irréligieux, priant  Dieu de terminer sans pitié, par un coup de foudre, les jours de ces deux hommes. Alors la vision suivante se déroula à ses yeux : il voit le sol se creuser en un vaste et ténébreux abîme, et ces hommes qu’il avait maudits se tenir en face de lui, à la gueule du gouffre, tremblants d’y tomber.  Carpus s’efforçait lui-même de les y précipiter, lorsque Jésus, ému de compassion, quitte son trône du ciel, descend jusqu’à ces hommes, et leur tend la main avec bonté, pendant que les anges les soutiennent. Notre- Seigneur dit à Carpus :  « De ta main déjà levée, ne frappe plus que moi, je suis prêt à souffrir de nouveau pour le salut des hommes et cela me serait doux si l’on pouvait me crucifier sans commettre un crime. Au reste, vois si tu aimes mieux demeurer avec les serpents dans l’abîme, qu’habiter avec Dieu et les anges si bons et si amis des hommes. » (Denys le mystique, lettre VIII.)

   Un jour que saint Dominique prolongeait sa veille dans l’église, il vit le Fils de Dieu, assis à la droite de son Père, prêt à frapper tous les pécheurs. Sa main était armée de trois épées : de l’une il abattait les têtes altières des orgueilleux ; il plongeait l’autre dans les entrailles des avares ; et avec la troisième il transperçait la chair des voluptueux. Tout à coup, la douce Vierge, sa Mère se présente à Lui et embrasse ses pieds, en le conjurant de tempérer la justice par la miséricorde. « Vous qui connaissez tout, lui dit-elle, vous savez que c’est la voie par laquelle vous les ramènerez. J’ai un serviteur fidèle que vous enverrez leur annoncer votre parole et ils reviendront à Vous, le Sauveur de tous les hommes. J’en ai encore un autre que je lui donnerai pour aide, et qui travaillera de même. » – Votre  doux visage apaise ma colère, répond le Sauveur, mais  montrez-moi les ouvriers que vous proposez pour cette œuvre divine. » Alors la Vierge Marie présente, tour à tour, à son fils saint Dominique et saint François, et le Seigneur Jésus dit à sa Mère sur chacun d’eux « Qu’il fasse avec zèle et fidélité ce que vous avez dit. »

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16. Miséricorde faite à un homme

Dont toute la vie avait été coupable

   Le fils de Dieu parla à Brigitte, son épouse, disant : « Celui qui est malade et pour lequel tu pries, a été fort lâche à mon endroit et toute sa vie a été contraire à la mienne. Mais fait-lui dire que s’il est résolu, au cas  où il vivrait, à se corriger, je lui donnerai la gloire. Qu’on l’avertisse donc de s’amender, car je compatis à ses maux avec une grande miséricorde. » Or, comme ce malade mourait avant le premier chant du coq, Notre-Seigneur apparut de  nouveau à son épouse et lui dit : « Vois ce qu’est ma justice : celui qui était si malade a été jugé, et bien qu’à cause de sa bonne volonté je lui aie fait grâce, cependant avant qu’il soit entièrement purifié, son âme endurera en purgatoire un supplice si cuisant qu’il n’y a mortel qui le puisse comprendre. Hélas ! Que n’auront pas à souffrir ceux qui sont attachés au monde et qui ne sont affligés d’aucune tribulation ? » (Liv. VI, ch II.)

17. La miséricorde poursuivant une âme imparfaite

jusqu’à ce qu’elle soit toute à Dieu.

 

 

   La Sœur Marie du Saint-Esprit, du Carmel de Dieppe, raconte  ce qui suit : Notre-Seigneur voulant par son infinie bonté me retirer d’un abîme d’infidélités où je m’étais plongée moi-même, par trop d’attache à une prieure, donna connaissance de mon état à Sœur Françoise de la Mère de Dieu, et l’obligea pendant plus d’un an à Le prier pour moi ; ce qu’elle faisait avec une grande persévérance et charité sans que j’en susse rien. Une grande partie de cette année qui était, ce me semble, 1642, j’étais assaillie de différentes pensées contre cette Sœur, ce qui me portait à m’éloigner toujours d’elle. Pendant ce temps, Notre- Seigneur lui montrait tout ce qui m’empêchait de Lui adhérer intérieurement. Il lui dit que j’aurais un grand compte à Lui rendre au jour du jugement, et que la créature à qui je donnais ce que je Lui dois à Lui ne Lui rendrai point compte pour moi. Une autre fois Il

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lui montra comment Il me poursuivait sans cesse et la résistance que j’y apportais. Quelquefois, lorsqu’elle était en oraison devant le Saint-Sacrement, Il lui indiquait ce que je faisais dans ma  cellule; si j’y employais le temps fidèlement, ou si j’en sortais pour aller chercher des distractions ou me satisfaire avec la prieure que j’aimais trop imparfaitement. Il lui montrait combien les amitiés particulières Lui déplaisent chez les âmes religieuses. Il lui fit voir comment je Le laissais seul, parlant comme s’Il eu voulu me quitter à cause de mes grandes résistances à ses grâces. J’avais, en effet un continuel remords de conscience, mais je m’efforçais de rejeter toutes ces inquiétudes, afin de donner plus librement cours à mes inclinations.

   La Sœur Françoise priait Notre-Seigneur de ne point me quitter et de me rappeler à Lui. Elle le voyait quelquefois m’attendre avec une patience extrême   au bout d’un dortoir où je me rendais, et je lui résistais en ce lieu. Elle voyait comme Il allait au-devant de moi par un autre côté, jusqu’à je fusse revenue à Lui, faisant voir en cela l’excès de sa bonté pour les âmes. Mon ingratitude la touchait extrêmement et lui faisait chercher l’occasion de dire quelque mot qui pût m’aider ; mais Notre-Seigneur  lui dit une fois : Attendez, il n’est pas encore temps », lui insinuant que sa patience infinie voulait attendre que j’eusse achevé quelques ouvrages auxquelles j’étais fort attachée. Il lui dit un jour que qund Il a bien poursuivi une âme et quelle ne se rends point, Il se retire et la laisse ;  ce qui la faisait prier pour moi avec grande insistance.

   La nuit qui précédait la fête de notre sainte Mère Thérèse, Notre-Seigneur la pressait fortement de demander la permission de me parler, lui disant qu’il était temps. J’étais alors touchée d’une si grande crainte des jugements de Dieu, que je n’osais me présenter devant Lui. Comme j’étais devant le Saint-Sacrement, il me vint en l’esprit que Notre-Seigneur me disait : « Je vous ai poursuivie longtemps, non pas comme un Dieu de vengeance pour vous accabler sous le joug de ma loi, mais comme Père de miséricorde pour vous vivifier de ma grâce. ». Cette pensée me rendit la confiance.

   Ce même jour de la fête de notre sainte Mère, on nous

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permit de parler ensemble. Alors je connus qu’elle voyait tout mon état, et elle me dit des vérités si puissantes qu’elles produisaient un grand effet sur mon âme et un fort grand désir de me convertir toute à Dieu. Je fis une confession de plusieurs  années, après laquelle Notre-Seigneur chargea Sœur Françoise de me dire ces  paroles de l’Evangile : « Vous êtes pure, ne péchez plus, de crainte qu’il ne vous arrive quelque chose de pire. » Une autre fois Il l’obligea de me dire que si je voulais me quitter moi-même, mes propres intérêts et satisfactions, je Le pourrais contenter. Une autre fois Il lui fit connaître qu’Il voulait que je Lui donnasse ma liberté, et que ne fisse plus rien que par dépendance de Lui, afin qu’il me tienne  de sa main puissante et m’empêche de céder à  ma faiblesse. Il lui dit une autre fois qu’Il voulait être seul en moi, et que je Lui donnasse  et le soin et l’amour que j’avais pour la prieure; qu’Il voulait que je retranchasse toute la satisfaction que la nature y prenait ; enfin, qu’il me voulait à Lui extrêmement vide et dénuée de l’amour des créatures.

   Une autre fois Il lui fit connaître que c’était par grande miséricorde qu’Il m’ôtait le soin d’une personne que j’aimais trop, et Il lui dit : « Je la connais ; ce soin la ferait retomber dans les fautes passées. » Un autre jour, comme elle remerciait Notre-Seigneur des miséricordes qu’Il me faisait, Il lui répondit : « Dites-lui qu’elle prenne garde à elle et qu’elle ne s’échappe pas sous n’importe quel prétexte. » Il lui fit connaître que par le dépouillement de la créature, Il voulait éprouver si je l’aimais. Un jour de la conversion de saint Paul, durant l’office, elle sentait Notre-Seigneur près d’elle, lui montrant comment Il nous unissait toutes les deux en Lui, et Il l’assura que nous ne nous séparerions jamais. Elle me fit signe que Notre-Seigneur était là. Et le Seigneur continuant de lui parler, ajouta,  : « Dites-lui qu’elle ne s’étonne point de tomber, et ne se lasse point de se  relever ; car j’ai toujours les bras ouverts pour la recevoir. Je connais bien l’infirmité de la créature et j’aime qu’elle ait de la peine des manquements qu’elle commet contre moi. En témoignage de quoi je me donne présentement à elle; car je me donne à celui qui me désire. »  (Vie, ch. IX.)

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18. La divine miséricorde poursuit le pécheur

jusqu’à sa dernière heure

    Le 2 décembre 1920, Jésus dit à Marie-Fidèle 1 : « J’aime les pécheurs et j’ai soif de leurs âmes. Les souffrances que tu 2 as endurées avec ma grâce et dans une union intime avec moi, je les ai unies au sacrifice de la croix, dont elles tirent toute leurs force. . Je veux que tu me laisses toujours le choix du pécheur en faveur de qui j’appliquerai le fruit de tes souffrances, et de tes sacrifices, maintenant ou plus tard. Je suis le Seigneur qui règle tout pour le mieux, selon ce qui convient à ma gloire et au salut des âmes. Ce sont les pécheurs en face de la mort qui ont un besoin plus grand de ma miséricorde. Je suis le bon Pasteur à l’égard des pécheurs ; c’est pourquoi envers toi, ma victime j’agis comme un juste  juge. Ne suppose aucune âme perdue jusqu’au dernier moment de sa vie. Mon amour de Rédempteur et mqa sollicitude de Pasteur poursuivent le pécheur avec longanimité jusqu’à la mort pour le sauver et le rendre heureux ; car j’aime les pécheurs. (Ed. allm., p.164 ; éd. franç., p. 175 .)

1. Sœur Marie-Fidèle Weiss (1882-1923) vécut très saintement dans le monastère des tertiaires franciscaines de Reutberg, en Bavière. Sa vie, faite par son confesseur, M. Jean Muhlbauer (Munich, imprimerie des Salésiens), a été traduite en français par le R ; p ;  Conrad Gurg, O.S.F., Paris, Desclée de Brouwer.

2. Le traducteur a mis : que vous avez endurées ; dans l’allemand ; Notre-Seigneur tutoye Marie-Fidèle : « die du … erduldet hast. »

 

Chapitre VI

Jésus Consolateur

 

1. Jésus console ses amis malades

   Sainte Angèle de Foligno étant bien malade, Jésus lui apparut et lui dit : « Ma fille, je suis venu pour te servir.

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Le service qu’Il lui rendit fut de se placer devant son lit avec le visage le plus gracieux et le plus aimable. Elle ne Le voyait que des yeux de l’âme, mais plus clairement que ceux du corps. (Hello, ch. I ; Doncoeur ; p.234 ; Ferré, p. 233.)

   Comme on chantait le Salve Regina, et qu’à ces paroles : misericordes oculos, Gertrude demandait la santé du corps, le Seigneur lui dit, avec un doux sourire : « Est-ce que tu ignores que je jette sue toi les regards les plus miséricordieux, quand tu souffres en ton corps, ou que tu es troublée en ton esprit ? » (Liv. III, ch. XXX, n° 9, éd. lat., p. 181.)

 En la fête de la Purification, le Seigneur lui dit encore : « Si étant malade, ma bien-aimée, tu ne peux entendre ce qu’on chante au chœur, tourne-toi vers moi et vois ce qu’il y a en moi, car je contiens tout ce qui peut à jamais te plaire. » (Liv. IV, ch. IX.)

   Le Seigneur dit à Mechtilde : « Lorsque tu es malade, je te tiens de mon bras gauche, et quand tu es en santé, c’est de mon bras droit ; mais sache bien que, quand c’est du bras gauche, tu es beaucoup plus rapprochée de mon Cœur. (IIè part., ch. XXXI.)

   La vénérable Agnès de Langeac 1 ne pouvant chanter au chœur, à cause de ses souffrances, disait à Jésus : Mon ami, vous voyez ma misère et mon impossibilité de chanter.- « Oui, ma chère fille, mais puisque je t’ai donné le mal, je satisferai  pour toi et ferai que le chœur sera servi. » Un ange chanta à sa place. (IIIe part., ch. XVII.)

   Le jour de la Fête-Dieu, Notre-Seigneur fit ressentir à Armelle Nicolas de si douces communications de sa divinité que la nature ne les pouvant supporter, elle demeura presque toute  l’octave malade. Et comme un jour elle de plaignait à son amour de ce qu’elle ne pouvait comme tant d’autres l’aller visiter au Saint Sacrement, Notre-Seigneur lui dit ces amoureuses paroles : « Ma fille, les autres me viennent visiter aux églises ; moi je viens te visiter en ta propre maison. » (Vie, ch. XXIII.) La maladie elle-même n’est-elle pas comme toute épreuve, une visite de Jésus ?

1 La vénérable Agnès de Langeac (1602-1634) fut religieuse dominicaine. On connaît ses rapports avec M. Olier. (Vie, par M.de Lantages, rééditée à Paris, Poussielgue, 1963.)

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Juxta est Dominus qui tribulato sunt corde. Le Seigneur est tout près de ceux qui sont dans la peine. (Ps.XXXIII, 19 😉

   Sabine de Ségur, en religion Sœur Jeanne Françoise, religieuse de la Visitation de Vaugirard, Paris (1829-1888) étant un jour malade, Notre-Seigneur lui dit : « Ma fille, nous sommes mariés : toi, tu es dans ton  lit qui souffres et ne peux prier ; moi je suis dans l’Eucharistie qui prie et ne peux souffrir. Tu souffre pour moi et je prie pour toi ; à nous deux nous faisons notre besogne. » (Sa vie, par Mgr de Ségur.)

   L’accroissement de la faiblesse, des souffrances et de l’impossibilité de m’occuper commençait à m’accabler, raconte la Mère Marie du Divin Cœur 1. Le divin Epoux me consola en mettant cette image devant les yeux de mon âme. La sainte Eglise est comme un grand jardin de Dieu ; Le maître du jardin, Notre-Seigneur, vient chaque jour y prendre son plaisir. On y voit de grands palmiers, des chênes magnifiques (le pape, les évêques, les missionnaires et les prêtres) et dans un coin caché de ce jardin une petite fleur. Après avoir joui des beaux arbres, Il se dirige vers la petite fleur qu’Il ne montre à personne ; il s’arrête là et prend plaisir à son parfum. Auparavant elle était exposée aux regards étrangers (œuvres extérieures), lorsqu’elle était encore en bouton ; mais maintenant qu’elle est épanouie, Il veut jouir seul de sa vue et de son parfum. Pour la fleur, elle est assez payée de penser que le bon Maître prend plaisir à son parfum. Une fois le jour Il la visite à une heure fixe (La sainte communion) mais souvent Il la surprend par des visites inattendues et la laisse ravie du sentiment de sa douce présence. Maintenant plus d’ennui, la petite fleur sait pour qui elle fleurit (dans la souffrance) et attend patiemment qu’il plaise au Maître de la visiter et de la transplanter dans le jardin du ciel. Une fois éclose, elle ne peut plus demeurer longtemps fleurie : dans les derniers mois Il veut se la réserver exclusivement. Par

   1 La Mère Marie du Divin Cœur Droste (1871-1897) fut supérieure  du Bon-Pasteur de Porto. C’est à la suite de la révélation que fit Notre-Seigneur à cette vénérée Mère que Léon XIII consacra le genre humain au Cœur de Jésus. (Vie, par M. Chasle, Paris, Beauchesne, 1906.)

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   «Pauvre âme affligée, dit Jésus à Agnès de Langeac, tout le monde te délaisse, hors ton fidèle Epoux. Courage. » (Vie, par Lantages IIIe part., ch. XVIII.)

   Un jour que Anne-Marguerite Clément voulait prendre du repos, le Sauveur lui dit : « Dors, mon épouse, sur ma poitrine et sur mon Cœur, et je me reposerai dans le tien. » (Vie, 1686, IIIe part., ch. VIII.)

   L’an 1631, la Mère Clément voyait mourir sa sœur Marie-Louise de Balot, qui était un des plus fermes soutiens de la petite fondation de Montargis ; elle s’en montra fort attristée. Une de ses filles lui en témoignant de l’étonnement, la bonne Mère s’excusa et lui répondit que leur saint fondateur permettait de payer ce tribut à la nature. Le lendemain Jésus-Christ se présenta à elle et la reprit de sa faiblesse. « Ne suis-je pas assez sage, dit-Il, pour être ton soutien ? Et ne doit-il pas te suffire que j’aie pris soin de ta conduite ? Quelques jours après, comme la vénérée Mère sentait encore son affliction, Jésus se présenta de nouveau à elle, et pour lui faire surmonter  les sentiments de la nature, Il l’attira dans le sein de sa providence, lui donnant de grandes assurances qu’Il prendrait soin de son gouvernement. « Non pas, lui dit-Il, avec cette providence que j’ai pour toutes les âmes en général, mais selon cette providence singulière que j’ai de mes élus et particulièrement de toi qui m’appartiens à de si justes titres. » (Vie, 1686, IIe part., ch. IX.)

4.Jésus veut diviniser nos souffrances

         Mechtilde trouvant que sa maladie la rendait inutile et qu’elle souffrait sans aucun fruit, le Seigneur lui dit : « Dépose toutes tes peines dans mon cœur, et je leur donnerai une perfection aussi haute qu’aucune souffrance en a jamais pu acquérir. Ma divinité, attirant en elle les souffrances de mon humanité, se les a complètement unies ; de même, je veux transporter sur ma divinité tes peines, n’en faire qu’une seule avec ma passion, et te donner part à cette glorification que Dieu le Père a conférée à mon humanité pour toutes ses souffrances. Donne donc toutes tes peines à l’amour, disant : O mon amour, je te les confie dans la même intention que tu

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me les as apportées du Cœur de Dieu, et je te prie de les y reporter, lorsque ma reconnaissance les aura rendues parfaites.

     «  Lorsque tu  voudras me louer et que tes souffrances t’en empêcheront, demande Dieu le Père de Le louer et de Le bénir de cette louange que je Lui ai adressée sur la croix au milieu des souffrances, avec cette gratitude en laquelle je Lui ai rendu grâces de ce qu’Il a voulu que je souffrisse ainsi pour le salut du monde, et avec cet amour qui m’a fait souffrir de tout cœur et de toute volonté. Ma passion porte des fruits infinis dans le ciel et sur la terre : ainsi les peines, les moindres tribulations que tu m’auras confiées en cette matière, en union avec ma passion, porteront de tels fruits que les saint du ciel en recevront un accroissement de gloire, les justes plus de mérites, les pécheurs leur pardon et les âmes du purgatoire un soulagement. Qu’y a-t-il, en effet, que mon divin Cœur ne puisse changer en mieux ? car tout le bien que contiennent et le ciel et la terre est sorti de la bonté de mon Cœur (IIe part., ch.XXXVI.)

5. Jésus au chevet des mourants

   Deux vierges amies de sainte Lidwine 1, eurent une vue miraculeuse de ses derniers moments ; entendant le Sauveur lui dire, au milieu de ses atroces douleurs : « Lidwine, ma bien aimée, Lidwine, courage ! Encore un moment de courage ! Voici venir l’heure de la récompense, l’heure du triomphe ! »  Au son de cette voix, la vierge se ranime et dit à son Rédempteur : Venez-vous me prendre ? Venez-vous m’arracher à mon exil et m’emporter avec vous dans la patrie ? « Oui, Lidwine, oui; réjouis-toi, tes douleurs sont finies ; me voici ; tu ne me quitteras plus ; ô mon  épouse ; viens régner avec moi ! » L’âme de la vierge aussitôt s’élança, brisant ses liens mortels. Le ciel s’ouvrit et les élus chantaient : «  Sois la bienvenue, ô notre sœur Lidwine, en te voyant nous sentons

  1 Sainte Lidwine (1380-1433) fut, à partir de l’âge de 15 ans, e proie aux plus terribles maldies. Sa vie fut un long martyre héroïquement enduré.

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nos joies s’accroître dans le Seigneur. » Jésus la reçut en lui disant : « Viens, ma bien-aimée, approche, viens tout près de mon trône, c’est aujourd’hui que je vais récompenser  ton fidèle amour. » Il la couronna et les bienheureux chantèrent : « Tu a eu, ô Lidwine, la foi des patriarches, l’espérance des prophètes et la charité des apôtres ! Tu as eu, ô notre sœur, l’héroïsme des martyrs, la chasteté des vierges, la sainteté des anges ! Sois couronnée comme les anges et les vierges, comme les prophètes et les patriarches, comme les apôtres et les martyrs. »

   Saint Dominique, étant saisi du plus ardent désir de voir son Dieu, Notre-Seigneur lui apparut sous la forme d’un jeune homme d’une beauté ravissante, et lui dit, avec une douceur infinie : « Dominique, mon bien-aimé, viens aux vraies joies, viens ! » Quelques temps après, Dominique s’en allait aux cieux.

6. Jésus remplace les âmes dont nous pleurons l’absence

   Comme on chantait la messe pour l’abbesse Gertrude, sainte Gertrude priait et pleurait dans sa grande douleur ; le Seigneur vint la consoler par ses paroles pleine de tendresse : Ne suis-je pas capable de remplacer tout ce que je vous ai enlevé ? Croyez aves confiance que moi, qui suis la bonté même, je serai votre consolateur ; croyez que si, de toute votre cœur, vous vous tournez vers moi, je serai pour vous tout ce que chacune de vous regrette d’avoir perdu en elle. » (Liv. V, ch. Ier ; éd. lat., p. 511.)

7. Jésus console l’âme exilée

   La vénérable Anne de Jésus 1 avait un très grand désir de retourner en Espagne pour y mourir, parce que à cause

  1 La vénérable Anne de Jésus (1545-1621) , l’une des plus illustre parmi les filles et compagnes de sainte et compagnes de sainte Thérèse, et qui au jugement de saint Jean de la Croix fut son égale dans la vie surnaturelle, fut la fondatrice de Carmel réformé, en France et en Belgique. (Vie, par le P. Berthold-Ignace de Sainte Anne, Dessain, Malines, 1882.)

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de ses infirmités, elle se croyait désormais inutile dans ce pays pour le service de Notre-Seigneur. Comme elle se trouvait un jour à la fenêtre de communion pour recevoir la sainte Eucharistie, le Maître lui fit entendre ces paroles : « Où je suis, ne resterez-vous pas vous-même ? » A l’instant même le désir qu’elle avait de s’en aller s’évanouit. (Vie, t. II. Liv. II, ch. XII.)

8. Jésus console de l’oubli

et des jugements méchants des créatures

Jésus m’a dit ce matin, écrit Gertrude-Marie : « Quand on ne fait nulle attention à toi, c’est alors que Dieu  s’occupe davantage de toi. » (23 février 1907.)

   Un jour, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy 1, je fis connaître à mon confesseur l’état et les sentiments de mon âme ; il me répondit : Voilà quelque chose qui vient de la mère Thérèse, n’imitez pas sa conduite 2 …Ces paroles de mépris m’affligèrent beaucoup. Dans l’excès de ma peine je m’en allai au jardin et je me mis en oraison. Notre-Seigneur m’apparut alors tel qu’il était sur la terre ; Il était revêtu d’une chape pontificale éclatante de lumière. Il s’approcha de moi, souleva sa chape, et me montra la sainte environnée de gloire ; Il la soutenait du bras et la tenait appuyée sur son Cœur ; Il me dit : la voilà, je te la montre ; ne te soucie pas de ce que l’on peut dire », après quoi la vision disparut. Je me sentis embrasé d’un amour plus ardent à la vue de celui que Dieu portait à notre sainte. Je la priai dans une autre circonstance de m’obtenir de Dieu la grâce de connaître la vertu qui lui était la plus agréable. Elle me répondit que l’humilité était la vertu qui plaisait le plus au Seigneur. (Vie, ch. XVII.)

   1 La bienheureuse Anne de Saint Barthélemy (1549-1626), compagne et coadjutrice infatigable de sainte Thérèse qui mourut entre ses bras, vécut d’une vie très sainte et fonda plusieurs couvents de Carmes et de Carmélites en France et en Belgique. (Vie, par les Carmélites de Fontainebleau, 1708, rééditées à la Bonne Presse, Paris, 1895.)

   2 Ainsi une même une aussi grande sainte que sainte Thérèse n’était pas goûtée de tous.

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9. Jésus console ceux qui sont surchargés

d’œuvres extérieures.

   Comme sainte Gertrude priait le Seigneur de donner aux proviseurs du monastère le moyen de payer leurs dettes, afin qu’ils puissent se livrer avec plus de soins et de dévotion aux exercices spirituels. – « Et quel profit en retirerai-je, dit le Seigneur, puisque je n’ai nullement besoin de vos biens,  et qu’il m’est égal que vous vous occupiez d’exercices spirituels, ou que vous vous fatiguiez aux labeurs du dehors, pourvu que votre volonté se dirige vers moi par une intention pure ? Si je ne prenais plaisir qu’aux exercices spirituels, j’aurais certainement réformé la nature humaine après la chute, en sorte qu’elle n’eut pas besoin de nourriture ou de vêtements, ni des autres choses nécessaires à la vie, qui exigent tant de sueurs et d’industrie  de l’homme.  Je prends, il est vrai, mon plaisir dans les exercices intérieurs des contemplatifs, mais les diverses occupations consacrées à des affaires utiles où l’on cherche mon honneur et mon amour, m’invitent également à séjourner et à faire mes délices parmi les enfants des hommes, qui trouvent en de telles rencontres une plus belle occasion de s’exercer dans la charité, la patience, l’humilité et les autres vertus. » (Liv. III, ch. LXIX)

10. Jésus dédommage ceux qui sont privés

des offices et des cérémonies

   Un interdit ecclésiastique ayant suspendu l’office divin, Gertrude s’écria : Comment nous consolerez-vous, Seigneur, de la présente tribulation ? – «Vos gémissements, vos désolations font mes délices, répondit le Seigneur, Mon Amour fera de nouveaux progrès en vous, comme un feu renfermé ne fait qu’étendre davantage son activité. Les délices que je trouverai en vous et l’amour que vous avez pour moi monteront comme une eau qui, après avoir été contenue, ne s’élance ensuite qu’avec plus de force. » – Et combien de temps durera cet interdit? dit la sainte.- « Tant qu’il durera, ces faveurs dureront également », dit le Seigneur. (Liv. III, ch. XVI.)

