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"Les Divines Paroles"
ou ce que le Seigneur a dit à ses intimes dans le cours des siècles chrétiens
parle Père Saudreau
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( Tome 1 : 260 pages 15 euros ; Tome 2 : 260 pages 15 euros et 6,70 euros de port ) :
Editions Saint-Jean / librairie chrétienne ( e-mail : editionsaintjean@orange.fr )
Chapitre premier
Encouragements divins à lire, à méditer et à faire connaître aux autres les paroles révélées
1. Le Seigneur ordonne décrire ses paroles
Sainte Thérèse 1 entendit un jour le Seigneur lui dire : « Tu sais que je te parle quelquefois. Ne manque pas décrire mes paroles, car si elles ne te sont pas utiles à toi-même, elles pourront lêtre à dautres » (Relations 52.) Et une autre fois : « Ne manque pas décrire les avis que je te donne, afin de ne pas les oublier. Puisque tu aimes à avoir par écrit ceux qui te viennent des hommes, comment regardes-tu comme une perte de temps décrire ceux que tu reçois de moi ? Un temps viendra où les uns et les autres te seront nécessaires. » (Relations 64).
Le confident et le confesseur dAngèle de Foligno 2 ayant transcrit les paroles du Seigneur que lui avait rapportées la bienheureuse, celle-ci craignit quil ne se fût glissé dans ces pages quelque erreur. Le Seigneur dit à Angèle : « tout ce
1 Sainte Thérèse naquit en 1515 et mourut en 1582. Les citations sont faites daprès la traduction du P. Bouix, ou daprès la traduction des Carmélites, Paris, Beauchesne, ou sur loriginal : Obras de Santa Teresa de Jesu, par D.Vicente de la Fuente, 1881.
2 Sainte Angèle de Foligno mourut en 1309. Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno a été écrit par son confesseur, le Père Arnaud. (Traduction par le p. Doncoeur. Par M.J. Ferré, par Hello.)
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1. UTILITE DES PAROLES REVELEES (page 2)
1 – UTILITE DES PAROLES REVELEES
Peux; tes écrits sont destinés à les faire connaître, toute parole que tu écris chante ma miséricorde. Ecris le plus que tu le peux. Je veux avoir besoin de toi, pauvre petit rien, pour faire parvenir aux âmes mes miséricordes. » ( Pp. 16 104.)
2. Bénédictions promises à ceux qui ont écrit les paroles divines.
Paroles du Seigneur à sainte Gertrude : « Celui qui transcrira ce livre 1 recevra à chaque trait qui sy trouve les flèches de lamour que je lui lancerai de mon divin Cur et qui exciteront dans son âme les sentiments les plus délicieux dune divine suavité. » (Prologue.) « Le travail de la personne qui écrit ce livre mest aussi agréable que si elle avait suspendu en mon honneur autant de cassolettes quelle y a formé de lettres. » (Liv.V, ch. III.) Dis au frère qui écrit quand tu parles, dit le Seigneur à sainte Angèle de Foligno, de travailler à se faire petit. Il est aimé du Dieu tout-puissant. Dis-lui daimer le Dieu tout-puissant. » (Ch. I.)
3. Le Seigneur à aidé ceux qui ont transmis aux hommes ses paroles
Sainte Mechtilde 2 sachant que deux de ses surs dont lune nétait autre, semble-t-il, que sainte Gertrude, écrivait un livre de toutes les révélations qui lui avaient été faites, disait au Seigneur : Doù puis-je savoir que tout ce qui est écrit est vrai, puisque je ne lai ni lu ni approuvé ? Et encore le lirais-je que je ne men rapporterais pas parfaitement à moi-même. Le Seigneur lui répondit : « Je suis dans les curs de celles qui désirent tentendre, en exitant
2 On sait que le livre de sainte Gertrude nest guère autre chose que lensemble des instructions
& p.3 à 12
Jésus parle de l’utilité des Apparitions et des paroles révélées
I Utilité des Paroles Révélées
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sainte Véronique Juliani 1, jentendis une voix intérieure qui me dit : " Je suis avec toi, que veux-tu de plus ? " Cette voix me paraissait être celle du Seigneur. Elle me causait tant de contentement que jétais comme hors de moi ; cependant je continuais décrire. A la fin ne le pouvant plus, je voulus me mettre à faire oraison. Mais de nouveau jentendis la voix qui me dit : " Ecrit ; la fatigue que tu éprouves mest agréable autant que loraison, par ce que ces choses (que tu écris seront de grand profit aux âmes. Donc écrit tout. Ce sont mes uvres, nen doute pas. " (Diario, 13 septembre 1697.) " Tes écrits iront dans le monde entier, pour ma gloire et le bien des âmes. " (23 maggio 1697.)
" Ma fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron 2, je veux vous découvrir les grâces que vous avez reçues de moi, votre Epoux, et que vous les écriviez avec les manquements que vous y avez apportés
à la vérité vous y souffrirez beaucoup, le démon vous tourmentera de toutes manières, mais, ma fille, ayez bon courage, je vous assisterai ; les tourments passeront, et si vous persévérez, il sera enfin confondu et votre Jésus règnera tout pur dans votre cur. " (Ire part., ch. Ier.)
Le Sauveur fit le même commandement à la bienheureuse Varani décrire les révélations quil lui avait faites sur ses souffrances intérieures. (Opere spirituali, p. 53.)
Les directeurs de sainte Marguerite-Marie 3 lui avaient ordonné décrire les grâces merveilleuses quelle recevait, mais elle éprouvait une vive répugnance à le faire ; son divin Maître
1 Sainte Véronique Juliani, née en 1660, mourut en 1727. Elle avait souvent assuré que les instruments de la Passion étaient imprimés dans son cur. On voulut, après sa mort, vérifier ses déclarations ; tout se trouva conforme à ce quelle avait décrit. Nous citons toujours son journal, récemment publié et édité par le P. Pizzicaria, S. J. , Couvent des Capucines, Citta di Castello, Italie.
2 Madeleine Vigneron (1628-1667) vécut à Senlis, puis à Paris dune vie très édifiante, quelle termina après sept années de maladies et de souffrances héroïquement endurées. Son directeur, le P. Mathieu Bourdin, minime, a publié ses mémoires, qui contiennent des choses remarquables. (Paris, 1689.).
3 Sainte Marguerite-Marie (1647-1690). Nous citons daprès lédition de ses uvres, par Mgr Gauthey.
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len reprit : Pourquoi refuses-tu dobéir à ma voix qui te demande de mettre par écrit ce qui vient de Moi et non de toi, ca tu ny a pour ta part quune simple adhérence ; considère ce que tu es et ce que tu mérites, et tu pourras connaître doù vient le bien que tu possèdes. Pourquoi crains-tu puisque je tai donné pour asile le lieu où tout est rendu facile. " (Editions Gauthey, I, p. 109.)
Comme Marguerite en accomplissant ressentait toujours la même peine et sen plaignait à Notre-Seigneur : " Poursuit ma fille, poursuit, il nen sera ni plus ni moins pour toutes les répugnances ; il faut que ma volonté saccomplisse ", lui dit Jésus. (II, p. 39.)
Notre Seigneur dit à Marie-Céleste 1 : " Bien aimée de mon cur, écris de moi. Ce que je tai communiqué dans le secret, dis-le publiquement. Car ma volonté est que tu manifestes les vérités que tu as reçues de ma sagesse sur mon Incarnation et la magnificence des uvres que jai accomplies en prenant la nature humaine. Oh ! que de secrets et ma mort sont cachées aux hommes ! Je te commande donc décrire de moi afin que mon nom soit glorifié sur la terre. " (Vie, p. 362.)
Jésus déclara plusieurs fois à Sur Benigna Consolata 2 la mission quIl voulait lui confier, et lui fit comprendre quelle devait être son instrument.
Ayant dit quelque chose à Jésus du désir que javais de faire connaître ses miséricordes, Il me dit : " Mais oui, tu le
1 La vénérable Marie-Céleste Costarosa (1696-1795) fut cette sainte religieuse que Notre-Seigneur chargea de faire savoir à saint Alphonse de Liguori quIl lavait choisi pour fonder un Ordre nouveau, qui fut lOrdre du Très saint Rédempteur. (Vie, par le R. P. Favre, Paris, librairie Saint-Paul, 1931.)
2 Sur Benigna-Consolata Ferrero, née à Turin (1885), entrée au couvent de la Visitation à Côme, le 30 décembre 1907, y mourut en odeur de sainteté, le 1er septembre 1916. Elle reçut dès sa jeunesse les instructions de Jésus. Le Sauveur lappelait dabord de son nom de baptême, Maria. A sa prise dhabit, le nom de Benigna-Consolata, et Jésus lappela dès lors Benigna. Les citations sont extraites, soit de la notice en italien, faite par le couvent de Côme, soit de la Vie, traduite en français, imprimerie Roudil, 3, quai Saint-Clair, Lyon..
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peux; tes écrits sont destinés à les faire connaître. Toute parole que tu écris chante ma miséricorde. Ecris le plus que tu le peux. Je veux avoir besoin de toi, pauvre petit rien, pour faire parvenir aux âmes mes miséricordes. " (Pp. 103, 104.)
2. Bénédictions promises à ceux qui ont écrit
Les paroles divines
Paroles du Seigneur à sainte Gertrude : " Celui qui transcrira ce livre 1 recevra à chaque trait qui si trouve les flèches de lamour que je lui lancerai de mon divin Cur et qui exciteront dans son âme les sentiments les plus délicieux dune divine suavité. " (Prologue.) " Le travail de la personne qui a écrit ce livre mest aussi agréable que si elle avait suspendu en mon honneur autant de cassolettes quelle y formé de lettres. " (Liv. V, ch. III.) " Dis au frère qui écrit quand tu parles, dit le Seigneur à sainte Angèle de Foligno, de travailler à se faire petit. Il est aimé du Dieu tout-puissant. Dis-lui daimer le Dieu tout-puissant. " (Ch. L.)
3. Le Seigneur a aidé
Ceux qui ont transmis aux hommes ses paroles
Sainte Mechtilde 2 sachant que deux de ses Surs-dont lune nétait autre que, semble-t-il, que sainte Gertrude-écrivaient un livre de toutes les révélations qui lui avaient été faites, disait au Seigneur : Doù puis-je savoir que tout ce qui est écrit est vrai, puisque je ne lai ni lu ni approuvé ? Et encore le lirais-je que je ne men rapporterais pas parfaitement à moi-même. Le Seigneur lui répondit : " Je suis dans les curs de celles qui désirent tentendre, en exitant
1 On sait que le livre de sainte Gertrude nest guère autre chose que lensemble des instructions quelle reçut du Seigneur.
2 Sainte Mechtilde (1241-1298) vécut dans le monastère dHelfta en Saxe. (Révélations, texte latin édité par les Pères Bénédictins, Paris, Oudin, 1877 ; traduction francaise par les mêmes, Oudin, 1978.)
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chez elles ce désir. Je suis leur intelligence lorsquelles tentendent, qui leur fait comprendre ce que tu leur rapportes. Je suis aussi dans leur bouche lorsquelles en parlent : je suis dans leur main lorsquelles lécrivent, en tout je suis leur aide et leur coopérateur ; et de la sorte tout ce quelles dictent et écrivent en moi et par moi qui suis la vérité, est vrai
Ce quelles écrivent, bien que manquant de lélégance avec laquelle je te lai communiqué, toutefois avec laide et la coopération de ma grâce, recevra le cachet et la confirmation de ma vérité. Tu mas dailleurs si souvent prié de ne pas te laisser séduire par lesprit derreur, que tu as toute raison de croire que ma bonté ta exaucée en ce point. " (Ve part., ch. XXII.)
Plus tard, quand le livre fut achevé, le Seigneur lui dit : ne crains rien, cest moi qui ai tout fait ; tout est donc mon ouvrage. Le don que tu as eu vient de moi, et aussi véritablement que tu las reçu de mon Esprit, de même cest mon esprit qui a poussé vraiment celles-ci à écrire et à poursuivre ce travail. Elles ont en vérité écrit daprès mon Esprit tous les mots de ce livre, qui éternellement brilleront dans leurs couronnes devant mes yeux. " Ve part. , ch. XXXI)
Sainte Gertrude, dont une autre Sur écrivait également les révélations, reçut du Seigneur la même assurance : " Puisque tu sais que ma volonté est que ce livre soit écrit, pourquoi te troubler ? Cest moi en effet qui pousse celle qui lécrit, et je laiderai fidèlement. " (Prologue.)
4. Pourquoi Dieu choisit les simples
Pour être ses interprètes
On avait dit à la Sur Mechtilde 1 que le livre contenant
1. Mechtilde de Magdeboug, morte vers 1293, après avoir pendant de longues années vécu saintement, isolée au milieu du monde, entra dans le monastère dHelfta où vivait alors sainte Gertrude et sainte Mechtilde. Ces deux grandes servantes de Dieu ont rendu témoignage à sa sainteté et à la vérité de ses révélations. (Révélations de la Sur Mechtilde, traduction française, Oudin, Paris, 1878 ; édition latine, Oudin, 1877.)
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ses révélations seraient brûlé. Hélas Seigneur, dit-elle, mavez-vous donc fait illusion en mordonnant décrire ce livre ? Dieu apparut aussitôt à son âme affligée, et tenant ce livre dans sa main droite, Il dit : " Ma bien aimée, ne soit pas troublée à ce point ; on ne peut brûler la vérité. Celui qui me le prendra des mains devra être plus fort que moi
Considère avec attention mes paroles et vois avec quel amour elles manifestent mes secrets et ne doute plus de toi-même. " Et comme lhumble Sur objectait son ignorance et sa misère : " Ma fille, reprit le Seigneur, beaucoup de gens perdent leur or précieux par leur négligence, ils ne suivent pas la voie qui les auraient conduits à une école supérieure
Jai toujours cherché pour accorder mes dons spirituels les plus humbles, les plus petits. Les hautes montagnes ne peuvent recevoir la révélation de mes grâces, car mon Esprit-Saint les fait couler dans les humbles vallées. Beaucoup qui passent pour savants dans les Ecritures ne sont à mes yeux que des insensés. Cest pour moi une grande gloire et cest pour la sainte chrétienté (lEglise), une force puissante de voir une bouche ignorante donner des leçons, daprès mon Esprit-Saint, aux langues érudites. " (Introduction, V.)
Le frère Henri 1 ayant manifesté son étonnement des révélations faites à Sur Mechtilde, le Seigneur dit à celle-ci : " Demande-lui comment il se fit que les apôtres
après avoir montré une si grande timidité, parurent si hardis quand ils eurent reçu le Saint-Esprit
demande-lui comment Daniel prit la parole, quand il nétait quun enfant, quil convainquit de mensonge les vieillards iniques et quil délivra Suzanne. " (Liv.II, ch. XXII.)
5, Fruits que doivent produire
Les paroles divines
Le Fils de Dieu dit à sainte Brigitte : " Les paroles que vous entendez dans vos révélation raniment comme une bonne boisson ceux qui désirent la charité, elles échauffent
1 Cétait un dominicain savant et vertueux..
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les froids, elles apaisent les troublés, elles affermissent les faibles desprit. " (Liv.V, n° 11.)
A la Sur Mechtilde furent dites ces paroles : " Jenvoie ce livre à tous les gens déglise, bons ou mauvais, parce que si les colonnes se renversent, lédifice ne peut plus se soutenir
Cest moi qui lait fait, ne pouvant plus me retenir de répandre au dehors mes faveurs
Dans ce livre toutes les âmes désolées, troublées trouveront leur consolation, mais ceux qui chercheront ailleurs leur consolation recevront de ces paroles un trouble plus grand encore. " (Introduction, VI.) " Ce livre est écrit avec le sang de mon cur. " (Liv. II, ch. XII.)
Sainte Gertrude entendit le Seigneur lui dire : " Si quelquun veut lire en ce livre pour son progrès spirituel, je lattirerai près de moi de telle sorte quil semblera que je tiens le livre dans mes mains et que je massocie à sa lecture
Jaspirerai le soufle de ses désirs qui viendront émouvoir mes entrailles en sa faveur ; je lui inspirerai le souffle de ma divinité, et mon esprit renouvellera son intérieur. " (Prologue.) " Je retrouve partout dans le livre linexplicable douceur de lamour divin, qui la fait écrire ; jy respire la suave odeur de la bonne volonté de la personne qui lécrit, enfin je suis agréablement flatté dy contempler limage de ma gratuite bonté, qui se manifeste à chaque page. " (Liv. V, ch. XXXIII.) " Je pénétrerai de la douceur de mon amour divin et je féconderai toutes les paroles de ce livre
qui a été vraiment écrit sous limpulsion de mon esprit. Quiconque venant à moi avec un cur humilié voudra y lire pour lamour de mon amour, je le prendrai en mon sein, et lui montrerai, comme de mon doigt, les endroits qui lui seront utiles
et je lui ferai sentir le souffle de ma divinité pour le salut de son âme. " (Ibid., ch. XXXIV.)
Semblables promesses furent faites à sainte Mechtilde : " Tout ce qui est écrit dans ce livre a coulé de mon Cur divin et y reviendra
Tous ceux qui me recherchent avec un cur fidèle, trouveront dans ce livre une cause de joie, ceux qui maiment sembraseront davantage de mon amour et ceux qui sont dans laffliction y trouveront la consolation. " (Liv. II, ch. XLIII.)
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6. Les paroles divines ont aussi pour but
de guérir les hommes de leurs péchés
Sainte Brigitte fut chargée de transmettre à son archevêque les paroles suivantes : " Vous admirez pourquoi je parles. Mais " levez vos yeux, voyez et écoutez. Demandez comment je suis méprisé de tous, rejeté de tous ; personne ne veut mavoir en son amour. Le cur de lhomme est dévoré par une cupidité insatiable du levant jusquau couchant, cruel même jusquà verser le sang de son prochain. Tout le monde shabille avec orgueil. Les hommes se livrent à la volupté comme des animaux. Quels sont les défenseurs de la foi; en trouve-t-on qui combattent les ennemis de Dieu, où sont ceux qui donnent leur vie pour le Seigneur ? Vous trouverez bien peu dhommes qui soient mes amis. Pensez à ces choses et vous verrez que je ne parle pas sans sujet Prenez donc mes paroles et voyez si elles sont, non pas pourries, mais pures et entières, si elles témoignent une foi saine et droite ; voyez si elles sont dignes de mon or, si elles conduisent de lhonneur du monde à lhonneur de Dieu, de la voie de lenfer à la sublimité du ciel. " (Rével extrav., 51.)
7. Les péchés des hommes peuvent empêcher le fruit
des paroles divines
Toutes les uvres de Dieu peuvent être combattues par les créatures. Ainsi il peut se trouver des obstacles qui empêchent, au moins momentanément la parole divine de porter son fruit ; le Seigneur la déclaré en ces termes à sainte Brigitte : Ce royaume (de Suède) est souillé par un grand péché qui depuis longtemps reste impuni ; cest pourquoi mes paroles ny peuvent fructifier, comme je lexpliquerai par une comparaison. Si lon plantait en terre un noyau sur lequel on mettait un fardeau pesant, la tige ne pourrait monter. Le noyau étant bon, ne pouvant pousser en haut, pousserait en bas et étendrait très profondément ses racines ; et après, non seulement il portera de bons fruits, mais encore il
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anéantira tout ce qui soppose à sa croissance, et il sétendra par-dessus lobstacle. Ce noyau signifie ma parole, qui ne peut fructifier en ce royaume, à raison du péché ; elle profitera plus ailleurs jusquà ce que, ma miséricorde grandissant, lendurcissement de cette terre et de ce royaume soit ôté. " (Liv. V, ch. XII.)
Ainsi beaucoup duvres divines combattues persévèrent dans la prière et le sacrifice, elles nen produisent que de plus grands fruits.
8. Il ne faut mépriser les révélations divines
Sainte Gertrude se demandait pourquoi le Seigneur la pressait de manifester ce qui est écrit dans son livre, car elle nignorait pas que certains petits esprits feraient peu de cas de ses dons et sen serviraient comme dun texte à calomnies. Le Seigneur lui dit : " Pour ceux qui voudraient calomnier ces dons, que le péché leur en retombe sur leur tête. (Liv. Ier, ch. XV.)
Je ne souffre pas ceux qui pervertissent le sens de ces révélations et qui parlent contre ces écrits ; au reste je triompherai deux comme des autres. " (Liv. V. ch. VII.)
Celui qui, poussé dune veine et orgueilleuse curiosité, faussera le sens de ce livre, je ne le supporterai pas et je nhésiterai pas à le renverser par ma vertu divine et à le couvrir de confusion. " (Liv. V. ch. XXXIV.)
" Moins il y a du vôtre dans ces écrits, plus ils sont de moi, dit le Seigneur, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, sachez que mon dessein nest autre que davancer votre perfection et non point de la retarder. Les démons qui ont fait passer la conduite de ma vie pour criminelle, bien quelle fut linnocence même voudraient encore faire passer pour telle la conduite que je tiens sur votre âme, quoi quelle fut remplie de mes plus grandes miséricordes
Quand ces écrits viendraient à être méprisés comme un récit qui passe par la croyance, cela ne doit point vous décourager, puisque les hommes ont condamné ce quils mont vu faire dextraordinaire ; quoique je lai autorisé par des raisons divines et que ce fût pour leur salut, ils nont
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pas laissé de me persécuter jusquà me procurer la mort. Ainsi ces écrits pourront bien être condamnés de plusieurs esprits sur cette raison que lon na point accoutumé dentendre des choses semblables ; mais ils doivent savoir que cette condamnation fondée sur cette seule raison est très injuste et très injurieuse à ma miséricorde, que jétends extraordinairement sur qui il me plait. " (Ire part., ch. XI.)
9. Il faut lire peu à la fois,
Puis méditer et relire souvent les divines paroles
Le Seigneur dit à Mechtilde : " Quand une colombe vient à un tas de blé elle ne lemporte pas tout entier, mais elle y choisit ce qui lui plaît davantage ; fais de même lorsque tu entends ou que tu lis la parole de Dieu, et que tu ne peux tout retenir dans ton esprit, recueilles-en pour toi quelques traits, sur lesquels tu exerceras ta mémoire, pensant ainsi : Voyons, quest ce que ton Bien-Aimé tannonce dans cette lecture. " (IIIe partie., ch. XLI.)
Et à Sur Mechtilde de Magdebourg : " Ce livre nannonce au monde que moi seul, et il révèle dignement mes secrets. Quiconque voudra bien comprendre ce livre, devra le lire neuf fois. " (Introduction, VI.)
Chapitre II
Dieu Amour
I. – Les qualités de lAmour divin
1. Amour de Dieu le Père pour son fils
Et du Fils de Dieu pour son Père
Sainte Madeleine de Pazzi (1566-1607) fut carmélite, à Florence. Elle avait de fréquentes extases, pendant lesquelles elle faisait connaître ce que Dieu lui révélait. Parlant tantôt en son nom, tantôt au nom du Père, ou du Verbe ou du Saint-Esprit. Six secrétaires écrivaient alors ce qui sortait de ses lèvres, puis quand elle était revenue de son extase, sur lordre de la Mère Prieure, elle révisait ce qui avait été écrit. (uvres, recueillies par le P. Brancaccio, traduites par Don Anselme Bruviaux, Paris, Palmé, 1873
Le Père éternel parla ainsi par la bouche de sainte Madeleine de Pazzi : « lâme de mon Verbe, se tenant dans mon sein, me regarde et je la regarde moi-même avec un regard de contemplation, dadmiration, damour, danéantissement, de pureté, de paix, de conseil, de piété, de libéralité, de miséricorde, de justice, de bonté, de sagesse, de puissance, de communication, de vérité, dunion, déternité, de clarté, de transformation et de glorification
O ma fille, épouse de mon fils unique, écoutez attentivement ; si vous voulez comprendre ce que je vais vous dire : au moment où lâme du Verbe entra dans mon sein (au jour de lAscension) elle me regarda, mais dun regard ineffable et incompréhensible pour vous, et ce regard fut pour elle la source dune joie immense. Sans doute elle jouissait déjà de la gloire auparavant, puisquelle ne cessa de mêtre unie depuis son Incarnation, mais elle en reçut alors une auréole plus éclatante que je lui donnais en récompense de la victoire quelle venait de remporter sur p.22. la mort et le péché; comme aussi de lobéissance et de lamour avec lequel elle avait accompli luvre de votre Rédemption, que je lui avais imposée, amour si ardent et si immense que nulle créature ne peut sen faire une idée, bien loin de le comprendre. La beauté de cette âme, rehaussée par la splendeur de cette gloire nouvelle et par cet amour immense, que je voyais dans mon Verbe pour la créature, me plut tellement, quau moment ou elle entra dans mon sein et fixa ses regards sur moi, je fixais aussi les miens sur elle, et ce regard réciproque, qui rendit plus ardent ce foyer damour et plus éclatante cette gloire de la divinité, fit jaillir sur la terre une abondante et ineffable rosée de grâces
Demande de lâme : Dites-moi, je vous prie, ô mon Père, ce que le Verbe regardait dans votre sein.
Réponse du Père : « Il regardait la divinité et légalité quil tient de moi, qui suis, en qualité de Père le principe et la source vitale de la Très Sainte Trinité, à laquelle son âme était unie en moi. Il regardait avec une complaisance infinie cette Essence divine quIl avait reçue de moi, et son âme se contemplait en moi comme dans un miroir voyait les grâces immenses, les trésors infinis qui Lui avaient été communiqué par cette union et quelle recevait à un titre nouveau en vertu de ce regard. » (Ire part., ch. XXIV.)
2. Dieu nous a aimés avant de nous créer
et cet amour est tout gratuit
Notre-Seigneur dit à sainte Catherine de Gênes : « Si tu savais combien jaime les âmes tu ne pourrais plus jamais savoir autre chose en cette vie ; car cette connaissance te ferais mourir ; et si tu vivais, ce serais par leffet dun miracle
Mon amour est infini et je ne puis quaimer ce que jai créé. La cause de mon amour nest autre que lui-même, et comme tu nes pas capable de lentendre, demeure en paix et nentreprends
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pas de chercher ce que tu ne saurais trouver. (Dialogue, IIe part., ch. V, p. 347.).
1 Sainte Catherine de Gênes (1447-1510) a écrit un traité du Purgatoire et les Dialogues. (Vie et uvres, par le vicomte de Bussières, 2e édition, revue par le P. Millet, Paris, Allard, édition Italienne, Gênes, 1847.)
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Seigneur, disait la même sainte, quest ce donc que lhomme dont vous avez tant de soin ! Je ne sais si vous êtes son Seigneur ou son serviteur ; il semble que lamour vous ait aveuglé à tel point que vous ne connaissiez plus nos misères. Le Seigneur lui répondit : Tu demandes une chose si grande que tu ne saurais la comprendre ; mais pour contenter ton intelligence faible et pauvre, je ten montrerai quelque chose ; si je ten donnais une plus claire vue, tu ne pourrais vivre, à moins que la grâce ne te soutînt
« Sache dabord que je suis Dieu immuable et que jaimais lhomme avant de le créer. Je laimais dun amour infini, pur, simple, sans cause aucune ; je ne puis pas ne pas aimer ce que jai créé et destiné selon son degré à contribuer à ma gloire. De plus jai amplement pourvu lhomme de tous les moyens convenables pour parvenir à sa fin. Je lui ai accordé des dons naturels et des grâces surnaturelles, qui, de ma part, ne lui manquent jamais. De plus mon amour infini lentoure par divers moyens et voies afin de le soumettre à ma providence, et je ne trouve rien qui me soit contraire que le libre arbitre dont je lai doué. Je combats toujours ce libre arbitre par lamour jusquà ce que lhomme me le donne et men fasse un présent ; puis, après lavoir accepté, je le réforme peu à peu par une opération secrète et avec un soin amoureux et jamais je ne labandonne que je ne lai mené à la fin à laquelle il est destiné. » (IIIe part., ch. 1er, p. 372.)
3. Dieu nous aime malgré nos défauts
QuIl combat sans cesse
« Quand à ton autre question : pourquoi jaime cet homme qui mest si contraire et qui est plein de misères, dont linfection monte de la terre au ciel, je te réponds : à cause de mon infinie bonté et du pur amour dont jaime lhomme, je ne puis marrêter à ses défauts, ni cesser de faire mon uvre, laquelle consiste à le combler toujours de bien. Je lui montre ses faiblesses à ma lumière et les lui fait connaître ; lorsquil
(p.25) les connaît, il les pleure, et lorsquil les pleure, il sen purifie. Mais je suis offensé par lhomme lorsquil met obstacle à lopération que jai ordonnée pour le mener à sa fin, en dautres termes lorsque mon amour ne peut agir selon les besoins de la créature ; cet obstacle cest le péché. Quant à cet amour que tu demandes à connaître, tu ne saurais le comprendre, car il na ni forme ni mesure ; tu ne peux le connaître par la voie de lentendement, parce quil nest pas intelligible ; il se connaît quelquefois par ses effets. Quiconque naurait pas perdu la foi. Quiconque qui naurait pas perdu la foi et verrait les effets que je produis dans les hommes par ces rayons damour que je répands secrètement dans leurs curs, en serait certainement enflammé à tel point quil ne pourrait vivre, car la véhémence de cet amour le réduirait à néant. Quoique la créature soit presque toujours dans lignorance à cet égard, tu vois cependant que poussés par cet amour inconnu, des hommes abandonnent volontairement le monde, les biens, les amis, les parents ; les autres amours et les plaisirs leur deviennent alors odieux. Cet amour porte lhomme à se vendre pour être esclave, à devenir sujet des autres jusqu’à la mort ; il augmente tellement quil ferait endurer mille martyres, comme lexpérience le fait voir continuellement. » (Dialogue, IIIe part., ch. Ier.) .
4. Lamour de Dieu pour nous est toujours en éveil
LEternel dans son Ineffable clémence jeta sur Catherine (de Sienne) 1 un regard plein de tendresse et voulu lui expliquer
Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) fut, pendant sa courte vie, lune des saintes les plus favorisées de communications célestes. Les unes nous furent transmises par le bienheureux Raymond de Capoue, son confesseur à qui la sainte les fit connaître ; les autres furent recueillies par ses secrétaires pendant ses extases, et formèrent le Livre de la divine doctrine ou le Dialogue. Alors, en effet, Dieu le Père parlait en elle et elle répondait. (Dialogo della divina Providenza, nuova edizio secondo un inedito codice,Bari, 1912, et traduction Cartier, Paris, Lethielleux, 19°3 ; Vie, par la Comtesse de Flavigny, Paris, Santon, 1880.)
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comment la divine providence ne manque jamais à personne. Il sexprime ainsi : « O ma fille bien aimée, combien de fois te lai-je répété, oui je veux faire miséricorde au monde et assister chacun selon ses besoins ; mais lhomme ignorant trouve la mort où jai placé la vie et il se rend ainsi cruel à lui-même. Moi je veille toujours et je veux que tu sache que ce que je donne à chacun est réglé par mon infinie providence. Avec ma providence jai créé lhomme et quand je lai regardé en moi-même, je me suis passionné pour la beauté de ma créature, car il mavait plu de la créer à mon image et à ma ressemblance. » (Dialogue, ch. CXXXV, n°1 et 2.)
Sainte Brigitte vit un jour, assis entre les saints sur un siège majestueux, Jésus-Christ, qui lui dit ces paroles : « Je suis la vraie charité ; tout ce que jai fait de toute éternité je lai fait par amour ; de même tout ce que jai fait et ferai procèdera de mon amour. Mon amour est aussi grand et aussi incompréhensible maintenant quil létait le jour de ma passion, quand par ma mort, dans un exès damour je délivrai des limbes tous mes élus. Sil était possible que je mourusse tout autant de fois quil y dâmes en enfer, je souffrirais pour chacune delle comme je souffris alors pour toutes ; mon corps serait encore tout disposé à endurer tous ces tourments. » (Liv.VII, ch. XIX.)
5. Lamour de Dieu pour nous est fort, éternel,
Plein dardeur
O Seigneur, disait Mechtilde de Magdeberg, aimez-moi beaucoup, aimez moi souvent, aimez-moi longtemps
Elle entendit cette réponse :
Que je taime souvent, cela est dans ma nature, car je suis moi-même lamour. Que je taime fortement, cest selon mon désir, car je veux être fortement aimé. Enfin que je taime longtemps, cela est du ressort de mon éternité, car je suis sans fin. » (Liv. IV, ch. V.)
, ch. V.) Sainte Mechtilde vit le Seigneur ouvrir la plaie de son très doux Cur, et il lui dit : « Regarde toute létendue de mon
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amour pour le bien connaître ; tu ne pourra le trouver nulle part plus clairement que dans les paroles de lEvangile car on nen jamais entendu qui exprimassent un amour plus fort ou plus tendre que celles-ci : Comme mon Père ma aimé, ainsi je vous ai aimé (Jean XV, 9), ainsi que dautres semblables que jai adressées tant à mes disciples quà mon Père en comblant ceux-là de mes bienfaits. Ière part.., ch. XXI.).
Un jour Notre Seigneur dit à sainte Angèle de <Foligno : »Ma fille, ce nest pas pour rire que je tai aimée Ego te non amavi per truffam. » Cette parole, écrit la chère sainte, me porta dans lâme un coup mortel, car mes yeux souvrirent, et je vis dans la lumière de quelle vérité cette parole était vraie. Je voyais les actes, les effets réels de cet amour et jusquoù, en vérité, il avait conduit le fils de Dieu. Je vis ce quil supporta dans sa vie et dans sa mort pour lamour de moi par la vertu réelle de cet amour indicible qui lui brûlait les entrailles. Non, non, il ne mavait pas aimée par moquerie, mais dun amour épouvantablement sérieux, vrai, profond, parfait, et qui était dans ses entrailles. Et alors, mon amour à moi, mon amour pour lui mapparut comme une mauvaise plaisanterie, comme un mensonge abominable. Ici, ma douleur devint intolérable, et je mattendais à mourir sur place. Et dautres paroles vinrent qui augmentèrent mes souffrances : « Ce nest pas que je me suis fait ton serviteur, ce nest pas de loin que je taie touchée. » Eh bien ! moi, mécriai-je, cest tout le contraire. Mon amour na été que plaisanterie, mensonge et affectation. Je nai jamais voulu approcher de vous en vérité, pour partager les travaux que vous avez endurés pour moi, et que vous avez voulu endurer ; je ne vous ai jamais servi dans la vérité et dans la perfection, mais dans la négligence et dans la duplicité. » (Hello, ch. XXXIII ; Doncoeur, p.240 ; Ferré, p. 341.)
Une nuit que sainte Mechtilde se trouvant éveillée saluait le Seigneur du plus profond de son cur, elle Le vit venir à elle du palais du ciel et lui dire en plaçant son Cur divin sur son propre cur : « Une abeille ne se précipite jamais dans les prés verdoyants pour y butiner parmi les fleurs avec plus davidité que je suis prêt à venir dans ton âme quand elle mappelle. » (IIe part., ch. III.)
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Un jour, la même sainte sinclinant sur le sein de son Bien-aimé entendit à lintérieur du Cur divin résonner comme trois battements : « Ces trois battements, lui dit le Seigneur marquent trois paroles que jadresse à lâme aimante. La première est ; viens, c’est-à-dire sépare-toi de toutes les créatures ; la seconde est : entre, avec la confiance dune épouse ; la troisième : dans le lit nuptial qui est le Cur divin. » (Ire part., ch. XX.)
6 Lamour de Dieu pour nous est dune profondeur
infinie.
Il marriva, raconte Marcelline Pauper 1, quétant au lit une voix forte méveilla, me disant : « Lisez. » Je vis une grande lumière et une main qui me présenta ce mot écrit en lettres dor : AMOUR. Je considérai fort attentivement l O qui se trouve au milieu de ce mot, dont la figure était très parfaite. La voix me dit : « Considère » et je vis dans cette main écrit de même en caractères dor : Croix, lO également au milieu dune beauté infinie et il me fut dit : « Lun séprouve par lautre. » (Vie, ch. VI.)
7. Le cur de lhomme fait les délices de Jésus
Le Cur de Jésus se révélait à sainte Mechtilde : « Rien ne me donne autant de délices que le cur de lhomme, dont je dois toutefois souvent me passer. Jai tous les biens en abondance, le cur de lhomme seul méchappe souvent. » ( IVe part., ch. XXXIV.)