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11. L’âme qui se trouve sans secours

peut tout trouver en Jésus

   Gertrude, examinant un jour sa conscience, y trouva des fautes dont elle aurait voulu s’accuser, mais n’ayant pas de confesseur, elle se réfugia auprès du Seigneur, qui lui dit « Pourquoi te troubler, ma bien aimée? Toutes les fois que tu le désireras, moi qui suis le souverain  Prêtre et le vrai Pontife, je serai à ta disposition, et chaque fois je renouvellerai en un même temps dans ton âme les sept sacrements avec plus d’efficacité que jamais prêtre ni pontife ne le pourront faire en les administrant l’un après l’autre. D’abord, je te baptiserai dans mon sang précieux, puis je te confirmerai ; puis je te confirmerai dans la vertu de ma victoire ; je ferai de toi mon épouse dans la foi de mon amour ; je te consacrerai dans la perfection de ma très sainte vie; dans la tendre affection de ma miséricorde, je te délivrerai de tout lien de péché ; dans l’excès de ma charité, je te nourrirai de moi-même, et je me rassasierai en jouissant de toi à mon tour. Dans la suavité de mon esprit, je pénètrerai ton intérieur d’une onction si efficace, que la dévotion transpirera par tout tes sens, dans tous tes mouvements, ce qui sans cesse te disposera de plus en plus, et te sanctifiera pour la vie éternelle. » (Liv. III, ch. LX.)

12. Directeur éloigné

   Marguerite-Marie, désirant beaucoup être dirigée, demanda tous les jours à Notre-Seigneur de lui envoyer quelqu’un pour la diriger: « Ne te suffis-je pas ? lui répondait cet aimable Sauveur ; que crains-tu ? Un enfant autant aimé que je t’aime, peu-il périr entre les bras d’un Père tour puissant ? » (Ed.Gauthey, II, p. 51.)

   Lorsque Marguerite-Marie voulait réfléchir sur le départ du P. de la Colombière pour l’Angleterre, Notre-Seigneur la reprenait ainsi : « Eh quoi ! Est ce que je ne te suffis pas, moi qui suis ton principe et ta fin ? » (T. II, p. 103.)

   Le directeur de la bonne Armelle ayant du quitter Vannes,

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Elle en ressentit une grande peine et s’en plaignit amoureusement à Notre-Seigneur. Au moment de la communion, Jésus lui dit amoureusement ces paroles : « Ma fille, je te fais comme aux enfants qu’on retire d’entre les bras de leurs nourrice, afin de les loger dans la maison de leur  père, et leur donner une meilleure nourriture que celle qu’ils avaient auparavant; ainsi toi, je veux te loger en ma maison. » Elle lui dit : Eh, Seigneur, où est votre maison ?  Notre-Seigneur Lui montrant la plaie de son côté sacré,  la fit entrer par là dans son Cœur, lui disant que c’était là sa maison. Elle s’y trouva dans un grand vide et une grande privation, mais dans une paix et un repos admirable. (Vie, ch. XV.)

Sainte Thérèse était affligée de ce que son directeur à cause de ses nombreuses occupations avait du la quitter précipitamment et de qu’il ne pouvait lui donner les consolations qu’elle jugeait nécessaires. Elle eut ensuite du scrupule de s’être à cette occasion, laissé aller à la tristesse. Notre-Seigneur lui dit de ne pas s’en étonner. « De même que les mortels désirent trouver avec qui s’entretenir de leurs joies sensibles, ainsi l’âme lorsqu’elle a quelqu’un qui la comprend, désire lui communiquer ses intérêts et ses peines, et elle s’attriste de n’avoir personne avec qui le faire. » et il ajouta parlant de directeur: « Maintenant il est en bon chemin et ses œuvres me sont agréables. » (Relations, 13.)

   Sainte Jeanne de Chantal priant Notre-Seigneur de lui donner un guide, il lui fut dit : « Persévère et je te le donnerai. » La sainte ayant persévéré à le demander avec ardeur, le bienheureux François de Sales lui fut montré dans une vision et elle entendit ces paroles : « Voilà le guide bien-aimé de Dieu et des hommes entre les mains de qui tu dois reposer ta conscience. » (Mémoires de la Mère de Changy, p. 466.)

13. Supérieure changée

   Sœur Marie du Saint-Esprit qui fut convertie d’une vie imparfaite à une vie très fervente par la Mère Françoise de la Mère de Dieu, raconte qu’au départ d’une Mère prieure, elle était fort affligée quoique soumise à la volonté divine

 P. 131 Jésus Consolateur

La Mère Françoise étant au chœur, Notre-Seigneur lui dit après la sainte communion : « allez à Sœur Marie du Saint-Esprit, et dites-lui qu’elle ne pense pas que c’ait été sans douleur que j’ai quitté ma sainte Mère pour aller à ma passion ; et que je veux que par sa douleur elle honore la mienne. Encore qu’elle n’ai pas eu la fidélité de se priver de la créature lorsqu’elle en pouvait jouir), je ne laisse pas par ma bonté de vouloir la récompenser de la soumission qu’elle me rend ; il a fallu que moi-même je fisse ce coup. » (Vie, ch. IX.)

Combien de sacrifices nous ne ferions pas si Dieu ne nous les faisait faire ; Il veut bien cependant les tenir pour méritoires.

14. A l’âme sans consolation Dieu seul doit suffire.

   Sainte Mechtilde priait avec ferveur demandant à Dieu qu’il donnât les consolations de l’Esprit-Saint à une personne extrêmement affligée. Le Seigneur lui dit :  « Et pourquoi se trouble-t-elle ?  Je l’ai crée pour moi, je me suis donnée à elle pour tout ce qu’elle peu désirer de moi. Je suis son père dans la création, sa mère dans la rédemption, je suis son frère dans le partage du royaume, je serai sa sœur pour lui donner une douce société. » ( IVe part., ch. L.)

   Un jour sainte Mechtilde, excessivement troublée, se réfugia auprès de son fidèle défenseur, qui lui est apparut lui donnant, pour se soutenir, un bâton sans pommeau pour appuyer la main. Comme la sainte s’étonnait que le bâton n’eût point de pommeau, le Seigneur lui dit : « J’y placerai ma main pour t’appuyer ; ainsi, quand je te donne la consolation dans l’affliction, apprends que tu reposes sur ma main ; mais si tu ne sens pas la consolation, c’est que j’aurai retiré ma main et alors tu devras t’attacher à moi-même d’un cœur fidèle. » (IIe part., ch. XIII.)

15. Jésus rassure

L’âme qu’effraient les grâces divines

   Un jour que sainte Mechtilde recevait de Dieu une grâce d’une grande douceur, qui faisait un grand bien à son âme

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le tentateur survint, jetant dans son cœur la crainte que ce ne  fût pas là un don de Dieu. Dans l’excès de son épreuve, la sainte se précipita aux pieds du Seigneur Jésus et Lui dit : Voici, Seigneur, que je  vous offre ce don pour votre louange et gloire éternelle, et je vous prie, si ce don ne vient pas de vous, que je ne le reçoive plus jamais, car je serai contente d’être privée pour vous de toute douceur et de toute consolation. Mais le Seigneur, l’appelant par son nom, répondit : « Ma bien-aimée Mechtilde, n’aie pas de crainte. Je te jure, par la vertu de ma divinité, que cette crainte et cette tristesse ne te nuiront pas, mais te sanctifieront et te prépareront à ma grâce. Si la joie de ton cœur n’éprouvait de ces contrariétés, ton cœur ne pourrait résister à l’excès de ma douceur. Ne soit donc pas étonnée d’être en butte à ces pensées lorsque tu te trouves en ma présence, car le diable me tentait encore lorsque j’étais attaché pour toi sur la croix. » (IIe part., ch. XII.)

16. Jésus ménage ses amis, même quand il les éprouve

   Comme Gertrude, pensant aux consolations que Dieu lui donnait pour adoucir ses peines, s’humiliai de ne pas les supporter avec assez de patience, le Seigneur lui dit : « En ceci comme dans le reste, je fais voir ma tendre sollicitude pour toi ainsi qu’une mère fait envers son petit enfant, l’objet de son amour. Ne pouvant pas le parer d’or et d’argent, dont le poids l’écraserait, elle lui fait une parure de fleurs légères qui, sans être incommodes par leur poids, ne laissent pas que de jeter un vif éclat. C’est ainsi que j’adoucis tes peines pour t’empêcher de succomber sous leur poids, sans pourtant te laisser privée du mérite de la patience. » (Liv. III, ch. LXIII)

17. Jésus cache les vertus de ses élus

Sous des apparences de défaut

   Une personne, selon le désir de Gertrude, priant pour la correction de ses défauts, reçut cette instruction : « Ce que

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 Gertrude, mon élue, prend pour des défauts, ce sont de grands progrès de son âme, car, à cause de ce que ma grâce opère en elle, il lui serait difficile de se garder de la vaine gloire si ses vertus ne se dissimulaient pas sous des apparences de défauts. De même qu’un champ couvert de fumier n’en devient que plus fertile, ainsi de la connaissance qu’elle a de ses défauts, elle rapporte des fruits de grâce beaucoup plus savoureux. Quand, avec le temps, je les aurai complètement transformés en vertus, son âme brillera comme une lumière éclatante. » (Liv. Ier, ch. III.)

18. Peines causées par nos négligences

divinement consolées

   Durant les cérémonies d’une messe solennelle, Mechtilde s’étant laissée à la somnolence, s’en affligeait devant le Seigneur, qui lui dit : « Si tu ne trouvais rien en toi qui te déplût, en quoi reconnaîtrais-tu ma bonté à ton égard ? » (IIIe part., ch. XIV.)

   Françoise de Bona avait de grandes vertus et de petites faiblesses. Un jour qu’elle priait devant un crucifix, toute baignée de larmes, pour obtenir la délivrance d’une promptitude dont elle ressentait quelquefois les innocentes saillies, elle entendit ces paroles qui en sortirent d’une manière fort distincte : Si je te l’avais ôtée, tu aurais quelque chose de plus fâcheux. » (Liv. II, ch.  XVII.)

   Une fois raconte la Mère Marie du Divin Cœur ayant commis des fautes d’impatience, je demandais pardon à Notre-Seigneur et je Lui disais : Pourquoi me laissez-Vous toujours ces fautes, puisque, par elles je ne fais que Vous offenser ? Il répondit qu’après être tombée dans ces fautes et Lui avoir demandé pardon avec humilité et contrition, cette humiliation Lui donnait plus de gloire que les fautes, commises plutôt par faiblesse humaine que par volonté, ne l’offensaient parce qu’elles Lui donnaient occasion de montrer sa miséricorde et de laver l’âme dans son précieux Sang et que par là son Sang précieux recevait chaque jour une nouvelle fécondité. Une autre fois Notre-Seigneur lui fit, pour la rassurer, cette comparaison :

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« Si une épouse en portant un vase précieux qui appartient à l’époux le laisse tomber par faiblesse ou inattention, l’époux ne sera-t-il pas plus touché de compassion en pensant à la faiblesse de l’épouse et au chagrin que  lui cause son inattention, qu’il ne sera pas irrité de la perte du vase ? » (Vie, ch. VIII.)

   Mais pour que la contrition répare à ce point nos négligences, il faut qu’elle soit inspirée par le pur amour ; si nous nous attristions de nous voir toujours si misérables, cette peine trop naturelle ne produirait pas le même effet.

19. L’âme qui tremble de se laisser emporter

par un zèle trop ardent

   Gertrude se plaignait au Seigneur de ne pouvoir contenir son indignation quand elle voyait des choses contraires à la loi.. Le Seigneur répondit : « Cette émotion ne trouble pas le bien de la tranquillité, mais plutôt elle  embellit ce rempart comme de différents créneaux, qui servent à l’Esprit-Saint pour rafraichir plus sûrement l’âme en lui soufflant ses inextinguibles ardeurs. On ne perd pas la vertu de concorde pour s’opposer à l’injustice ; et si le cœur éclate dans le zèle qui le transporte pour moi, je me place sur la rupture, dont il pourrait souffrir, et je n’en conserve que plus sûrement en lui le séjour et les opérations de mon Esprit divin. » (LIV. IV, ch. XXXVII.)

20. L’âme craignant d’être trop sévère

La Mère Agnès de Langeac dit un jour à Notre-Seigneur : J’ai peur, mon doux Jésus, de vous offenser, travaillant rudement la personne que vous m’avez commise, mais je ne le fais que pour obtenir d’elle quelque amour envers vous.- « Fais-en, lui répartit Notre-Seigneur, comme de chose tienne ; Quand à toi, persévère ma chère fille, dans le bien que tu as commencé. Ne doute point de ma fidélité : je t’assisterai. Aime-moi, sers-moi et ne crains rien. » (Vie, par Lantages IIIe part., ch. v.)

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21. Jésus console l’âme qui craint d’être trop estimée

   Gertrude demandait au Seigneur pourquoi il permettait qu’elle eu l’estime des hommes, alors que lui et ses élus avaient voulu être méprisés du monde. Le Seigneur répondit : « Je permets que certains conçoivent de toi une idée relevée, dont ils éprouvent de la douceur, et qu’ils te  traitent avec bonté, afin de les sanctifier  ainsi, de les sanctifier ainsi, de les disposer à ma grâce, et de me les rendre plus agréable. »

(Liv. IV, ch. XXXV.)

22. Jésus console l’âme qui souffre

de son impuissance

   Dans le mois de mars 1823 Elisabeth Canori, anxieuse de ne pas faire assez pour son Dieu, le suppliait d’avoir pitié d’elle. Jésus daigna la consoler : « Ma fille, dit-il, ne t’afflige pas ;  console-toi, tu en as de justes raisons. Ma grâce t’a fait comprendre la perfection ; tu voudrais la pratiquer ; mais les forces te manquent et de là viennent les angoisses. Aie confiance en moi et ne cède pas à la crainte. Je ne demande pas de mes serviteurs ce qu’ils ne peuvent pas faire sans une grâce toute particulière. Tu voudrais arriver à tenir ton regard si bien fixé sur moi que tu ne pense à rien autre que moi, que tu ne parles que de moi. » – Oui, Seigneur, s’écria Elisabeth, tel est bien mon désir, fixer mon regard sur vous et ne jamais le retirer. Jésus lui répondit : « Ma fille, ceci n’est pas donné aux âmes voyageuses, mais seulement aux élus. Si tu ne peux arriver à tenir toujours ton regard fixé sur moi, qui dans mon amour tiens toujours mon regard fixé sur toi, ne t’en étonne pas : car je suis infini et toi tu es une créature bornée, revêtue d’un corps fragile. Quand tu jouiras de la vision béatifique, tout obstacle sera enlevé. Contente-toi de ce que ce saint désir martyrise ton cœur et que mon amour t’enseigne à souffrir… Abandonne-toi et tu me trouveras ;sois sans volonté et sans aucune propriété ; résignes-toi humblement à ma volonté ; plus tôt tu

le feras, plus tôt tu me plairas, » (Biografia, ch. xl.)

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23. Jésus console l’âme religieuse qui souffre

De ne pouvoir accomplir sa règle

Une fois, qu’à raison de maladie, Gertrude avait été dispensée de suivre la règle, elle s’en plaignit au  Seigneur, craignant de Lui être moins agréable en cet état qu’en suivant les exercices de la communauté. Il lui répondit : « Est-ce que tu trouve que l’époux à moins de plaisir, lorsqu’il entretien familièrement et avec tendresse son épouse dans la chambre nuptiale, que lorsqu’il est tout fier de la voir se produire en public, dans tout l’éclat de sa parure ? » (Liv. III, ch.XXII.)

   La maladie empêchait Gertrude de glorifier Dieu comme elle l’aurait souhaité, et elle s’en plaignait à Notre-Seigneur : Quel honneur recevez-vous maintenant de moi qui suis là, assise, inutile et indolente, vous adressant à peine une ou deux paroles ou quelque chant ?  A quoi un jour le Seigneur répondit : « Quelle satisfaction tu aurais si un ami t’offrait, une fois ou deux, à boire d’excellent hydromel tout frais, que tu croirais capable de te fortifier ! Eh bien, sache que j’ai encore plus de plaisir à ce  peu de paroles ou de chants avec lequel tu veux célébrer mes louanges. » (Liv. III. ch. LIX.)

24. Les sentiments violents ne sont pas nécessaires

    Bénigne Gojoz ressentait de la peine de ne plus éprouver les grandes anxiétés qu’elle avait ressenties auparavant de voir arriver l’heure de ses oraisons et le temps de la nuit pour mieux jouir de son Bien-Aimé. La Parole divine répondit à cette peine :   « Je suis avec toi en tout temps et en tous lieux. Ma fille l’eau coule toujours doucement et comme naturellement dans les grand fleuves ; mais dans les torrents elle fait grands bruit, parce que, grossis par d’autres eaux, ils inondent quelquefois par leur rapidité les terres voisines, et d’autres fois restent à sec eux-mêmes ; ainsi ma fille, ces surabondances de miséricorde qui te causent ces anxiétés, ces motions et ces excès ne te font pas jouir de moi avec plus de plénitude que ma grâce, lorsqu’elle coule paisiblement.

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En ton âme, à la façon des grands fleuves qui sont intarissables. Souviens-toi que si la douceur de mes communications est ta bonne part pour te vivifier, mes souffrances aussi en sont une autre salutaire pour te sanctifier et enrichir de mérite. Je donne mes grâces, je dépars mes dons, j’offre, je prends tout, selon mon bon plaisir dans les âmes qui sont à moi et à qui je me donne, parce que les biens sont communs entre vrais amants. » (Vie, ch. X.)

25. Jésus console l’âme qui se croit abandonnée

   La bienheureuse Angèle raconte ceci : J’étais dans la tribulation ; je ne sentais rien de Dieu, et il me semblait que j’étais comme abandonnée de lui. Je ne pouvais plus confesser mes péchés…  je ne pouvais même plus louer Dieu ni me tenir en oraison…  Je demeurais en cette tribulation si forte et si horrible quatre semaines et plus. Alors j’entends cette parole divine : « Ma fille aimée du Dieu tout-puissant et par tous les saints du  paradis, Dieu a placé son amour en toi, il a pour toi plus d’amour que pour aucune autre femme de la vallée de Spolète. » Mon âme répondit, disant et criant parce qu’elle doutait : Comment puis-je le croire alors que je suis remplie de peine et qu’il me semble  être comme abandonnée de Dieu ? Il répondit : « C’est quand tu te crois plus délaissée que tu es plus aimée de Dieu et qu’il se tient plus près de toi. » ( (Doncoeur, p. 109 ; Ferré,  p. 131.)

   Le Frère Arnauld l’ayant prié de demander là-dessus au Seigneur plus de lumières, il lui fut dit : « Dis au Frère : Pourquoi est ce que pendant toute cette tribulation elle n’a pas moins aimé, mais davantage, quand il lui semblait qu’elle était abandonnée ? Et dis-lui : C’est moi qui la soutiens ; car si je ne la soutenais, elle serait submergée. » Et il lui donna l’exemple d’un père qui aurait un fils très cher et qui lui mesurerait ses aliments. Il les lui mesure afin qu’ils lui soient plus profitables. Il ne lui permet ni de boire du vin pur, ni de manger avec excès, de peur que cela lui soit nuisible ; il lui mesure tout  afin qu’il grandisse davantage. (Doncoeur, p. 113 ; Ferré p. 136.)

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Jésus dit à Marguerite de Cortone : « Observe la règle de vie que je t’ai donnée, ne l’abandonne jamais ; et si quelquefois les rayons de ma lumière s’obscurcissent, si tu cesse de goûter les douceurs de ma présence après tu soupires, ce ne sera que pour éprouver ta foi et te prouver ce que tu es par toi-même sans cette joie souverainement ineffable. Lorsqu’il me plaira de me communiquer plus largement, tu expérimenteras alors infailliblement que c’est par Moi  seul que tu es devenue lumineuse et grande. Aie confiance, car au moment où je paraîtrai me soustraire, je serai encore avec toi et ne t’abandonnerai jamais…  Si tu ne me possédais pas déjà, tu n’en aurais pas même le désir à ce degré, car c’est par lui que tu grandis en mérites. Désormais tu souffriras cette soif sans te plaindre, comme tu l’as fait autrefois. »

   Une autre fois Il lui dit qu’elle était la petite plante qu’Il avait plantée dans le jardin desséché du monde. «  Tu me dis dans ta douleur que ton cœur s’est refroidi dans sa charité ; c’est une illusion basée sur l’infirmité de ton corps qui t’interdit maintenant certains jeûnes, prières et autres œuvres que tu avais coutume de pratiquer autrefois ; malgré cela je te dis en vérité que, bien que ce corps paraisse privé de vie, il vit en moi et toujours dans sa première ferveur. Comment en serait-il autrement, puisque tu m’as tout donné ; il est vrai que ce que tu m’as donné est peu de chose, mais le Dieu qui sait tout n’ignore pas que situ avais pu donner davantage, tu l’aurais fait volontiers… Ma fille, ne doute pas de mes promesses, puisque tu t’es faite pauvre pour mon amour. Ceux qui m’ont vu ne m’ont pas connu ; toi tu me connais sans m’avoir vu. » -Seigneur, dit Marguerite, je suis étonnée que le monde ne courre pas à vous avec empressement. Jésus lui dit : « Je me donne dans la même mesure que l’on se donne à moi. (Vie intime, ch XI § 2 et 8.)

   Jésus dit un jour à Gemma Galgani : « Sache, ma fille que pendant que tu souffrait, j’étais toujours près de toi ; je voyais tes travaux et je m’en réjouissait… Tu te lamente parce que je te laisse dans ces ténèbres, sache qu’après les ténèbres viendra la lumière et alors tu seras inondée de clartés. Je te fais passer par cette épreuve pour ma plus grande gloire, pour la joie de mes anges, pour ton propre avantage et pour

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que tu serves d’exemple au prochain. Si tu m’aimes véritablement, tu dois m’aimer même dans les ténèbres. Je prends plaisir à me livrer avec les âmes qui me sont les plus chères, à des jeux d’amour. Ne t’afflige pas si je feins de te délaisser, ne crois pas que c’est un châtiment, c’est une invention de ma tendresse pour te détacher entièrement des créatures et t’unir à moi. Quand il te semblera que je m’éloigne de toi, sache qu’au contraire je te  serre plus fortement ; quand je parais être loin, je suis plus près de toi. Aie courage ; après le combat viens la paix. Fidélité et amour ; voilà ce qu’il te faut ; patiente donc maintenant si je te laisse seule, souffre avec résignation et console-toi. Je te conduis par des voies âpres et douloureuses, tu dois regarder comme un honneur d’être ainsi traitée ; ce martyre quotidien et caché éprouve et purifie ton âme. Cherche alors de grandes vertus, cours dans la voie de la sainte conformité au divin vouloir, humilie-toi et rassure-toi car si je te tiens sur la croix, c’est que je t’aime. N’imite pas certaines âmes qui s’attachent aux consolations et aux goûts spirituels, et qui n’aiment guère la croix. Quand vient pour elles l’heure des aridités, elles diminuent peu à peu leurs prières, parce qu’elles n’y trouvent plus les consolations qu’elles ressentaient autrefois. » (Biografia, ch. XXI)

   « Tu te fatigues à m’appeler, dit un jour Jésus à Véronique Juliani, mais je suis avec toi. Me voici »  (Diario, 8 septembre 1696.)