1 Marcelline Pauper (1663-1708) entra dans linstitut des Surs de la Charité de Nevers, cinq ans après sa fondation ; elle y vécut très saintement et fut très favorisée du Seigneur. Sa vie, écrite par elle-même, fut publiée par le P. Bouix, S.J., Nevers, 1871
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8. Les maux comme les biens viennent de lamour
Notre-Seigneur, dit Sur-Marie-aimée de Jésus 1 , me montra quil mavait créée pour lui en me plaçant dans le chur ; que de même que dans la cire une partie est recueillie pour brûler devant son tabernacle, et lautre pour des usages vulgaires, de même il mavait attirée dans le cloître afin que son amour me consumât en sa sainte présence. Puis Il lui découvrait de combien de maux elle eût été affligée en cette vie, si elle avait eu le malheur dêtre assez ingrate pour Lui préférer une créature ; et elle comprit que la vengeance de ce céleste Epoux eût été une vengeance damour dans le seul but de la ramener à Lui. Et Notre-Seigneur lui dit : « Si lépouse infidèle eût été si ardemment aimée, combien penses-tu que doit lêtre lépouse fidèle ? »
9. Lamour souffre de ne pouvoir donner
Etant à lEglise devant le Saint Sacrement, raconte, Madeleine Vigneron, Notre-Seigneur me fit connaître que le refus des grâces Lui est insupportable, car Il nest dans le Saint Sacrement que pour les communiquer. Ne trouvant personne sur qui décharger son amour, cet amour est comme un feu renfermé qui Le consumerait entièrement sil en était capable et qui Lui causerait beaucoup plus de souffrances que son Père ne Lui avait envoyé sur la croix. (Vie, II e part., ch XV)
10. Jésus est heureux davoir souffert pour nous
La vigile de sainte Claire, Marguerite de Cortone 2 après
1 Sur Marie-Aimée de Jésus, carmélite de Paris, vécut de 1839 à 1874. Sa vie a été publiée par les Carmelites exilées à Natoye, province de Namur, Belgique.
2 Sainte Marguerite de Cortone (1247-1297), après avoir vécu neuf ans dans le désordre, se convertit (1273) et répara les fautes de sa jeunesse.
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Avoir reçu dévotement le corps du Fils de Dieu, lentendit lui dire : « Fille bénie, pour lamour de qui jai pris un corps dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie, quelles soient bénies, ces peines auxquelles je me suis soumis pour toi ! Quelle soit bénie aussi mon Incarnation. Bénis soient aussi mon Incarnation ! Bénis soient également les travaux que jai endurés ! Béni soit enfin lamour qui ma uni aux hommes ! Je compte peu de justes en ce moment parmi mes enfants par rapport au nombre des méchants. Neussé-je quun seul dans le monde, je bénirais à cause de lui toutes les souffrances que jai endurées. » (Sa vie, par son confesseur, traduction Brivain, ch. V, § 44.)
Notre bon Sauveur me dit, raconte Julienne de Norwich 1 : » Vois combien je tai aimée. » Ce qui était me dire : ma bien-aimée vois donc, moi qui suis ton Seigneur et ton Dieu, ton créateur et ton bonheur sans fin, quelle satisfaction et quelle joie je trouve dans ton salut, et par amour pour moi, réjouis-toi avec moi. Je tai aimée a ce point quavant de mourir pour toi, je le désirais ardemment. Et maintenant que je lai fait, après avoir souffert volontiers tout ce que jai pu souffrir, mes souffrances les plus affreuses sont changées en une joie, en un bonheur éternel pour toi comme pour moi. Comment pourrait-il se faire que si tu me demandes nimporte quoi de ce quil te plaît, je néprouve pas un grand plaisir à te laccorder. (X e Révélation, trad. Meunier, p.96.)
Es-tu contente de ce que jai souffert pour toi ? dit à Julienne de Norwich le bon Sauveur.- Oui mon bon Maître, soyez-en béni.- Eh bien si tu en es satisfaite, je le suis encore davantage,
par une pénitence héroïque. Après sa mort, de nombreux et éclatants miracles furent opéré par son intercessions. Son confesseur, le P. Giunta Bevegnati, a écrit sa vie intime (Traduction par labbé Brivain, Lyon, Nouvellet, 1900.)
1Julienne de Norwich fut une sainte recluse, dont la vie qui dura un siècles sécoula dans la ville de ce nom, en Angleterre (1342-1442). (Révélations, London, 1902; traduction de P. Meunier, O. S. B.,Paris, Oudin, 1910.)
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.Suite, n°2 « Chapitre II Dieu Amour »
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Notre bonheur : « Tant que jai été sur la terre, a-t-il dit à Marguerite de Cortone, mon corps na pas eu un seul jour de bonheur complet, et pourtant jenivre ici bas mes amis des joies célestes en leur donnant le repos et la paix. « (Vie intime, IX, 38.)
11. Lamour de Dieu est gratuit
La Mère Françoise de la Mère de Dieu 1 étant un jour dans un profond sentiment de sa bassesse et de son indignité, disait à Notre Seigneur : Vous savez ce que je suis ; que ne faites-vous vos miséricordes à des âmes qui vous soient fidèles, pourquoi vous arrêter a un si chétif rien ? Il lui dit : « Je sais bien que vous nêtes rien, et ce nest pas à cause de ce que vous êtes, mais parce que vous avez dérobé mon cur. Oui, par ma seule bonté, je me suis laissé dérober mon cur, et parce que par ma miséricorde, je me suis établi en vous, je ne puis rien vous refuser. » (Vie. Ch. XIII, P 186.)
Une autre fois, le Seigneur lui dit : « Celles auxquelles je veux me donner ne doivent pas penser quelles sont mieux disposées que les autres, mais je veux me donner à elles pour les exciter à maimer et me servir plus fidèlement. Quand je suis venu sur la terre, je ny ai trouvé que pécheur et péchés, et je nai pas laissé de venir pour les attirer à moi. Ainsi, quoiquil y ait de limperfection dans une âme, je ne laisse pas de me donner à elle pour lattirer par ma bonté. « (Vie, ch. XXVIII, p .384.)
12. Dieu aime certaines âmes dun amour de préférence
Dieu dit un jour à sainte Véronique Juliani : « Je tai choisie pour ma plus grande gloire. Ce qui te manque, je le suppléerai par ton amour. Je veux te faire tant et de si grandes grâces,
La mère Françoise de la Mère de Dieu (1615-1671), religieuse dune sainteté éminente, fut supérieure des Carmels de Dieppe et de Pont-Audemer. Vie, Paris Lecoffre, 1906.)
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Que tu deviennes un incendie damour, tu seras embrasée et tu communiqueras tes ardeurs au prochain comme je le voudrai ; et jopérerai tout par ton intermédiaire. Mais je te fait savoir que désormais je ne veux plus dingratitude, mais fidélité et pur amour. » (Diario, 10 giugno 1699.)
Combien dâmes aimées dun amour de prédilection, prévenues de grâces de choix, ne répondent pas aux desseins de Dieu !
13. La fidélité rend lâme plus chère à Dieu
A une personne-très vraisemblablement sainte Gertrude qui nous a transmis ce fait qui priait pour sainte Metchilde le Seigneur dit : Ma bien-aimée pour qui tu mas si souvent rendu des actions de grâce, entre les vertus insignes quelle possédait, ma plu surtout pour les suivantes : pour son parfait renoncement à elle-même, pour lunion parfaite de sa volonté et de la mienne, car elle na jamais voulu que laccomplissement de ma volonté et toutes mes uvres et mes jugements avaient toujours son assentiment. Ensuite elle était très compatissante, portant secours et consolation avec une admirable affection a tous les affligés. Quatrièmement elle aimait absolument le prochain comme elle-même et de toute sa vie elle na fait aucun mal au prochain. Cinquièmement elle eut un cur tranquille et pacifique et jamais elle ne permit quil y séjournât rien qui pût troubler mon repos en elle rendez-moi grâces pour tout le bien que jai opéré et opère encore en elle et que jopérerai dans toute léternité, spécialement pour ces délices et ce doux repos que jai goûtés en elle, pour ce courant de félicité que jai versé en elle, pour la sainte opération de mon Esprit en elle, et pour la parfaite jouissance qui me permettait de goûter en elle mes délices les plus chères 1. » (Ve part., ch.XXVI.)
1 Sainte Gertrude qui a rédigé le livre des Révélations de sainte Mechtilde, nous y rapporte que le jour où mourut sa sainte amie, pas une seule âme chrétienne dans le monde entier ne descendit en enfer. Les méchants, ou bien sils décédèrent en ce jour, obtinrent la contrition par
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les mérites de cette âme si heureuse et si chérie de Dieu, ou bien, sils étaient si pervers et si endurcis quils résistèrent à toute grâce, le Seigneur ne permit point quen ce jour leurs âmes sortisse de leur corps pour ne pas laisser un si terrible jugement sexercer dans un jour de si grande solennité et dune si grande joie pour son cur. (Sainte Mechtilde, VIIe part., ch. XV.)
1 La vénérable Elisabeth Canori vécut à Rome (1774-1825) et se sanctifia dans létat du mariage. (Biografia da Antonio Pagani, Roma, 1911.)
2 Esprite de Jésus vécut à Carpentras (1628-1658). (Vie, par Jean Dupont, publiée par le P. Potton, Paris, Poussielgue, 1862.)
14.. Jésus intercède près de son Père
Pour lâme imparfaite et indifférente
Dans sa jeunesse la vénérable Elisabeth Canori 1 bien que remplissant fidèlement ses devoirs de religion nétait pas pieuse. Plus tard, comme elle demandait à Jésus : Mon bien-aimé Jésus, que pensiez-vous quand jétais si éloignée de vous ? Peut-être pensiez-vous à mécraser des foudres de votre justice. Et Jésus, dit-elle, lui répondit : « Non, ma chère fille ; je plaidais ta cause auprès de mon Père avec autant dinstances que si ma félicité eût dépendu de la possession de ton amour. » ( Ch, III..)
Une autrefois Il lui déclara que ses ingratitudes navaient ni diminué, ni altéré lamour quIl avait toujours eu pour son âme et ne lavait pas empêché de Lui accorder si elle eût correspondu fidèlement. (Ch. XXXV.) Il lui avait donc été donné de regagner par sa générosité les pertes quelle avait faites.
II. Tendresses de Jésus
15. Le Seigneur se plait à nous redire son amour
Toutes les fois que la vénérable Esprite de Jésus2, du Tiers-Ordre de Saint-Dominique, prononçait le très saint Nom de Jésus, elle croyait entendre ce doux Sauveur lui répondre
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Dans le fond de son cur : « Je te regarde toujours ! « et lorsquelle disait : « Où êtes-vous, mon Dieu ? « elle croyait entendre la même voix lui dire : » « Je suis dans ton cur, mon amour ! » Quand elle élevait les yeux vers le ciel, Dieu la remplissait dune pensée très vive de lamour quil avait pour elle ; elle croyait alors intérieurement ces paroles du prophète : « Je tai aimé de toute éternité ! »
Lorsquelle se sentait triste à la vue de ses misères, elle croyait que Jésus llui disait : « Je taime de tout mon cur. » Un jour après la sainte communion, son âme étant pénétrée de la pensée de lamour quavait pour elle son Sauveur, Il lui dit : « Mon épouse, ma fille, mon cur est à toi, mon cur taime, tous les anges te regardent, et ils sont ravis de voir lamour que jai pour toi ! » Ch. X.)
Comme sainte Gertrude sétonnait que Jésus la comblât de ses faveurs et de ses largesses divines, elle si peu digne, le Seigneur lui dit : « Lamour ma forcé. » (Liv. III, ch. XVI)
16. Comment Jésus prend ses complaisances
dans lâme fidèle
Elles sont touchantes les louanges adressées par Jésus à Sur Mechtilde : « Tu es une lumière devant mes yeux, tu es une lyre à mes oreilles, tu es la voie de mes paroles, tu es lhonneur de ma sagesse, tu es une vie dans moi vivant, tu es une louange dans mon existence. » Liv. IV, ch. IX.) Et une autre fois : Tu es mon désir, tu es le sentiment de mon amour, tu es un doux rafraichissement pour mon sein, tu es un baiser puissant de ma bouche, tu es la joie délicieuse de mes merveilles. Je suis en toi et tu es en moi ; nous ne pouvons être plus rapprochés, car nous sommes tout deux fondus et passés en une seule forme et nous resterons ainsi éternellement sans nous lasser jamais. » (Liv. IV, ch. X.).
« Je tai désirée avant le commencement du monde ; je te désire et tu me désires. Quand deux désirs ardents se rencontrent, cest lamour parfait. » (Liv. VII, ch. XVI.).
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II – Dieu Amour
17. Jésus prend ses délices
Dans tout ce que ses bien-aimés font pour Lui
Sainte Gertrude disait au Seigneur : Je ne puis rien trouver sur la terre en quoi je puisse me plaire, sinon vous seul, mon Seigneur si doux.- « Et moi, répondit le Seigneur, je ne trouve au ciel et sur la terre aucunes délices sans toi, parce que je tassocie par lamour à toutes mes joies en sorte que je ne jouis daucune douceur que je nen jouisse avec toi ; car plus il y a pour moi de douceur, plus il y a pour toi de fruit. » (Liv. Ier, ch.XI.)
« Mon amour sest tellement enlacé en toi que je ne puis vivre heureux sans toi
Celui qui a toujours été privé dun membre, nen éprouve pas de douleur, comme celui à qui on le coupe lorsquil a grandi ; aussi depuis que jai placé mon amour sur toi, je ne pourrais souffrir que nous fussions séparés. » (Liv. III, ch. V.) « Lil de ma divinité se plaît dune manière ineffable à sarrêter sur toi, que jaie crée si belle et si agréable en tout par tant de grâces et de faveurs dont je tai enrichie. Mon oreille reçoit comme les sons de la plus douce harmonie, toutes les paroles damour que tu madresses quand tu me pries pour les pécheurs où pour les âmes du purgatoire, ou que tu reprends, ou que tu instruis, ou que tu profères de quelque manière que ce soit une parole pour ma gloire. Quand même il ny aurait aucune utilité pour personne ou aucun résultat, toutefois à raison de ta bonne volonté et de lintention pure qui na que moi pour objet, cela résonne avec suavité objet, cela résonne avec suavité dans mes oreilles et vient mémouvoir jusquau fond de mon divin Cur. Lespérance aussi qui te fait sans cesse soupirer après moi exhale pour moi une odeur délicieuse. Tes gémissements et tes désirs sont à mon goût plus agréables que les mets les plus exquis. Enfin je trouve dans ton amour les charmes des embrassements les plus doux. » (Liv.III, ch. I.) Une nuit que Gertrude, forcée par la maladie, navait pu rester que fort peu de temps à Matines : Que peut-il vous revenir de gloire, mon Seigneur dit elle, des courts instants quune indigne comme moi a pu consacrer aux divins offices ? Quel avantage, lui fut-il
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répondu, un époux peut-il retirer des tendresses que son épouse pendant lespace dune seule nuit lui prodigue pour contenter son propre cur Or aucun époux na jamais pu trouver autant de charme aux caresses de son épouse que je nen goûte même dans le court instant où mes élus me donnent leur cur pour que je me délecte avec eux. » (Liv. IV, ch. XXXVIII.)
18. Aime-moi, puisque je taime
Marguerite de Cortone, toute confuse des paroles de tendresse que Jésus lui adressait, sen regardait comme très indigne et disait ; Si ces paroles flatteuses que je viens dentendre sont celles de lennemi qui se transforme en ange de lumière, je tordonne de cesser de parler et de téloigner. Celui qui te parle, répondit Jésus, est celui que tu as crucifié,, Celui qui ta ressuscitée de la mort du péché, Celui qui tappelle aux amertumes de la pénitence, par lesquelles lâme se purifie de toute souillure, Moi, ton Rédempteur, que tu aimes et que tu recherches en tout, je te dis que tu es ma fille bien-aimée , que je veux tenrichir des dons les plus précieux de ma grâce à ce point que nulle femme de ton temps nen a encore reçu de si grands Aime-moi donc, puisque je taime. Publie mes louanges et je te louerai et te ferai louer dans le monde entier Toutes les grâces que tu as reçues jusquà ce jour ne sont rien en comparaison de celles que je te réserve, car lil ne saurais voir, le cur noserais penser ni croire aux grâces sublimes que je me dispose à taccorder Ma fille, mon Père taime, ma Mère et tous les saints aussi Tu es ma fille, parce que tu mobéis. Tu es mon épouse, parce que je suis ton seul amour; tu es ma Mère parce que tu accomplis dans la mesure de tes forces les volontés de mon Père et jajoute que sur la terre il ny en a pas que jaime plus que toi. Cependant que ces paroles ne te remplissent pas de présomption, car ces consolations tu ne les a pas encore achetées ; un temps viendra ou tes souffrances tapprendront le prix que ma coûté ton salut.- Seigneur Jésus, pourrais-je supporter ces peines ? Jen ai souffert de plus grandes pour toi, ma fille », répondit Jésus. (Vie intime, ch. IV, § 3, 7, 8.)
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II. Dieu Amour
19. les invitations affectueuses de lEpoux divin.
Jésus dit à sainte Véronique Juliani : « Je suis ton Epoux. Quand donc te décideras-tu à maimer véritablement ? Je suis tout à toi ; je viens à toi pour tattirer en moi ; je viens à toi pour faire une seule chose avec moi ; je viens à toi pour te transformer toute en moi. » (Diario, 18 giugno 1697.)
Le Seigneur, dit la bienheureuse Marie-Madeleine Martinengo 1, dans son infinie bonté madressait intérieurement des paroles dune céleste douceur. Si, transpercée de douleur pour mes péchés, je Lui demandais pardon, Il me répondait dans le sanctuaire intime de mon cur : « Ma fille, tu as été déjà purifiée dans mon sang. » Si je Lui demandais sa sainte dilection, je voyais souvrir son divin Cur. Il plaçait dans cette fournaise damour mon cur qui restait enflammé de saintes ardeurs. Si je lui disais : Mon Dieu, je suis toute à vous, Il me répondait : « Et moi, ma fille, je suis toute à toi. » A chaque parole que je lui adressais, jentendais en retour des paroles de vie éternelle qui me liquéfiaient de douceur, Elle nétait que pensionnaire. (Vie, ch. II.)