26. Jésus rassure l’âme qui se croit éprouvée

   Le bienheureux Jacques de Bévagna, de l’ordre des Frères Prêcheurs, fut éprouvé par des peines intérieures très vives. Se croyant abandonné de Dieu, la crainte de la damnation éternelle plongeait son âme dans une tristesse inconsolable. Un jour qu’il priait et pleurait devant son crucifix, le Seigneur Jésus fit tomber sur lui, de la plaie de son Cœur, une  pluie de sang qui le couvrit tout entier : « Que ce sang, lui dit le Consolateur Jésus, sois pour toi le signe assuré de ton salut éternel. » A l’heure de son agonie, Notre-Seigneur Jésus-Christ,

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la très Sainte Vierge Marie, saint Georges, martyr et saint Dominique lui apparurent. Une voix du ciel adressa ces paroles à ceux qui intercédaient pour lui pendant les prières de la recommandation de l’âme : Ne priez pas Dieu pour lui, mais priez-le lui-même pour vous. »

27. Jésus rassure et instruit

   Notre-Seigneur, pour dissiper les appréhensions d’Agnès de Langeac qui craignait d’être trompée par le malin esprit, lui apparut vêtu d’une longue robe de couleur tirant sur le violet. Il avait les cheveux long et comme roux, la barbe était de même couleur ; les plaies de ses pieds et de ses mains brillaient comme les rayons du soleil ; a cette vue, Agnès se jeta par terre, effrayée, s’humiliant devant Dieu profondément ; elle entendit alors au fond de son cœur la voix de son Bien-Aimé qui disait : « Ne craint point, je suis ton Epoux ; je suis fidèle à mes épouses ;  tu me vois dans la même forme que j’avais quand je vivais dans le monde. N’aie point de peur et lève-toi ; pourquoi as-tu tant de crainte d’être trompée ? Il y a aujourd’hui un an que je t’assurai que Satan n’aurais plus de pouvoir sur toi. As–t-il eu la hardiesse de te battre depuis? » – Non, mon cher Epoux. «  – Pourquoi donc es tu encore dans la crainte, ayant reconnu les effets de mes promesses ? – C’est ma grande misère répliqua-t-elle, qui me cause ces appréhensions. Notre-Seigneur souriant :

    « Assure-toi que depuis ta consécration par les eaux de la religion, j’ai eu un soin particulier de toi et que je continuerai de le prendre. Pour te prouver que tu n’es pas trompée tu me verras aujourd’hui à la sainte messe en la forme d’un petit enfant, la tête couronnée de rayons ; et en la communion tu me verras entre les mains du prêtre, sortant du milieu d’une lune et tenant d’une main un soleil très lumineux. »

Puis, changeant de discours, Il lui dit : « pourquoi as-tu voulu sauter les murailles du monastère ? – C’est, mon Seigneur, que vous me donniez des grâces visibles auxquelles vous savez combien j’ai de répugnance, et vous savez aussi, mon doux Jésus combien de fois je vous ai supplié de me

P.141 conduire par un autre chemin, ne voulant que la croix toute nue. Le fils de Dieu témoigna par son maintien qu’il agréait fort en elle cette disposition

 

 

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par un autre chemin, ne voulant que la croix toute nue. Le fils de Dieu témoigna par son maintien qu’il agréait fort en elle cette disposition à la pure souffrance et, se plaisant à la lui faire protester: Tu ne veux rien de ce que je te donne ? » – Non, mon ami, non, mon Epoux, répondit Agnès, je ne veux point de ces grâces extérieures ;  rien que des peines et des douleurs !… « Ne te fais-je pas assez pâtir ? poursuivit Notre-Seigneur. Tu souffre les  peines du purgatoire ; outre cela, je t’ai fait voir les peines de l’enfer. C’est la part que tu as demandée aux premières qui met ton corps dans cette grande et continuelle souffrance. » – C’est ce que je veux, mon Seigneur.- « Tu as bien fait de refuser ces croix extérieures ; je t’en aime davantage. Mais pourquoi ne quittes-tu pas la voie de la crainte, puisque je t’ai fait dire si souvent qu’il fallait marcher par celle de  l’amour, qui est la plus courte et la plus assurée ? » – C’est ma misère, ô mon Tout, et mon peu de foi qui en sont la cause. – « Ma fille, qui connaît aime, et qui aime craint ; l’un et l’autre sont bons. » Agnès ajouta : Eh ! mon Epoux, que fait-je dans cette maison, que manger et boire ? Tirez-moi après Vous, mon doux Jésus ! – « Quand tu manges et bois, tu pratiques l’obéissance, et en cela tu me sers. » Comme c’était la fête de la Chandeleur, Il ajouta : « C’est à ma chère Mère que tu feras les offrandes pour toutes les religieuses. Marie me les présentera ensuite afin que je les reçoive mieux venant d’une meilleure part. Maintenant, ma fille, vas te préparer à me recevoir. » Quand Agnès eu fait la sainte communion, son époux lui apparut et dit : Sache, ma chère fille, que cette lune, dont tu m’as vu sortir, représente ma chère Mère. Elle est la vraie lune sans changement, qui a chassé les ténèbres par ses vertus. Je suis sorti de son sein. C’est la plus belle et la plus parfaite de toutes les créatures. Elle à été la plus humble de toutes et m’a plus aimé qu’aucune autre. C’est elle qui donne de l’amour aux chérubins et aux séraphins, tant elle est pleine de dilection. Bienheureux sont ceux qui la servent, qui l’aiment et l’imitent ! Quant à ce soleil que tu as vu dans ma main droite, il représente ton Epoux. Je suis le vrai soleil de justice qui fait fondre les cœurs les plus glacés, les cœurs plus durs que le diamant. C’est moi qui suis l’amour même. Je l’ai montré

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dans l’excès de ma passion. Oh ! Bienheureux sont ceux qui s’y entretiennent, quoique le nombre en soit fort petit ! Ceux qui la méditent n’auront pas peur des dernières paroles que je dirai aux pécheurs lors du dernier jugement. » (IIIe part., ch, v.)

 

28. Encouragements divins

   Un jour de Noël, Jésus dit à Marguerite de Cortone : « Ma fille, tu es dans la tristesse ; demande-moi en ce moment ce que tu voudras. »  Elle répartit : Seigneur, accordez-nous la grâce de ne vous offenser jamais.- « Pourquoi ne me demandes-tu pas la gloire de mon royaume ? »  Marguerite reprit : Accordez-moi, ô mon Dieu, ce que je vous demande, c’est-à-dire de vous servir toujours, de ne vous offenser jamais, puis placez-moi où il vous plaira. Cette réponse fut si agréable au petit Enfant de Bethléem qu’Il lui : « Tu es mon esclave par tes péchés passés, ma servante par tes pénitences actuelles, ma sœur  par ton état de grâce, et ma fille par le gage que tu as reçu de ma gloire éternelle. »

   Le jour de la Purification de Marie, Marguerite, avide de se nourrir du pain des anges, n’osait approcher de la sainte Table par humilité, se regardant comme digne de tout mépris devant le Seigneur, parce qu’Il lui avait soustrait les délices de sa présence. Moi, son indigne confesseur, j’essayai de rendre la confiance à son cœur timoré. J’y réussis tellement qu’elle voulut se confesser immédiatement, et, l’ayant absoute, je lui ordonnai de communier quand même elle ne sentirait aucune consolation, l’assurant qu’elle recevrait malgré tout une augmentation de grâces. Ayant récité le Confiteor, j’envoyai chercher le prêtre qui devait la communier. Elle reçut la sainte Hostie avec le plus profond respect, mais comme  elle ne ressentait aucune joie intérieure, contrairement à l’habitude, elle s’en plaignit amèrement à Notre-Seigneur, qui lui dit : « Ma fille, ne t’étonne point si tu n’as ressenti aucun goût ; ton âme n’y était point disposée avant de me recevoir.  Je me donne tel que je te trouve. » Elle répondit : J’hésitais vraiment à m’approcher de vous, parce qu’il me semblait

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que mon âme n’était pas digne de recevoir un si grand sacrement. – « Ma fille, répondit Jésus, il me plaît que tu me reçoives ; celui  qui t‘a fortifiée et t’a poussée à approcher de moi, a donné force et courage à la mère des pécheurs ; car je te fais la mère des pécheurs ; et qui te prête secours pour venir à moi le prête à la mère des pécheurs. De même que j’ai formé ma Mère, la très Sainte Vierge pour le salut du monde, de même, toute proportion gardée, je te choisis pour miroir et mère des pécheurs. Et puisque par ma grâce je te destine  à être magnifique dans le ciel, je te ferai de toi une sainte sur la terre. Je ne devrais pas dire : je te ferai, car par mon infinie miséricorde tu l’est déjà. Tu dis que tu es privée de toute vertu ; et moi je te dis que tu en es ornée. Tu dis que tu es pauvre parce que je te manque ; et moi je te dis que tu possède en moi un trésor infini. Ma fille, dans le cœur de laquelle je trouve le repos, je ne te nomme pas le lis de mon jardin, mais le lis de mon champ, car le parfum de tes vertus pénètrera ceux même qui sont pourris de vices, et ceux qui n’ont pour moi aucun amour, se sentiront attirés à l’odeur de ta sainteté. Et de même que la brise porte au loin l’odeur des lis, moi je porterai partout l’odeur de tes vertus… Cesse de t’étonner si je me donne à toi tel que je te trouve. Ton âme est distraite et tiède en beaucoup de tes travaux. Vois sainte Madeleine auprès du jardin du sépulcre ;  je me suis présenté à elle sous la forme qu’elle avait de moi dans son esprit. Je t’ai fait l’échelle des pécheurs, afin qu’ils montent vers moi par les exemples de ta vie. » Mais en quoi, reprit Marguerite, puis-je servir de modèle aux pécheurs ? – «  Ils imiteront, dit Jésus, tes abstinences, tes jeûnes, ton humilité, tes prières, les tribulations que tu as supportées pour moi avec tant d’empressement. Ils imiteront la douceur de tes saintes conversations, la mansuétude qui a été le cachet de ta vie. Ils imiteront la douceur de tes saintes conversations, la mansuétude qui a été le cachet de ta  vie. Ils imiteront l’honnêteté de tes mœurs depuis ta conversion et le soin que tu a pris de fuir le monde. » Enivrée de joies, la sainte avait absolument oublié de faire mémoire de moi auprès de Jésus, mais le très suave et très doux rémunérateur de toutes choses, Jésus, lui dit : « Tu dois prier pour ton conseiller et ton confesseur, car tu lui dois beaucoup. » –  Il est vrai, Seigneur, que je lui dois beaucoup. C’est pourquoi je le recommande

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avec instance à votre divine Majesté, d’autant plus qu’il ne m’a jamais parlé avec tant d’onction qu’aujourd’hui. – «  S’il a si bien parlé, reprit Jésus, c’est que je te parlais moi-même par sa bouche. » (Vie intime, ch. VII, § 16 et 20.)

29. Jésus rassure l’âme qui craint de s’accorder

trop de douceurs

Une nuit que Gertrude, très affaiblie par l’exercice des puissances de son âme, avait pris une grappe de raisins, avec l’intention d’en rafraichir en elle-même le Seigneur. Il agréa cette action et Il lui dit : « Je reconnais présentement que je suis récompensé de  l’amertume dont, pour ton amour, je fus abreuvé, quand sur la croix on me présenta l’éponge, puisque, au lieu de ce breuvage, je goûte dans ton cœur une indicible douceur et, plus purement tu rechercheras ma gloire en recréant ton corps, plus je trouverai de douce réfection pour  moi dans ton âme. »  (Liv. III, ch. LVII.)

   Le Seigneur dit un jour à Gertrude : « Quand tu fais avec difficulté quelque chose au dessus de tes forces pour ma gloire, je l’accepte comme si j’en avais absolument besoin pour mon honneur ; mais lorsque, laissant le reste de côté, tu fais ce que réclame le bien-être de ton corps en dirigeant vers moi ton intention, je l’accepte, comme si moi-même, malade, je n’avais pu m’en passer. Ainsi, je récompense en toi l’un et l’autre, comme l’exige la gloire de ma divine magnificence. » (Liv. III, ch. LIX.)

   Un jour que fatiguée, sainte Gertrude prenait un peu de repos, le Seigneur lui dit avec une douce sérénité: « Celui qui s’est lassé aux œuvres de la charité a parfaitement le droit de se reposer dans le tranquille appartement nuptial de la charité. »   (Liv. IV, ch. XXXV)

   Sainte Thérèse fut plus d’une fois rassurée par le bon Maître et encouragée par Lui à accorder à la nature ce qu’elle réclame légitimement. Songe ma fille, qu’après ta mort, tu ne pourras plus accomplir pour mon service ce que tu fais maintenant. Prend pour moi la nourriture et le sommeil ; tout ce que tu fais, fais-le pour moi, comme si tout cela n’était

Page 145, pas vécu par toi, mais par moi-même. C’est là ce que disait saint Paul 1. » (Relation, 42)

   Un jour que la sainte, éprouvant une grande faiblesse faisait un effort pour avaler un peu de pain, Jésus lui apparut, rompit ce pain et lui en porta un morceau à la bouche en dosant : « Mange ma fille et résigne-toi de ton mieux. J’ai de la peine de te voir souffrir, mais c’est là maintenant ce qui te convient. » (Relation, 12.)

   Se trouvant obligée d’entretenir assez longuement un de ses frères, Thérèse en eut quelque scrupule, craignant de violer les constitutions qui mettent en garde contre les relations trop fréquentes avec des proches. Notre Seigneur lui dit : « Tu te trompes, ma fille, vos règles ne vous enseignent qu’une chose : à vivre conformément à ma loi. » (Relation, 35.)

   Une autre fois que Thérèse craignit de goûter trop de satisfaction dans ses rapports avec les guides de son âme, Notre-Seigneur lui dit : « Que si un malade en danger de mort se voyait redevable de la santé à un médecin, évidemment ce ne serait pas vertu de sa part de ne lui porter ni reconnaissance ni affection. Qu’aurait-elle fait sans un tel secours ? La conversation des personnes de vertu ne nuit point. Elle devait avoir soin que  ses paroles fussent mesurées et saintes, moyennant quoi elle pourrait continuer ces relations : loin de lui nuire, elles lui seraient très utiles. » (Vie, ch. XL.)

 Sainte Brigitte ayant un jour trop jeuné et trop veillé, la tête et le cœur lui défaillaient, si bien que Jésus lui parlant, elle ne comprit pas bien. Alors le Sauveur lui dit : « Va, donne au corps avec modération ce qui lui est nécessaire, car c’est mon plaisir que la chair ait dans une juste mesure ce dont elle a besoin, et que l’âme ne soit pas empêchée par la faiblesse de s’adonner aux choses spirituelles. » (Liv. VI, ch. XCI.)

1. Ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus qui vit en moi  (Galat. II, 20).

 

30. Jésus enseigne comment il faut subvenir

aux besoins de la nature en purifiant son intention

   On invitait Gertrude, vu son extrême faiblesse, à prendre quelque nourriture ; comme elle résistait, le Seigneur qu’elle

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avait consulté, l’y encouragea en lui disant : « Prend par amour pour moi tout ce qui t’est nécessaire et commode, afin qu’ainsi tu te conserve vivante plus longtemps à mon service : en toute chose où tu trouveras de la commodité, observe de même trois points : Premièrement de faire tout avec joie pour ma gloire. Secondement, de n’accepte ces soulagements qu’afin de souffrir plus longtemps pour mon amour. Troisièmement, de consentir volontiers, pour mon amour, pour mon amour à demeurer privée des douceurs de ma présence aux cieux, autant que cela me plaira, et à demeurer en cette vallée de misère. Tant que tu accepteras les soulagements dans cette intention, je le prendrai comme si un ami buvait tout le fiel offert à son ami, et lui donnait en place le nectar le plus exquis. » (Liv. IV, ch. XXIII ; éd. lat., p. 370.)

31. Jésus, le délassement de l’âme fatiguée

Gertrude, fatiguée, se retira dans sa cellule, demandant au Seigneur de parler à son âme, Il lui dit : « Comme la divinité s’est reposée en mon humanité, ainsi ma divinité se repose maintenant et se délecte dans  ta lassitude. Voici deux points que je viens proposer à ta méditation : considère donc qu’il n’y à rien de plus utile à l’homme en cette vie que de se fatiguer en des travaux tels que ma divinité trouve son charme à s’y reposer ; et ainsi qu’il se dévoue pour le prochain dans les œuvres de la charité. » (Liv. IV, ch. XXIII ; éd. lat., p. 372.)

32. L’âme sainte est le ciel de Dieu

 

 L’âme de Mechtilde se sentant éloignée de Dieu songeait à ces paroles du prophète/ « Hélas ! le Seigneur m’est apparu bien loin. » (Jérémie, XXXI, 3.) Le Seigneur lui dit alors « Qu’est-ce que cela fait ? Partout où tu es, là est mon ciel : que tu dormes, que tu mange, ou que tu fasses tout autre chose, ma demeure est toujours en toi. » (IIIe part., ch. XLIX.)

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33. L’âme fidèle est dans le Cœur de Jésus

   Une fois que Mechtilde priait pour une personne, elle vit son âme dans le Cœur divin comme un petit enfant, et le Seigneur dit : « Qu’elle vienne ainsi me trouver dans toutes ses tribulations, qu’elle se tienne à mon Cœur divin, y cherchant la consolation, et je ne l’abandonnerai jamais. » (Ive part., ch XXXVII.)

34. Jésus agit avec l’âme fidèle comme la mère

avec son enfant

   Se sentant sans force et très abattue, sainte Gertrude dit au Seigneur : « Que deviendrai-je Seigneur ? Que voulez-vous faire de moi ? » Le Seigneur répondit : Comme une mère console ses enfants, moi aussi je te consolerai », et lui rappelant qu’elle avait vu une mère caresser son petit enfant, Il lui fit remarquer trois choses auxquelles elle n’avait pas fait attention.

   La première est que cette mère demandait souvent à son enfant de la baiser ; et l’enfant, tout faible qu’il était, se soulevait pour satisfaire à cette demande. Le Seigneur ajouta qu’elle devait, elle aussi, s’élever avec grand travail, par la contemplation, à la jouissance de l’objet très doux de son amour.

   En second lieu, la mère mettait à l’épreuve la volonté de l’enfant en lui disant : Veux-tu ceci, veux-tu cela ? et ne lui accordait ni une chose ni l’autre. Ainsi Dieu tente l’homme en lui inspirant quelquefois l’appréhension de grandes afflictions qui n’arrivent jamais ; mais du moment que l’homme se soumet, cela suffit parfaitement à Dieu, et rend l’homme digne d’une récompense éternelle.

   La troisième chose était que personne, si ce n’est sa mère, ne pouvait comprendre le langage de l’enfant, encore trop jeune pour pouvoir former ses paroles ; ainsi Dieu seul connaît l’intention de l’homme, et le juge en conséquence, à la différence des hommes qui ne regardent qu’à l’extérieur. (Liv. III, ch. xxx, n°26 ; éd. lat., p. 190.)

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35. Jésus avec nous  dans les œuvres entreprises

pour sa gloire

   Saint Camille de Lellis (1550-1614), voulant établir l’ordre des clercs réguliers pour le service des malades, rencontra de si grands obstacles dans la réalisation  de ses desseins, qu’il était tenté de découragement. Une nuit, pendant son sommeil, il lui sembla voir le Crucifix qui, tantôt inclinait sa tête et le regardait, en lui adressant ces paroles : « Ne crains rien, je t’aiderai et serai avec toi » ; tantôt détachait ses mains de la croix, et les étendaient vers lui, en lui disant : de quoi t’affliges-tu ?  Poursuis cette affaire ; je viendrai à ton secours, ce n’est pas ton entreprise, c’est la mienne. » (Les petits Bollandistes, par Mgr Guérin, au 18 juillet..)

    La bienheureuse Anne de Saint- Barthélemy raconte comment une fois le Sauveur eut pitié des peines de sa fidèle Thérèse ; voici son récit :

   A l’époque où la Réforme souffrait de grandes persécutions et où le nonce avait ordonné d’emprisonner tous les Carmes Déchaussés, notre sainte Mère reçut, la veille de Noël, des lettres lui annonçant que ses enfants allaient être exterminés et ses couvents détruits. Elle en éprouva une très grande douleur ; Je la priai cependant de prendre une collation avant d’aller à Matines. Elle se rendit, en effet au réfectoire, mais elle était si accablée qu’elle ne pouvait se résoudre à manger. Notre-Seigneur lui appart alors, coupa lui-même son pain et lui mit un morceau dans la bouche, en disant : « Mange, ma fille, tu souffres beaucoup pour moi, prends courage. » Ces paroles mirent le comble à sa douleur et deux ruisseaux de larmes coulèrent de ses yeux tout le temps de Matines.

(Vie de la vénérable Anne de Saint Barthélemy,(ch. XVI )

36. Dieu, le seul Ami fidèle

   Une personne ne répondant pas au zèle de Gertrude pour son salut, la sainte se réfugia auprès du Seigneur qui la consola en ces termes : « Ne t’attriste pas, ma fille, car j’ai

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permis que cela arrivât, pour le plus grand bien de ton âme ;  j’aime beaucoup à converser et à demeurer avec toi ; et j’ai voulu ainsi jouir plus souvent de ce bonheur. La mère d’un petit enfant tendrement aimé désire l’avoir toujours auprès d’elle ; quand il veut s’éloigner pour aller jouer avec ses petits camarades, elle place dans le voisinage quelque épouvantail pour faire peur à l’enfant, qui accourt aussitôt  se réfugier dans son sein. Ainsi, comme je désire t’avoir toujours à mon côté, je permets que tes amis te causent quelque peine. Ne trouvant alors de fidélité parfaite en aucune créature, tu recours à moi avec d’autant plus d’ardeur que tu trouve là une plus grande abondance de jouissances et une fidélité plus assurée. Une tendre mère cherche à adoucir par ses baisers les chagrins de son petit enfant, ainsi je veux par de douces paroles calmer toutes tes peines et tes contrariétés. » Et lui présentant son Cœur, Il lui dit : « Voici maintenant ma bien-aimée, tout ce qu’il y a de plus caché dans mon Cœur : considère diligemment avec quelle fidélité j’y ai déposé tout ce que tu as fait à mon intention, et comme je l’ai enrichi pour le plus utile et le plus salutaire profit de ton âme ; vois encore si tu peux te plaindre que j’aie, même d’un seul mot, manqué de fidélité. » (Liv. III, ch. LXIII.)

37.  Jésus, la force des martyrs

   Au milieu des combats qu’il eut à soutenir et des supplices à endurer, saint Procope, martyr, conjura le Seigneur de ne pas l’abandonner : « Ne craignez rien, lui dit Notre-Seigneur, je serai toujours avec vous. » (Les petits Bollandistes par Mgr Guérin, au 8 juillet.)

   Au milieu de ses supplices, saint Georges, martyr, fut consolé par une voix du ciel  qui disait : « Georges, ne crains rien, car je suis avec toi. » (Ibid., au 23 avril.)

   Pendant les cruelles tortures de son martyr, saint Victor de Marseille demanda à Dieu une pieuse résignation. Jésus lui apparut, tenant en main le glorieux étendard du combat, la croix. « La paix soit avec toi, généreux Victor, lui dit-Il, je suis Jésus ; c’est moi qui souffre dans mes saints les injures

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et les tourments.  Combats en soldat courageux, sois fort et constant ; je suis avec toi pour être ton ferme appui dans la lutte et ton fidèle rémunérateur après la victoire, au sein de mon royaume. » Lorsque Victor eut rendu le dernier soupir, on entendit une voix venant du ciel, qui disait : « Tu as vaincu, généreux Victor, tu as vaincu ! (Ibid., au 21 juillet.)

   Livré aux plus affreux supplices, Saint Pantaléon, médecin, eut recours au Seigneur, qui lui apparut sous la figure d’un vieillard et lui dit : « Je suis avec toi dans tout ces tourments que tu souffres pour mon amour avec  une si grande patience. » (Ibid., au 27 juillet.)

 

CHAPITRE  VII

Jésus Victime

1. Combien il est salutaire à l’âme

de penser à la passion

   Le Seigneur a assigné ses saintes plaies comme l’école où mon âme doit s’instruire, raconte sainte Véronique Juliani. Il me disait : « Tu ne dois jamais entreprendre aucune œuvre, sans entrer tout d’abord dans ces plaies amoureuses pour apprendre comment tu dois faire cette œuvre ; et tu dois faire ainsi toujours, aussi bien pour les choses extérieures que pour les choses intérieures. » (Diario, 22 marzo 1697)

   « Tu es mon épouse dit un autre jour le Sauveur à la même sainte. Quand tu te mets à faire oraison, tu dois de suite prendre place dans mes plaies, car elles sont les chambres de mes épouses, de toutes les âmes qui me sont chères.(Diario, 1 maggio 1697.)

   Mais tous ne profitent pas également de la pensée des souffrances de Jésus :  « Ma passion, a-t-il dit à Gertrude-Marie, reste et restera toujours un mystère, parce que jamais les hommes ne comprendront tout ce que j’ai souffert pour

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eux. Une âme ne comprendra mes souffrances que dans la mesure où elle y participera. » (1er octobre 1907.)

   « Ma fille, dit Jésus à Marguerite de Cortone, tant que tu es demeurée près de ma croix, je t’ai enrichie des dons de ma grâce, et je t’en eusse donné davantage si tu ne t’en étais pas éloignée. Retourne donc à cette croix selon ton habitude et reste à ses pieds depuis le milieu de la nuit jusqu’à None. Là tu recevra des dons spirituels et les vertus dont j’ai déjà ornée, c’est-à-dire la lumière de la vérité pour toi et pour les autres et la force invincible contre les tentations à venir. » (Vie intime, ch. v, § 12.)

   « Vois-tu, Bénigne dit Jésus à l’humble Visitandine, rien ne me plait davantage que .de voir dans les hommes le souvenir de mes travaux et de ce que j’ai enduré pour eux. Ceux qui s’éloignent de cette pensée me ravissent, autant qu’il est en leur pouvoir, la gloire que je me suis acquise par mes souffrances et qui m’a donné le nom de sauveur du monde. » (IIIe part. ch. vII.)

   Un jour du vendredi saint, Marie-Catherine Putigny, contemplant l’agonie de Jésus, entendit le divin Sauveur lui tenir ce langage : « Beaucoup de personnes se trompent en croyant qu’il suffit de regarder ma bonté et de verser quelques larmes sur les souffrances que j’ai endurées ; le vrai amour veux les partager avec moi ; il accepte toutes les peines, les humiliations, les ignominies, et les unissant à celles que j’ai éprouvées, il les offre à mon Père éternel. » (Vie, ch. XXII.)

2 . Les préférences de Jésus sont pour ceux

Qui méditent sa passion

   A sainte Angèle de Foligno fut dite cette parole : « Tous ceux qui aimeront et qui partageront ma pauvreté, mes douleurs, mon abaissement sont mes fils légitimes et ils seront les tiens, les autres ne le sont pas. Ceux qui auront l’esprit fixé sur ma passion et sur ma mort, en dehors desquelles il n’y a pas de vrais salut, ceux là sont mes enfants légitimes ; les autres ne le sont pas ». (Doncoeur, p. 241 ; Ferré p. 343.)

   Une autre fois Dieu lui dit : « A tes fils présents et absents

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Je donnerai le feu du Saint-Esprit, il les enflammera tous, et par l’amour il les transformera totalement en ma passion. Il y aura cependant entre eux de grandes différences : ceux qui se souviendront davantage de ma passion m’aimeront davantage ; ceux qui m’aimeront davantage me seront plus unis. » (Doncoeur, p. 223 ; Ferré, p. 231.)

   Et à sainte Mechtilde : « Autant de fois au souvenir de ma passion, l’homme gémit du fond de son cœur, autant de fois il semble appliquer une rose fraîche sur mes plaies, et il en part pour atteindre son âme un trait d’amour qui lui fait une blessure de salut. » (Ire part., ch. xvI.)

   A la vénérable Agnès de Langeac : « C’est moi qui suis l’amour même. Je l’ai montré dans l’excès de ma passion. Oh ! Bienheureux sont ceux qui s’y entretiennent, quoique le nombre en soit fort petit ! Ceux qui la méditent n’auront pas peur des dernières paroles que je dirai aux pécheurs lors du dernier jugement. » (Vie, par Lantage, t. II, IIIe part., ch. v, p.129.)

   Mechtilde ayant demandé au Seigneur ce qui lui plaisait le plus en l’homme, Il répondit : c’est qu’il médite avec un profond sentiment de reconnaissance et garde dans  une perpétuelle mémoire tous les actes de vertu que j’ai accomplis sur la terre, toutes les peines et les injures  que j’ai supportées pendant trente trois ans, en quelle misère j’ai vécu, quels affronts j’avais à supporter de mes créatures, et enfin que je suis mort en croix de la mort la plus amère, pour l’amour de l’âme de l’homme que j’ai acheté de mon sang précieux, afin d’en faire mon épouse. Que chacun ait pour tous ces bienfaits autant d’affection et de reconnaissance que si j’avais souffert pour son salut à lui seul. » (Ie part., ch. XVIII.)

   Notre-Seigneur fit connaître à Sœur Marie-Marthe Chambon 1 ses desseins sur elle en lui disant : « Je t’ai choisie pour réveiller la dévotion à ma sainte passion dans les temps malheureux où vous vivez… Je veux que, par cette dévotion, non seulement les âmes avec lesquelles tu vis se fassent saintes, mais beaucoup d’autres encore…

   1 Soeur Marie-Marthe Chambon(1841-1907) fut une humble sœur converse du couvent de la Visitation de Chambéry. Elle eut de fréquentes extases et le don de prophétie. Sa Vie est en vente au monastère de la Visitation de Chambery.

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Ma fille, chaque fois que vous offrez à mon père les mérites de mes divines Plaies, vous gagnez une fortune immense… Que celui qui est dans le besoin vienne avec foi et confiance, qu’il puise constamment dans le trésor de ma Passion. Voilà de quoi payer pour tous ceux qui ont des dettes. Il ne faut pas craindre de montrer mes Plaies aux âmes… Dans la contemplation de me Plaies on trouve tout pour soi et pour les autres. J’accorderai tout ce que l’on me demandera par la dévotion aux plaies. Ceux qui les honorent auront une vraie connaissance de Jésus-Christ. » (Vie, pp. 61 et 62.p)

3. Jésus invite l’âme fidèle à contempler

l’une après l’autre toutes ses souffrances

   Les premiers jours de Carême de l’an 1631, Jésus voulant unir à Lui la vénérable Anne-Marguerite Clément lui dit : Qu’Il allait à la montagne de la  myrrhe et qu’Il  voulait qu’elle y montât avec Lui pour y être instruite par la prière et la mortification à combattre ses ennemis. Il l’invita à l’accompagner au jardin des Oliviers pour réparer par l’assiduité de son amour la fuite honteuse de ses apôtres. L’ayant menée dans la maison du pontife, elle s’appliquait  à regarder les liens dont il était environné ; mais Jésus lui dit : Ce ne sont pas ces cordages qui me serrent, mais les liens de l’amour ; l’amour est fort comme la mort. Vois-tu jusqu’à quel point mon amour me captive, comprend par là combien ce même amour te doit  captiver. » L’appliquant ensuite aux indignités que les Juifs commirent contre  Jésus, Il lui montra que l’amour des créatures faisait la même chose dans son cœur. « Car, lui dit Il, ton âme étant mon image, n’est-ce pas la défigurer de souffrir que d’autres que moi y fassent impression. » Et Il lui fit alors comme une application de sa face divine sur son âme, pour y réimprimer de nouveau ses traits.

  Continuant sa marche sur les pas de son Epoux, elle entra avec lui au prétoire, où son cœur se trouva accablé de douleurs en voyant les douleurs de son Sauveur flagellé ; mais ne voulant pas qu’elle  s’y appliquât plus longtemps, Il lui dit :

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Egrediamur in agrum,surgamus advineam.(Cant., VII, 11, 12.).

Sortons dans les champs, allons à la ville. «Cette vigne, lui dit-Il est ton âme, où mon amour me presse tant d’arriver. Mon  travail et mes soins l’ont défrichée, ma passion et ma mort l’ont mise en état de produire son fruit. Mais je prétends que ta ferveur et ta fidélité soient les deux mains qui la cultivent pour m’en faire goûter les fruits. »

   Revenant au mystère de la flagellation, elle pressait son Epoux de lui dire pourquoi Il souffrait de si grands tourments pour des créatures ingrates : « Qui aime endure » lui dit le divin Sauveur. Puis la faisant mettre au pied de la colonne : « Je suis l’arbre de vie chargé de fruits chargé de fruits excellents, à l’ombre duquel je veux que tu

reposes. » Et  Il lui fit comprendre que les fruits dont Il parlait étaient les mérites de sa passion et de sa mort. Enfin Il lui montra ses plaies comme autant de portes ouvertes, où Il l’invitait d’entrer pour pénétrer jusqu’à son Cœur. Puis Il la pressa d’être à Lui sans partage, « car, lui dit-t-Il, quand tu te lies à une créature me fais souffrir la même violence que j’éprouve lorsqu’on m’arracha mes vêtements après ma flagellation ». Enfin, l’ayant conduite au Calvaire, Il prit la Croix et la planta dans son cœur, afin qu’étant toujours à l’ombre de cet arbre de vie, elle goutât toujours la douceur de ses fruits. (Vie, 1686 IIe part., ch. Vie, 1915, pp. 239 sq.)

4. Jésus fait à ses amis la confidence de ses douleurs

   Jésus se montre à Madeleine Vigneron tout déchiré, couvert de plaies et de sang depuis la tête jusqu’aux pieds et Il lui dit : « Vois ma fille et reconnais ton cher Epoux crucifié; voilà les blessures que mon peuple infidèle me fait quand il m’offense mortellement. Sache que tes larmes, qui viennent de l’amour que tu me portes, m’en adoucissent la douleur. » (Ire part., ch. v.)

Une autre fois Il lui dit : « Regarde, ma fille, comme on m’a traité. » Son visage paraissait pourtant extrêmement doux et l’on y remarquait une grande compassion pour les pécheurs. « Non, disait-Il, vous les tourments ne me sont rien,

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s’ils voulaient recevoir tous les bons mouvements que je leur inspire ; mais ce qui me perce le cœur, c’est qu’après leur avoir mérité tant de bonnes pensées et de pieux sentiments par cette grande abondance de sang que j’ai répandu, voulant maintenant en remplir leur cœur très libéralement, ils me le refusent. » Je le vis, ajoute la servante de Dieu, prendre un visage plein d’indignation, Il semblait prêt à tout foudroyer. Mais reprenant sa douceur Il me dit : « Ma fille, tu ne saurais rien faire qui me soit plus agréable que de t’employer pour ces pauvres misérables. »

   « Ma fille, lui dit encore ce bon Sauveur, il faut que de temps en temps je te vienne dire mes afflictions les plus secrètes comme à ma meilleure amie. C’est qu’on ne m’aime point. Pour toi, il y a quelque temps  que tu commence un peu ; ton âme est un arbre qui prend croissance, mais auparavant tantôt il croissait, tantôt il décroissait. » Et Il me la fit paraître comme un arbre qu’il cultivait avec beaucoup de soin.

   Il semble, dit toujours Madeleine Vigneron, qu’un des principaux tourments intérieurs de Notre-Seigneur sur la croix ait été l’affliction qu’Il concevait de la grande compassion dont seraient touchées les personnes qui l’aimeraient en considérant ses grandes souffrances. Car m’ayant trouvée comme le cœur percé de douleur dans la compassion de tant de souffrances qu’Il endurait : « Ma fille, m’a-t-il dit, j’ai tant de douleur de ta tristesse, que je veux bien pour ta consolation te témoigner que mes souffrances sont à toi et qu’elles t’appartiennent ; car je t’abandonne peines, souffrances, mérites. » ( IIe part., ch. IV.) On a donc une part d’autant plus grande aux fruits de la passion que l’on y pense davantage.

 

5. Jésus a souffert toute sa vie

   Notre-Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Tu dis, ma fille  que mon amour m’a contraint à souffrir et que le zèle de vos âmes m’a poussé à faire tout ce que j’ai fait. Sache donc alors que si je suis venu te chercher au prix des angoisses les plus terribles, toi aussi tu dois venir à moi par

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La voie des amertumes et des afflictions. Ne cesse pas de prêcher ma passion et dis à chacun que j’ai passé toute ma vie dans les travaux et les souffrances. » (Vie intime, ch. v, § 13.)

    Notre-Seigneur dit à Françoise de la Mère de Dieu : « Je n’étais pas comme les autres enfants ; étant dans le sein de ma Mère j’avais une claire connaissance de la captivité que je subissais et de tout ce que je souffrirais dans tout  le cours de ma vie des injures, des coups de fouet que je devais recevoir en ma passion. Je savais que je serais couvert de crachats, moqué, blasphémé et crucifié. Je connaissais l’ingratitude et les péchés de tous les hommes et dès lors je satisfaisais pour eux. » le Seigneur ajouta : « Les hommes étaient avant ma mort plus excusables qu’ils ne le sont à présent car ils n’avaient pas autant de connaissances de moi. Mais présentement qu’ils connaissent ce que  j’ai fait et souffert pour eux, leur ingratitude est grande. Je ne peux plus souffrir pour eux ; souffrez au lieu de moi et pour moi. Oh ! ma fille, si vous saviez combien le nombre est grand de ceux qui m’offensent et combien il y a peu d’âmes en qui je trouve lieu de faire tout ce que je veux. » (Vie,ch. XXVIII)

   Jésus dit à Jeanne-Bénigne : « Je voulais souffrir, et sans ménagements, jusqu’à la fin de ma course mortelle. Mes douleurs ne seront jamais bien comprises ; et leur vue fera une des plus grandes parties de votre béatitude durant l’éternité car vous connaîtrez alors l’amour que j’ai eu pour les hommes par ce que j’ai souffert pour leur salut. ( Vie, ch. XIII)

   Tu es bien fatiguée Marguerite, dit Jésus à la sainte pénitente, mais je me suis fatigué davantage en suivant le chemin de la croix, car mes peines ont été plus prolongées que ne l’indique la  sainte Ecriture. En effet, depuis la résurrection de Lazare, je lisais dans le cœur de mes ennemis toutes les tortures qu’ils me préparaient, et mon âme, unie à ma Divinité se représentait tantôt la trame de leurs trahisons, tantôt les menaces, les fouets, les cris de mes ennemis. Je voyais les clous et les épines. Je sentais l’amertume de fiel, le poids de la croix et le fer de la lance. La prescience de ces tourments sans nombre me causait une telle peine que mon corps lui-même en subissait le contre-coup, sans cependant

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que mes disciples s’en aperçussent. » (Vie intime, ch. v, § 24.)

   La Soeur Madeleine Orsini était depuis longtemps dans une grande tribulation. Jésus lui apparut attaché à la croix, l’exhortant par le souvenir de sa passion à souffrir avec patience ; la servante de Dieu lui dit : Mais Seigneur vous n’avez été que trois heures sur la croix, tandis que moi j’endure cette peine depuis plusieurs années ? » – Ah ! ignorante, que dis-tu, repris le Seigneur ? Depuis le premier moment que je fus dans le sein de ma Mère, je souffris dans mon cœur tout ce que j’endurai plus tard sur la croix.» (Parole citée par saint Alphonse dans L’amour des âmes, ch. III n° 5.) Même quand il dormait, dit saint Bellarmin, la croix ne cessait de tourmenter ce cœur aimant.

6. Avec quel amour Jésus a enduré sa passion

   Parole du Sauveur à sainte Brigitte : « Aime-moi de tout ton cœur, car je t’ai aimée. Je me suis librement donné à mes ennemis. Quand je voyais la lance, les clous, les fouets et autres instruments préparés pour ma passion, je m’en approchais néanmoins avec joie. Et quand sous ma couronne d’épines ma tête fut toute sanglante et  que mon sang ruisselait partout, j’eusse mieux aimé que mon Cœur fût déchiré en deux que de ne pas te posséder et ne pas t’aimer. Tu serais donc trop ingrate si tu ne m’aimais pas, moi qui t’ai témoigné tant d’amour. » (Liv. Ier, ch. XI.)

7. Les peines intérieures de Jésus

   La bienheureuse Camilla-Baptista Varani 1, Clarisse, avait travaillé plusieurs années à sa réforme spirituelle, lorsqu’elle fut admise à la communication des peines intérieures du Cœur

1 La bienheureuse Camilla-Baptista, Varani  (1458-1527) naquit et mourut à Camerino, dans l’Ombrie. (Le Opere spirituali della Beata Battista Varani, Camerino,1894, p. 108 et suiv.) J’ignore à qui fut empruntée la traduction ici insérée ; J’y ait fait quelques modifications pour rendre plus exactement l’original.

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affligé de l’Homme-Dieu. Jésus lui ayant appris que ses douleurs étaient aussi grandes que son amour pour son Père, elle lui demanda dans une oraison de lui faire connaître chacune des peines qui accablèrent son Cœur sacré. Jésus  lui répondit : « Sache, ma fille, que les peines que j’ai portées dans mon Cœur furent innombrables et infinies. Il te sera facile de le comprendre si tu fais attention que je suis le chef d’un corps dont tous les chrétiens sont les membres, membres qui sont innombrables, comme tu le vois, et dont la plupart me furent, me sont et me seront arrachés par le péché mortel. »

8. Membres arrachés dans retour

du corps mystique de Jésus

      « Cette peine fut pour mon Cœur une des plus cruelles. Figures-toi, en effet, quel est le supplice d’un criminel à qui l’on arrache les membres par violence, et tu sauras quel fut mon martyre à la pensée, profondément sentie, de tant d’âmes qui me sont arrachées pour toujours et de tant d’autres qui se séparent de moi pour un temps et me causent autant de déchirements qu’elles commettent de fautes mortelles. Or, il faut que tu saches que la douleur causée par l’abscission d’un membre spirituel l’emporte d’autant sur celle d’un membre corporel que l’âme est supérieure à la matière. Tu ne saurais comprendre, ni toi ni personne, l’atrocité et l’amertume de la peine dont je parle ; peine pourtant si souvent renouvelée que le nombre en est incalculable.

    « Pour ne parler ici que des damnés, autant d’âmes perdues, autant de membres arrachés à mon corps, avec les douleurs qu’il vous est facile d’imaginer. Je dois dire cependant que toutes ces séparations ne me furent pas également cruelles. Comme les péchés mortels ne sont pas tous égaux entre eux, comme il y a diverses manières de le commettre, les séparations qu’ils opèrent m’ont causé des déchirements plus ou moins douloureux. Et, pour le dire en passant, de là viennent les diversités que l’on remarque en enfer dans la qualité et la quantité des tourments qu’on y endure. Et parce que leur volonté demeurera éternellement perverse, leurs supplices

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aussi seront éternels.  Oh!combien cette triste pensée que ces membres innombrables ne me seraient jamais, jamais, jamais rendus m‘était insupportable ! Aussi ce fatal jamais est ce qui tourmente et tourmentera le plus éternellement ces âmes réprouvées, tous leurs autres maux ne sont rien en comparaison de cette pensée désespérante. »

9. Le fatal jamais des âmes tant aimées

   Dans l’accablement de douleur que me cause ce fatal jamais, j’aurais volontiers consenti à souffrir de nouveau toutes ces nouvelles séparations, avec leurs déchirements divers, non pas une seule fois, mais une infinité de fois, pour recouvrer une seule de ces âmes et la voir réunie à l’intégrité de mes membres vitaux, je veux dire mes élus, qui conserveront éternellement la vie qu’ils tiennent de moi. C’est moi, en effet, qui suis la vie vitale, c’est-à-dire la vie de tous les êtres qui jouissent  de ce grand bienfait. Tu peux juger par ce que je viens de dire : que pour une seule âme j’aurais voulu souffrir une infinité de fois toutes ces peines, combien les âmes humaines me sont chères. Il faut aussi que tu saches que ce douloureux « jamais » afflige tellement les âmes perdues par un effet de ma justice, qu’il n’en est pas une seule qui ne voulut souffrir milles enfers à la fois pour recouvrer l’espérance de m’être réunie dans un temps quelconque ; mais hélas ! leur triste séparation est sans retour ; et, je le répète, c’est là le plus affreux de leur supplice. Voilà ma fille, quelle fut la première peine intérieure, qui ne cessa, jusqu’à ma mort, de déchirer mon Cœur. »

10. En quel sens Jésus a souffert les peines

des damnés

La bienheureuse demanda à Notre-Seigneur s’il était vrai qu’il eut éprouvé les peines des damnés, et s’il avait éprouvé les sensations diverses qu’opèrent dans ces âmes le froid, le chaud, l’action du feu, des coups et violences des esprits infernaux.

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   Jésus répondit : « Je n’ai pas senti, ma fille, la diversité des supplices que souffrent les damnés de la manière que tu l’entends ; cela même ne pourrait pas être, puisqu’il s’agit de membres morts et séparés de moi, qui suis leur chef. Je t’expliquerai ma pensée par la comparaison suivante : Si un de tes membres était dévoré par quelque douleur atroce, tu la sentirais vivement jusqu’à ce que le chirurgien l’eût retranché de ton corps, mais ce retranchement, une fois fait, on pourrait le couper ou le déchirer, le soumettre à l’action du feu, le donner aux chiens et aux loups, sans que ton âme éprouvât le sentiment de ces tourments divers parce que l’union n’existerait plus entre ton corps et ce membre mort. Cependant tu serais très peinée de voir un membre qui fut le  tien ainsi jeté au feu, accablé de coups, dévoré par les chiens et les loups. Je sentis les mêmes peines à l’égard des réprouvés. Lorsque le péché mortel les arracha de mon Cœur, la douleur fut terrible, et parce qu’ils conservèrent, tant qu’ils vécurent, le pouvoir de se réunir à moi, je ressentais tous leurs mots, et partageais toutes leurs peines ; mais depuis que leur mort eu rendu cette réunion impossible, je fus délivrée de ce sentiment douloureux ; j’éprouvais cependant  une autre peine ineffable et incompréhensible en considérant qu’ils avaient été mes vrais et propres membres, et que cependant ils étaient tombés sous la puissance des esprits  infernaux et soumis à des peines innombrables et éternelles.

11. Membres séparés pour un temps

du corps mystique de Jésus

   Une autre douleur,  qui transperça mon Cœur, me fut causée par mes élus eux-mêmes ; car sache que tous ceux d’entre eux qui ont péché ou pécheront mortellement, m’ont fait le même mal, par leur séparation, que tous ceux qui sont tombés au fond des abîmes, puisque ce sont autant de membres que ce cruel péché arrachait de mon corps.. Plus était grand l’amour que je leur portais et qui devait s’étendre jusqu’aux siècles des siècles, ainsi que celui qui devait les unir éternellement à moi, plus j’étais affligé de les voir me

161. Jésus victime

quitter, eux, mes membres véritables. Aussi puis-je dire que la douleur que je ressentis dans tous ces membres me causa les plus cruels déchirements. Je souffrais, en effet, bien davantage en eux que dans les réprouvés, puisque ceux-ci, une fois morts, étaient séparés entièrement de moi ; mais pour les élus je sentis et je partageai tous les mots qu’ils devaient endurer et pendant leur vie et après leur mort ; je sentis donc tous les tourments des martyrs, toutes les mortifications des pénitents, toutes les tribulations de ceux qui étaient tentés, toutes les souffrances de ceux qui étaient malades. Je partageai tous les maux qu’ils devaient endurer et pendant leur vie et après leur mort ; je sentis donc tous les tourments des martyrs, toutes les mortifications des pénitents, toutes les tribulations de ceux qui étaient tentés, toutes les souffrances de ceux qui étaient malades. Je partageai leurs persécutions, leurs infamies, leurs travaux, leurs dangers, leurs fatigues ; en un mot, toutes les afflictions, petites et grandes, dont ils étaient accablés, comme, à tes mains tu sentirais les coups qui seraient donnés à tes yeux, à tes mains, à tes pieds ou à quelqu’autre de tes membres. Pour avoir une idée de ces peines, suppose ma fille, que tu eusses mille yeux, mille pieds, mille mains et ainsi de tes autres membres, et que tous fussent torturés à la fois par des moyens aussi atroces que variés, n’est ce pas que ce supplice te paraîtrait intolérable ? Eh bien ! ma fille, mes membres ne se comptent pas par milliers et par millions ; ils sont innombrables. Il est de même impossible de compter les peines des martyrs, des confesseurs, des vierges et de tous les autres élus : cela va presque à l’infini. Conclus donc que, de même que personne ne peut comprendre quelles sont dans le paradis les jouissances, les gloires, les récompenses accordées aux bienheureux, ainsi ne se peuvent savoir ni comprendre les peines intimes que j’endurai pour mes élus, lesquelles, par la divine justice, devaient être proportionnées à ces jouissances, à ces gloires et à ces récompenses célestes.

12. Jésus partageant toutes les douleurs de ses élus

   « Mais mon Cœur ne se borne pas à sentir toutes ces afflictions de leur vie, il sent également la diversité et la multiplicité des tourments qui leur restent à subir dans le purgatoire, selon la qualité et le nombre de leurs péchés ; car ces âmes ne sont pas des membres morts et séparés de leurs corps,

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comme celles des damnés, ce sont des membres vivants, spirituellement unis à moi, et dont j’endure, par conséquent, toutes les souffrances. Voilà, ma fille ma réponse à ta question. Tu m’as demandé quel sentiment j’avais de toutes ces peines ; Je t’ai répondu que je ne sentais pas les souffrances des réprouvés, mais celles que mes élus devaient endurer dans le purgatoire, je les partageai. Du reste, il n’y a aucune différence entre les peines de l’enfer et celles du purgatoire, si ce n’est que les premières dureront toujours, tandis que les dernières ne dureront qu’un temps, et que les habitants de l’enfer sont réduits au désespoir, pendant que les âmes du purgatoire demeurent résignées et contentes, souffrent en paix et rendent grâce à la justice de Dieu.  Mais c’en est assez sur cette peine. »

13. Pensées des douleurs causées à Marie, sa Mère

   « Ecoute, écoute ma fille, il me reste à te raconter d’autres peines qui me furent aussi bien amères. Quel glaive aigu transperça mon Cœur, toutes les fois que je vis la douleur que mes souffrances et ma mort devaient causer à ma pure et innocente Mère ! Car personne ne compatit aussi douloureusement qu’elle au supplice de son Fils. Aussi dans le ciel, nous l’avons couronnée de gloire, élevée au-dessus de tous les anges et de tous les hommes; c’était justice  et ainsi faisons-nous toujours 1 ; plus une créature est affligée, humiliée en ce monde pour l’amour de moi, plus elle est exaltée et béatifiée au royaume éternel : or, comme personne ici-bas n’a souffert pour moi autant que ma très douce Mère, personne aussi ne l’égale dans la gloire.

   «Sur la terre elle fut comme un autre moi-même en partageant mes opprobres et mes douleurs ; maintenant elle est encore un autre moi, par la gloire et la puissance. Mais souviens-toi ma fille, qu’elle ne participe point 2 à la Divinité dont aucune créature ne saurait être participante. La Divinité

   1 Cf. La bienheureuse Varani, par la comtesse de Rambuteau, p. 116, Paris, Lecoffre, 1906. Nous avons     emprunté à cet auteur la traduction de plusieurs passages.

   2 Par nature

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n’appartient qu’à nous : Père, Fils et Saint-Esprit. Sache que toutes les peines et douleurs que j’ai ressenties dans mon humanité, ma Mère bien-aimée les sentait et les partageait, mais je souffrais, dans une mesure plus parfaite et plus élevée qu’elle parce que j’étais Dieu et homme tout ensemble tandis qu’elle était une simple créature. Ses peines m’affligeaient à tel point que si c’eût été la volonté de mon Père éternel, c’eût été pour moi une consolation de les prendre toutes sur moi et de l’en décharger ! C’eût été le plus grand adoucissement à mes maux ; mais je ne pouvais trouver aucun soulagement dans mon cruel martyre. »

   « La douleur de ma Mère, a dit le Sauveur à sainte Brigitte, a plus ému mon Cœur que la mienne propre, mais j’ai tout souffert par amour. » (Liv. V, ch. VIII.)

14. Participation aux souffrances de Marie-Madeleine

   « Qui dira aussi ce que j’ai souffert en voyant l’affliction de ma fille chérie, Marie-Madeleine ? C’est un autre mystère douloureux, car la perfection de mes sentiments, à moi qui suis l’amour-maître, et sa douce affection, à elle, ne peuvent être connues et comprises que de moi seul. Notre mutuelle amitié a servi de principe et de fondement à toutes les amitiés spirituelles des bienheureux. Ils peuvent s’en faire une idée, ceux qui ont l’expérience du saint et spirituel amour ; mais atteindre à la hauteur des sentiments de Madeleine, nul ne le pourra jamais… Jamais il ne se rencontra un tel maître, ni une telle disciple ; jamais il n’y eut et il n’y aura sur terre une autre Marie-Madeleine.

   « Sa compassion pour moi ne fut dépassée que par celle de ma Mère ; aussi ma Mère et Madeleine furent-elles les premières à qui j’apparus après ma résurrection. »

15. Les douleurs  de ses apôtres

 « Une autre douleur, qui déchirait mon âme, était la pensée fixe et continue de mes apôtres. Je les voyais ébranlés, je les voyais tomber, eux qui étaient les colonnes du ciel et les fondements de mon Eglise militante. Je les voyais dispersés,

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Comme des brebis sans pasteurs ; je pensais à tout ce qu’ils auraient à souffrir par amour pour moi ; je contemplais d’avance leurs tourments et leurs martyres. Or il faut que tu saches, ma fille que jamais père n’a eu pour ses enfants, ni frère pour ses frères, ni maître pour ses disciples, un amour aussi tendre et aussi cordial que celui que je portais à ces disciples, à ces frères, à ces fils bien aimés.