Le vénérable Bernard-François de Hoyos 2 ayant passé par des épreuves intimes très pénibles, reçut, le 15 août 1730, la faveur du mariage spirituel : « Désormais, lui dit le Seigneur, tu es à moi et je suis à toi ; tu peux te dire et signer Bernard de Jésus ; tu es Bernard de Jésus et je suis Jésus de Bernard ; mon honneur est le tien, et ton honneur est le mien. » (Vida, ch. XII.)
1La bienheureuse Marie-Madeleine Martinengo (1687-1737) fut une clarisse capucine du monastère de Brescia ; elle a été béatifiée par Léon XIII, le 3 juin 1900. (Vie par le R.P Ladislas, de
Vannes, Paris, Poussielgue, 1901)
2 Le vénérable de Hoyos (1711-1735), de la Compagnie de Jésus, fut un grand apôtre de la dévotion au Sacré-Cur, quil contribua à répandre dans lEspagne. (Vida, por el Padre Vicente Agusti, Barcelona, 1896.)
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« Ma fille disait le Seigneur à la bonne Armelle1, tu est la fille de lamour. » Jésus dit à Sur Saint-Martinien 2 , le 17 octobre 1861, après la sainte communion : « tu es mon épouse, tu es ma fille, tu es chère, oui, bien chère à mon Cur ; ma Mère et mes saints taiment ; mon Père et lEsprit-Saint te voient ; ils contemplent avec plaisir le triomphe de ma grâce en toi. Je taime, mais aime moi bien, toi aussi. Ne crains pas, je serai toujours avec toi ; mais soi-moi bien fidèle. Fais connaître tout à ton père spirituel et obéis en tout et partout. Demande-moi ce que tu voudras, car je suis ton Epoux, mais aussi ton Créateur, ton Dieu, ton Père ; demande, ne crains pas. »
Une autre fois, le 1er novembre 1861, Jésus lui dit encore : « Aime-moi et je taimerai ; si mon Cur a besoin dêtre aimé, le tien en a aussi besoin. Prends part à mes peines et je prendrai part aux tiennes. »
20. Ma bien-aimée est à moi et je suis à elle
Jésus adressait parfois à Sur Marie-Josèphe Kumi 3 des paroles dune ineffable tendresse : «Jai une épouse : « Jai une épouse qui demeure cachée en mon Cur et qui est au gré de mon Cur ; Elle a ma forme ; elle est vêtue de la couleur de mon vêtement, elle tient les clefs à la main, et en véritable épouse, elle règne sur les inépuisables trésors de ma charité. Les flèches de son amour blessent mon Cur. Le sien est toujours ouvert pour que je puisse y venir à volonté et me
1 Armelle Nicolas (1606-1671) était une humble servante qui passa la plus grande partie de sa vie à Vannes où elle mourut en grande réputation de sainteté.
2 La Sur Saint-Martinien (1831-1862), religieuse de la Congrégation de Saint Charles dAngers, passa sa vie dans le soin des malades. Elle pratiqua dhéroïques vertus. On a publié deux petits volumes de ses lettres à son directeur. (En vente à la Communauté de Saint Charles, Angers.)
3 Marie-Josèphe Kumi (1763-1817), religieuse dominicaine du couvent de Wesen, au diocèse de Saint-Gall, en Suisse, y mena une vie admirable dhumilité, de pénitence et damour. Sa vie a été publiée en 1906, par Masson, Lyon, Vitte.
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Soulager par sa tendresse des injures que je reçois des hommes. La bonne volonté de son cur ma tellement charmé que je lai faite maîtresse de mes trésors ; elle est enrichie de lor de mon pur amour ; plongée dans la mer insondable de la paix, et pourtant elle ne si abreuve pas (c’est-à-dire elle ne recherche pas sa satisfaction) ; elle se trouve sur la terre et ne la touche pas, parce quelle ny est attachée à rien. Elle ne voit pas le ciel, parce quelle agit moins pour lui que par amour. Elle sélève chaque jour plus haut dans la perfection de lamour parce quelle sabaisse dans son néant. Elle est imprimée dans mon Cur et moi dans le sien. » (Vie, ch. IX.)
21. Le duel damour
Dans une lettre à sainte Jeanne de Chantal, le P. Galice, barnabite, raconte un combat mystérieux qui sétait engagé entre le divin Maître er sa fidèle servante Anne-Marguerite Clément 1 dont il était le directeur : Notre-Seigneur vint assaillir son cur de la plus vive blessure damour quelle eut encore éprouvé et il lui dit : « Je veux tenrôler dans ma milice, je veux te couvrir de mes armes Je veux tapprendre à devenir habile au combat, non pas contre le monde et le diable ; ce sera contre moi-même que tu te serviras de mes propres armes ; il faut que nous entrions dans la lice pour combattre à nous deux. » Il lui montra ensuite une armure complète et se servit des armes dont parles saint Paul pour lui en donner lexplication. « Lamour doit commencer cette guerre, continua le divin Maître, le même amour la poursuivre et ton pauvre cur lachever. Je ne veux point dautre but à mes coups que ton cur même. Je prétends le faire mourir damour. » Puis comme un habile archer Il lança trois
La mère Anne-Marguerite Clément (1593-1661) fut reçue en 1617 dans lordre de la Visitation, à Annecy, 1 par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal. Formée par ces deux grands serviteurs de Dieu, elle mena une vie très sainte et fut lune des plus remarquables religieuses de lordre naissant. Elle fonda les monastères de Montargis et de Melun. (Vie, par les Visitandines, Paris, 1686 ; nous avons donné une nouvelle Vie en 1915, Paris, Téqui.)
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flèches brûlantes du feu de son amour dans le cur de sa servante, qui crut quelle en perdrait la vie
Mais le combat nétait pas achevé ; elle devait combattre à son tour Jésus dons lui ordonna de se remettre sur pied et de porter des coups à son Cur divin. « Voici ton blanc, dit-Il en lui montrant ce Cur ? et le but de tes flèches. » Cette jeune guerrière, se sentant peu habile, faisait résistance, faisait résistance : Quoi Seigneur, blesserai-je votre divin Cur. Avec quelles armes puis-je le faire ? « Tes flèches, repartit Jésus, ne sont autres que les mouvements de ton amour envers moi ; aime-moi donc et tu blesseras mon Cur. » Elle le perça en effet par la force de lamour que lamour même alluma en elle et fit une ouverture suffisante pour se cacher dans ce Cur adorable, où Jésus lunit à Lui. (Vie, de 1915, p. 279.)
Une autre fois, cétait la veille de la fête de la conversion de saint Paul, son divin Epoux lui dit : « Tu me persécutes plus violemment que Saul, mais bien différemment, car tu me persécute par la violence de lamour ; tu ne me donnes point de repos
Tu as blessé mon Cur par la pointe de tes désirs et par les flèches de tes amours ; tu as été si impitoyable que tu mas blessé de toutes parts. » Elle vit le Cur divin tout couvert de plaies, dont une était assez grande pour lui donner entrée. Elle y fut tirée par cet Amant victorieux
Le lendemain Jésus revenant à elle, lui dit : « Je veux à mon tour entrer dans ton cur et y amener toute la Trinité. » Et le Père y prit place, ainsi que le fils et le Saint Esprit. (Ibid., p. 438.)
Jésus lui dit encore : « Je suis un aigle royal qui ne se nourrit que de curs. » (p. 413.)
22. Jésus à ses intimes agonisants
Peu de temps avant de mourir, Angèle de Foligno dit à ceux qui lentouraient : Jésus Christ, Fils de Dieu, ma présentée au Père. (Ferré, p. 515 ; Doncoeur, p. 349.) Et plus tard elle entendit ces paroles : « O mon épouse, ô toute belle, ô toi que jai aimée en vérité, je ne veux pas que tu viennes à moi chargée de douleurs, mais parée de la joie
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.Dieu Amour II, p. 41
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inénarrable. Il convient au roi de revêtir celle quil aima depuis longtemps dun manteau royal. » Et on me montra un manteau de lumière, capable de vêtir une âme Et le Verbe me dit : « Viens, ma bien aimée, que jai aimée dun grand amour ; viens, car tous les saints tattendent en grande joie. Je ne te confierai ni aux anges ni aux saints ; je viendrai en personne et je tenlèverai moi-même. Tu es telle quil faut pour me convenir ; tu es très haute devant ma Majesté. » (Hello,ch.LXX ;Doncoeur, p. 352 ; Ferré, p. 519.)
23. Le ciel doit être désiré par amour
« On demande, dit le Seigneur à Brigitte pourquoi les peines de lenfer ne sont point vues. Si les peines de lenfer étaient vues comme elles sont, lhomme sécherait de crainte et chercherait le ciel non par esprit damour, mais par crainte. Or cest parce que personne ne doit désirer le ciel par crainte de la peine, mais par la charité, que je cache la peine des damnés. » (Liv. V, ch. II.)
24. Donne-moi ton cur
Souvent la divine Sagesse se montrait à Henri 1 sous une forme dune exquise beauté et avec un sourire plein de grâce et de majesté ; elle lui disait : « Mon fils, donne-moi ton cur. Ne crains rien, je serai avec toi. Je te secourrai dans toutes les peines, parce que je taime dune manière toute spéciale. Pour preuve de ma tendresse, je veux changer
Le bienheureux Henri Suzo (1295-13 66), né à Uberlingen, près du lac de Constance, fut dominicain ; il a laissé des écrits justement célèbres. Nous empruntons dordinaire la traduction de P. Thiriot, Paris, Lecoffre, 1899.. Edition allemande, Munich, 1876).
Ton nom. Tu ne sera plus Frère Henri, tu seras Frère Amant ; si le monde lignore, les anges du ciel le sauront, et les hommes mêmes lapprendront un jour, afin quils voient combien mes serviteurs me sont chers. » (uvres, trad. Cartier, § 41, daprès Surius.)
25. Je taime beaucoup plus que tu ne maimes !
Le Seigneur me provoquait à lamour, rapporte sainte Angèle Foligno, et Il disait : « O ma fille chérie, ô ma fille et mon temple ! ô ma fille et ma joie ! Aime moi, car je taime beaucoup plus que tu ne maimes. » Parmis ces paroles, en voici qui revenaient souvent : « O ma fille, ma fille et mon épouse, que tu mes douce ! » Puis Il ajoutait : « Oh ! je taime beaucoup. Oh ma fille et mon épouse ! je me suis posé et reposé en toi ; maintenant pose-toi et repose-toi en moi. Tu as prié mon serviteur François. François ma beaucoup aimé, jai beaucoup fait en lui, mais si quelque autre personne maimait plus que François, je ferais plus en elle. » (Hello, ch. XX ; Doncoeur, p. 60 ; Ferré p. 49.)
Et il se plaignait de la rareté des fidèles et de la rareté de la foi et Il gémissait et Il disait : « Jaime dun amour immense lâme qui maime sans malice (sans doute : sans mêler à lamour quelle a pour moi quelque autre affection déréglée). A une telle âme je ferais de plus grandes grâces quaux saints des siècles passés, par qui Dieu fit les prodiges quon raconte aujourdhui. Or, personne na dexcuses car tout le monde peut aimer ; Dieu ne demande à lâme que lamour car il aime, lui, Il est lamour de lâme. » Et quelles sont profondes ces dernières paroles, ajoutait Angèle, Dieu ne demande à lâme que de laimer !
Il mexpliquait sa passion et tout ce quIl a fait pour nous et il ajoutait : « Regarde bien ; trouve-tu en moi quelque chose qui ne soit pas amour ? » Il se plaignait de trouver en ce temps peu de personnes en qui il puisse déposer sa grâce
(Ch. XX, Bolland., n° 50, 51 ; Ferré, p.83 ; Doncoeur, p.79.)
« Tu ne peux jamais répandre sur moi de parfums si doux,
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dit le Sauveur à Sainte Mechtilde, que de me faire reposer sans interruption dans ton âme. » (Liv. IV, 9.)
Jésus parlait de même à Sainte Brigitte : « O toi ma fille, que jai choisie pour moi, aime-moi de tout ton cur, non pas comme un fils ou une fille, ou comme les parents aiment leurs enfants, mais plus que tout ce qui est au monde ; car moi qui tai crée, je nai épargné aucun de mes membres pour lamour de toi, et jaime tellement ton âme, que jaimerais mieux être crucifié une autre fois, si cétait possible, que de men priver. » (Liv, Ier, ch. Ier.)
26. Jésus, pour être plus aimé
Communique quelque chose de son amour
La Mère Anne-Marguerite Clément voyait souvent Notre Seigneur qui se réjouissait de la conquête de son cur, comme ferait un victorieux qui sest assujetti un royaume. Une fois ce bon sauveur lui fit connaître la joie quil avait eue de sincarner pour elle. Elle voulut Lui donner son cur en retour, mais elle se souvint quelle lavait mis dans le Cur de Dieu et quelle navait plus rien à offrir. Jésus lui dit « Donne-moi celui que je te donne ; désormais u auras les uvres de ce cur nouveau ; pour cela met ta main dans le mien pour y puiser tout ce que tu voudras. » Et que peut-on puiser dans ce cur divin, si ce nest lamour ? (Vie, 1915, p. 437.)
27 . Jésus cache son amour pour aviver nos désirs
Le divin Sauveur me dit, raconte sainte Angèle de Foligno : « Je taime dun amour immense, mais je te le montre pas, je te le cache Mes yeux voient tes défauts, mais c’est comme si je ne men souvenais plus. Jai déposé, jai caché en toi mon trésor. » Comme Il me cachait, me disait-Il, son amour à cause de mon impuissance à le porter : si vous êtes, lui dis-je, le Dieu tout-puissant, vous pouvez me donner la force de porter votre amour. Il répondit : »Tu aurais alors ce que tu désires et ta faim diminuerait ; je veux au contraire que tu me désires, que tu aies faim de moi, que tu languisses damour. » (Hello, ch. XXI ; Ferré, p. 79 ; Doncoeur, p.78.)
28. Les préférés de Jésus. Ils doivent tout faire par amour
Jésus dit à Gertrude-Marie 1, pendant sa retraite de 1902 : « Jai des préférences pour toi ; tu dois en avoir pour moi. La preuve de mes préférences, ce sont mes grâces de choix ; la preuve des tiennes, ce sera ta générosité. Tu prépare ton année, tu cherche les moyens de me faire plaisir, et moi, ton Dieu, je te prépare mes faveurs. Plus tu sens le besoin de me donner, plus mon cur sens le besoin de te combler de faveurs. Change tout en or de lamour ; transforme chaque en une pièce dor pour payer la dette des ingrats. A mesure que tes répugnances augmenteront, que la vertu te deviendra plus pénible, donne davantage et plus joyeusement » (Ch. VI.)
Jésus ma dit : « Je tenrichis pour que tu enrichisses les autres. » Ch. CXCIV.)
29. Adorable jalousie de Jésus
Sainte Rose de Lima 2 vit la Vierge du Rosaire abaisser ses regards, avec un visage joyeux, sur lenfant Jésus quelle tenait dans ses bras, puis la regarder elle-même. Le divin
1 Gertrude-Marie (1870-1909), religieuse de Saint-Charles dAngers, simple et modeste, vécut dune vie irréprochable ; elle fut très favorisée du Seigneur. Des âmes pdeu prudentes sétant crues, après la lecture du livre qui raconte sa vie, favorisée de grâces extraordinaire, le Saint-Office a voulu empêcher ces abus ; mais la sentence quil a portée pour arrêter la diffusion de cet ouvrage nétait pas une condamnation proprement dite, et le livre na jamais été mis à lIndex. Les passages que nous citons sont toous conformes à la saine doctrine.
2 Sainte Rose naquit et mourut à Lima (1586-1617), (Vie, par Masson, Lyon, Vitte, 1896.)
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Enfant en fit autant et dit : « Rose de mon cur, soyez pour toujours mon épouse fidèle. » ( Vie, ch. XVI.)
Il est dit dans lécriture que Dieu est jaloux ; en effet, toute rivalité lui déplaît, nexistât-elle que dans une fleur. Rose de Lima cultivait des fleurs pour les autels, ses soins surtout se portaient sur un basilic qui, a cause de son parfum, lui semblait plus digne dêtre offert au Roi des cieux. Un matin, elle trouva sa plante chérie déracinée. Sensible à cette perte, elle se retirait en gémissant, lorsque Jésus vint à sa rencontre, et lui dit: « pourquoi vous affligez-vous? Moi, qui suis la fleur des champs, je vous reste. Nêtes-vous pas plus heureuse de me posséder que votre basilic et toutes vos plantes parfumées, qui ne durent quun instant ? Je veux être votre basilic, et cest pour cela que jai détruit lautre. Reversez donc sur moi lamour que vous lui portiez. » Dès lors, toutes les fleurs devinrent indifférentes à Rose, et Notre Seigneur laima plus tendrement que jamais, comme il le fit connaître à une pieuse femme de Lima : « Je porte ma Rose, lui dit il, dans lendroit le plus intime de mon Cur, parce que le sien est tout à moi, et que jen ai seul la possession tranquille. » (Ch. XX.)
« Aime-moi de tout ton cur, de toutes tes forces et de toutes tes puissances, disait Jésus à Anne-Marguerite Clément, car je ne veux pas que tu aimes autre chose que moi. Je veux être lunique roi de ton cur. Si tu maimes, je te pardonnerai tous tes péchés ; lamour est la pénitence que je te demande. Aime-moi donc, ma fille, car je suis ton Dieu et ton salut. » (Vie, 1915, p. 461.)
IV.- Délicatesse de Jésus
30. Combien Jésus est sensible
A ce que lon fait pour Lui et contre Lui
Pendant que Françoise de la Mère de Dieu vaquait avec activité à ses fonctions de maîtresse des novices, Notre Seigneur la tenait toujours bien près de Lui, soit pour laider
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dans sa charge, soit pour procurer sa sanctification personnelle. Si quelques unes de celles dont Notre-Seigneur lui donnait le soin se laissaient aller en quelque dissipation ou infidélité,, Il sen plaignait à elle, lui disant : « Une telle ma fait telle et telle chose. » Si dautres fois ces âmes embrassaient quelques pratiques de vertu avec fidélité, Il sen réjouissait avec elle, lui disant : « Quest-ce quun père ne fait point pour son enfant? Pourquoi vous étonnez-vous ; ne suis-je point votre père ? « (Vie, ch. XIII.)