   Tous les hommes, mes créatures, je les aime d’un amour infini ; néanmoins j’ai voué un sentiment spécial à ceux qui ont partagé ma vie mortelle. Aussi je pensais bien plus à mes apôtres qu’à moi-même, lorsque je m’écriai au Jardin des Oliviers : « Mon âme est triste jusqu’à la mort. »

   Je les voyais sans moi, c’est-à-dire sans chef, sans maître et sans père et ce délaissement m’était si pénible, qu’il me semblait une mort anticipée. Quiconque voudra lire le dernier discours que je leur adressai après la Cène, ne pourra, quelque dur qu’il soit, retenir ses larmes, parce que toutes les paroles qui composent ce discours respirent la compassion ; elles sortaient du fond de mon Cœur, qui me semblait se fendre d’amour pour ses chers amis

   « Ce n’était pas d’une vue confuse que j’apercevais de loin leurs cruels martyres. Je voyais crucifier Pierre, décapiter Paul, écorcher Barthélemy, je voyais enfin par quel genre de mort chacun devait finir sa vie. Juge de la peine que j’éprouvais dans mon âme par cette supposition. Si tu étais unie à quelque par les liens d’un saint amour et que tu la visses injuriée, torturée, suppliciée à cause de toi et pour ton amour, combien tu serais désolée d’être l’occasion de ses souffrances ! Et ta désolation serait d’autant plus amère que tu voudrais, au contraire, pouvoir lui procurer paix et consolations. Or, c’était moi, ma fille qui devait être la cause des infortunes de mes apôtres ; aussi de la douleur que je ressentis pour eux, il m’est impossible de te donner aucune comparaison.

16. La trahison de Judas

   « Il y eut une autre peine, grande, effroyable, qui ne me quittait pas, semblable à un glaive aigu et empoisonné, que

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l’on eu enfoncé et retourné continuellement dans mon Cœur ; ce fut l’impiété et l’ingratitude de mon disciple si aimé, de Judas, l’inique, le scélérat, le traître ; puis l’endurcissement, la méchanceté, l’ingratitude de mon peuple choisi, le peuple juif ; enfin l’aveuglement, la malice l’ingratitude de toutes les créatures. Combien fut grande l’ingratitude de Judas ? Après lui avoir pardonné tous ses péchés, je l’avais choisi pour un de mes apôtres. Je lui avais donné le pouvoir des miracles, et j’avais fait de lui le dispensateur de tout ce qui m’était offert. Lorsque je  vis le dessein de me trahir se former dans son cœur, je redoublai les preuves de ma tendresse pour le détourner de cette pensée criminelle, rien ne put toucher son mauvais cœur. Au contraire, plus je lui témoignais d’attachement et plus il s’affermissait dans sa résolution perfide. Enfin vint la Cène, ou je fis cet acte humiliant et si touchant de lui laver les pieds. Je m’humiliai devant lui comme je l’avais fait devant les autres, mais mon Cœur n’y tint plus, je pleurai amèrement. Ce qui me faisait pleurer, c’est que je disais intérieurement : O Judas ! Que t’ai-je donc fait pour que tu me trahisses si cruellement ? O infortuné disciple ! Voilà donc la dernière  preuve que je te donnerai de mon amour ! O fils de perdition ! Pourquoi donc veux-tu abandonner ton Père et ton Maître? O Judas ! Si tu désires trente deniers, qui ne vas-tu pas les demander à ma Mère, qui est aussi la tienne ? Elle se vendra plutôt elle-même pour t’épargner un crime et me sauver la vie ; Ah ! Judas, disciple ingrat et insensible, je te lave aujourd’hui les pieds et les baise avec tant d’amour, et tu vas me baiser dans quelques heures pour me livrer à mes ennemis ! O mon cher et bien-aimé fils, quel retour pour un père qui pleure ta perte avec plus de douleur que sa passion et sa mort, parce que c’est pour sauver qu’il est venu en ce monde !

17. Larmes et baisers de Jésus sur les pieds de Judas

   « Pendant que mon Cœur parlait ainsi, mes larmes arrosaient ses pieds, mais il n’y prenait pas garde, parce que mes longs cheveux retombant sur mon visage l’empêchaient de

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s’apercevoir que j’étais tout éploré. Mais Jean, mon disciple bien-aimé, à qui j’avais confié tous les mystères de ma passion, pendant cette douloureuse Cène, observait ma douleur, voyait couler mes larmes sur les pieds du traître, et comprenait très bien qu’elles provenaient de mon tendre amour pour ce malheureux. Lorsqu’un père, en effet, voyant que son fils se meurt, s’empresse à le servir, c’est avec une effusion d’amour extraordinaire, et il ne peut s’empêcher de dire dans son cœur : Adieu, mon fils, voici le dernier service qu’il me sera donné de te rendre. C’est ainsi que j’en agissais avec cet infortuné ; je caressais en quelque sorte ses pieds et les baisais avec une tendre compassion. Or Jean, qui épiait, avec son regard d’aigle, toutes mes actions et tous mes gestes, était plus mort que vif. Lorsque j’approchai de lui le dernier, car son humilité lui avait fait prendre la dernière place, voyant que je m’inclinais pour laver ses pieds, il me prit entre ses bras, où il me tint assez longtemps enlacé, pleurant, sanglotant et me disant dans son cœur, sans proférer aucune parole extérieure : O mon Père ! O mon cher Maître ! O mon Frère bien-aimé ! O mon Seigneur et mon Dieu ! Comment avez-vous eu le courage de laver et de baiser de votre bouche sacrée les pieds maudits de ce traître infâme ? O mon cher Maître, mon cœur va se fendre si je vous vois laver mes pieds infects et appliquer votre bouche  sacrée sur ces objets si méprisables. O mon Dieu ! Chaque nouvelle preuve de votre amour ne sert qu’à augmenter mon inconsolable douleur ! Après ces paroles Jean se déchaussa cependant par obéissance et me présenta en rougissant ses pieds à laver.

   Je t’ai dit tout cela, ma fille, pour que tu sache combien mon Cœur eut à souffrir dans cette circonstance, de la part d’un disciple qui semblait prendre à tâche de me montrer d’autant plus de haine que je lui témoigne plus d’amour.

18. La haine obstinée du peuple juif

   « La haine obstinée du peuple juif fut aussi pour mon Cœur un supplice intolérable, et tu comprendras facilement, si tu prends garde à l’ingratitude qu’elle supposait. J’avais fait

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des Juifs un peuple saint, un peuple sacerdotal. Je l’avais choisi parmi tous les peuples de l’univers, pour la portion de mon héritage. Je le tirai de la servitude et des mains puissantes du Pharaon. Avec quelle tendresse je veillai sur lui dans le désert, le nourrissant d’un pain miraculeux, éclairant sa marche aux heures de la nuit et le protégeant, le jour, contre les ardeurs du soleil ! De ma propre bouche je lui donnai ma loi sur le mont Sinaï.

   « Je voulus naître de sa race. Enfin, durant les trois dernières années de ma vie je lui prodiguai les guérisons et les miracles. J’ai rendu la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la parole aux muets, la santé aux malades, la vie aux morts. Et, en retourde tant de bienfaits, j’entends les Juifs crier comme dans une tempête de fureur : Donnez-nous Barabas.- Et Jésus ? – Crucifiez-le ! Crucifiez-le ! Il me parut alors que mon Cœur se brisait.

   « Personne ne sais, sinon par une dure expérience, combien il est cruel de recevoir tous les maux de ceux-là mêmes qu’on a comblé de tous les biens ; pour exprimer cette douleur il n’est point de terme ici-bas. »

19. Combien Jésus à souffert de l’obstination des pécheurs

   Faisant oraison la nuit, raconte sainte Véronique Juliani, j’eus une vision intellectuelle par laquelle je vis Notre-Seigneur couvert d’une sueur de sang, tel qu’il était dans le jardin de Gethsémani. Le Seigneur me fit comprendre quelle grande douleur ce fut pour son Cœur de voir la perfide obstination de tant de pécheurs endurcis et combien il serait fait peu de cas de son sang très précieux. Et Il me dit : « Quiconque s’unira à ces peines intimes que j’endurerai, quelque grâce qu’il désire, je la lui accorderai. » Il me dit encore : « Ma bien-aimée, je souffris beaucoup en portant ma croix sur le chemin du Calvaire, et je souffris beaucoup plus encore dans l’intime de mon Cœur quand je rencontrai ma très sainte Mère. Et cependant le plus grand était le tourment que me causait la vue continuelle d’un si grand nombre de mes enfants, qui devaient ne pas vouloir profiter de douleurs aussi atroces. » (Diario,9 aprile, jour du vendredi saint 1694.)

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20. Gethsémani

   Dans son oraison sur Jésus agonisant au Jardin des Oliviers, Marguerite-Marie entendit ces paroles : « J’ai plus souffert intérieurement ici qu’en tout le reste de ma passion, me voyant dans un délaissement général du ciel et de la terre, chargé des péchés de tous les hommes. J’ai paru devant la sainteté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, m’a froissé dans sa fureur, me faisant boire le calice, qui contenait le fiel et l’amertume de sa  juste indignation, comme s’il eût oublié le nom de Père pour me sacrifier à sa juste colère. Il n’y a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que je souffris  alors ; et c’est cette même douleur que l’âme criminelle ressent quand elle est devant le tribunal de la sainteté divine, qui s’appesantit sur elle, la froisse, l’opprime et l’abîme en sa juste fureur. » (Ed. Gauthey, II, p. 162.)

   « Même si l’on écrivait un nouvel évangile, disait Jésus a Marguerite de Cortone, jamais les hommes ne sauraient combien fut déchirante ma douleur au Jardin des Olives. » (Vie intime, ch. v, § 42.)

   Un jour après la communion, Notre-Seigneur fit voir à Françoise de la Mère de Dieu le grand poids qu’Il a porté de la justice de Dieu, son Père, et Il lui dit : « d’autant plus que mon Père est juste et équitable, d’autant plus lourd était le poids que je portais de la rigueur de sa justice contre le péché ; et plus je suis juste et innocent,  plus j’avais d’opposition au péché » (Vie, ch. xv.)

 

 

21. Et beaucoup plus encore !

   Un jour que saint Vincent Ferrier priait dans l’église du couvent, devant un Crucifix, et qu’il méditait sur les douleurs du Sauveur, attendri jusqu’aux larmes, il s’écria : Seigneur, est-il possible que vous ayez tant souffert ? Le crucifix, tournant la tête du côté où était le saint, lui répondit :  Oui, Vincent, et beaucoup plus encore ! » (Vie, par le P. Pages, Ière part., ch. VIII.)

 

  Jésus victime ; P. 169

22. Couronnement d’épines, Crachats

Flagellation. Crucifiement

   Sainte Véronique Juliani raconte comment Notre-Seigneur la fit participer à son couronnement d’épines : Le Seigneur, dit-elle, a retiré de sa tête la couronne qu’Il portait et Il m’a fait signe qu’Il voulait me la donner ; puis s’approchant de moi, Il me la mise sur la tête. Je ressentis alors une vive douleur, non seulement autour de la tête, mais partout. Je sentais au milieu du cerveau comme un gros clou qui me faisait presque perdre connaissance. Et le Seigneur me disait : « Cependant ce n’est rien auprès de ce que j’ai éprouvé au couronnement d’épines ; ce que tu ressens n’est qu’un faible rayon de mes douleurs ; et il faut que tu les éprouves toutes pour te transformer toute en moi. » (Diario, 3 aprile 1697)

   Le Seigneur, dit la même sainte, m’a dit qu’il souffrit beaucoup quand les soldats Lui remplirent la bouche de leurs crachats, de poussière et d’immondices. « Je te le fais savoir afin que tu te prépares plus encore à souffrir, et je  te dis que celui qui fera quelque chose en souvenir de mes souffrances non connues, je lui accorderai ce qu’il me demandera. (Ibid.)

   L’amour, dit Bénigne Gojoz, m’a appris que ce prodigieux nombre de coups de fouets fut un soulagement pour Jésus et que, par l’effusion de tant de sang, son Cœur fut soulagé dans son ardeur de souffrir pour la gloire de son Père et  le salut des hommes. (Vie, IIe part., ch. XIII.)

   De grâce, Sauveur adorable, disait à Jésus Elisabeth Mora, dites-moi ce que je dois faire pour compenser les injures que vous  avez reçues de moi et de tant de pécheurs, mes frères.- « Pas autre choses, ma fille, répondit Jésus, que d’offrir mes mérites à mon Père éternel. »

 (Biografia, ch. XII, p. 107.)

   Jésus raconta à sainte Brigitte comment on l’avait crucifié : « Etant monté sur la croix, j’étendis mes bras, non par contrainte, mais de moi-même, et ayant ouvert ma main droite, je la posai sur la croix ; aussitôt, les bourreaux plein de cruauté la crucifièrent ; la perçant avec un gros clou à la partie où les os étaient plus solides ; puis ils tirèrent et étendirent la main gauche

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pour la crucifier aussi. Après, ayant tiré le corps outre mesure et ayant joint les pieds, ils les crucifièrent et ils étendirent avec tant de violence le corps et les membres que les nerfs, les muscles et les veines en furent presque rompus. Alors ils remirent sur ma tête ma couronne d’épines qu’ils m’avaient ôtée pour me crucifier; les épines percèrent si bas que mes yeux furent soudain remplis de sang, ainsi que mon visage, mes oreilles et ma barbe. » (Liv. VII, ch., XV.)

   Mechtilde dit au Seigneur : Dites moi, je vous prie, de toutes les souffrances qu’endura le Christ pour nous, laquelle lui fut la plus douloureuse ? L’Amour répondit : « Ce fut d’être étendu en croix, au point que tous les membres étaient sortis de leurs jointures. Lui rendre grâces pour cette souffrance sera pour lui un service aussi agréable que d’appliquer sur toutes ses plaies l’onguent le plus calmant. Lui rendre grâce aussi pour la soif, qu’il éprouva sur la croix pour le salut de l’homme, sera pour lui comme le rafraîchissement le plus agréable. Lui rendre grâces ppour avoir été attaché avec des clous à la croix, sera pour lui comme si on le délivrait de la croix et de toutes ses peines. » (IIe part., ch. XVII.)

P.171      Jésus victime

24. De chacun de ses tourments

Jésus a fait un principe de grâces

   Ecoutons ce touchant colloque de Jésus et de Mechtilde : « Je te le dis en vérité : j’accepterai les larmes répandues pieusement pour ma passion comme si on l’avait soufferte pour moi-même.- Comment ferai-je, mon Seigneur, pour obtenir ces larmes ?- Je vais te l’apprendre. Pense d’abord avec quelle amitié et quelle affection je suis allé à la rencontre de mes ennemis, qui me cherchaient avec des épées et des bâtons pour me faire mourir

 

 

 

23. Pourquoi Jésus n’est pas descendu de la croix

   Sainte Brigitte entendit le Sauveur expliquer ainsi pourquoi il était resté sur la croix : « Si je fusse descendu de la croix, comment se serait manifestée ma patience invincible ? Et tous se seraient-ils convertis ?  N’auraient-ils pas dit que j’aurais fait cela à l’aide  de la magie ? Car s’ils s’indignaient de ce que je ressuscitais les morts, guérissais les malades, ils en auraient bien dit d’autres si je fusse descendu de la croix. J’ai voulu être pris afin que le captif fût affranchi ; j’ai voulu être attaché afin que le pécheur fût délié ; par ma constance à demeurer en la croix j’ai rendu constantes toutes les inconstances et j’ai rendu ferme la faiblesse. » (Liv. v, ch. v.)

24. De chacun de ses tourments

Jésus a fait un principe de grâces

   Ecoutons ce touchant colloque de Jésus et de Mechtilde : « Je te le dis en vérité : j’accepterai les larmes répandues pieusement pour ma passion comme si on l’avait soufferte pour moi-même. – Comment ferai-je, mon Seigneur, pour obtenir ces larmes ? – Je vais te l’apprendre. Pense d’abord avec quelle amitié  et quelle affection je suis allé à la rencontre de mes ennemis, qui me cherchaient avec des épées et des bâtons pour me faire mourir, comme si j’avais été un brigand et un malfaiteur ; cependant je suis allé au devant d’eux avec l’empressement d’une mère qui va au devant de son fils pour l’arracher à la gueule des loups. Secondement lorsqu’ils me frappaient sans pitié de leurs soufflets, autant de soufflets qu’ils me donnaient, autant de baisers affectueux j’ai donnés aux âmes de tous ceux qui, jusqu’au dernier jour, doivent être sauvés par les mérites de ma passion. Troisièmement, pendant qu’ils me flagellaient avec tant de férocité, j’ai fait pour eux une prière si efficace à mon Père céleste, que beaucoup d’entre eux en furent convertis. Quatrièmement, lorsqu’ils m’enfonçaient la couronne d’épines sur la tête, autant de pointes d’épines pénétrèrent dans mes chairs, autant de pierres précieuses je plaçai dans leur couronne. Cinquièmement, quand ils me clouèrent à la croix et m’étendirent les membres au point que l’on pu compter mes os et mes entrailles, j’attirai à moi, par ma divine vertu les âmes de tous ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle, ainsi que je l’avais dit auparavant : Lorsque je serai élevé, j’attirerai à moi par ma divine vertu les âmes de tout ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle, ainsi que je l’avais dit auparavant : Lorsque je serai élevé, j’attirerai tout à moi. (Jean, XII, 21.) Sixièmement, lorsque la lance m’ouvrit le côté, j’ai présenté dans mon Cœur à boire la vie à tous ceux qui en Adam avaient bu la mort, afin que tous devinssent des fils de vie éternelle. » (Ire part., ch. XVIII.)

25 ; Comment Jésus a voulu être lié

Pour être tout au pouvoir de l’homme

   Jésus dit à sainte Mechtilde : « Quand j’entrai dans le monde au moment de ma naissance, je fut lié de bandelettes

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dans des langes, tellement que je ne pouvais me mouvoir, en signe que je me livrais, moi tout entier avec les biens que j’apportait du ciel, en la puissance et au service des hommes. Car celui qui est lié n’a plus de puissance ; il ne saurait se défendre et on peut lui enlever tout ce qu’il possède. Semblablement quand je sortis du monde, j’ai été attaché à la croix, sans pouvoir également me mouvoir, en signe que je laissais à l’homme tous les biens que j’avais acquis durant ma vie mortelle. Ainsi toutes mes œuvres, tous les biens que je possédais comme Dieu et comme homme, toute ma passion, tout a été abandonné à l’homme qui peut dès lors me ravir en toute confiance ce qui est à moi, et tout mon désir est qu’il jouisse de tous mes biens.» (Ire part., ch. v.)

26. Jésus pensait à tous dans sa passion

Ses souffrances ont rendu les nôtres méritoires

   « Pendant que j’allais à la mort, a dit Jésus à Véronique Juliani, je m’offrais et j’offrais toutes mes souffrances à mon Père éternel ; dans ce moment je vous avais tous présents devant moi, et j’offrais mes souffrances pour tous et pour chacun. Toi aussi tu étais présente à mon esprit et je te faisais participante de tous les mérites de ma passion. Ce fut là le principe de ta sanctification et ce qui rendit méritoires toutes les peines que tu devais avoir. Toutes tes souffrances étaient alors devant mes yeux, aussi bien celles que tu as déjà endurées que celles qui te restent à subir ; et moi; avec le prix infini de mon sang, je te méritais des mérites sans nombre, mérites (que tu dois gagner) par le moyen des souffrances qui te restent à endurer. Vois donc un peu si la souffrance n’est pas une bonne chose, elle qui a été rachetée avec toi par le sang que j’ai répandu. » (Diario, 14 luglio 1697.)

27. L’espoir du pécheur

Le Seigneur dit à Gertrude : « Si tu crois que j’ai été offert en croix à Dieu le Père parce que j’ai voulu être offert de

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la sorte, crois aussi que je veux encore m’offrir à Dieu le Père chaque jour pour tout pécheur, avec autant d’amour que je me suis offert en croix pour le salut de tout le monde. Ainsi tout pécheur, quelque énorme poids de péchés qui l’accable, peut respirer dans l’espoir du  pardon, en offrant à Dieu le Père ma très innocente passion et ma mort et qu’il croie bien que par là il obtiendra une abondante rémission de ses fautes, car il n’y a pas sur terre un  remède plus efficace contre le péché que le dévot souvenir de ma passion, uni à une vraie pénitence et a une foi droite. » ((Liv. IV, ch. XXV ; ed. lat., p 377.)

CHAPITRE VIII

Les victimes de Jésus

1. – Jésus veut et se choisit des Victimes

1. Il y aura toujours des victimes de Jésus

« Ma fille, a dit Jésus à Gemma Galgani, j’ai besoin de victimes et de victimes fortes. Pour calmer le juste courroux de mon divin Père, il me faut des âmes qui, par leurs souffrances, leurs tribulations et leurs privations, réparent ce que font les pécheurs et les ingrats. Oh ! puissé-je faire comprendre à tous combien mon Père céleste est irrité contre le monde impie. Plus rien ne retiens sa colère et un terrible châtiment se prépare pour tout l’univers. » (Biografia, ch. XXI)

   Le Seigneur a dit à Marie Brotel : « J’ai toujours répandu sur mon Eglise des grâces abondantes de sainteté pour former des âmes intérieures qui puissent désarmer ma justice. Il y a eu, à toutes les époques, des victimes cachées, qui ont coopéré à l’œuvre du salut des âmes. Cependant j’ai rarement accordé autant de grâces semblables qu’à l’époque actuelle ; mais elles sont imparfaitement reçues par la suite de l’attache aux

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biens crées et de la crainte de la souffrance. Et cependant si je ne suis pas désarmé par les âmes intérieures, il faut que ma justice frappe de grands coups. » (Vie, ch. v et appendice I, n° 20.) Un jour voyant Notre Seigneur triste et accablé à la vue du malheur des hommes, elle Lui dit : combien cela durera – t-il. – « Pour moi, répondit Jésus, je souffrirai dans les membres de mon Eglise jusqu’à la fin du monde ; pour toi celà finira et sera remplacé par la gloire. » (Ibid., ch.XI.)

   Notre-Seigneur montra un jour à Françoise de la Mère de Dieu une grande multitude et lui fit entendre que c’étaient les hérétiques d’Angleterre. Il lui dit : « Voyez tout ce peuple ; je suis mort pour eux tous, et il n’y en a pas un qui m’aime. Je veux que vous m’aimiez pour eux et que vous fassiez tous les jours quelque pénitence pour leur conversion. » Une autre fois, au moment où elle se rendait à la récréation, Notre-Seigneur se présenta à elle et lui dit : « Adorez-moi au lieu de ceux qui m’offensent ; on me foule aux pieds, on m’injurie, on blasphème contre moi. » On sut depuis qu’en ce moment même des soldats hérétiques commettaient  de grandes irrévérences contre le Saint Sacrement. Un autre jour Jésus se montra avec un visage irrité : « Je suis courroucé contre mon peuple ; on foule mes mérites aux pieds ; on profane les sacrements. J’ai dessein de châtier le monde par la famine ; c’est pourquoi je n’ai pas envoyé de pluie. Si je ne châtie pas les pécheurs, ce n’est pas que je ne le puisse faire,, mais je patiente et les attends à pénitence ; et puisqu’ils ne se convertissent point, je veux faire paraître que je suis Dieu et les châtier. » Et dans une autre circonstance Il dit : « Ce n’est plus moi qui suis fâché, c’est mon Père ; car comme j’ai eu soin de sa gloire et suis mort pour réparer le déshonneur qui Lui avait été fait par le péché, Il prend maintenant soin de mon honneur et Il veut me venger des pécheurs qui méprisent mes mérites. » Ces paroles excitaient le zèle de Françoise, qui redoublait ses prières et sacrifices pour les pécheurs. Jésus lui dit encore que bien que toutes les personnes religieuses s’emploient à Le prier, Il en choisit en chaque communauté quelques-unes pour avoir soin de ses affaires, prendre le parti de ses intérêts et aspirer continuellement à sa gloire, comme faisaient les âmes qu’elle  voyait près

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de Lui, et qui avaient par leurs prières apaisé le courroux de son Père, lequel consentait à attendre encore le monde à pénitence et à différer son châtiment, car il y a longtemps qu’il serait dans les abîmes sans les prières de ses amis. Il lui explique aussi que s’il y a dans chaque couvent quelque âme qui Lui adhère plus particulièrement (qui Lui est plus étroitement unie), il s’en trouve quelques unes qui, par leurs négligences et leur peu d’attention à Lui correspondre, Lui donne occasion de les laisser et de se retirer d’elles. (Vie, ch. VI.)

   Dans ce cas Jésus va ailleurs chercher des âmes plus fidèles : « Je t’offre ce calice, a dit Jésus à Gertrude-Marie, parce que je t’aime d’un amour spécial ; si tu le refuses, je l’offrirai à une âme moins aimée que toi et qui l’acceptera. »(6 octobre 1907).

   Un jour que je souffrais beaucoup, raconte encore Gertrude-Marie, Notre-Seigneur a daigné me faire connaître ses amis de la terre : « J’ai mes amis sur la terre comme je les ai dans le ciel, m’a-t-Il dit, et ceux là sont mes véritables amis qui souffrent beaucoup pour mon amour. De la souffrance découle un suc mystérieux, qui nourrit l’âme, qui la vivifie, qui la transforme pour ainsi dire. » (15 septembre 1907) « J’ai été bien des fois sur le point de châtier mon peuple ; mais quand je regarde mes saints, je ne peux plus punir. » (1er octobre 1907.) Plus la persécution se déchaînera, plus je m’approcherai de mes fidèles amis, de mes enfants bien aimés, plus je leur demanderai de souffrir avec moi et pour moi. » (17 octobre 1907.)

   Le divin Maître a dit à Benigna : « La faim très ardente que j’ai de sauver le plus d’âmes que je peux me pousse à chercher des âmes que je puisse associer à mon œuvre d’amour. » (Notice, p. 84.)

2. Souffrir avec Jésus

   La vie de la vénérable Agathe de la Croix, vierge de l’ordre de saint Dominique (+ 1621,)  fut remplie de douleurs intérieures et extérieures impossible à décrire. Un jour Jésus-Christ se présenta à elle tel qu’il était au jardin des Olives et lui découvrit son Cœur en disant : « Regardez, ma fille,

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ces flots abondants d’amertume qui m’ont envahi de toutes parts. Je veux qu’ils environnent aussi votre cœur. » Depuis cette vision, elle  fut torturée cruellement dans les profondeurs de son âme.

   Souvent écrit la Mère Marie du  Divin Cœur, Notre-Seigneur m’exprime son désir de prendre sa demeure dans mon cœur pour s’y réfugier quand le monde l’oublie, et pour y trouver son plaisir en conversant avec moi comme un époux avec son épouse. Vous savez déjà, mon Père, de qu’elle manière je sens souvent sa présence, et que par cela je goûte un bonheur inexplicable. L’autre jour Il m’a dit qu’Il ne voulait pas que je meure parce qu’Il voulait encore continuer ces relations. Comme Il ne voulait pas que des églises ou sanctuaires où Il habite soient détruits, ainsi Il ne voulait pas non plus que ma maladie me conduise encore à la mort, parce qu’Il voulait encore conserver cet endroit de son habitation. Il me dit aussi qu’en trouvant ainsi sa demeure en moi, il ne se trouverait plus seul et isolé dans le monde. (Vie, ch. VIII, 19 novembre 1896.)

Mais par là même qu’Il la choisissait pour être consolatrice, Jésus l’appelait à être victime avec Lui. Notre-Seigneur me fit comprendre que lorsque le corps mystique de la sainte Eglise exigeait des secours pour quelques besoins en général ou en particulier, Il envoyait souvent des souffrances corporelles, maladies etc., à quelques unes de ses épouses, afin d’obtenir par là des grâces nécessaires. » (21 novembre 1896.)

   Le vendredi dans l’octave du Saint Sacrement, 1896, Marie du Divin Cœur demandait au Seigneur pourquoi cette prolongation de la maladie et des souffrances ? Jésus répondit : « J’ai racheté le genre humain par la croix, par la croix je sanctifie encore les âmes. Plus j’attache étroitement une âme à la croix, plus je me la rends semblable par la souffrance et plus aussi je me l’unis étroitement. Les souffrances de mes élus achèvent l’œuvre de ma rédemption. Chaque fois que je m’unis une épouse par la souffrance, c’est un nouveau, c’est un nouveau couronnement pour l’œuvre de la rédemption. » Il dit encore :  « Sache, mon enfant, que de la charité de mon Cœur je veux faire descendre des torrents de grâce par ton cœur dans les cœurs des autres. C’est la raison pour laquelle on s’adressera

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à toi avec confiance ; ce ne sont pas tes qualités, mais c’est moi qui en est la cause. Jamais quelqu’un qui se rencontrera avec toi ne s’éloignera sans que son âme soit, de quelque manière, consolée, soulagée ou sanctifiée, ou ait reçu quelque grâce, même le pécheur le plus endurci. S’il veut profiter de la grâce, il ne tient qu’à lui…Je suis uni à chaque âme qui se trouve en état de grâce, mais j’ai choisi quelques âmes en particulier pour m’unir à elles d’une manière toute spéciale. Cette union est si sublime et si intime qu’elle n’est surpassée que par l’union entre les trois Personnes de la Sainte Trinité. » (25juin 1896, Vie, ch. IX.)

   Après qu’il eut été décidé qu’elle n’irait pas à Lourdes demander sa guérison, Notre-Seigneur lui dit : « Je veux que tu souffres sans soulagement, sans consolation naturelle. Je déroule devant tes yeux de nouveau le tableau des souffrances, comme aussi le tableau de mon amour. Je te choisi de nouveau comme victime, comme holocauste, et pour l’expiation des sacrilèges, et je te donne de nouveau mon Cœur avec tous ses trésors. Ta devise doit être : Amour, sacrifice, réparation. » Un jour Il m’avait dit que je devais me laisser jeter comme une balle tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. (23 juillet 1897, ch. x.)

   Notre-Seigneur m’a invitée à souffrir en réparation des sacrilèges : « Je t’appelle à la prière, au sacrifice et aux souffrances. Tes souffrances vont augmenter et tu dois te préparer à de plus grandes souffrances. » Notre Seigneur attendait ma réponse, Il enflammait mon cœur de son divin amour, et moi, pleine de confiance en sa divine grâce, je ne pouvais résister à sa demande. Il me présentait des douleurs, des persécutions, des calomnies, le mépris de tous, etc. J’acceptai tout. Il me disait ensuite qu’Il désirait trouver dans un cœur humain un lieu de repos et de consolation préparé par l’amour et les souffrances, et que sans aucun mérite de ma part Il avait choisi mon cœur, que mon cœur devait être un autel, où tout se consume dans les flammes de l’amour divin. (7 avril 1897, ch. x.)

   Jésus dit à Bénigne Gojoz : «  Ta gloire est en  la croix ; l’Epoux et l’épouse, par un effet de grâce et d’amour, n’auront qu’un trône » et je vis, raconte Bénigne, à l’ombre de cet adorable

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Crucifié, une petite crucifiée sur la même croix et attachée par les mêmes clous. C’est, lui dit Jésus, pour te faire comprendre  l’état d’union à mon humanité crucifiée dans lequel je t’ai mise, dans lequel tu seras longtemps et par lequel tu recevras des avantages infinis qui te rendront comme bienheureuse. C’est dans cet état que j’ai sauvé l’homme et que j’ai glorifié mon Père… Ma bonté m’unit à toi et ma grâce t’unit à moi dans les dispositions d’une âme crucifiée par amour. Je ressens pour toi le même amour que je ressentis distinctement pour ton âme sur la croix ; ainsi l’amour commun entre nous nous unit de nouveau par les faveurs  intimes que tu reçois et que tu recevras en cet état présent, dans lequel tu es crucifiée avec moi par union, par amour et par grâce. Lorsque l’âme souffre, je suis près d’elle et je m’unis à elle par la même souffrance. Tu verras aussi, par cette intime représentation, que si ton âme crucifiée avec moi se regarde en moi, elle s’y voit comme dans un miroir très beau, très clair et représentant merveilleusement bien les objets qui s’y peignent. » Plus  tard, le Verbe divin lui dit cette intime parole : « Epouse, il est mieux et plus convenable à notre amour que tu te renfermes au-dedans de moi-même. Ainsi, dit Bénigne, l’amour me cachant en Jésus, je me vis plus auprès de Lui sur la croix, mais je me trouvai dans le Cœur adorable de mon Sauveur, et j’y fus comme perdue à moi-même durant trois années entières. (Vie, ch. XIV)

3. Jésus choisit ses victimes

   Notre-Seigneur ayant apparu à la bienheureuse Marguerite-Marie lui dit : « Je cherche une victime pour mon Cœur, laquelle se veuille sacrifier comme une hostie d’immolation à l’accomplissement de mes desseins. » Comme elle s’en reconnaissait indigne, Jésus lui dit : « Non, je n’en veux point d’autre que toi, et c’est pour cela que je t’ai choisie. » (Ed. Gauthey, II, p. 561.)

   Une autre fois la bienheureuse vit les trois Personnes de l’adorable Trinité se présenter à elle ; et il lui sembla que le Père éternel, lui offrant une grosse croix toute hérissée d’épines,

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accompagnée de tous les autres instruments de la passion, lui disait : « Tiens, ma fille, je te fais le même présent qu’à mon Fils bien-aimé. » – « Et moi, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ, je t’y attacherai comme j’y ai été attaché, et je t’y tiendrai fidèle compagnie. » – Le Saint-Esprit ajouta : « Moi, n’étant qu’amour, je t’y consumerai en te purifiant. » (T. II, p. 74.)

   Jésus-Christ apparut à la bienheureuse Marie-Barthélemie Bagnesi ((1514-1577), crucifié et couvert de plaies sanglantes ; « Je veux, lui dit ce Rédempteur souffrant, je veux t’associer aux douleurs de ma passion. » – O Jésus répondit Barthélémie, pourquoi cette grâce insigne à votre pauvre petite servante ? Dès ce moment, sa tête fut visiblement entourée d’une couronne d’épines aigues.

   Notre-Seigneur apparut à la bienheureuse Ozanne, vierge du tiers-ordre de saint Dominique (1449-1505), sous la forme d’un petit enfant ravissant de beauté, le front couvert de belles boucles de cheveux blonds, mais ceint d’une couronne d’épine et une longue croix sur les épaules : il tendit en souriant ses petits bras vers la jeune vierge et lui dit :  « Chère Ozanne, je suis le fils de Marie ; à mon exemple il faut te disposer à beaucoup souffrir ; cependant ne crains point, jamais je ne t’abandonnerai. »

 La vénérable Anne-Madeleine Rémuzat 1, encore pensionnaire, vit un jour le Sauveur lui apparaître et lui dire : ma fille, je cherche une victime. » La jeune enfant nomme alors à Notre-Seigneur les personnes qui lui semblent les plus saintes, et au nom de chacune Jésus répond : « Non, ce n’est pas celle que je veux. » Enfin Il lui dit : « C’est toi-même, ma fille, que je choisis pour ma victime. » (Vie, ch. III.)

   La Mère Marie-Dominica-Clara Moes n’avait que sept ans quand, le 8 décembre 1838, elle fit vœu de chasteté perpétuelle : « Viens Epouse bien-aimée de mon coeur

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aimée d’un amour éternel et t’ai choisie de préférence à d’autres pour devenir l’Epouse de mon Cœur divin. » Alors le Cœur de Jésus s’ouvrit et la Très Sainte Vierge y fit entrer la petite épouse. « Maintenant, lui dit le Seigneur, tu es toute à moi et je suis tout à toi. Dès maintenant tu ne dois vouloir que ce que je veux, ne désirer que ce que je désire, ne vouloir être que là où je veux que tu sois. Tu ne dois souffrir, travailler et agir que pour moi. Les cadeaux de noces que je te donne sont ceux-là mêmes qui m’ont été donnés par mon Père céleste, afin que je puisse t’acquérir pour mon épouse : ce sont des souffrances, des persécutions, des humiliations et des peines de toutes sortes. » (Vie, I Theil, Kap. Lll, § 3.)

   « Ma pauvre petite Marguerite, dit Jésus à l’héroïque pénitente de Cortone, n’aie pas de doute sur la pleine et entière rémission de tes péchés. Je t’ai placée pour devenir la lumière éclatante de ceux qui sont placés à l’ombre de leurs vices et un foyer de chaleur à ceux qui croupissent dans la tiédeur, afin qu’ils m’aiment et me  suivent avec ferveur. Je t’ai placée pour servir d’exemple aux pécheurs, afin qu’ils apprennent clairement de toi qu’en cédant à mes inspirations et en se préparant à l’aide de ma grâce, à obtenir leur justification, je suis prêt à user envers eux de la même miséricorde dont j’ai usé envers toi. » (Vie intime, ch. II, § 5.)

   En la fête de Noël 1914, Jésus se montra plein de beauté à Sœur Marie-Fidèle, Il lui dit : « J’ai soif d’âmes qui sachent m’aimer comme je désire l’être, qui m’adorent en esprit et en vérité. Veux-tu donner de la consolation à mon Cœur ? Veux-tu accepter de nouvelles souffrances et coopérer à la réalisation de mes desseins envers les âmes. Es-tu prête à t’abandonner à moi-même dans la plus grande épreuve, à te laisser consumer comme victime de mon amour, à vivre et à mourir dans cet état ? Plonge-toi dans ton indignité totale, enterre-toi dans ton néant et laisse-toi enterrer. Je ne veux de ton côté aucune autre coopération que l’abandon ; tout le reste je veux le faire. » (Ed. allem., p. 160 ; éd. franç., p. 171.)

P.181. Les victimes de Jésus

4. Saintes exigences de Jésus

   Jésus dit à Gertrude-Marie :  « Je suis un Dieu jaloux. Plus j’aime une âme, plus j’exige d’elle ; elle ne me donne jamais assez, et cela vient de mon ardent amour pour elle. » (29 octobre 1907.)

   Le Sauveur dit à Bénigne Gojoz : « Bénigne, demande-moi le salut de mon peuple, demande-moi que je lui pardonne; emploie à cela tes dix jours (de retraite), ne laisse rien à souffrir pour moi et pour m’obliger à faire grâce au monde, surtout à cet Etat (le royaume de Savoie). Renouvelle pour cela toutes tes ardeurs et tes plaisirs souffrants. » C’étaient ses pénitences qu’Il nommait ainsi. Il lui en demanda des nouvelles et très rudes. Elle obéit et en fit de prodigieuses sans que Jésus souffrit qu’elle se donnât le moindre soulagement. Une fois, soupirant un peu, il lui arriva de pousser un hélas ! mais le Sauveur lui dit soudain : « Eh quoi Bénigne est elle déjà lasse ? Cette amante de Jésus veut-elle faire ce que n’a pas fait son Epoux et descendre de la croix ? Oh ! Bénigne, c’est ce que le Bien-Aimé ne te permettra pas. Tu dois te refuser ce qu’un autre peut raisonnablement s‘accorder. » Je connus alors, dit Bénigne, que les avantages de la souffrance amoureuse  sont comme divins, et j’appris que les croix d’élection aident à porter celles de vocation ; que celles d’impression et de participation aux douleurs de Jésus sont  les plus pénibles mais aussi les plus méritoires ; que celles que l’obéissance cause et impose sont les plus utiles, et que celles que la Providence permet  journellement doivent être portées plus amoureusement, comme les plus précieuses. » (Vie, IIIe part., ch. VI.)

5. L’âme doit se faire victime pour consoler Jésus-Victime

   Le jour du vendredi saint, au milieu des grâces qu’elle reçut de Dieu, Mechtilde dit au Seigneur : O mon Dieu très doux, qu’est-ce que l’homme peu vous rendre pour vous être ainsi lassé arrêter et lier en ce jour pour son salut ? Le Seigneur

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dit : « Qu’il se laisse lier, volontiers, à cause de moi, du lien de l’obéissance.- Quelle louange vous rendra-t-il pour ce que vous avez été couvert des sales crachats des Juifs et cruellement souffleté par eux ? – Je te le dit, en vérité, tous ceux qui méprisent leurs supérieurs me crachent au visage. Si l’on veut donc m’offrir une réparation de cet outrage, on doit honorer ses supérieurs.- Quelles actions de grâce doit-on vous rendre, ô tendre ami, pour les soufflets?- que l’on suive rigoureusement les coutumes prescrites et les constitutions de son ordre.- Quelles louange vous faut-il, ô très fidèle ami, pour la souffrance que vous avez endurée, lorsqu’on enfonça sur votre tête impériale la couronne d’épines et qu’on en fit sortir le sang avec tant d’abondance qu’il voila toute votre aimable face?- Que l’homme résiste avec force aux tentations, et autant de fois qu’il en aura surmonté, autant de pierres précieuses il placera sur mon diadème, – Que faire, ô le plus savant des maîtres, pour les avanies qu’on vous a faites  en vous revêtant de blanc comme un pauvre insensé ?

Ne cherchez dans les vêtements ni la parure, ni la rareté, mais seulement la nécessité.- Quelles actions de grâce, ô l’unique de mon cœur, vous offrir pour votre cruelle et barbare flagellation ? – Que l’on demeure toujours avec moi dans une fidélité et une patience parfaite, dans l’adversité comme dans la prospérité – Qu’est ce que vous accepterez, mon bien-aimé, pour vous être laissé percer les pieds et attacher ainsi à la croix ? – Qu’il s’exerce en toutes les bonnes œuvres, et que pour moi il évite toute mauvaise action. – Quelques actions de grâces, ô douceur sans pareille, doit-on vous rendre pour cette plaie d’amour que vous avez reçue en croix, cette plaie qui fit sortir de votre très doux cœur de l’eau et du sang pour nous guérir ? – Que l’homme conforme toujours sa volonté à ma volonté et que ma volonté lui plaise toujours en tout et par-dessus tout. » (Ire part., ch. XVIII ; ed. lat., p. (51.)

   Le Seigneur dit à Gertrude : « Pour que j’aie en ton cœur

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une parfaite délectation, donne-moi la liberté d’y faire et d’y renfermer tout ce        que je voudrai,  une parfaite sans déterminer si ce sera la douceur ou l’amertume que j’y verserai. » La sainte dit : Enseignez-moi, ô mon unique espérance et salut de mon âme, comment je pourrai vous payer quelque retour pour votre passion, à vous si amère et à moi si salutaire ? – « Si quelqu’un suit le sentiment d’autrui et non le sien propre, répondit le Seigneur, il me payera la captivité, les liens et les injures que j’ai subis, dès le matin pour le salut. Celui qui avouera humblement qu’il est coupable, me dédommagera de l’accusation portée contre moi à la première heure, par de faux témoins, et de la sentence de mort qui en est résulté. Celui qui prive ses sens des choses qui peuvent les flatter me paie la flagellation que j’aie subie à la troisième heure et celui qui obéit à des supérieurs maussades et difficile, me soulage de ma couronne d’épines. Celui qui, étant offensé fait le premier des démarches pour la paix me récompense de mon portement de croix. Si quelqu’un étend ses efforts dans les œuvres de charité au-delà de ce qu’il peut, il me solde cette extension cruelle qui, à la sixième heure, me fit étendre les bras sur la croix. Celui qui affronte l’outrage et la tribulation pour retirer le prochain du péché, me paye la mort que j’ai soufferte à la neuvième heure pour le salut des hommes. Celui qui, étant outragé, répond avec humilité, fait comme s’il me descendait de la croix. Enfin celui qui préfère le prochain à soi même, trouvant qu’il a droit à plus d’honneurs, de commodités, ou d’autres avantages, celui-là me paye pour ma sépulture. » (Liv. IV, ch. XXXI.)

6. Jésus continue de souffrir dans ses intimes

 Le Seigneur dit à Gertrude : « L’amour qui m’animait au temps de ma vie mortelle, lorsque j’enduras en mon corps toutes les angoisses et les amertumes de la passion et de la mort, aujourd’hui même que je suis devenu immortel, je l’éprouve en ton cœur, qui tant de fois s’est ému et pénétré de compassion au sujet de mes angoisses et de mes amertumes pour le vrai salut de tous ceux qui doivent être sauvés. C’est

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pourquoi je te  donne, pour cette compassion avec laquelle tu as compati durant ce jour à mes douleurs, tout le fruit de ma sainte passion et de ma précieuse mort, en augmentation de ta béatitude éternelle. » (Liv.IV, ch.XXV ; éd. lat., p. 379)

7. Jésus donnant sa croix à l’âme sa victime

   Un jour que, pendant son oraison, Marguerite-Marie considérais Notre-Seigneur sur l’arbre de la croix, Jésus la tint fortement attachée à Lui : « Reçois,  ma fille, lui disait-Il, la croix que je te donne et plante-là dans ton cœur, l’ayant toujours devant les yeux et la portant entre les bras de tes affections. Les plus rigoureux tourments qu’elle te fera sentir seront inconnus et continuels : une faim sans te rassasier, une soif sans te désaltérer, une ardeur sans rafraîchîssemment. » La sainte ne comprenant pas ces paroles, Notre-Seigneur lui en donna l’explication : « L’avoir dans ton cœur, c’est-à-dire qu’il faut être crucifié en toute chose ; la porter entre tes bras, c’est-à-dire l’embrasser amoureusement toutes les fois qu’elle se présente, comme le plus précieux gage de mon amour que je te puisse donner en cette vie. Cette faim continuelle des souffrances sera pour honorer celle que j’avais de souffrir pour mon Père éternel ; cette soif sera de moi et du salut des âmes, en mémoire de celle que j’ai eue sur l’arbre de la croix. » (Ed. Gauthey, II, p.154)

8. Ce que Jésus choisit pour ses amis

            Un jour Notre-Seigneur se présenta à sainte Marguerite-Marie, portant d’une main le tableau de la vie la plus heureuse pour une âme religieuse, et de l’autre, une vie abjecte, crucifiée : « Choisis, ma fille celui qui t’agréera le plus : je te ferai les mêmes grâces au choix de l’un comme de l’autre. » Elle répondit : O mon Sauveur, je ne veux que vous et le choix que vous ferez pour moi. Alors Il lui dit, en lui présentant le tableau de crucifixion : « Voici que je t’ai choisi et qui m’agrée le plus, tant pour l’accomplissement de mes

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desseins que pour te rendre conforme à moi. L’autre tableau est une vie de jouissance et non de mérite pour l’éternité. » (Ed. Gauthey, II, p.78.)

9. Ce que préfèrent les amis de Jésus

   Le 2 février 1697, Jésus se montra à Véronique Juliani sous les traits d’un enfant de six à sept ans, tenant à la main un lis, une palme et une croix. Il lui dit : Veni sponsa mea (Viens mon épouse et des saintes et des anges répondirent : Viens, tu seras couronnée. Alors le Seigneur présenta à la sainte deux couronnes, une d’épines et l’autre de pierres précieuses. Il l’invita à choisir. Sans en choisir aucune, dit la sainte, et toute soumise au divin vouloir, j’avais cependant un vif désir de la couronne d’épines. Le Seigneur me contenta ; de sa main Il me la posa sur la tête Il donna à la très Sainte Vierge, qui se tenait près de Lui la couronne de pierres précieuses. Jésus tenait encore à la main le lys et la palme : combat et victoire, et il faisait signe à la sainte de prendre l’un des deux ; sur le lys était écrit ces mots : joies et contentements : sur la palme : combats et victoires. Cette fois encore, je m’en remis au bon plaisir divin. Il me donna la palme, qui, tout aussitôt devint une croix et Il remit le lis à la Très Sainte Vierge. (Diario, 2 febraio 1697.)

  Notre-Seigneur apparut à la bienheureuse Catherine de Racconigi lorsqu’elle n’avait encore que dix ans lui présentant deux couronnes ; l’une de fleurs, l’autre d’épines . Elle choisit pour celle d’épines pour être plus semblable à son Bien Aimé qui lui dit en souriant : « Je loue ta grandeur d’âme dans le choix que tu fais, mais tu n’es encore qu’une faible enfant, et tes forces ne sont pas en proportion avec ton cœur. Je ne couronnerai donc point encore ton front avec un diadème douloureux : je te le garde pour plus tard. »  Elle le reçut en effet plus tard.

   La bienheureuse Ozanne de Mantoue, favorisée de la couronne d’épines et de la plaie du côté, obtint, après un an de prières ferventes la grâce de participer aux autres douleurs  de son Epoux. Il lui apparut environné d’un admirable éclat

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et lui dit : « Tu veux donc avoir mes stigmates ? »- Oh ! oui, et plus que je ne puis l’exprimer.-  Prends garde, ma fille lui dit Notre-Seigneur, les douleurs que tu désires sont  bien cruelles et au-dessus de tes forces. Il vaudrait mieux pour toi supporter une peine modérée que de succomber sous de nouveaux tourments. Tu te repentiras peut-être de ta demande. » – Rien ne sera trop lourd pour mes épaules, répondit Ozanne, si vous venez à mon secours. Il y a longtemps que j’ai mis mon espérance en Vous ; remplissez donc votre promesse. Notre –Seigneur l’assura de son secours et lui accorda la faveur qu’elle sollicitait.

   Sainte Catherine de Sienne souffrait beaucoup d’une horrible calomnie ; et elle répandait devant Dieu ses prières et ses larmes, lorsque le Sauveur lui apparut, tenant dans sa main droite une couronne d’or enrichie de pierres précieuses et dans sa main gauche, une couronne d’épines. « Ma fille bien aimée, lui dit-Il apprends qu’il faut que tu portes l’une après l’autre ces couronnes; choisis celle que tu préfères maintenant. Si tu prends la couronne d’épines pour cette vie, je te garderai pour l’autre la couronne précieuse; mais si tu prends la précieuse, il faudra porter celle d’épines après ta mort. Moi, Seigneur dit Catherine, j’ai depuis longtemps renoncé à ma volonté et promis de suivre en tout la vôtre : je n’ai pas de choix à faire : mais si vous voulez que je réponde, je vous dirai qu’en cette vie je préfère et veux être conforme à votre bienheureuse passion, que mon bonheur sera de toujours souffrir pour vous. Aussitôt prenant à deux mains la couronne d’épines,  elle la met avec tant de force sur sa tête que les épines y entrent de toutes parts. Alors le Seigneur lui dit : « toute chose est en mon, pouvoir, et  si j’ai permis ce scandale,  je puis le faire cesser en un instant. Achève l’œuvre que tu as commencée ; ne cède pas au démon qui t’en empêcher ;  je te donnerai sur lui une victoire éclatante; tout ce qu’il a préparé contre toi tournera à  sa honte et à ta gloire. » (Vie, par le bienheureux Raymond, IIe part., ch. IV.)

   Il fut montré à Marguerite-Marie, un jour qu’elle était devant le Saint Sacrement, l’ardeur dont les séraphins sont embrasés, et elle entendit ces paroles : « N’aimerais-tu pas mieux jouir avec eux que de souffrir, être humiliée et méprisée

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pour contribuer à l’établissement du règne de mon Cœur dans ceux des hommes? » Sans hésiter elle embrassa la croix, toute hérissée d’épines et de clous qui lui était présentée. (Ed. Gauthey, II, p. 304.)

N°10 Ceux qui nous font souffrir sont les instruments de Dieu

   Notre-Seigneur voulait que Margueritte-Marie ne cherchât qu’en Lui sa consolation. S’il arrivait, dit-elle, que je me voulusse procurer quelque consolation, Il ne me faisait rencontrer que de la désolation et de nouveaux tourments pour tout soulagement. Il lui dit un jour : «  Je te fais bien de l’honneur, ma chère fille, de me servir d’’instrument si nobles pour te crucifier. Mon Père m’a bien livré entre les mains cruelles des bourreaux pour me crucifier, et moi je me sers, pour cet effet, à ton égard, de personnes qui me sont consacrées et au pouvoir desquelles je t’ai livré. Je veux que tu m’offre pour leur salut tout ce que tu souffriras.» (Ed. Gauthey, II, p. 97.)

N°11 Compatissons aux souffrances de Jésus

   Une fois, Notre-Seigneur lui montrant le mauvais traitement qu’Il recevait dans une âme où Il était comme lié, foulé aux pieds et méprisé, lui dit d’ne voix triste : Regarde comme les pécheurs me traitent et me méprisent. »  Elle le vit encore dans un cœur qui résistait depuis longtemps à son amour. Il avait les mains sur ses oreilles sacrées et les yeux fermés, disant : « Je n’écouterai point ce qu’il me dit, ni ne regarderai point sa misère, afin que mon cœur n’en soit pas touché et qu’il soit insensible pour lui comme le sien l’est pour moi. » (Contempl., p. 68.)

   Après la sainte communion, son divin Epoux se présenta à Marguerite-Marie, sous la forme d’un ecce homo, tout couvert de plaies et de meurtrissures : son sang adorable coulait de toutes parts. Il lui disait d’une voix triste et douloureuse : « N’y aurait-il personne qui ait pitié de moi et qui veuille

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compatir et prendre part à ma douleur, dans le pitoyable état où les pécheurs me mettent, surtout à présent ? » (Vie, p. 366 ; éd.Gauthey, II, p. 114.)