31. Bénédictions accordées à ceux qui font du bien
aux amis de Jésus
Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Ma fille, si je considérais les uvres des habitants de Cortone, ils mériteraient dêtre châtiés de différentes manières, mais eu égard à leur respect et à leur dévouement pour toi, je leur ferai grâce et ils nauront rien à souffrir du péril qui les menace. Jaccorderai la même faveur à tous ceux qui par amour pour moi taimeront et te protègeront. Au contraire, jaffligerai ceux qui te molesteront soit par leurs paroles, soit par leurs actions, soit même dans le cur. » Aussitôt la sainte intercéda pour ceux-ci, à lexemple de Moïse priant pour sa sur et pour ceux qui loutrageaient. (Vie intime, CH. VI, § 11.)
Une autre fois le Seigneur lui dit : Dis à tel Frère Mineur (le P. Giunta) de te visiter et de te consoler par amour pour moi. Je len récompenserai par de grandes grâces sur la terre et par une gloire plus grande dans le ciel
Tous ceux pour lesqueks tu me prieras en ressentiront de suite lheureux effet. Je vais plus loin en tassurant que jaime ceux qui taiment ; et ceux qui ne taiment pas ne sentiront point la saveur de ma grâce. » (Ibid., ch. IX, § 26.)
« Sache, dit un jour le Seigneur à la vénérable Marie-Céleste, que je donne des grâces et des bienfaits à tous ceux qui taiment ou qui te font quelque bien, et je recevrai comme
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Fait à moi-même ce quon te fera à toi, car je me réjouis de voir aimé ce que jaime. Vois donc jusquoù va mon amour pour toi. » (Vie, p. 154.)
Combien le Seigneur est un ami fidèle et délicat ! Na-t-il pas dit à son peuple : « Si tu écoutes ma voix et si tu fais tout ce que je te dis, je serai lennemi de tes ennemis et jaffligerai ceux qui taffligent. » (Exode, XXIII, 22.) Auparavant il avait dit à Abraham : « Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront. » (Genèse, XII, 3.) Sil a dit : « Toutes les fois que vous aurez fait de pareilles uvres de charité au moindre de mes frères, cest à moi que vous laurez fait » (Matth., XXV, 40 ), combien est-il plus sensible encore à tout ce que lon fait pour ou contre ses vrais amis !
32. Bontés de Dieu pour les amis de ses amis
Parlant de Sainte Mechtilde à une autre religieuse, qui semble bien avoir été sainte Gertrude, le Seigneur dit : « Tous ceux qui laimeront à cause de moi, je les attirerai à moi avec plus de douceur et dintime suavité ; à ceux qui me loueront ou me rendront pour elle des actions de grâces et me féliciteront davoir élu et perfectionné une telle âme, je donnerai ce qui leur aura plu davantage en elle, et jajouterai même ce qui my aura plu davantage à moi-même. Quand elle sera à ces derniers moments et que je viendrai pour la prendre avec moi, a vous qui alors avec désir et dévotion préparerez vos curs pour ma grâce, me remerciant pour les bienfaits que je lui ai départis, je vous donnerai selon vos désirs les grâces suivantes : à certains je verserai les consolations spirituelles ; à dautres jaccorderai, soit lillumination de lâme, soit la ferveur de lamour ; à dautres une sagesse intelligente ou une utile doctrine quelles enseigneront au prochain, à dautres lavancement dans la religion afin quelles servent dexemple à autrui. » (Ve part., ch. XXVI.)
« A tous ceux qui ont confiance en toi, dit Jésus à sainte
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Lutgarde 1, et qui seront aimés de toi, je ferai du bien à cause de toi. » (Ch. VIII.) Et un jour quelle priait pour un pécheur, le Seigneur lui répondit : « Voici que je lui pardonne parce quil sest confié en toi ; je ferai la même miséricorde à ceux que tu aimes et qui mettent en toi leur espérance. » (Ch. IX)
Comment se fait-il, pensait une fois la Mère Françoise de la Mère de Dieu, que ce sont toujours les mêmes pour lesquelles Notre-Seigneur maccorde toujours es grâces particulières ? Et elle Le priait de se donner à toutes. Jésus-Christ lui demanda ; « Naimez-vous pas celles qui maiment ? « Elle répondit : oui, mon Seigneur, et je voudrais leur faire quelque bien, parce quelles vous aiment. Il lui dit : « et moi aussi, jaime qui vous aime et comme vous navez rien à leur donner, je veux y suppléer et me donner moi-même aux personnes qui vous aiment. » (Vie, ch. XXVIII, p. 384.)
« Je prendrai soin de récompenser ou de venger tout ce qui te sera fait, a dit Jésus à Sainte Marguerite-Marie. » (Ed. Gauthey, II, p. 192.)
Et à Sainte Angèle de Foligno : « demande-moi une grâce pour toi, pour tes compagnons, pour tout ceux que tu veux, et prépare-toi à recevoir, car je suis beaucoup plus prêt à donner que. toi à recevoir. » ( Hello, ch. XX ; Doncoeur, p.61 ; Ferré, p. 51.)
33. Jésus aime nos amis plus que nous ne les aimons
Françoise de la Mère de Dieu suppliait instamment Notre Seigneur de délivrer une âme du purgatoire. Jésus lui dit avec un grand témoignage damour : Je suis saint et ma sainteté ne peut souffrir aucune impureté. Jai plus de désir de la délivrer quelle et vous nen avez ; mais il faut que mon ordonnance soit accomplie ; jexcite à prier pour elle 2. » (Vie, ch. X, p. 130)
1 Sainte Lutgarde vécut de 1182 à 1246 ; on la appelée la Marguerite-Marie belge. (Vie, par le P. Jonquet, oblat de Marie, Bruxelles à la Basilique nationale, 1907.)
Sainte Mechtilde après sa mort apparut à sainte Gertrude,qui lui demanda dinterceder pour ceux quelle avait aimés sur la terre dun amour spécial et de demander quils soient délivrés de leurs défauts. Elle répondit à sa sainte amie : «Je reconnais clairement dans la lumière de vérité que toute laffection que jai pu avoir pour quelquun sur la terre est à peine comme une goutte deau au regard de locéan, comparée à cette affection si tendre dont est animé le Cur divin envers ceux que jaimais. Jy reconnais également la diposition, avantageuse à un point incompréhensible, par laquelle Dieu laisse à lhomme certains défauts, qui lui donnent lieu de shummilier et de sexercer, et ainsi de faire chaque jour des progrès vers le salut, tellement que je ne puis avoir m^me la moindre pensée de vouloir autre chose que ce que la sagesse toute puissante et la bienveillance très sage de mon très doux et très sage Seigneur a ordonné de chacun selon son bon plaisir. Aussi pour une disposition si bien ordonnée de la divine Bonté, je ne puis que me répendre en louanges et en actions de grâces. » (Sainte Mechtilde, (VIIe part., ch. XII.)
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V. Les Plaintes de LAmour
34. Le Cur de Jésus est bien mal payé de ses bienfaits
Un jour, le Saint Sacrement étant exposé, Marguerite-Marie vit son bon Maître tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies, brilllantes comme autant de soleils. De sa sacrée humanité sortait des flammes, surtout de sa divine poitrine. Layant ouverte, Il lui découvrit son divin Cur, les merveilles de son amour et jusquà quel excès il lavait porté à aimer les hommes dont Il ne recevait que de lingratitude : Ce qui mest plus sensible, lui dit il, que tout ce que jai souffert en ma passion. Sils rendaient quelque retour à mon amour, jestimerais peu ce que jai fait pour eux, et voudrais, sil se pouvait, en souffrir davantage ; mais ils nont que des froideurs et rebuts pour tous mes empressements à leur faire du bien. Mais, du moins, donne-moi ce plaisir à suppléer à leur ingratitude, autant que tu pourras en être capable. » (Ed. Gauthey, II, p. 71.)
Une autre fois laimable Cur de Notre-Seigneur se présenta à Marguerite-Marie, en lui disant ces paroles : « Jai une soif ardente dêtre honoré des hommes dans le Saint
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Sacrement, et je ne trouve presque personne qui sefforce, selon mon désir, de me désaltérer, usant envers moi de quelque retour. » (II, p.600.)
35. LAmour nest pas aimé
Marie-Dominique Moes 1 était encore une enfant quand elle entendit ces plaintes du Sauveur : « Ah ! ma chère enfant, combien je suis content de trouver de la compassion chez toi ! Comme je trouve peu dâmes qui maiment ! Au lieu damour je ne trouve que haine et mépris. Si seulement ces âmes connaissaient lamour immense que je leur porte, il ne serait pas possible quelles me méconnussent à un tel point. Combien je voudrais toutes les cacher dans mon cur ; mais non, elles ne le veulent pas. Elles passent à côté de moi, comme si je navais rien fait pour elles. Ma chère enfant, je veux établir ma demeure dans ton petit cur enfantin. Je my cacherai lorsque mes enfants ingrats my persécuteront. Ton cur doit partager mes souffrances Et parce que tu désires tant souffrir davantage encore avec moi, jarrangerai les choses de manière à te faire trouver de plus grandes douleurs dans tes maux dyeux, ainsi que de la négligence et des privations au lieu de pitié. Par ces souffrances et plusieurs autres tu seras préparée à luvre que je veux accomplir pr toi malgré toutes les contradictions et persécutions. » (I Teil, Kap. II,n. 5, seite 41.)
Le jour de la fête du Sacré-Cur, en 1859, Jésus dità Marie-Dominique : « O hommes aveuglés, quêtes-vous devenus ? Nai-je pas répandu tout mon sang pour vous et ne me suis-je pas donné moi-même à vous en nourriture ? Et tout
La Mère Marie-Dominique-Claire Moes (1832-1895), femme dune héroïque vertu , très favorisée du ciel, fut la fondatrice du couvent des Dominicaines, à Luxembourg. (Vie, par lAbbé Barthel, recteur dudit coubent. Les citations seront toujours faites daprès lédition allemande, dont lédition française nest quun abrégé.)
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cela ne suffit pas pour faire naître en vous un amour réciproque ? Ah ! qu elle douleur pour mon Cur aimant ! (1 Teil, Kap. XIV, seite 224.).
Notre Seigneur, dit encore la même servante de Dieu, sest plainte à moi de lingratitude des hommes envers son Cur si affectueux; Il sest plaint surtout des âmes qui Lui ont promis une inviolable fidèlité et qui malgré cela continuent de méconnaître son amour. Puis il me parla de ces âmes ferventes qui procurent à son Cur une grande joie et qui lui servent comme de refuge quand Il est repoussé par tant dingrats. Heureuses les âmes, dit Il, dans lesquelles je fais mon entrée ; elles seront rendues participantes de tout le torrent de mes grâces. » (III Teil, Kap. Vin, n. 3, seite 623, 624.)
36. Jésus à sans cesse sous les yeux
Le spectacle des péchés de tout lunivers
Sainte Catherine de Sienne pleurait en pensant aux maux de lEglise/ « Ma bien douce fille, lui dit le Seigneur tes larmes sont toutes puissantes, parce que elles sont répandues par amour pour moi. Je ne puis résister à tes désirs. Mais regarde les souillures qui déshonorent le visage de mon épouse. Elle porte comme une lèpre affreuse limpureté ; lamour propre, lorgueil et lavarice de ceux qui vivent dans son sein. (Dialogue, ch. XIV) Rappelles toi quavant la peste, je tai montré combien javais en horreur le vice impur et combien le monde en était infecté
Je te fis voir alors lunivers tout entier. Tu vis ce malheureux péché dans presque toutes les conditions, et les démons qui senfuyaient pour ne pas le voir, et linfection quill causait ; la peine que tu en ressentais dans ton âme était si grande que tu tee croyais sur le point de mourir. Et tu napercevais pas pour toi et pour mes autres serviteurs un endroit où vous puissiez vous réfugier, car cette lèpre était répandue partout ; tu ne trouvais aucun asile parmi les petits et les grands, parmi les vieux et parmi les jeunes
la plupart avaient lâme et le corps souillés de ce vice maudit. Je tai montré cependant, au milieu de tous ces coupables, un certain nombre de préservés ; car, parmi
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les méchants jai toujours des élus dont la vertu et les bonnes uvres retiennent ma justice et mempêchent de commander aux rochers décraser les coupables, à la terre de les engloutir, aux animaux de les dévorer et aux démons demporter leur âme et leur corps. Je cherche même des moyens pour pouvoir leur faire miséricorde en les faisant changer de vie ; jy emploie mes serviteurs qui sont purs de cette lèpre et je les fait prier pour eux. » (Dialogue, ch. CXXIV.)
Une nuit, raconte la Sur Mechtilde, je vis Notre-Seigneur sous la forme dun pèlerin qui semblait voyager par toute la chrétienté. Je tombais à ses pieds et lui dis : Cher pèlerin, doù venez-vous ? Il répondit : Je viens de Jérusalem (il voulait dire lEglise), et jai été chassé de chez moi. Les païens ne me connaissent pas, les Juifs ne veulent pas de moi et les chrétiens mattaquent. » Je priais alors pour lEglise. Notre Seigneur se plaignit des affronts quil avait essuyés de la part des chrétiens, rappelant tout le bien quIl leur avait fait dès le commencement, combien Il avait travaillé pour eux et ajoutant quil cherchait encore tous les jours une place où il pût répandre ses grâces. « Avec leur libre arbitre, dit Il, ils me chassent du logis de leur cur ; quand ils mourront, tels je les trouverai, tel je les jugerai. » (Liv.VIII, ch. XIII.)
37. Jésus voit renouveler sa douloureuse passion
Non moins touchantes sont les plaintes adressées par le Sauveur à Sainte Brigitte : « Jai voulu que mon corps pur de tout péché fut déchiré pour les péchés de tous, depuis la plante des pieds jusquau sommet de la tête et quil fut cloué à la croix. Il est maintenant immolé tous les jours sur lautel, afin que lhomme maime davantage et se ressouvienne plus souvent des bienfaits dont je lai comblé. Mais maintenant je suis oublié de tous, négligé, méprisé et chassé de mon propre royaume comme un roi à la place duquel le larron infernal est élevé et honoré. Cest dans le cur de lhomme que je devais régner, et javais bien le droit dêtre son roi et seigneur puisque je lavais créé et racheté. Or il a enfreint la foi quil mavait promise au baptême, il a violé et méprisé les lois que
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Je lui avais données, il aime sa propre volonté et dédaigne de mécouter. En outre il exalte le démon, ce pernicieux larron, et il lui a donné sa foi
il est donc juste et raisonnable quil expérimente sa tyrannie
Mais bien que je sois si méprisé, je suis si miséricordieux que quiconque me demandera pardon et shumiliera, je lui pardonnerai toutes ses fautes, mais celui qui persistera à me mépriser, je le visiterai en ma justice, en sorte quil tremblera de peur à ma voix. » (Liv. Ier, ch. Ier.)
« Combien il y a maintenant dans le monde de gens de la même trempe que ceux qui me crucifièrent. Ils mattachent au bois par la volonté quils ont de pécher ; Ils me flagellent par leur impatience, car ils ne veulent pas supporter une parole pour lamour de moi ; ils me couronnent des épines de leur orgueil ; ils percent mes mains et mes pieds par le fer de leur endurcissement
Je suis assez puissant pour les écraser et tout le monde avec eux ; mais si je les écrasais, ceux qui resteraient me serviraient par crainte, tandis que cest par amour quils doivent me servir
Je mourrais certes de grand cur, poussé par lincomparable amour que jai pour lhomme, si cela était possible. » (Liv. Ier, ch. xxx.)
38. Il y a dans le monde un terrible abus des grâces
Les pécheurs, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, sont plongés dans un gouffre si profond quil ne faut pas moins que toute ma puissance et ma bonté pour les en retirer. Aussi mes élus sont maintenant plus persécutés que jamais. Le temps est venu où les hommes pêchent plus par malice que par fragilité ; plus ma bonté leur prodigue de grâces et de bienfaits, plus n voit augmenter leur perversité. Si quelque chose pouvait exciter létonnement des esprits bienheureux, ce serait sans aucun doute, cette malice extrême des créatures, qui est dailleurs si faiblement combattue par ceux qui la connaissent
Ne voyez vous pas que le jardin de mon Eglise est tout environné de ronces et dépines et que les fleurs des bons désirs en sont tellement étouffées quils ne peuvent qua grand peine produire leurs fruits ? La bonté
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que je communique à mes créatures trouve tant dopposition dans la sagesse humaine quelle demeure presque partout stérile ; La vie des hommes nest plus quun vain étalage de cérémonies trompeuses, et quand on sapproche du saint tribunal, institué par mon Verbe pour rendre aux pécheurs la grâce quils ont perdue, il semble quon y va plutôt pour sexcuser que pour saccuser ; ce qui fait quon augmente ses péchés plutôt que den obtenir le pardon ; Les chrétiens, mes enfants, ne sinquiètent plus de leurs obligations, ils nouvrent plus les yeux pour voir ce quils doivent corriger
Doù vient ce lamentable relâchement ? Du maudit respect humain, de lamour propre et de lorgueil qui jette un voile un voile sur leurs yeux
Ma fille bien-aimée, jai fait de youtes les créatures coùùe autant de canaux magnifiques que jai rempli dune onde pure et limpide, mais elles la convertissent en une fange impure. »(I Ve part. , ch. XXI.)