   Le 28 juin 1694, raconte sainte Véronique Juliani, étant la nuit en  oraison, Notre-Seigneur se fit voir à moi tout couvert de plaies de la tête aux pieds, et Il me dit: « Vois comme m’ont traité les pécheurs. » Et pendant qu’Il parlait, ses plaies se rouvrirent, et le sang coulait de toutes parts.

   Il me donna alors une certaine connaissance de ce qu’est le péché. Hélas, on n’y pense pas. Je crois que si cette lumière eût dure quelque temps, j’en serais morte de douleur. (28 gennaro 1694.)

N°12 Les bras en croix

      Gertrude dit au Seigneur : Enseignez-moi, mon excellent Docteur, une pratique que nous puissions particulièrement observer en mémoire de votre passion. Le Seigneur répondit : « Priez, les bras étendus et représentez ainsi à Dieu le Père une image de ma passion, pour le bien et l’amendement de toute l’Eglise, en union de cet amour avec lequel j’ai étendu les mains sur la croix. » – Si l’on voulait agir ainsi, il faudrait se cacher en un coin, dit la sainte, car ce n’es pas la coutume. Le Seigneur répondit : « Cette attention à chercher un coin me plairait déjà et relèverait cette action ainsi que des perles relèvent une parure. » Et Il ajouta : »Si quelqu’un se faisait une pratique de prier ainsi publiquement les bras étendus, sans craindre les contradictions, il me ferait autant d’honneur qu’en fait à un roi celui qui le met sur le trône 1.. » (Liv. IV, ch. XVI.)

   1 Jeanne-Bénigne Gajoz, en priant, se tenait souvent à genoux, les bras en forme de croix, pace qu’elle était assurée par l’expérience quelle en avait faite, que Dieu ne lui refusait rien de ce qu’elle Lui demandait en cette posture crucifiée et crucifiante, de laquelle souvent elle était élevée à des transports d’esprit, en sorte que ses pieds ne s’appuyant point, elle souffrait plus qu’en toute autre de ses pénitences. (Vie,Iére part.., ch.XV.)

   Catherine Emmerich attribuait aussi une grande puissance à la prière faite les bras en croix. Le Seigneur, disait-elle ne me refuse rien, car son divin Fils a de la sorte persévéré dans la prière jusqu’à la mort. (Schmoeger, Fribourg, 1896, 1896, Kapitel XVI, §9.).

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N°13Dieu, en donnant les stigmates se propose le bien des âmes

   Le 20 mai 1697, le Seigneur apparaissant à Véronique Juliani lui montra ses plaies et lui dit : « Ces plaies, je les ai mises en toi (par les stigmates) pour le bien de toutes ces âmes et aussi du monde entier ; mais je ne trouve personne qui veuille les recevoir. On a plus foi en moi ; tous s’appuient sur des créatures aussi fragiles qu’eux-mêmes. Dis tout cela à ton confesseur, manifeste tout, décrit tout afin qu’on sache l’amour infini que je porte à toutes les âmes. De nouveau, je te dis de ne pas craindre d’être trompée ; toutes ces œuvres sont miennes ; ce sont les effets de mon amour infini que je porte à toutes les âmes.  Toutes ces œuvres sont miennes ; ce sont les effets de mon amour pour toi, ô mon épouse. »

   Mgr. Eustachi, évêque de Citta di Castello, avait voulu examiner et faire examiner la plaie que la sainte avait au côté ; il en coûtait extrêmement à celle-ci de montrer cette plaie a différentes personnes ; pour diminuer cette  peine, le Seigneur lui envoya une extase, et elle ne put savoir par qui elle avait été examinée. Elle demanda au Seigneur : Combien de personnes ont vu cette plaie, Seigneur, et  tout ce qu’ont fait le prélat et mon confesseur était-ce bien de votre goût ? Elle reçu de Jésus cette réponse : « Tiens-toi tranquille ; j’ai voulu que tout se passât ainsi, et j’en ai tiré beaucoup de bien pour une âme et j’en tirerai plus encore. J’aime tant les âmes que je voudrais que tout le monde le vît et le connût, afin que se ravivât le souvenir de ma passion, et que se renouvelât parmi les chrétiens la foi qui est bien tombée. On n’a plus que le nom de chrétiens. Surtout par le moyen de ces plaies qui sont les miennes, dans toutes tes œuvres et tes prières, recommande les besoins de la sainte Eglise. De nouveau je te confirme comme médiatrice entre moi et les pécheurs. »

Le 2 juin suivant, Il lui dit encore : « Je suis ton Epoux, et

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Je veux que tu sois ma médiatrice auprès de tes Sœurs pour les attirer toutes à moi. Je veux me servir de toi. Aussi ces plaies que j’ai mises en toi ne sont pas pour toi seule, mais pour toutes, afin que par ce moyen toutes puissent recevoir le fruit de ma passion, Ces plaies seront un motif de plus d’avoir parmi cette vraie charité que je souhaite tant voir dans toutes leurs âmes. Dis leur de ma part que je les aime d’un amour infini, que toutes se donnent à moi,  qu’elles se dépouillent de tout et qu’elles s’abandonnent entièrement à moi. Et tout ce que je te dis, manifeste—le à celui qui tient ma place. » (Diario, 1697.)

N°14 L’amour tient lieu de stigmate

   Pendant qu’elle réfléchissait à la grâce des stigmates accordée par le Seigneur à saint François et à sainte Catherine de Sienne, la Mère Anne-Marguerite Clément sentit une douleur au fond de son cœur aussi violente que s’il eut été percé en cinq endroits ; aussitôt elle entendit ces paroles du Sauveur : « Je veux imprimer sur ton cœur cinq sortes d’amours au lieu des stigmates dont j’ai marqué mes amants, afin qu’ils te soient comme un mémorial qui te fasse toujours souvenir de ma passion et de ma mort. Ils seront comme des pierres précieuses qui orneront ton âme pour me la rendre plus agréable ». Et Il lui expliqua les cinq blessures qu’elle avait reçues :  « La première a été faite par l’amour souffrant qui endure tout sans se plaindre ;; la deuxième par l’amour languissant dans l’attente du Souverain Bien ; la troisième par l’amour sincère, pur et dépouillé de tout le crée ; la quatrième par l’amour constant, et fort à porter toute sortes de tourments ; la cinquième par l’mour persévérant qui ne se lasse point de combattre contre soi-même et contre les ennemis de l’âme. » (Vie, 1915, p. 385.)

 

Saudreau P.19I – Les victimes de Jésus

II. Jésus encourage et fortifie ses victimes

15. Jésus prédit des tribulations à ses amis

16. et leur promet ses faveurs

   Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone :  « Je suis ton Sauveur, ô ma fille, qui ait souffert le supplice de la croix pour effacer la sentence de mort portée contre toi et pour te ramener à moi par la pénitence comme Mathieu et Madeleine. Tu  ne sortiras pas de ce monde par le martyre du sang comme saint Mathieu, mais de même que Madeleine a été l’objet de nombreux murmures après avoir foulé aux pieds ses vains ornements pour me suivre, ainsi beaucoup se moqueront de toi, parce que tu marches à ma suite. Toutefois n’en ai cure, puisque tu es ma fille, mon amie, ma sœur que j’aime par dessus toutes les femmes qui vivent à présent sur la terre. Dis à ton confesseur de demander au Père Jean de  prier instamment pour toi car tes peines seront telles que tous deux auront des doutes à ton égard, et ces doutes resteront fixés dans l’esprit d’un certain nombre jusqu’à ta mort… Je ne veux pas que tu examines tes peines, ni que tu les comptes, mais que tu reposes avec elles entre tes bras de mon amour… » (Vie intime, ch. v, § 15.)

   « Ne crains pas que les promesses que je t’ai faites ne s’accompliront pas ; tu seras grande dans le ciel si tu supportes sans murmurer et sans te plaindre les peines que je t’ai annoncées. » (Ibid ., § 16.) Donnez-moi dit Marguerite, une pleine sécurité de vos promesses.- Tu ne peux posséder, dit le Seigneur, cette sécurité pendant ta vie, tu n’en jouiras que dans le ciel. »- Seigneur, reprit Marguerite, vos saints ont-ils éprouvé comme moi cette inquiétude ? –« J’ai donné à mes saints la force dans leurs supplices ; la sécurité, ils ne l’ont eue qu’au ciel. ( § 17 .) Tes peines croîtront, parce que le temps de ta vie sera abrégé » ; elle vécut cinquante ans, elle avait trente ans lors de sa conversion.(§ 27.) Tu n’auras une confiance pleine et parfaite que dans la gloire de mon royaume. J’agis ainsi afin que tu conserves

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Les grâces que je t’ai accordées, que tu les augmentes et que tu reste dans la vigilance et la sollicitude de ton salut. » (§29.) « Tu crois, lui dit-il un autre jour, avoir passé l’océan des tribulations que tu dois endurer, mais tu souffriras encore beaucoup de peines, de murmures, et tu seras délaissée. (§28.) Je ne veux pas que tu goûtes l’allégresse en ce monde, pas plus que je ne l’ai goûtée moi-même. Tu me suivras en partageant mes peines. Je te prépare des tribulations, parce que tu es dans la voie et non dans la patrie. Je serai et je ne serai pas avec toi. Je te revêtirai de ma grâce, mais tu t’en croiras dépouillée, parce qu’en étant en toi, je ferai en sorte de n’être pas reconnu. Je veux te conserver dans ma crainte, afin que tu croisses en ma grâce. (§ 33.) Sache que d’ici peu ton confesseur s’efforcera de t’aider dans tes peines, sans pouvoir réussir, parce que je t’appelle à moi par cette voie. (§ 39.) Tu n’auras jamais de toi une complète sécurité pendant ta vie, ni même ceux qui te dirigent. Tous les jours de ta vie jusqu’à celui de ta mort, tu recevras de nouvelles grâces et aussi de nouvelles afflictions. (Ch. VII, § 21.) Jusqu’à la fin de ta vie tu croîtras sans cesse dans mon amour. ( § 25.) Prépare-toi au combat et aux souffrances, car ils seront rudes et terribles tout le temps de ta vie. Comme on purifie l’or en le jetant dans la fournaise, ainsi je te purifierai par les tribulations, les tentations, les infirmités, les douleurs, les craintes, les veilles, les larmes, la faim, la soif ; lorsque tu seras ainsi purifiée, tu passeras à la gloire de l’éternelle félicité. Cependant ne te laisse pas abattre, arme toi de courage, souffre avec joie toutes ces épreuves, je serai avec toi et je te soutiendrai par les consolations de ma présence. (Ch. v, § 1er.) Ne cherche pas mes baisers, ô ma fille avant d’avoir souffert pour mon amour toutes les peines qui te sont réservées. » (Ch. VI, § 11.)

   Un jour de vendredi saint le Seigneur montra dans une vision au vénérable François de Hoyos comment les princes des prêtres et les anciens du peuple l’avaient traité d’imposteur, de menteur et d’hypocrite; et Il lui dit : « Le jour viendra où toi aussi on te traitera d’imposteur, de menteur et d’hypocrite ; regarde-moi bien, et fais selon le modèle que je te montre. » (Vida, XII.)

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Mais il y aura à combattre et ton confesseur aura sa part de ces luttes. Dis-lui de ma part qu’il n’ait en vue que ma gloire et le bien de chacune des âmes, et qu’il aille de l’avant. Que l’on dise ce que l’on voudra, il devra n’y pas prendre garde. Je suis pour lui, qu’il ait confiance en moi. » (Diario,) 10 giugno 1695.) Le matin du même jour, à la sainte communion, le Seigneur montra à Véronique une grande croix, lui disant :  « Cette croix t’est destinée, je te la mettrai sur les épaules, mais je t’aiderai… Cette croix est le gouvernement de ce monastère ; je veux que tu aies cette charge pour accomplir tous mes desseins sur toi  pour toi ; il y aura là pour toi de grandes souffrances; mais ne crains pas, je suis et serai toujours avec toi. » (Ibid.) La sainte demandait souvent au Seigneur d’augmenter ses peines ;  Jésus lui dit un jour : « Si tu demandes des peines, il  faut que ton amour grandisse. « 11 gugno 1697.) « Tu es ma  bien-aimée, lui dit-Il une autre fois, c’est pourquoi je veux que la souffrance soit constamment avec toi. « (6 gennaro 1699.) Un jour Il lui fit voir tous les instruments de sa passion et lui dit : « Ils sont tous pour toi et tu dois participer à tous les tourments qu’ils me causèrent. Ce sera pour toi une cruelle torture, mais elle te servira de purgatoire et ton âme sera purifiée de ses péchés comme l’or dans le creuset est purifié par le feu. » (15 octobre1702.) Une autre fois Il la conviait par un appel pressant à partager ses douleurs : « Apprend de moi que je suis doux et humble de cœur. Allons ! Coeur pour cœur, vertu pour vertu. Unis- toi à moi ; vis toute pour moi ; donne-toi toute à moi. Que fais-tu, âme nonchalante ? Ne vois-tu pas que mes peines te crient de me suivre, que les fouets de ma flagellation, que mes angoisses et toutes mes douleurs t’invitent, que les épines, les clous et la croix sont autan de voix qui pénètrent dans ton cœur et dans ton âme ? C’est moi qui te parle et qui, par ces instruments de ma passion te fait participante de mes douleurs, afin que tu apprennes à souffrir et dans les souffrances à pratiquer toutes les vertus, car les souffrances et la vertu vont toujours ensemble. » (19 aprile 1715.)

   Un jour que toutes les Sœurs se hâtaient pour aller entendre la parole de Dieu, la sœur Mechtilde malade dut rester dans sa cellule. Comme elle s’en plaignait au Seigneur, le

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consolateur des affligés lui apparut sous l’habit des Frères Précheurs  et lui fit ce sermon : Vois, mon épouse comme mes yeux sont beaux, comme ma bouche est droite, comme mon Cœur est embrasé, comme mes mains sont fines et délicates, comme mes pieds  sont agiles et imite-moi. Tu dois endurer avec moi les souffrances de ma passion : on te trahira par envie, on cherchera à s’emparer de toi par des détours, on te prendra par la haine,, on te liera par des calomnies, on te voilera les yeux en refusant de croire à tes paroles ; la haine du monde te frappera par ses soufflets, tu sera enchaînée par l’obéissance, tu seras traduite au tribunal de la confession, frappée par l’imposition de la pénitence, envoyée avec mépris à Hérode, dépouillée dans l’exil, flagellée dans la pauvreté, couronnée des épines de la  tentation, couverte des crachats du mépris ; tu portera ta croix dans l’horreur que t’inspireront les péchés, tu seras crucifiée en renonçant à tout ce qui serait conforme à ta volonté, clouée à la croix par l’exercice des vertus ; blessée par l’amour tu mourras en croix restant immobile par ta persévérance. Ton cœur sera percé par l’amour ; tu seras détaché de la croix en triomphant de tes ennemis, tu seras ensevelie par l’humiliation ; tu ressusciteras des morts en expirant pieusement tu monteras au ciel enlevée par le souffle de Dieu. » (Liv. Ier, ch. XIII.)

   Quand le projet formé par  sainte Thérèse d’établir un couvent réformé fut connu à Avila, une violente persécution s’éleva contre elle. Je ne savais, dit-elle que devenir.

Comme je me recommandais à Dieu, Notre-Seigneur daigna me consoler et m’encourager : « Je verrais par là, me dit-Il, ce qu’avaient souffert les saints qui fondèrent les ordres religieux : il me restait encore à souffrir des persécutions plus nombreuses que je ne pouvais l’imaginer, mais nous ne devions pas nous en mettre en peine. » (Vie, ch.XXXII.)

   Notre-Seigneur apparaissant un jour à la Mère Elisabeth de la Croix 1ui dit qu’Il l’avait choisie particulièrement pour

1 La Mère Marie-Elisabeth de la Croix (1582-1629) fut la fondatrice d’un couvent de Refuge pour les repenties à Nancy. Boudon a écrit l’histoire de sa vie, qui fut celle d’une sainte. (œuvres de Boudon, Migne.)

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la croix, qu’elle n’était pas appelée à de certaines opérations  de son divin amour qu’elle avait lues dans les vies de quelques saints, mais bien pour souffrir et par ses souffrances coopérer au salut des âmes et qu’ainsi, en quelque lieu qu’elle fût, elle ne pensât pas à être exempte de peines. Un jour Notre-Seigneur lui dit : « Suis- moi » et elle vit le chemin par lequel Il voulait qu’elle Le suivit, tout parsemé de croix grandes et petites. (Ire part., ch. Ier.)

   Le 2 novembre 1672, étant devant le Saint Sacrement pour lui faire amende honorable de l’abus qu’elle  avait fait de ses grâces, Marguerite-Marie s’immolait à la divine volonté, priant le Seigneur de recevoir le sacrifice d’elle-même qu’elle désirait Lui faire et de l’unir au sien. Notre-Seigneur lui  répondit : « Souviens-toi que c’est un Dieu crucifié que tu veux épouser ; c’est pourquoi il te faut rendre conforme à Lui en disant adieu à tous les plaisirs de la vie, puisqu’il n’y en aura plus pour toi qui ne soient traversés de la croix. » (Ed. Gauthey, I, pp. 86-89.)

   « En épousant ton âme, a dit Jésus à Sœur Saint-Martinien, je t’ai avertie que tu souffrirais ; la souffrance ne t’effrayait pas ; tu m’as tout donné,  par conséquent je suis maître d’agir comme bon me semblera ; tu auras part à mes souffrances afin d’avoir part à ma gloire. Je me plais à te voir combattre et parler de moi à ceux et à celles qui ne pensent pas à moi. Je t’en prie, ma fille, mon épouse, toi qui m’es si chère, console mon Cœur ; je te l’ai donné avec toutes mes vertus : prends chacune d’elle et offre-les-moi pour chacun des vices contraires qui se produisent sous tes yeux. Je t’en prie, prends part à mes douleurs ; console mon Coeur il en a besoin, et à mon tour je consolerai le tien. » (Lettre du 20 septembre 1861.)

17. Jésus fait connaître la part que le ciel et l’enfer

Prendront aux épreuves de sa victime

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi était professe depuis une année quand, la veille de la Pentecôte, le Verbe éternel lui annonça les épreuves par où elle devait passer : Sache qu’à

P.197            commencer du jour de la fête de la Sainte Trinité, tu me seras tellement unie que tu entreras en partage de tous les trésors du ciel. Sache, de plus, que pendant cinq années tu seras privée des douceurs sensibles de ma grâce, et tu te trouveras dans une espèce de sécheresse spirituelle, qui te fera croire que tu es abandonnée de Dieu et des hommes. Mais persuade-toi que ce ne seront que des apparences trompeuses, que jamais je ne retirerai la main qui te soutient et que dans toutes les occasions je serai toujours prompt à te secourir. Du reste cet état de privation où tu vivras, sera un sujet de plaisir et de complaisance au Père éternel, un motif de joie aux Esprits bienheureux qui entourent le trône de la divinité, un exemple pour tous les hommes, une augmentation de supplice aux damnés, la confusion des démons, un soulagement des âmes du purgatoire et une abondante consolation pour toi-même. Je veut en user avec toi comme un vaillant capitaine en use avec ses soldats, ne les élevant au premier rang qu’après avoir longuement éprouvé leur courage … En récompense de la fidélité que tu mettras à observer mes ordres, je te donne ma parole que tous les vendredis, à l’heure où j’expirai sur la croix, tu recevras cet Esprit que je rendis entre les mains de mon Père, et quoique ce ne soit pas toujours d’une manière sensible, elle n’en sera pas moins véritable, car dans ces instants tu me seras tellement unie qu’il serait plus facile qu’un homme vive sans cœur que l’Epoux céleste sans son Epouse bien aimée… Plusieurs monstres sortiront de l’enfer pour faire de toi le théâtre de  leur fureur, ils ne se contenteront pas d’exercer leur rage sur ton corps, ils tenteront toutes sortes de moyens de porter leurs atteintes jusques à l’âme… Les saints, ces grands protecteurs qui prennent un soin si particulier de tout ce qui te regarde, ne t’abandonneront pas. Ils te donneront une nourriture toute spirituelle pour soutenir ton esprit dans tes faiblesses, et mêleront à tes peines et combats des consolations qui, pour être moins sensibles, n’en seront pas moins vraies et solides. » (Vie de la sainte, par Paccini, confesseur du couvent, trad. Brochand, Paris, 1670. Ire part., ch. XIV.)

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17. Jésus fait connaître quels sont ses préférés

         Angèle de Foligno demandant au Seigneur de lui faire connaître ses véritables        enfants, Il lui répondit par cette parabole : «Un homme qui a beaucoup d’amis prépare un festin avec soin immense et les invite ; mais beaucoup d’entre eux ne viennent pas. Quelle sera la douleur de celui qui a préparé un festin très abondant? Il place tous ceux qui sont venus à la table du festin. Bien qu’il les aime tous et qu’à tous il fasse part de son banquet, cependant il place ceux qu’il aime davantage à ses côtés, à une table spéciale. Il invite ses amis intimes à manger dans le même plat et à boire à la même coupe que lui. » – Seigneur, dis-je avec joie, quel est le festin ? Quand avez-vous invité tout le monde ? Oh dites-moi, dites- moi ! Il répondit : « J’ai invité tous les hommes à la vie éternelle : que ceux-là viennent qui veulent venir ! Personne ne peut s’excuser et dire : Je ne suis pas invité.  Et si tu veux voir combien j’ai aimé les hommes et désire les voir à ma table regarde la croix. Quelques  uns viennent et prennent place. » Ici Jésus me donnait à  entendre qu’il est lui-même la table et la nourriture des convives.- Et ces appelés, dis-je alors, par quelle voie sont ils venus ? – « Par la voie de la tribulation, me fut-il répondu. Ce sont les vierges, les chastes, les pauvres, les infirmes, les éprouvés. » Et il nommait les nombreuses catégories de ceux qui doivent être sauvés. Et ma joie fut immense, car je compris l’ordre et la raison de toutes ces choses. Tous ces élus  portaient le nom de fils. Et il m’était dit comment la virginité, comment la pauvreté, la maladie, la perte des proches, des biens temporels, toutes les tribulations étaient imposées pour leur bien à ces enfants du Seigneur. Ils ne le comprennent pas tout d’abord, mais plus tard ils supportent paisiblement ces épreuves et reconnaissent qu’elles viennent de Dieu. Mais les invités à une table  spéciale, qui boivent à la table du Seigneur, qui mangent au même plat que Lui, sont ceux qui veulent connaître quel est cet homme si bon qui les a invités, afin de pouvoir lui plaire… Ils comprennent combien le Dieu tout-puissant les a aimés et ils se savent indignes. Pour le com

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Prendre, ils vont à la croix, ils s’y fixent et ils regardent, ils y reconnaissent l’amour… L’âme alors apprend qu’elle doit mourir à elle-même, à ses vices et à ses péchés et monter à une grande dignité… A ceux qui sont ses fils intime Dieu permet qu’il arrive de grandes tribulations ; c’est une grâce spéciale qu’il leur fait afin qu’ils mangent dans un même plat avec lui… ils peuvent sentir l’amertume de la tribulation, mais cette amertume leur devient douce parce que l’amour et la grâce sont en eux. (Trad. Hello, ch. L; Doncoeur, pp. 88 SQ. ; Ferré, pp 97  sq.)

   “Touche mes plaies, dit le Sauveur à Madeleine Vigneron, approche et pose ta main. » – Je vous sens et je vous touche assez, répondit-elle, par les souffrances que vous me donnez ; elles sont plus vôtres qu’elles ne sont miennes… Alors Il lui dit doucement dans le fond du cœur : « Oh oui, ma fille, ce sont là les plus douces caresses que je témoigne à une âme que j’aime. » (IIe part., ch. XVIII )

   Jésus dit à Marguerite-Marie : « Je chéris si fort la croix que je ne puis m’empêcher du m’unir étroitement à ceux qui la porte comme moi, pour l’amour de moi. » (Autobiographie, Editions Gauthey  P. 89.)  La sainte écrit : Notre-Seigneur me déclara qu’il ne voulait point diminuer ma sensibilité, ni mes grandes répugnances, tant pour honorer celles qu’Il avait bien voulu ressentir au  Jardin des Olives que pour me procurer des matières de victoire et d’humiliation. (Ibid., p. 82.)

18. Jésus aussi était innocent

   Un jour Catherine, Agnès et Cécile, trois grandes saintes du ciel, apparurent à Pierre de Vérone, de l’ordre de saint Dominique, dans sa cellule et conférèrent avec lui : un religieux entendant ces voix, suspecta son innocence, l’accusa et le fit condamner. Ses supérieurs reléguèrent Pierre au couvent d’Iësi, pour y mener une vie retirée et pénitente, sans jamais plus paraître en public. Le saint qui n’avait pas voulu se défendre dans la crainte de manifester la grâce reçue du ciel et afin de souffrir comme une victime pour Dieu,

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supporta cette confusion avec une patience admirable ; cependant il lui échappa de s’en plaindre amoureusement au crucifix, devant qui seul il déchargeait son cœur. Eh quoi ! mon Dieu, lui dit-il, vous savez mon innocence, comment souffrez-vous que je demeure si longtemps plongé dans l’infamie ? Notre Seigneur lui répondit : « et moi Pierre, n’étais-je pas innocent ? Avais-je mérité les opprobres et les douleurs dont j’ai été accablé durant le cours de ma passion ? Apprends donc de moi à souffrir avec joie les plus grandes peines, sans avoir commis les crimes pour lesquels on te les impose. »  Ces paroles de Jésus-Christ firent une telle impression sur le cœur de Pierre, qu’il mit dès lors toute sa félicité dans les souffrances, tout son honneur  dans l’humiliation et toute sa joie dans la croix de Jésus-Christ. Mais bientôt le Seigneur fit connaître son innocence et il l’éleva à une haute sainteté. (Petits Bollandiste, par Mgr Guérin, au 29 avril.)

    Sœur Anne-Marie de la Fosse, sainte religieuse de la Visitation d’Angers (morte en 1680) se plaignant amoureusement à Notre-Seigneur dans l’oraison de quelques procédés qui l’avait fait souffrir, le divin Maître en lui montrant ses plaies lui dit au fond du cœur : « Et moi, ma fille, qu’avais-je fait ? » (Archives de la Visitation d’Angers.)

19. Jésus n’a jamais cherché son plaisir

   Un jour que Marguerite-Marie se sentait portée à l’amour du plaisir, son divin Sauveur se présenta à elle dans le mystère de la flagellation, lui faisant ce reproche : « Voudrais-tu bien prendre ce plaisir ? Et moi qui n’en ai jamais pris aucun, et me suis livré à toutes sortes d’amertumes pour ton amour et pour gagner ton cœur, voudrais tu donc encore me disputer ce cœur? » (Ed. Gauthey, II, p.45 .)

   Et une autre fois : « Je veux être toute ta joie et ta consolation, mais je serai aussi ton tourment et ton supplice. » (Ed. Gauthey, I, p. 131.)

 

 

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20. Le sacrifice réclame le sacrifice

 

   Saint Hamon ou Aymon, de l’abbaye de Savigny, était chargé des frères convers de la maison, et avait beaucoup à souffrir dans cet emploi. Un jour qu’il était plus accablé qu’à l’ordinaire, il vit au moment de la communion, Jésus-Christ, attaché à la croix, mais plein de vie, ayant la tête penchée du côté droit, et lui disant : « Si tout innocent que je suis, j‘ai souffert de si grands maux pour l’amour de vous, n’est-il pas bien juste que vous comptiez pour rien la peine que vous endurez pour moi. » (Petits Bollandistes,au 30 avril.)

   Véronique Juliani étant un jour en prière devant le crucifix qui se trouvait à l’infirmerie du monastère, entendit une voix qui sortait de ce crucifix et qui lui dit : «Sois en paix, ta vie sera une souffrance continuelle ; je le veux ainsi, afin que tu me ressemble  à moi, ton Epoux crucifié. » (Diario, t. Ier, p. 192.)  Une nuit, dit-elle encore, pendant que je faisais oraison, le Seigneur m’apparut tenant en main un calice et Il me dit : « Ce calice est pour toi, je te le donne afin que tu goûtes ce que j’ai gouté moi-même, mais non pas maintenant. Prépares-toi, le temps viendra où tu le boiras. » Et Il me fit comprendre combien il serait amer : à l’intérieur j’aurai à endurer tous les tourments et tous les coups des démons, le délaissement et cette agonie que produit la privation du Souverain Bien et de tous les secours ; à l’extérieur, calomnies, reproches, mépris, contrariétés, (16 giugno 1694.) Deux mois plus tard, le Seigneur se montre à elle de nouveau, tout sanglant, et tout couvert de plaies ; Il tient encore ce calice à la main, et Il lui dit : « Me voici, ma bien aimée, regarde ces plaies ; elles sont autant de voix qui t’invitent à boire ce calice amer. Je te le donne et je veux que tu le goûtes. » (25 agosto 1694.) Tu es ma bien-aimée, lui dit-Il un autre jour, et je prends plaisir à te voir souffrir ; c’est dans les peines que je te veux (17 settembre 1694.) Une nuit, la sainte avait soutenu de grands combats. Comme elle s’appliquait à la prière, l’extase la saisit et Jésus se montra à elle tout glorieux et plein de joie : « Me voici, lui dit-Il, que veux-tu autre chose ?  -Seigneur, je ne veux que vous, c’est pourquoi

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Je vous ai tant appelé à mon secours, et jamais vous n’êtes venu. Et Jésus reprit : « Jamais je ne me suis éloigné. Regarde-moi un peu. » Parlant ainsi, raconta la sainte, Il me montra une très belle croix qu’Il tenait à la main, toute pleine de joyaux et de pierreries ; elle était si belle que je ne puis le faire comprendre. Il la serra dans ses bras et Il me dit que ces magnifiques bijoux et pierres précieuses étaient toutes les souffrances que j’avais endurées les jours précédents ; mais que je devais continuer à souffrir, si je voulais Lui procurer une grande joie. (25 septembre 1694.)

21. Le divin Crucifié veut des âmes crucifiées

    Saint Bernardin de Sienne, demandait à Dieu de lui faire connaître sa volonté sur lui, entendit une voix qui disait : « Bernardin, tu me vois dépouillé de tout et attaché a une croix pour ton amour ; il faut donc, si tu m’aimes, que toi aussi tu te dépouilles de tout et que tu mènes une vie crucifiée. » Pour suivre ces conseils, Bernardin entra dans l’ordre de saint François. Plus tard, étant religieux, il lui sembla entendre Jésus-Christ lui dire : «Mon fils, tu me vois  attaché à la croix ; par là tu seras sur de me trouver. »  (Petits Bollandistes, au 20 mai.)

22. Jésus souffrant est la voie qui conduit à son Père

   Au commencement de sa conversion, Henri Suso, toit enivré des douceurs d’en haut, se sentait plein d’attrait pour les choses divines ; mais imiter et partager la douloureuse passion de Jésus-Christ l’effrayait. Jésus-Christ le reprit avec sévérité : « Ne le sais-tu pas, je suis la porte par laquelle les vrais amis de Dieu, qui veulent parvenir à la véritable félicité, doivent passer? Il faut, si tu veux vraiment parvenir à ma pure divinité, que tu passes d’abord par mon humanité souffrante et que tu t’y conformes. » (L’exemplaire, ch. xv.)

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23. Tes souffrances seront aussi nombreuses que les étoiles

  Le Seigneur ayant fait connaître à Henri qu’il n’était pas au bout de ses épreuves, Seigneur, dit le bienheureux, montrez-moi combien j’ai encore de souffrances à supporter. Le Seigneur répondit :  Lève les yeux au ciel, si tu peux compter la masse innombrable des étoiles, tu pourras aussi compter les souffrances qui te sont réservées ; et de même que les étoiles paraissent être petites, et sont cependant immenses, de même tes peines paraîtrons petites aux yeux des hommes, et cependant, d’après ta propre expérience, elles te seront lourdes à porter. » Le serviteur dit alors : Ah ! Seigneur, montrez-moi à l’avance mes peines, afin que je les connaisse. Le Seigneur répondit :  Non, il est préférable que tu ne saches rien, afin que tu n’hésite pas. Cependant, parmi les innombrables peines que tu auras à supporter, je veux t’en nommer simplement trois. La première est celle-ci : jusqu’ici c’est toi qui te frappais de tes propres mains, tu cessais quand tu voulais, et tu avais compassion de toi-même; je veux maintenant t’arracher à toi-même et te jeter sans défense aux mains d’étrangers qui te frapperont. Tu assisteras à un effondrement de ta réputation, tu seras en butte au mépris de quelques hommes aveuglés, et tu souffriras plus de cela que de blessures faites par les pointes de ta croix. Lorsque tu te livrais à tes exercices de mortification, tu étais grand, tu étais admiré ; maintenant tu seras abaissé, tu seras annihilé.

   La seconde peine est celle-ci : Bien que tu te sois infligé mainte cruelle torture, il t’est cependant resté, avec la permission de Dieu, une nature tendre et aimante; il t’arrivera que, là où tu aurais pensé trouver un amour particulier et de la fidélité, tu ne trouveras que de l’infidélité, de grandes souffrances et de grandes peines. Tes épreuves seront si nombreuses que les hommes qui ont pour toi quelque amour souffriront avec toi par compassion.

   « La troisième peine est celle-ci. Jusqu’ici, tu n’été qu’un enfant à la mamelle, un enfant gâté, tu as nagé dans la douceur divine comme  un poisson dans la mer. Je veux maintenant te retirer tout cela, je veux que tu e sois privé et que

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tu souffres de cette privation, que tu sois abandonné de Dieu et des hommes, que tu sois persécuté publiquement par tes amis et par tes ennemis. Je veux te le dire en un mot, tout ce que tu feras, qui pourrait t’apporte de la joie ou de la consolation, n’aboutira pas, et tout ce qui te fera souffrir, tout ce qui te sera contraire réussira. »

 

24. Le chien et le lambeau d’étoffe

Suso tout effrayé des paroles du Seigneur était plongé dans la tristesse quand une voix lui dit intérieurement : « Aie bon courage, je serai avec toi et je t’aiderai avec ma grâce à surmonter toutes ces peines. » Il se leva et se remit entre les mains de Dieu. Le matin après la messe, comme il était assis tout triste dans sa cellule et pensait à ce qui était arrivé, il eut froid, car c’était pendant l’hiver, une voix lui dit alors intérieurement : « Ouvre la fenêtre de ta cellule, regarde et apprend. » Il ouvrit et regarda, il vit un chien qui courait au milieu du cloître, portant dans sa gueule un lambeau de tapis, il jouait avec ce tapis, le jetait en l’air, le traînait par terre, le déchirait et y faisait des trous. Le serviteur leva les yeux au ciel, et soupira profondément ; une voix lui dit alors intérieurement : « Tu seras ainsi jeté par la bouche de tes frères et déchiré. » Il pensa en lui-même : Puisqu’il ne peut pas en être autrement, résigne-toi, vois comme ce tapis se laisse maltraiter en silence, fais de même. Il descendit, prit le tapis et le garda pendant de longues années comme son cher trésor ; lorsqu’il avait un mouvement d’impatience, il le prenait, afin de se reconnaître en lui, et de se taire courageusement. Lorsqu’il détournait son visage avec mépris de quelques-uns qui l’opprimaient, il en était puni intérieurement, et une voix lui disait, il en était puni intérieurement, et une voix lui disait au fond de son cœur : « Souviens-toi que moi ton Seigneur, je n’ai pas détourné mon visage de ceux qui me crachaient à la face. » (L’exemplaire ,ch. XXII.)

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25. Les grâces augmentent avec les souffrances

   Le Père céleste dit un jour à Jeanne Bénigne que seule l’âme crucifiée avec son Fils, par grâce, par amour et par la pure souffrance, attire et ses yeux et son Cœur, comme étant la plus disposée à recevoir ses divines miséricordes : « Ma fille, lui dit-Il, souffrira incessamment ; mais plus elle portera de souffrances, plus elle me glorifiera, plus j’augmenterai mes grâces à son égard, plus ma volonté s’inclinera vers la sienne, plus je ferai ce qu’elle désire et plus elle méritera de gloire. » (Vie, IIIe part., ch. III.)

   Mais pour que la souffrance produise ces effets admirables, l’âme doit s’élever au-dessus de ses peines et se maintenir dans la région de l’amour : « Ne crains pas, dit Jésus à Bénigne, lorsque pour me faire honorer par toi, je permets que l’on dise que tu es trompée du démon, voulant faire la sainte ; que tu fais tout pour parvenir à être supérieure, et que tu refuses de satisfaire et servir tes sœurs, ou que tu le fais imparfaitement, ne voulant pas montrer aux autres tes inventions pour faire tout si bon – elle était chargée de la cuisine – pour te rendre nécessaire ; mais tiens-toi alors, Bénigne, ferme dans ton application et élévation d’esprit en ma Divinité. » ( IIIe part., ch. VII.)

26  .La vraie patience est une patience d’amour

   Jésus-Christ à sainte Catherine de Sienne : « Mes serviteurs doivent s’offrir à moi en sacrifice, ce sacrifice doit être à la fois spirituel et corporel. Le vase  n’est pas séparé de l’eau quand on le présente au maître. L’eau sans le vase ne pourrait lui être présentée,  et le vase sans l’eau lui serait inutile. Vous devez donc m’offrir le vase de toutes les peines que je vous envoie, sans en choisir le lieu, le temps et la mesure, laissant tout à mon bon plaisir. Mais ce vase doit être plein, c’est-à-dire que vous devez endurer les peines avec amour, avec résignation, et supporter avec patience les défauts du prochain, ne haïssant que le péché. Votre vase, alors est plein

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de l’eau de ma grâce qui donne la vie, et je reçois avec délices ce présent que me font mes épouses, les âmes fidèles. J’accepte leurs ardents désirs, leurs larmes, leurs soupirs, leurs humbles et continuelles prières ; et ces preuves de leur amour apaisent ma colère contre mes ennemis et les hommes pervers, qui commettent contre moi tant d’offenses.

   « Ainsi donc, souffrez avec courage jusqu’à la mort ; ce sera le signe évident de votre amour pour moi. Après avoir mis la main à la charrue, ne regardez pas en arrière par crainte de quelque créature ou de quelque tribulation. Réjouissez-vous au contraire, dans vos épreuves ; le monde se complait  dans les injustices ; pleurez-les, parce que celles qui m’offensent vous offensent, et celles qui vous offensent m’offensent. Ne suis-je pas devenu une seule chose avec vous ?… Le monde vous poursuit et vous poursuivra jusqu’à la mort, parce qu’il ne m’aime pas. Si le monde m’avait aimé, il vous aimerait ; mais réjouissez-vous, car votre joie sera grande dans le ciel. » (Dialogue, ch. XII.)

 

27. L’amour se montre et grandit par le sacrifice

   Au milieu de ses rudes épreuves, la bienheureuse Lidwine était consolée par son ange gardien qui, de la part de Jésus, lui adressait ces paroles : « Non, non, je ne veux pas que ma  bien-aimée se désole, elle me reverra, je lui reviendrai, je la consolerai, son cœur reposera encore sur mon Cœur. Quelle ait courage ! les jours de l’épreuve finiront, et elle aura montré plus d’amour, elle aura conquis plus de gloire, car elle aura passé par où j’ai passé ; n’ai-je pas été abandonné ? N’ai-je pas souffert »

28. Par l’amour la croix deviens légère

Saint Pierre ayant apparu à Catherine de Racconigi, elle craignait d’avoir été trompée par le démon ; Jésus la rassura en ces termes : « Rassure-toi, mon épouse, celui qui est venu n’est pas le démon, mais Pierre, mon fidèle serviteur, le même que je t’ai donné pour maître. Il a bu déjà le calice de ma

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passion, en souffrant le martyre pour mon amour

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craindre de succomber. Cependant qu’il prenne courage, qu’il ait confiance en moi ; je ne permettrai pas qu’il tombe dans l’impatience et finalement il persévèrera. »  ( Vie intime, ch.  v, § 30.)

32. Avis à ceux qui craignent trop les labeurs

Et qui désirent trop ardemment les douceurs de la solitude

   Notre Seigneur dit un jour à Sainte Thérèse : « Penses-tu, ma fille, que le mérite consiste à jouir ? Non, mais à travailler, à souffrir et à aimer. Tu n’as pas entendu dire que saint Paul ait gouté plus d’une fois les joies célestes, tandis qu’il a eu très souvent à souffrir. Regarde aussi ma vie, toute remplie de souffrances ; tu n’y trouves d’autre jouissance que celle du Thabor. Quand tu vois ma mère, me tenant entre ses bras, ne t’imagine pas que ses joies fussent exemptes d’un cruel tourment : dès qu’elle eut entendu les paroles de Siméon, mon Père, par une vive lumière l’éclaira sur ce que j’aurais à souffrir. Ces grands saints qui passaient  leur vie dans le désert, pratiquaient sous l’inspiration de Dieu de très rudes pénitences ; en outre, ils soutenaient de grands combats contre le démon et contre eux-mêmes et restaient fort longtemps sans aucune consolation spirituelle. Crois-le, ma fille, ceux-là reçoivent de mon Père de plus grandes souffrances qui sont le plus aimés de Lui, et ces souffrances sont la mesure de son amour. En quoi puis-je mieux te montrer le mien, qu’en choisissant pour toi ce que j’ai choisi pour moi-même ? Regarde ces plaies, tes douleurs n’iront jamais jusque là. C’est là le chemin de la vérité. Quand tu l’auras compris, tu m’aideras à pleurer la perte des mondains, dont tous les désirs, tous les soins ne tendent qu’à un but tout contraire. »

   En commençant mon oraison, continue sainte Thérèse, j’avais un si violent mal de tête, qu’il me semblait presque impossible de la faire. Notre Seigneur me dit : « Tu connaîtra ainsi la récompense attachée à la souffrance. Ton indisposition te mettant hors d’état de me parler, je suis venu moi-même m’entretenir avec toi et te consoler. »

(Relation.)

 

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III.- Victimes avec Jésus pour les pécheurs

33. Larmes, prières, souffrances expiatrices

pour les pécheurs

   Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une voix qui disait : « Regarde, ma fille, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion… Je veux que, lorsque je te ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds après m’avoir reçu, pour faire amende honorable à mon Cœur, offrant à mon Père le sacrifice sanglant de la croix, à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les indignités que je reçois dans ce cœur. » La sainte fut surprise d’entendre ces paroles sur une âme qui venait de se laver dans le sang précieux ; Notre-Seigneur lui dit : « Ce n’est pas qu’elle soit dans le péché, mais la volonté de pécher n’est pas sortie de son cœur, ce que j’ai plus en horreur que l’acte même du péché, car c’est appliquer mon sang par mépris sur un cœur corrompu, d’autant que la volonté du mal est la racine de toute corruption. » A ces mots, la sainte souffrit de grandes peines, demandant miséricorde pour cette âme ; Notre-Seigneur lui dit : « J’ai oui ton gémissement, et j’ai incliné ma miséricorde sur cette âme. » (Ed. Gauthey, I, p. 112.)

   Notre-Seigneur présentant à Marguerite-Marie cinq cœurs infidèles, desquels  elle Lui demandait la conversion, lui dit : «Charges toi de ce fardeau et participe aux amertumes de mon Cœur. Verse des larmes de douleurs sur l’insensibilité de ces cœurs, que j’avais choisis pour les consacrer à mon amour, ou bien laisse-les s’abîmer dans leur perte, et viens jouir de mes délices. » (Ed. Gauthey, II, p 179.)

    Une autre fois, Notre-Seigneur lui dit : « Il est vrais, ma fille que mon amour m’a tout fait sacrifier  pour les hommes, sans qu’ils me rendent de retour, mais je veux que tu supplées a leur ingratitude par les mérites de mon Sacré-Cœur. Je veux

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te donner mon Cœur ; mais auparavant il faut que tu te rendes sa victime d’immolation, pour qu’avec son entremise tu menaces une communauté religieuse, qu’il veut reprendre et corriger dans son juste courroux. »

   En même temps Notre-Seigneur lui fit voir ce qu’il fallait qu’elle souffrit pour le salut de ces âmes. La sainte n’avait pas le courage de dire oui et d’accepter les sacrifices que le bon Dieu lui réservait. Il lui fut dit comme à saint Paul « Il t’es dur de regimber contre les traits de ma juste colère ; mais, puisque tu m’as fait tant de résistance pour éviter les humiliations qu’il te fallait souffrir, je te les  donnerai au double car je ne demandais qu’un sacrifice secret et maintenant je le veux public, d’une manière et dans un temps hors de tout raisonnement humain et accompagné de circonstances si humiliantes ; qu’elles te seront un sujet de confusion pour le reste de ta vie, dans toi-même et dans les créatures, pour te faire comprendre ce que c’est que de résister à Dieu. » (Ed. Gauthey, II, p. 84.)

34. Laisser à Dieu l’application des expiations accomplies

   Marguerite-Marie s’étant présentée devant Dieu comme une hostie d’immolation, Notre-Seigneur lui dit : « Oui, ma fille, je viens à toi comme souverain sacrificateur pour te donner une nouvelle vigueur ; Ma paix t’es rendue et ma sainteté de justice est satisfaite par le sacrifice que tu m’a fait pour rendre hommage à celui que je fis au moment de l’Incarnation, le mérite duquel j’ai voulu joindre à celui que tu m’as fait ; afin de l’appliquer en faveur de la charité, comme je te l’ai fait voir. C’est pourquoi tu ne dois plus rien prétendre en ce que tu pourras faire et souffrir, ni pour accroissement de mérite, ni satisfaction de pénitence ou autrement, tout étant à ma disposition pour la charité. Donc, à mon imitation tu agiras et souffriras en silence, uniquement pour la gloire de Dieu, dans l’établissement du règne de mon Sacré-Cœur dans celui des hommes, auxquels je le veux manifester par ton moyen.» (Ed. Gauthey, II, p.86.)

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35. Combien une victime fidèle est puissante

Sur le cœur de Dieu

  On lit dans le Vie de Sœur Jeanne-Bénigne Gozos que Dieu la faisait souvent satisfaire à sa divine justice, par ses pénitences et ses peines corporelles, pour les péchés qui se commettaient en tant de guerres dont l’Europe était remplie. Quelquefois elle était transportée en esprit sur les lieux pour y être témoin des désordres qui  se commettaient. Alors Dieu l’excitait à demander la paix et le pardon pour les peuples par ces intimes paroles : « Bénigne, eh ! dis-moi que je pacifie ces rois, que je cesse de les châtier par eux-mêmes. » (Vie, Ière part., ch. x.)

   Un jour, se trouvant accablée de peines et en proie à des douleurs corporelles martyrisantes, elle se plaignait à son bien-aimé, qui lui dit : « Hé !quoi, Bénigne se plaint ! Ne se souvient-elle plus des grâces que ses souffrances apportent au monde ? c’est-à-dire la conservation de la paix en ce pays, la préservation de la peste et de la disette universelle, le bonheur d’un royaume dans lequel elle est née (la France), la conservation du roi qui y domine et celle du prince Charles-Emmanuel) qui règne si heureusement dans les états où je l’ai conduite de ma main. Ce sont là des biens que j’accorde en faveur des douleurs que Bénigne souffre ; mais, puisqu’elle s’en plaint, elle n’estime pas mes grâces ; elle compte pour rien le salut de ces deux têtes couronnées que je lui ai accordé, et ne se souvient pas qu’elle s’est offerte à moi pour souffrir toutes choses afin de l’obtenir et de satisfaire à ma justice pour leurs péchés. Mais non, Bénigne rappellera tous ces doux souvenirs et elle voudra bien souffrir incessamment pour mon amour. » (IIIe part., ch. XII.)

  Une autre fois, se trouvant dans un grand abîme de ténèbres et de peines intérieures, elle fut tout à coup élevée dans le Cœur de Jésus, qui lui demanda : « Que dit de moi Bénigne? » Elle répartit : Oh ! Seigneur, elle dit avec saint Pierre que vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant, mon Dieu, mon Juge, mon Roi et mon amour. Et Jésus lui répondit : « Et moi je te dis que Bénigne est celle par qui je vais purgeant le monde de péché

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et d’hérésies, lui accordant souvent la vraie conversion des uns et des autres, ainsi que celle des païens et des Turcs ; » Une autre fois, Il lui dit en la caressant : Ma Reine, je te promets une grande victoire de tes frères chrétiens contre le Turc ; c’est par toi seule qu’on l’obtiendra. » Un jour entendu dire en récréation que le Turc faisait quelques progrès, elle en parla à Notre-Seigneur, le lendemain, à la communion. Il lui dit : « Oh ! ma fille, ne doute point des grands succès contre cet ennemi de mon Eglise, tant que tu tâchera d’avancer dans mon amour. » Souvent elle priait le bon Dieu de bénir les désirs qu’elle avait de le glorifier en priant pour le salut de tout le monde, et elle recevait cette réponse : « Je le fais, Bénigne, et je t’assure que tu ne vis plus que pour ma gloire et pour le salut des âmes. »

   Une fois, raconte-t-elle, que les pluies gâtaient les biens de la terre et que l’on faisait céans beaucoup de prières pour les faire cesser, mon doux Sauveur me dit : « Ce peuple est ingrat; il s’obstine dans le châtiment et se rend insolent dans la prospérité. » Puis Il eut pitié de ma douleur et me dit : « Bénigne, pour cette fois je pardonne à ce peuple et en cet instant même je retire mon châtiment. » En effet, au sortir du chœur, je vis briller le soleil et le beau temps dura longtemps… Une autre fois, dans l’octave des Rois, me trouvant dans des langueurs mortelles, je dis à mon amour que je ne pouvais comprendre comment j’aimais à vivre parmi tant de douleurs et de lâchetés en son service. Lors cet Amant incomparable en bonté répartit : « Oh a fille, c’est parce que tu vis encore sur la terre que je maintiens la paix dans ces états-ci, et que j’en éloigne la peste et la disette. »

   Une autre fois, me trouvant accablée de nouvelles infirmités, je connu que Dieu était fâché contre le public, ce qui m’obligea  à prier pour les peuples et pour ceux qui règnent sur eux. Il me dit : « Ma fille, tout ce monde-ci est en possession de mille biens que ma grâce et ma bonté lui accordent, et il agit comme ignorant que tout bien vient de moi. » Je répondis : Seigneur, ce peuple a souffert et souffre encore ; les récoltes so nt petites depuis deux ans et les impôts sont grands. A quoi sa parole divine répartit : « Ma fille, je retiens les fléaux de guerre, de peste et de famine universelle ;

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comptent-ils pour rien ces trois grandes faveurs ? Au moins faut-il que Bénigne m’en remercie pour tous, puisque les tristes gémissements de ma tourterelle retiennent mes justes châtiments à leur égard. »

   Une fois après  l’action de grâce, je fus élevée en Dieu perdant la mémoire de toutes les choses de la terre et restant absorbée en mon souverain Bien, auquel je demandai la réunion des princes de France à leur roi pour le bien public (c’était pendant les guerres de la Fronde). On me répondit d’une parole vraie : « Tu es exaucée, Bénigne, les troubles civils de la France vont être calmés, et la paix entre les deux couronnes se fera en son temps », ce qui arriva miraculeusement, comme elle l’apprit quelques jours plus tard. (Vie, IIIe part., ch. xv.)

 

 

36. L’amour torturant et réconfortant

Rend capable de sauver les âmes

 

 

   Un jour que Sœur Marie-Josèphe Kumi souffrait beaucoup, son Bien-Aimé lui rappela son rôle de martyre de la charité, lui montra plusieurs milliers de pécheurs près de tomber en enfer, et lui dit : « La charité cause tes douleurs, mais elle te réconfortera ; elle ne laissera en toi aucune partie de saine, mais tu conserveras la vie ; elle te donnera toujours les forces nécessaires pour supporter de nouvelles peines. Je t’ai appelée dans un ordre apostolique, celui de mon serviteur Dominique, parce que  je t’ai choisie aussi pour la pêche des âmes. Par cet amour torturant tu en prendras une multitude. » (Vie, ch. IX.)

37. Il faut toujours des expiations

Parce qu’il y a toujours des péchés

   Ma vie, raconte Marie Brotel, est un continuel combat avec Notre-Seigneur afin d’obtenir de Lui miséricorde pour les âmes, et la souffrance ne s’arrête pas non plus. Notre-Seigneur me découvre ordinairement toutes les âmes et tous les péchés du monde, et Il me dit : « Ma fille, comment veux-tu qu’avec

 

 

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