Il y a quelques jours, raconte Gemma Galgani 1, à peine eus-je reçu Jésus dans la communion quil madressa cette parole : « Dis-moi, ma fille, maimes tu ? Si tu maimes-tu ? Si tu maimes tu feras tout ce que je veux de toi. » Puis il continua en soupirant : Quelle ingratitude et quelle malice il à vivre dans le péché y a dans le monde ! Les pécheurs sobstinent à vivre dans le péché ; les âmes viles et lâches ne se font aucune violence pour dompter la chair ; les âmes affligées tombent dans labattement et le désespoir ; chaque jour en tous lindifférence va en saggravant et personne ne se réveille. Pour moi du haut du ciel je ne cesse de dispenser grâces et faveurs à toutes mes créatures, lumière et vie à lEglise, vertu et force à ceux qui la dirigent, sagesse à ceux qui doivent éclairer les âmes vivant dans les ténèbres, constance et force à ceux qui sont appelés à me suivre, grâces de toutes sortes à tous les justes et même aux pécheurs qui restent dans leurs antres ténébreux; je leur fait parvenir jusque-là ma lumière, jusque-là je cherche par tous les moyens à les attendrir, à les convertir. Et à tout cela
1 Gemma Galgani (1878-1903) passa la plus grande partie de sa vie à Lucques, en Toscane. Sa vie, écrite par son confesseur, est trop répandue pour quil soit besoin den dire davantage. (Biografia dalP. Germano di S. Stanislas, Vie edtizione,, Roma, 1910.)
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quest-ce que je gagne? Quelle correspondance est-ce que je trouve dans mes créatures que jai tant aimé? Personne ne se soucie plus de mon Cur ni de mon amour. Je suis oublié comme si je ne les eusses jamais aimés, comme si je neusse jamais souffert pour eux, comme si je fusse pour tous un inconnu ! Mon cur est constamment dans la peine ; presque toujours je reste seul dans les églises, et lorsque lon sy réunit en grand nombre on a de tout autres motifs, et je dois souffrir de voir mon église, ma maison changée en un théâtre et lieu de divertissement .Beaucoup sous des dehors hypocrites me trahissent par des communions sacrilèges. » Jésus aurait continué, mais je fus contrainte de Lui dire : O Jésus, Jésus je nen puis plus. (Ch. XXX.).
« Il est besoin, lui dit une autre fois Jésus, dune grande expiation particulièrement pour les péchés et les sacrilèges des ministres du sanctuaire. Si ce nétait des anges qui assistent à mon autel, combien de ceux-là je foudroyerais sur le coup. » (Ch. xxxII.)
39. Jésus compte sur la terre bien peu de vrais amis
Notre Seigneur dit à sainte Thérèse : « Ah ! Ma fille quil y en a peu qui maiment véritablement ! SIls maimaient, je ne leur cacherait pas mes secrets. Sais-tu ce que cest que maimer véritablement ? Cest de bien comprendre que tout ce qui ne mest pas agréable nest que mensonge. Cette réalité que tu ne comprends pas maintenant tu lentendra clairement un jour par le profit quen retirera ton âme. » (Vie, ch. XL.)
Françoise de la Mère de Dieu entendit de la bouche du Sauveur des plaintes semblables : Oh! combien jai peu de vrais amis, en comparaison du grand nombre de ceux qui moffensent, je veux que vous suppléiez. » Et Il lui montra ce quil demandait de ses vrais amis est une adhérence, une adoration et un amour perpétuel envers Lui. (Ch. XIV.)
« Je cherche partout des âmes pour me donner et communiquer à elles, et jen trouve si peu dans lesquelles je puisse faire pleinement ce que je veux, » (Ch. XV.)
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Une autre fois Il lui fit comprendre lexcès de ses bontés et la valeur des dons quIl veut faire aux âmes, et Il se plaignit à elle de ce quil trouve si peu de curs disposés à le recevoir, de ce que les uns lui ferment la porte par le péché et lingratitude ; de ce que dautres ont des curs petits qui ne se soucient point de recevoir ses grâces, pourvu quils se sauvent, sans vouloir prendre part aux intérêts de intérêts de sa gloire. Il lui dit : « Ne soyez pas ainsi, je veux que vous ayez un grand cur, un cur étendu par la charité sur toute la terre, pour prendre mes intérêts et pour réparer, par amour et zèle de mon honneur ce que tant dâmes manquent de me rendre. Je vous ai choisie pour mon lieu de refuge, et pour vous donner les grâces que les autres refusent. » (Ch. XXVIII.)
Elle le vit un jour tout couvert de petites croix.Il lui dit : « Ce sont les péchés et les imperfections de toutes les âmes qui mont été autant de croix. Oh ! Quil y en a peu, ma fille, qui pensent à mes souffrances comme je le désire ; pensez-y pour tout ceux qui ne le font point. Il y a en cela un grand gain, car je vous donnerai tout ce que je leur donnerais sils y pensaient. » (Ch. XXXIII)
Une autre fois après la sainte communion, le divin Sauveur lui dit : « Je veux vous donner vie, mais auparavant il faut que je détruise votre vie propre. Quand je veux être vie à une âme et être sa seule vie, je suis premièrement en elle, non seulement comme un serviteur, mais comme un valet ; car bien souvent un serviteur ne fait que suivre son maître, tandis que le valet nettoie la maison. . Ainsi je suis en cette âme, la nettoyant, la purifiant et ôtant toutes les ordures, pour le rendre une demeure qu me soit agréable ; car je ne peux prendre de plaisir en elle quelle ne soit toute purifiée. Mais quand je lai rendue nette, alors je ny suis plus comme serviteur, mais comme maître absolu. Je me repose en elle, jy établis ma demeure et je me rends seul vivant en cette âme. Je suis lunique principe de ses actions, de ses mouvements, de ses respirations, de ses paroles, et de ses pensées. Elle ne peut plus agir ni se mouvoir que par moi. Comme je suis sa vie, je donne une vertu, une valeur, une efficacité à tout ce qui procède delle, selon le bon plaisir de ma volonté, afin quen aucune chose, elle ne sen puisse détourner en un
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Seul point ! Oh ! quil y en a peu en qui je trouve lieu de donner cette vie ! Quil y en a peu qui veuillent souffrir ce quil faut porter pour ! Je loffre à beaucoup mais peu la reçoivent .» Mais mon Seigneur, dit Françoise, dans le monde entier ny en a-t-il pas des milliers qui vous donnent lieu? – Il lui répondit en soupirant et en poussant une douloureuse exclamation : « Oh ma fille, je ne veux point vous le dire, je vous affligerais trop. » (Ch. XXIX.)
Notre-Seigneur dit à Marie-Aimée que bien petit était le nombre des âmes qui ne se recherchaient point en Le servant et qui pouvaient dire à son exemple : Pour moi, je ne recherche point ma gloire. (Ch. XVII.)
40. Jésus persécuté par ceux quIl a le plus aimé
Un jour à son réveil, la bienheureuse Marguerite-Marie entendit une voix qui lui disait : le Seigneur se lasse dattendre ; Il veut entrer dans son grenier pour cribler son froment et séparer le bon grain davec le chétif. Mon peuple choisi me persécute secrètement ; il a irrité ma justice ! Mais je manifesterai ses péchés secrets par des châtiments visibles. Je criblerai les coupables, dans le crible de ma sainteté de justice, pour les séparer davec mes bien-aimés, les ayant séparés, je les environnerai de cette même sainteté qui se met entre le pécheur et ma miséricorde, et quand elle a un fois environné le pécheur, il est impossible quil se reconnaisse, sa conscience demeure sans remords, son entendement sans lumière, son cur sans contrition ; il meurt enfin, dans son aveuglement. » Lui découvrant ensuite son Cur tout déchiré et transpercé de coups : « Voilà, lui dit-il les blessures que je reçois de mon peuple choisi. Les autres se contentent de frapper sur mon corps ; les religieux attaquent mon Coeur qui na jamais cessé de les aimer. Mais mon amour cédera enfin à ma juste colère, pour châtier ces orgueilleux attachés à la terre, qui me méprisent et naffectionnent que ce qui mest contraire, me quittant pour les créatures,, fuyant lhumilité pour ne chercher que lestime deux-mêmes. Et leurs curs étant vides de charité il ne leur reste plus que le nom de religieux. » Ed. Gauthey, II, p. 173.)
41. Quelles sont les causes des tristesses de Jésus
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Sainte Véronique Juliani écrivait à son confesseur la lettre suivante que nous abrégeons :
Votre Révérence mayant commandé de demander à Dieu la raison pour laquelle le crucifix est devenu si triste, je lai demandé pendant cinq nuits.
La première nuit, il me dit que lune des raisons est le peu de cas que lon fait de sa sainte Passion ; on la médite, il est vrai, mais en courant, et personne nimprime profondément dans son esprit les peines et les douleurs quIl a endurées pour notre amour.
La seconde nuit, se montrant plus que la première fois défiguré et le visage baigné de larmes : « Vois, dit-ll, comment je suis traité et à quoi je suis réduit. Tout ceci provient des horribles blasphèmes que vomissent sans cesse contre moi mes créatures. »
La troisième nuit, Il se montra tout meurtri et défiguré : « Je me fais voir ainsi à toi, dit et à beaucoup dautres, afin de les porter à aimer dun amour véritable les souffrances et les croix. Mais je vois tout le contraire car peu nombreuses sont celles qui aiment la croix en union avec ma volonté. »
La quatrième nuit, Dieu me montra un lieu obscur tout plein dinstruments de douleurs. Au milieu il y avait une croix toute resplendissante dont les rayons illuminaient tout le reste et faisaient voir distinctement tous ces instruments de mort. Le Seigneur minspira que tous ces instruments ainsi éclairés par la croix signifiaient que nos souffrances doivent être unies aux mérites de la très sainte croix et à toutes les douleurs quIl endura dans sa Passion ; Le lieu obscur où étaient déposés ces instruments signifiait que celui qui nunit pas ses souffrances à celles de Jésus, demeure enseveli dans les ténèbres et na aucun mérite devant Dieu. Il me parut que le Seigneur me dit en même temps que lon manquait beaucoup en cela dans notre monastère, que les souffrances de quelques-unes étaient comme cachées dans les ténèbres, parce quelles étaient endurées par force et que
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la perte dun si précieux trésor était une des raisons du changement remarqué dans son image.
La cinquième nuit Notre Seigneur me découvrit trois points particuliers qui Lui déplaisaient souverainement : 1° Le peu de respect que lon a pour les supérieure ; 2° Les aigreurs et rancunes dont lennemi tire tants davantages et qui nuisent grandement aux âmes ; 3° La manière de vivre trop commodément et non selon la sainte pauvreté. (Diaro, vol.II, p. 713.)
Cette nuit, rapporte ailleurs la même sainte, le Seigneur ma fait connaître que maintenant dans le monde entier, il ny a que péchés. « Tous me fuient et feigncnt de ne pas voir une multitude dâmes entraînées par le démon ; et il ma fait comprendre que cétait des âmes de religieux. « Je te les fait voir, dit-Il, afi ; n que tu aies à cur de prier pour eux Il y en a que tu reconnaîtrais, mais je ne veux pas te les manifester.. » (Diar io, 14 giugno 1797.)
Gertrude-Marie reçutn elle aussi, plus dune fois les plaintes du doux Sauveur : Depuis vendredi 26 avril, une tristesse profonde pèse sur mon âme, une tristesse que Notre-Seigneur me fait partager. Je Lu en ai demandé la cause : « Cest que, ma répondu Jésus, en ce moment il y a des âmes que jaime dun amour spécial, mabandonnent, des âmes que jai comblées ! des âmes sur lesquelles javais droit de compter pour me consoler, pour me dédommager de loubli, de lingratitude des autre hommes ! Et ces enfants privilégiés, ces âmes choisies mabandonnent ! » (30 avril 1907.)
Ce matin Jésus sest présenté à moi sous la figure dun voyageur et Il ma dit : « Viens avec moi ; je parcours le monde entier, je frappe à laa porte de tous les curs, la plupart men refusent lentrée. Viens accompagne-moi partout ; quand je frapperai, tu prieras ; quand je serai rebuté, tu me consoleras. » (22août 1907.)
Aujourdhui, après la communion, jai vu dans le Cur de Jésus des milliers et des milliers dépines. Les unes ne laissaient apercevoir quune toute petite tête ; dautres plus resssorties laissant paraître une large tête. En me faisant remarquer les premières, Notre-Seigneur ma dit : « Ces
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épines enfoncées si avant dans mon Cur représentent les péchés souvent renouvelés. A chaque péché lépine senfonce davantage. » (17 janvier 1907.)
« Mon Cur déborde déborde de toutes parts. Il ne peut plus contenir toutes les grâces que les âmes refoulent sans cesse. Prends, ma fille, prends. » (26 décembre 1906.)
42. Les déceptions de Jésus
Au mois de mai 1910 une religieuse visitandine de Paris étant à larticle de la mort eut une visite de Jésus qui la guérit miraculeusement et qui lui dit : «
Et surtout aime-moi. Jai tant besoin damour et jen trouve si peu, même auprès des curs qui me sont consacrés. Je suis lEpoux fidèle ; en moi il ny a pas de déception ; mais quelles sont rares ; mais quelles sont rares mes épouses auprès desquelles je ne rencontre pas bien des déceptions. »
Les religieuses ne sont pas toujours assez religieuses, dit aussi le Sauveur à Gertrude-Marie, elles nr sont pas assez mortifiées ; elles ne savent pas assez soublier ; même les meilleures ne sont pas tout ce quelles devraient être. » (27 novembre 1906.)
43. Beaucoup dâmes religieuses aiment peu
parce quelles ne désirent pas assez lamour
Adressant une exhortation à ses religieuses le 13 octobre 1553, sainte Catherine de Ricci 2 entra en extase et leur rapporta alors des paroles que Jésus lavait chargée de leur dire : « Lève-toi, prends avec moi ta croix ; anime-toi à instruire tes Surs par mes exemples, et dis leur que, par amour pour elles, je me suis passionné pour la croix, voulant
1 Sainte Catherine de Ricci (1522-1590) du Tiers ordre régulier de saint Dominique, naquit à Florence, et vécut dans un couvent de Prato, en Toscane. (Vie, par le P. Hyacinte Bayonne, O. P. Paris, Poussielgue, 1873.)
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II Dieu Amour p. 61
agir et faire, avant denseigner. Va donc avec ardeur et dis à mes filles quil ne doit pas leur paraître pénible de porter leur croix par amour pour moi, puisque moi, lauteur de lamour, jen ai porté une si pesante par amour pour elles.
Leurs croix à elles, cest lobservance des trois vux, des règles et des constitutions, observance dont bien peu se préoccupent, et, sil y en a encore quelques-unes qui y pensent, elle nest que le dernier de leur souci, tandis quelle devrait être leur affaire la plus importante. Elles mont toutes oublié, elles ont toutes négligé mon amour, moi qui les ai tant aimées et qui a tant souffert pour elles ! Oh ! quai-je du faire pour toi et pour elles, que je nai point fait ? Les grâces qui leur ont manqué, ce sont elles-mêmes qui sen sont privé volontairement par leurs mauvaises dispositions, ou en ne les demandant pas, ou en ne les cherchant pas, ou en ne les désirant pas. Moi, je nattendais, pour les leur donner que de les voir désirer ardemment et demander avec ferveur. On ne donne pas des joyaux et des perles à ceux qui nen connaissent pas le prix. Ni moi non plus, je ne livre pas mes dons et mes faveurs à ceux qui ne savent pas les apprécier. Je ne les donne quaux âmes qui les recherchent jusquà se rendre importunes en les demandant, nuit et jour, à force de soupirs et de larmes.
« Elles ne se souviennent plus de moi, elles ont presque entièrement oublié de maimer. Et pourtant qui aime ne désire et ne mérite rien tant que dêtre aimé. Oh ! Dis-moi, est ce quelles ne sont pas mes délices? Est-ce quelles ne sont pas consacrées à mon service et au zèle de ma gloire ? Eh ! Ne voient-elles donc pas où en est le monde et combien peu sy souviennent de moi ? Cest que la voie de la perdition est large et suivie par le grand nombre, tandis que celle de la perdition est étroite et difficile au commencement ; mais à quiconque y entre pour mon amour, je sais la rendre bientôt douce et facile. Non, ce nest pas moi qui néglige quelque chose pour leur venir en aide ; ce sont elles qui négligent dinvoquer mon secours et de penser à moi, moi qui ait tant damour pour elles, moi dont elles font les délices et qui me sent si heureux de me trouver au milieu delles.
Mais je ne veux plus quelles persévèrent dans cette voie :
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Je veux quelles secouent le sommeil de leur négligence, quelles sortent de leur ornière et quelles se gardent de tout murmure, dans la mesure, dans la mesure de leurs forces. Loin de moi de vouloir quelles sattristent outre mesure de mes reproches et quelles en demeurent abattues et découragées. Non, je ne désire que de les voir revenir à moi avec confiance, moi qui peux et veux les changer en ferventes religieuses. Je sais bien quelles ne peuvent rien sans ma grâce ; mais quelles mettent courageusement la main à luvre, pleines de confiance en mon secours, et je les délivrerai de toute peine et de toute angoisse.
Quelles viennent à moi, qui les attends les bras ouverts sur la croix. Quelles prennent de grand cur, sur leurs épaules, leur croix des trois vux, des règles et des constitutions, et que rien ne soit plus capable de la leur faire abandonner. Quelles létreignent vigoureusement avec les mains des bonnes uvres à lexemple de tant de vierges saintes qui ont renoncé a toutes les choses du monde et à elles-mêmes pour mon amour et qui ont sacrifié leur propre vie dans un saint et généreux martyre. Aussi quand leur Epoux est venu au-devant delles, voyant la lampe de leur cur allumée et toute pleine de lhuile de la charité et des bonnes uvres, il les a introduites avec allégresse dans le lieu de leurs noces éternelles. » (Vie, ch. XX.)
CHAPITRE III
Dieu Bonté
1. Heureux qui sapplique à connaître la bonté de Dieu
Parole du Seigneur à Sur Mechtilde : « Celui qui méditera combien je suis bon sattachera à moi pour jamais. » (Liv. V, ch. XX.)
O mon unique bien-aimé, disait sainte Mechtilde au Seigneur, quaimez-vous mieux que les hommes connaissent de
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vous ? Le Seigneur répondit : « Ma bonté et ma justice : ma bonté qui me fait attendre miséricordieusement lhomme jusquà ce quil se convertisse, à quoi je lattire continuellement par ma grâce ; mais quand il ne veut absolument pas se convertir, ma justice réclame sa damnation. » Lâme : Et que dites vous de votre charité ? Le Seigneur : « Un fidèle ami fait part de tous ses biens à son ami et lui révèle ses secrets ; ainsi je fais moi aussi. » Ire part., ch. XIII.)
2. Bonté du Père éternel
Un soir, raconte sainte Thérèse, comme jétais à Matines, Notre Seigneur se plaça entre mes bras, comme les peintres Le représentent mort entre les bras de la Sainte Vierge. Ce fut par une vision intellectuelle, mais si vive, quelle ressemblait à une vision imaginative. Notre Seigneur me dit : « Ne tétonne pas de ceci. Mon Père est avec ton âme dans une union bien plus grande, sans comparaison. » (Relation, 44.)
Et une autre fois la même sainte rapporte ceci : le Père éternel mapprochait de Lui et madressait des paroles pleines de douceur. Il me dit entre chose en me témoignant beaucoup damour : « Je tai donné mon Fils, lEsprit-Saint et la Vierge. Et toi, que pourras-tu me donner ? » (Relation, 22.)
Il mest impossible, dit Marie Brotel 1, dexprimer limense bonté de Dieu le Père. Il me regardais dun regard paternel qui manéantissait damour. Je croyais que dans Dieu le Père il y avait surtout la grandeur et la puissance ; mais non, cest surtout et au dessus de tout lamour que jy ai vu. Il ma dit : « Ma fille les hommes ne me connaissent pas et cest pour cela quils me servent avec une crainte servile et comme étant bien sévère ; mais tu vois mon amour pour mes créatures et mon désir de les voir heureuses » (Vie, appendice, I, n° 16.)
1 Marie Brotel (1819-1888) fut une humble domestique qui passa presque toute sa vie à Grenoble.. Ses pénitences étaient héroïques ; ses prières pour lEglise, pour les pécheurs, étaient continuelles. S vie a été publiée par les Pçres du Sacré-Cur, exilés à Brugelette, Belcique, 1909
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3. Bonté de Dieu qui se donne Lui-même
Et au premier appel
Au moment de lélévation de lhostie, le Seigneur dit à sainte Mechtilde : « Voici que je me livre tout entier avec tout le bien qui est en moi, en la puissance de ton âme, afin quil soit absolument en ta puissance de faire de moi tout ce quil te plaira. » (IIe part., ch.II.) Et une autre fois : « Voici que je me remets en ta puissance pour être ton captif et pour que tu commandes de moi tout ce que tu voudras, et moi, tel quun captif qui ne peut que ce que son maître lui ordonne, je serai à tes ordres. » (Ch. XXXI) « Toutes les fois que tu gémis tu mattires en toi, je me suis rendu plus facile à obtenir que toute autre chose ; il nest objet si vil et si insignifiant, un brin de fil ou une paille quon puisse acquérir par un simple acte de volonté ; mais moi, un seul vouloir, un seul soupir suffit pour me mettre en la possession de lhomme. » (IIIe part., ch. XXXV.)
4 Dieu se donne autant quon veut le recevoir
Sainte Gertrude vit le Seigneur qui, répandant de toutes parts les flots de son amour divin, se donnait à toute la communauté avec ces paroles : « Je suis tout à vous ;; que chacun de vous jouisse de moi selon son désir. » (Liv. III., ch. XVII.) Mais ce désir, daprès lequel le Seigneur mesure le don quil fait de Lui-même est le fruit dune volonté sincère et efficace et non le produit dune simple velléité.
Jésus dit à Bénigna : « On a une idée trop petite de la bonté de Dieu, de sa miséricorde, de son amour envers les créatures; on mesure Dieu par les créatures, mais Dieu nest pas limité, aussi sa bonté est sans limite ! Oh ! Pouvoir se servir, profiter de Dieu et ne pas le faire ! Et pourquoi ne le fait-on pas ? parce que, dans le monde on ne Le connaît pas. Je suis un trésor infini, mis par mon Père éternel à la disposition de tous ; mes créatures me refusent, et combien cest à leur détriment, elles le comprendront seulement dans léternité. » (Notice, pp. 88, 89.)
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5. Dieu par bonté sest rabaissé et mis à notre portée
dans lIncarnation
Le Seigneur a expliqué à sainte Brigitte pourquoi sa divinité ne sétait pas manifestée dune manière éclatante : « linfirmité corporelle naurait pu la supporter ; si les yeux corporels voyaient la divinité, ils se fondraient comme la cire devant le feu ; et même si lâme avait cette faveur de voire la divinité, le corps se fondrait et deviendrait comme de la cendre. Ma divine bonté ne la pas voulu, car si je montrais ma divinité, qui est incomparablement plus brillante que le feu et que le soleil, jirais contre moi-même, qui ai dit : Nul homme ne me verra sans mourir. (Exode, XXXIII, 20.) Les prophètes eux-mêmes ne mont pas vu comme je suis en la divinité. Aussi moi qui suis le Dieu de miséricorde, afin que lhomme mentendît mieux, je me suis montré à lui sous une forme qui pouvait être vue et ressentie, c’est-à-dire dans mon humanité. » (Liv. v, ch. v.)
6. Bonté toute gratuite. Ames choisies
Le Seigneur dit à Mechtilde : « Moi qui suis le Créateur de lunivers, je nai besoin daucune récompense, mais te es toi-même ma récompense, car mon Père céleste ta donnée à moi pour être mon épouse et ma fille. » La sainte sécria : Pourquoi, Seigneur très aimant, agissez-vous ainsi avec moi/ – Uniquement par un effet de ma bonté, parce que jai placé en toi les délices de mon Cur. » (IIe part., ch. VIII.)
Le Seigneur dit à Gertrude : « Ma fille, je ne suis resté que depuis la sixième heure jusquà celle des vêpres, attaché à la croix, et cependant je lai bien élevée en honneur. Vois par là de quels bienfaits je me propose de récompenser les curs où jai reposé des années entières. » A ces paroles la sainte dit : Hélas ! je vous ai donné bien peu de contentement en mon cur ! « Et quel contentement ai-je eu sur ce bois ! répondit le Seigneur. Mais ma gratuite bonté qui la choisi de préférence à dautres, ma induit à lhonorer. De même je récompenserai ceux que jaurai choisi par un effet gratuit de ma bonté. » (Liv. IV, ch.LII.)
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7. Dieu est maître de ses dons
Le confesseur de Françoise de Bona 1 la reprenant sévèrement lui dit quil était à craindre que toutes ses visions et ses révélations ne fussent des tromperies du démon : « Dis de ma part à ton confesseur, dit le Seigneur à lhumble religieuse : Nest-il pas en mon pouvoir de faire de mes servantes ce quil me plaît ? « (Liv. II, ch. xv II.)
8. Bonté qui noublie personne sur cette terre
« Il ny a personne au monde, dit le Seigneur à sainte Brigitte, quelque enraciné quil soit avec le diable que le bon Esprit ne visite quelquefois et ne lui excite et émeuve le cur. Il y a personne aussi, quelque bon quil soit, que le diable ne tourmente par quelque tentation. » (liv. Ier, ch. LIV.)
9. Bonté qui accroît ses dons selon les efforts de lâme
« Ceux qui commencent à porter mon joug et qui font des efforts, à ceux là je donnerai ma grâce. Ceux qui supportent mon fardeau, c’est-à-dire qui sefforcent dun jour à lautre, pour lamour de moi, davancer dans le chemin de la perfection, je travaillerai avec eux, je serai leur force et les enflammerai damour, afin quils me désirent davantage. Ceux qui sont nuit t jour dans les peines, qui souffrent avec patience et ne sabattent pas, mais brûlent et senflamment de plus en plus, au point que tout ce quils font leur semble peu de choses, ceux-là sont mes amis très chers, mais ils sont en petit nombre. » (Ibid., liv.,Ier, xv)
1 Françoise de Bona (1589-1669) fut religieuse au Carmel dAvignon ; elle y mourut en odeur de saintet ; après sa mort, on obtint par son intercession de nombreux miracles (Vie, par labbé Séaume, Aubanel,, Avignon, 1892)
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10. Bonté qui se révèle ou qui se cache
Selon le besoin des âmes
Sainte Gertrude, considérant la clarté du soleil, de dit un jour : Si le Seigneur qui a crée le soleil et qui est Lui-même un feu consumant, était aussi véritablement en moi, quil se montre fréquemment devant moi, comment serait-il possible que mon cur demeurât si froid, et que jeusse une conduite si peu raisonnable et si peu vertueuse ? Le Seigneur lui répondit : « En quoi exalterait-on ma toute-puissance si, par-dessus tout, je ne pouvais en quelque lieu que je me trouve, me contenir en moi-même, ou révéler ma présence quand cela me convient le mieux, selon les circonstances de lieu, de temps et de personne ? » (Liv. II, ch. XVII.)
11. Bonté qui met son plaisir à nous faire du bien
Le Père céleste dit à Bénigne Gojoz 1 : « Ma fille, lorsque vous serez parfaitement convaincue de votre néant et de votre misère, vous apprendrez à exalter mon nom et à vous réjouir dans le Seigneur, en reconnaissant que tout bien vient de moi, le Tout-Puissant, qui élève la poussière jusquà moi et fait le tout du rien ; vous saurez que ma miséricorde est infinie et que je me plais à la faire éclater puissamment en la sanctification des âmes, mes choisies, qui ne me résistent point, mais qui sabandonnent avec une humble confiance à ma providence. Retenez ces leçons. Bénigne, et vous saurez que je suis Celui qui remplit et qui rassasie lâme qui a faim de moi ; que si je parle, jexécute ; que si vous vous quittez vous-même, vous me posséderez ; que si vous vous séparez du
1 La soeur Jeanne-Bénigne Gojoz (1615-1692) fut reçue dns lOrdre de la Visitation par sainte Jeanne de Chantal et choisie par elle pour être lune des premières religieuses du monastère de Turin, où elle vécut dans une éminente sainteté. Sa vie, écrite par la Mère Gertrude-Elisabeth de Provane, fut publié seulement en 1846, puis en 1901 par les soins du monastère de la Visitation de Turin. (En vente à ce monastère)
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cur des créatures, vous aurez ma jouissance éternelle et la familiarité des anges ici bas ; que si vous quittez vos propres prévoyances, ma Providence prendra tout soin de vous, parce que jaime surtout labandon et la dépendance des curs qui sont à moi ; je me plais à faire des miracles pour eux et en leur faveur ; je les pourvois de tout, comme une ville qui est mon séjour. La fille qui quittera le mieux sa terre et sa parenté (psaume XLIV) sera aussi celle qui entrera le mieux dans lintérieur de Jésus-Christ, vraie terre promise. Les lumières qui viennent immédiatement de moi qui suis nommé le Père des lumières, sont les moins sensibles et les plus dégagés de forme, parce quelles partent de la vérité. Lâme la plus anéantie est la plus absorbée en moi. Le meilleur moyen de se tenir à moi est de connaître mon immense bonté, de savoir que tout votre bien vient de moi, et quainsi vous ne vous devez rien attribuer. Le Tout donne et le rien reçoit. » (Vie, IIIe part., ch. III.)
« Un époux, dit Jésus à Bénigna, saisit toutes les occasions doffrir des dons à son épouse, et il jouit plus à les lui faire quelle à les recevoir. » (Vie,, p. 37.)
Nous sommes loin de connaître tous les bienfaits que nous recevons de Dieu, combien de grâces nous sont faites que nous ne connaîtrons quau ciel ! Notre Seigneur me dit, raconte Jeanne-Bénigne Gojoz : « Ma fille, remercie-moi dune grâce que je tai faite et qui tes inconnue. Cest quà pareil jour, je tai préservée de tomber dans un grand risque de moffenser chez ton père, dans ta plus tendre jeunesse, quelquun des domestiques ayant été séduit et payé pour te mettre dans le péril. (Vie, IIIe part., ch. XIII.)
12. Bonté qui ne suspend ses bienfaits
que pour les multiplier ensuite
Notre Seigneur confirma les faveurs accordées à Gertrude, en condescendant dune façon admirable aux plaintes de sa servante, qui laccusait de navoir pas scellé ses promesses en la frappant la main dans la main, ainsi que font ceux qui prennent quelque engagement. « Pour couper court à tes
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plaintes, approche et reçois la confirmation de mon engagement. » Le Seigneur ouvrit alors de ses deux mains son Cur déifié, cette arche de la divine fidélité et de linfaillible vérité, et ordonna à Gertrude dy porter sa main droite. Fermant alors cette ouverture, où sa main resta retenue, le Sauveur lui dit : «Voilà que je te promets de conserver dans leur intégrité les dons que je tai confié ; si cependant quelquefois, par une économie de ma Providence, jen suspens pour un temps les effets, je mengage à ten dédommager ensuite au triple. » (Liv. II, ch. xx.)
13. Bonté qui attend le moment le plus opportun
Pour communiquer ses grâces
« Ma fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, jai vu autrefois mon Père porté à faire sur toi de grandes décharges de ses grâces pour le grand amour quIl te portait ; mais comme jai vu que tu nétais pas bien disposée à les recevoir et quelles eussent été répandues inutilement et sans profit pour toi, je les ai mises en réserve pour te les donner en temps et lieu. » Et Notre-Seigneur faisait connaître quIl en usait ainsi envers tous les fidèles. (IIe part, ch. XIX.) Souvent nos prières ne sont pas exaucées aussi vite que nous le désirons ; leffet en est suspendu, Dieu sen souviendra à don heure.
14. Bonté qui voudrait donner davantage
Jai entendu, raconte sainte Véronique Juliani, que le Seigneur me disait : « Je suis toute à toi, et tu es toute à moi. » Et alors Il ma communiqué un peu de son amour infini. Cet amour me faisait comprendre que je ne devais chercher quhumilité, charité et obéissance ; jentendis que le Seigneur me dit : « Voilà ce que je veux de toi ; et sans toi, je ne puis mener à bonne fin tout ce que jai dessein de faire à ton âme. » Et je lentendis me dire encore et me répéter : « Sans toi, je ne puis pas. » (Diario, 19 gennaio 1697.) Trop souvent,
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En effet, le Seigneur brûle de nous accorder ses dons, et nous len empêchons. Nous ne sommes pas capables, dit ailleurs la même sainte, de posséder le pur amour, si Dieu dans son infinie bonté , ne le met en nous ; mais cette grâce , Il laccorde quand Il trouve un cur disposé à la recevoir, et si grande est sa libéralité quil voudrait que tous nous fussions embrasés de son amour : « Je te fais ces grâces, me disait-Il, pour montrer que je fais du bien mêmes aux ingrats, et pour encourager toutes les âmes à laimer. Tout ce que je taccorde, je laccorderais à toutes les créatures, si elles voulaient me servir. » (Diario, 19 décembre 1715.)
Dieu me fit connaître, dit Marcelline Pauper, que si les âmes étaient fidèles, Il remplirait leurs capacités de ses grâces et les enrichirait des dons du Saint-Esprit. Il me dit : « Je ne cherche quà me répandre, mais je demande des âmes pures. » (Vie, ch. XVIII.)
Gertrude-Marie a écrit : « Nul ne sait ma dit Jésus jusquoù irait ma familiarité avec une âme qui se livrerait totalement à moi. Quand une âme prononce avec beaucoup damour ces mots : Notre Père, qui êtes aux cieux, elle va droit à mon Coeur, cest une flèche qui la transperce, cest une flèche qui le transperce. » (10 mai 1907.) « Ah ! vous ne connaissez pas le Cur de Dieu, ma dit Notre-Seigneur, vous ne savez pas vous approcher de Lui ; vous ne savez pas crier : Père. Peu dâmes sue la terre pratiquent à légard de Dieu cette familiarité que cependant Il attend de ses enfants. » (30 juin 1907.) Je me suis rappelé cette parole divine que jai entendue au mois de décembre : « On me chasse de partout, je me rapproche. On ne veut pas que je sois connu ; je me découvrirai aux âmes, je me communiquerai à elles. » (27 février 1907.)
15. Quand Dieu demande, cest pour donner
Sainte Gertrude, voyant le Seigneur dans sa gloire, les mains pleines de présents mais ne pouvant distinguer à quoi il paraissait si fort occupé, linterrogea, et Il répondit : « Je distribue des dons. Veux-tu moffrir aussi ce que tu as gagné de mérites, pour accroître cette libéralité que je te fais ? » La
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« Toutes les fois, lui dit le Seigneur, que tu te retournes vers moi dans une semblable disposition, je te recevrai comme un ami reçoit son ami qui lui demande lhospitalité dun jour ; il lui témoigne par ses actes et ses paroles toutes sortes damitiés, avec une bienveillance et une attention remplie de joie et de délicatesse. En recevant ces marques de tendresse, cet ami songerait plus dune fois comment il pourrait rendre la pareille à son ami, lorsque celui-ci viendrait aussi à le visiter : ainsi moi-même je pense sans cesse en mon Cur et je règle avec soin comment pour toutes les amitiés que tu mas faites sur la terre, je te récompenserai en la vie éternelle, selon la royale libéralité de ma toute puissance par des prévenances et des amitiés multipliées au centuple. » (Liv. III, ch. XLVII, p. 216.)
19. Bonté qui accorde la grâce dune bonne mort
Le Seigneur dit à Gertrude : « Quand je vois à lagonie ceux qui, parfois, ont eu quelque douce pensée ou mémoire de moi, ou qui ont accompli quelque uvre méritoire, je me montre à eux, au dernier moment, si bon, si tendre et si aimable, quils se repentent du plus profond de leur cur de mavoir offensé et se repentir fait quils sont sauvés. Aussi, je voudrais, pour cet excès de bonté, être glorifié par mes élus, et, parmi les actions de grâces quils madressent pour mes bienfaits, en recevoir pour celui-ci de particulières. » (Ed. lat., p. 187, liv.III, ch. XXX, n° 20.)
Une fois que Marie-Aimée de Jésus priait pour la multitude des infidèles et quelle représentait combien le salut était difficile pour ces pauvres âmes qui ne Le connaissaient pas et navaient ni ses enseignements, ni ses exemples, ni sess sacrements pour résister aux penchants de la nature déchue, Notre-Seigneur la consola en lui disant quaucune âme ne sera damnée sans lavoir voulu absolument. (Vie, ch. XVII.)
Un jour, que la pensée du mystère de la prédestination causait à sainte Rose de Lima le plus grand effroi, Jésus lui dit : « Ma fille, je ne condamne que ceux qui veulent être condamnés.
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Bannissez donc de votre esprit, à partir daujourdhui, toute inquiétude sur cet article. »
La Sur Mechtilde rapporte cette parole du Seigneur: « Je te dis en vérité, quil y en à un plus grand nombre dans la sainte Eglise qui vont après leur mort au ciel quil ny en a qui descendent en enfer éternel. La justice néanmoins retient toujours ses droits ; je nenlève jamais de ses mains les fautes commises en sa présence, mais je veux, avant tout venir comme un père à lâme accablée sous son fardeau, si je découvre en elle quelque bien et pas de désespoir ; jy suis comme forcé par les sentiments paternels que je ressens pour les fils que jai engendrés. » (Ed. franç., liv. VIch. XI ; éd. Lat., liv. VI, ch. XV.)
Jésus dit à Marie de Jésus Crucifié 1 : Ce nest pas moi qui choisis lenfer pour vous ; vous faites ce choix vous-même. Pas une âme ne se perd sans que je lui aie parlé mille fois au cur. » (Vie, p. 55.)
Il dit de même à Bénigna-Consolata : « Celui-là seul se perd qui le veut et qui le veut obstinément, en dépit des efforts répétés, des efforts amoureux de ma grâce pour le conduire au bien. » (Notice,p.22.)
20. Dieu ne laisse pas facilement se perdre les âmes
qui Lui ont coûté si cher
Mechtilde priait pour une personne et disait : Mon Seigneur, je vous demande den agir miséricordieusement avec elle à ses derniers moments en lui donnant lassurance de rester avec vous.- « Quel est lhomme sage qui jetterait et détruirait un trésor aimé, acquis à force de travail ? répondit le Seigneur. » (IVe part., ch. XXVIII.)
La même sainte demandant pour une de ses surs en religion quelle eût à ses derniers moments un avant goût de la
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vie éternelle, savoir, lassurance de nêtre jamais séparée de son Dieu, reçut une réponse aussi consolante : « Quel est le marin qui, après avoir heureusement amené ses biens au port, les jetterait alors volontairement à la mer ? » (Ibid., ch. XXXV, p.26.)
1 Sur Marie de Jésus-Crucifié (1846-1878) fut une religieuse carmélite, syrienne dorigine, qui mourut en odeur de sainteté à Bethléem.. (Vie, par le P. Estrade, qui fut son directeur, Paris, Gabalda, 1913.)
21. Bonté qui tient compte des bonnes intentions
Une dame avait consacré à Dieu son enfant, même avant sa naissance, et voulut que, si cétait une fille, elle fut fiancée à Dieu ; mais lenfant mourut dans la deuxième année de son âge. Son âme apparut à Mechtilde comme une vierge très belle et lui dit : Tous les dons que je devais recevoir du Seigneur, si réellement javais pris lhabit religieux, Il me les accorde maintenant par un effet de sa grande libéralité ; et ai en plus une récompense particulière pour avoir été consacrée à Dieu dès le sein de ma mère. » Comme cela étonnait beaucoup Mechtilde, le Seigneur lui dit :
Pourquoi tétonner ? Est-ce que les enfants baptisés ne sont pas sauvés par la foi dautrui ? Jai accepté la volonté bien déclarée de la mère pour le fait, et je récompense , dans son enfant, tous les biens quelle lui avait désirés 1 .
Mais pourquoi , mon bien-aimé, avez-vous si tôt enlevé cet enfant ?
Elle était si aimable, répondit le Seigneur, quil nétait pas expédient pour elle de rester sur la terre ; ensuite son père, après la mort de son aînée, aurait annulé le vu de sa mère, et laurait gardée pour le siècle. » (Ve part., ch. XII.)
1 Les faveurs ainsi accordées ne font pas partie du bonheur essentiel qui est mérité de condigno et qui est proportionné au degré de charité auquel les fidèles se sont élevés sur la terre. Outre ce bonheur essentiel, les élus jouissent encore de privilèges, de dons accidentels très précieux. Saint Augustin pense que Dieu tient compte des souffrances endurées inconsciemment par les enfants baptisés et les en dédommage au Paradis.
P. 76
22. Bonté qui récompense les moindres actes damour
Lintendant des religieuses dHelfta se donnaient beaucoup de peines et de fatigues pour bien gérer les affaires du monastère. Sainte Gertrude priant le Seigneur de len récompenser reçut cette réponse : « Son corps qui sépuise si souvent de fatigue pour moi en de tels travaux est pour moi comme un trésor dans lequel je mets en dépôt autant de pièces dargent quil fait de mouvements pour satisfaire à la charge quil a reçue, et son cur est un coffre-fort dans lequel je me plais à déposer une nouvelle pièce dor, chaque fois quil recherche comment pourvoir pour ma gloire aux besoins de ceux dont il est chargé. » Sainte Gertrude fit remarquer que cet homme nétait cependant pas poussé par des motifs tout désintéressés, et quau désir de faire son devoir se mêlait aussi celui dobtenir pour lui-même quelque gain. « Sa volonté, reprit le Seigneur, est tellement soumise à ma volonté divine que je suis toujours la cause principale de ses actions ; cest pourquoi dans toutes ses pensées, ses paroles et ses actions, il gagne un fruit inestimable. Néanmoins sil procédait dans chaque affaire avec une intention plus pure, ses uvres deviendraient dun plus grand prix, autant que lor lemporte sur largent. Enfin, si avec une intention plus pure encore il dirigeait vers moi ses pensées et ses sollicitudes, elles en deviendraient dautant plus belles et plus nobles quun or pur et raffiné vaut mieux quun or vieilli et obscurci. ».
(Liv. III, ch. LXIX.)
22.Bonté qui récompense le dévouement
de ceux qui se dépensent pour les amis de Dieu
Lintendant des religieuses dHelfta se donnait beaucoup de peines et de fatigues pour bien gérer les affaires du monastère. Sainte Gertrude priant le Seigneur de len récompenser reçut cette réponse : « Son corps qui sépuise si souvent de fatigue pour moi en de tels travaux est pour moi comme un trésor dans lequel je mets en dépôt autant de pièces dargent quil fait de mouvements pour satisfaire à la charge quil a reçue, et son cur est un coffre-fort dans lequel je me plais à déposer une nouvelle pièce dor, chaque fois quil recherche comment pourvoir pour ma gloire aux besoins de ceux dont il est chargé. Sainte Gertrude fit remarquer que cet homme nétait cependant pas poussé par des motifs tout désintéressés, et quau désir de faire son devoir se mêlait aussi celui dobtenir pour lui-même quelque gain. « Sa volonté, reprit le Seigneur, est tellement soumise à ma volonté divine que je suis toujours la cause principale de ses actions ; cest pourquoi dans toutes ses pensées, ses paroles et ses actions, il gagne un fruit inestimable. Néanmoins sil procédait dans chaque affaire avec une intention plus pure, ses uvres deviendraient dun plus grand prix, autant que lor lemporte sur largent. Enfin, si avec une intention plus pure encore il dirigeait vers moi ses pensées et ses sollicitudes, elles en deviendraient dautant plus belles et plus nobles quun or pur et raffiné vaut mieux quun or vieilli et obscurci. ». (Liv. III, ch. LXIX.)
23. Bonté qui récompense les moindres actes damour
Ayant lancé vers le Seigneur des paroles de tendresse, lhumble Gertrude se demandait si son indignité ne rendait pas insipide au Bien-Aimé ses protestation damour. Le Seigneur la rassura en ces termes : « Quimporte la nature du vase où lon agite les parfums, pourvu quil exhalent toujours la même odeur ? De même lorsquon mappelle : O très doux, ô très aimé, tout en se regardant comme une vile vie éternelle, savoir, lassurance de nêtre jamais séparée de son Dieu, reçut une réponse aussi consolante : « Quel est le marin qui, après avoir heureusement amené ses biens au port, les jetterait alors volontairement à la mer ? » (Ibid., ch. XXXV, p. 26.)
21. Bonté qui tien compte des bonnes intentions
Une dame avait consacré à Dieu son enfant, même avant sa naissance, et vout que, si cétait une fille, elle fut fiancée à Dieu ; mais lenfant mourut dans la deuxième année de son âge. Son âme. Son âme apparut à Mechtilde comme une vierge très belle et lui dit : « Tous les dons que je devais recevoir du Seigneur, si réellement javais pris lhabit religieux, Il me les accorde maintenant par un effet de sa grande libéralité ; et jai en plus, une récompense particulière pour avoir été consacrée à Dieu dès le sein de ma mère. » Comme cela étonnait beaucoup Mechtilde, le Seigneur lui dit : « Pourquoi tétonner ? Est-ce que les enfants baptisés ne sont pas sauvés par la foi dautrui ? Jai accepté la volonté bien déclarée de la mère pour le fait, et je récompense, dans son enfant, tous les biens quelle lui avait désiré 1. » – Mais pourquoi , mon bien-aimé, avez-vous si tôt enlevé cette enfant ? Elle était si aimable répondit le Seigneur quil nétait pas expédient pour elle de rester sur la terre ; Ensuite son père, après la mort de son aînée, aurait annulé le veux de sa mère,, et laurait gardée pour le siècle. » (Ve part., ch. XII.)
1 Les faveurs ainsi accordées ne font pas partie du bonheur essentiel qui est mérité de condigno et qui est proportionné au degré de charité auquel les fidèles se sont élevés sur la terre. Outre ce bonheur essentiel, les élus jouissent encore de privilèges, de dons accidentels très précieux. Saint Augustin pense que Dieu tient compte des souffrances endurées inconsciemment par les enfants baptisés et les en dédommage au paradis. Il écrivait en effet à saint Jérôme : Quis novit quid parvulis de quorum cruciatibus duritia majorum contunditur, aut exercitur fides aut misericordia probatur, quis inquam, novit, quid ipsis parvulis in secreto judiciorum suorum bon oe compentionis reservet Deus ?
P.77.
créature, la douceur qui mest naturelle ne laisse pas den être émue jusquen ses profondeurs, et me fait exhaler à moi-même un arôme dune merveilleuse suavité, qui répand sur celui qui a provoqué ma douceur par ces paroles de tendresse, une odeur de salut pour léternité. » (Liv. VI, ch. Ier.)
Comme ses Surs sinclinaient profondément en récitant à loffice ces mots : Verbum caro factum est, elle entendit que le Seigneur lui disait
p.78 à p.80
Dieu bonté P.78
divine bonté et ma justice donnent une récompense imparfaite comme est imparfaite luvre que lâme me présente. Quelquefois je la récompense par des biens temporels, quelquefois je lui accorde la vie de la grâce par le moyen de mes serviteurs que jaime et que jécoute. Ainsi lai-je fait pour mon glorieux apôtre saint Paul qui, par la prière de saint, cessa dêtre infidèle et de persécuter les chrétiens. En quelque état que lhomme se trouve, il ne doit jamais cesser de bien faire. " (Dialogue, ch. XCIII.)
25. Bonté qui récompense les vertus
en faisant pratiquer de plus grandes
Mechtilde demandait au Seigneur pourquoi le comte B avait été choisi pour fondateur de sa communauté. Le Seigneur répondit : " Cétait un homme dun cur doux et bienveillant ; tout ce quil a pu commettre de péchés, il la fait sans malice ; cest pourquoi ma sagesse a trouvé pour lui cette voie de salut ; car jaime beaucoup un cur bienveillant, tandis quun péché commis par malice devient un lourd fardeau pour lâme ; et comme celui-ci a fondé ce monastère, non pour la faveur des hommes, mais pour ma gloire et le salut de son âme, et quil a fortement aimé la congrégation, par un droit spécial il sest acquis les mérites de chaque personne, et jouit des biens de tous comme des siens propres. " (Ve part., ch. x.)
26. Bonté qui accepte la bonne volonté pour le fait
Le Seigneur dit à Gertrude : " Jai accepté ta bonne volonté pour le fait ; car ma bonté, toujours désintéressée, exige que, lorsquune personne sest proposée sincèrement quelques bonne uvre ou quelque dévote pratique, quoique, par fragilité humaine ou par autre motif, elle nen fasse rien, je ne laisse pas davoir égard à sa bonne volonté, de laccepter pour le fait et de len récompenser largement. " (Liv. IV, ch. xxv)
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Mechtilde entendant lire dans lEvangile ces paroles : Simon, fils de Jean, maimes-tu plus que ceux-ci ? (Jean, XXI, 15) fut ravie en esprit et se trouva en présence du Seigneur, qui lui dit : Je vais aussi tinterroger, et tu me répondras dans toute la sincérité de ta conscience. Est-il au monde quelque chose qui te soit si cher que tu ne voudrais pas, si cela était en ton pouvoir, labandonner pour mon amour ? " La sainte répondit : Vous savez, Seigneur, que si tout le monde était à moi, avec tout ce quil renferme, je labandonnerais en entier pour votre amour. Le Seigneur accepta aussitôt cette réponse de Mechtilde, comme si, en effet elle eu été la maitresse de lunivers, et leut abandonné pour Lui.
Linterrogeant une seconde fois : " est-il quelque travail ou quelque joug dobéissance que tu ne voudrais pas subir pour mon amour ? " – Seigneur, je suis prête à tout souffrir pour votre nom.-" Est-il quelque souffrance si grave, que tu refuserais de lendurer pour mon amour ? " – Mon Seigneur, avec vous et avec votre aide, je suis prête à endurer toutes les souffrances. Le Seigneur accepta toutes ces réponses comme si elles eussent été suivies de leffet. (IVe part., ch.LX.)
Gertrude demanda au Seigneur de lui enseigner par quelle vertu elle pourrait lui plaire davantage. Le Seigneur lui répondit : " Puisque lEsprit-Saint est la bonne volonté, applique-toi donc à avoir cette bonne volonté et ainsi tu pourra posséder ce que chaque vertu a de beauté et de perfection spéciale, car par la bonne volonté on gagne plus quon ne pourrait jamais le faire par des uvres. Celui qui a la bonne volonté de me louer, de maimer par-dessus toute créature, de me rendre grâce, de compatir a mes douleurs et de pratiquer toutes les vertus de la manière la plus parfaite, sil le pouvait, celui-là sera infailliblement récompensé par ma divine libéralité, et même plus largement que celui qui accomplirait luvre de fait, sans avoir la même bonne volonté. " (Liv. IV, ch. XVII.)
P.80
27.Bonté qui aime mieux regarder la sainteté future
que les défauts présents
Le Seigneur dit à Mechtilde qui priait pour une personne plongée dans la tristesse : " " Sil lui vient à lesprit quelle nest pas du nombre des élus, quelle fasse comme un homme qui serait dans une vallée obscure ; si cet homme était désireux de voir le soleil, il monterait de la vallée sur la colline, et sortirait ainsi des ténèbres. Elle, de même, lorsquelle est plongée dans les ténèbres de la tristesse, quelle gravisse la montagne de lespérance, et quelle me regarde des yeux de la foi, Moi, le céleste firmament dans lequel sont fixées comme des étoiles des âmes de tous les élus. Quoique ces étoiles soient obscurcies par les nuages du péché et les brouillards de lignorance, elles ne peuvent toutefois sobscurcir dans leur firmament, c’est-à-dire dans ma divine clarté, parce que les élus bien que parfois enveloppés de péchés énormes, sont toujours regardés par moi, dans ma charité en laquelle je les ai élus, et dans cette clarté où ils doivent parvenir. Cest pourquoi il est bon quon se rappelle souvent avec quelle bonté gratuite on a été élu par moi, par quels secrets et merveilleux jugements je regarde comme un juste celui qui est en plein péché, avec quel amour jai changé en bien tout ce qui était mal en lui, et quon me bénisse, moi, léternel firmament des élus 1. " (IVe part. ;ch. XXIV.)
1 Dieu, dit Julienne de Norwich, me montra quau ciel le péché ne sera pas un sujet de honte, maisde louange pour celui qui laura commis (à cause de son repentir) , il y aura des joies spéciales proportionnées à la douleur que lui auront causée ses fautes. (Trad. Meunier p. 141.) Cest, dit-elle encore, de la part de notre Sauveur une souveraine marque damitié de veiller sur nous aussi tendrement, lorsque nous sommes en état de péché. Il ne sen tient pas là. Il va jusquà nous toucker en nous montrant nos faures à la lumière de la grâce. Puis quand lâme sest repentie, Il lui dit : " Ma bien-aimée, combien je suis heureux que tu sois revenue à moi ! Durant ton malheur, jai toujours été près de toi, tu vois maintenant quel est mon amour et combien nous sommes unis dans le bonheur. "
(Ibid.,P.150.)
III. Dieu Bonté P.81
28. Le chef- doeuvre de la bonté divine
est de conduire lâme à la perfection
« Dans toute luvre de la Rédemption, dit le Seigneur à Gertrude, je me suis plus servi de la sagesse et de la bonté que de la puissance et de la majesté. Et cette sagesse, unie à la bonté, brille surtout en ce que je souffre les imparfaits, jusquà ce que je les conduise par le libre choix de leur volonté à la voie de la perfection. » ( Liv. IV, ch. LXVIII.)
29. Bonté qui nous fait dautant plus de bien
Quon nous fait plus de mal
Le Seigneur dit à Gertrude : « On te fait quelquefois de la peine en parlant mal de toi ? Eh bien ! Des paroles de tes détracteurs fais-toi autant de vertus ; et lorsque tu en seras ornée, tu pourras venir à moi, et, ma compassion aidant, je te recevrai avec bonté. Plus on blâmera sans raison ta conduite, plus mon Cur te donnera de témoignages damour, parce que cela te rendra toute semblable à moi, dont on sest plu à mal interpréter toutes les actions. » (Liv IV, ch. LXVIII.)
30. Bonté qui nous apprend à nous servir
de lamour infini
Mechtilde priait pour une personne qui sétait plainte à elle de la peine quelle ressentait de ne pas assez aimer son Dieu et de ne pas Le servir avec assez de dévotion ; la sainte en conçut elle-même une grande tristesse, se croyant de tout point inutile, puisque Dieu, qui lui avait conféré de si grands bienfaits, nétait pas aimé comme Il devait lêtre. Le Seigneur lui dit : « Allons, ma bien-aimée, ne tafflige pas : tout ce qui est à moi est à toi. » La sainte reprit : Si vraiment tout ce qui est à Vous est à moi, votre amour est donc mon amour, et lamour cest vous, ainsi que le dit saint Jean : Dieu est amour. (Jean, IV, 16.) Je vous offre donc cet amour, afin que,
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par lui, soit suppléé tout ce qui me manque. Le Seigneur accepta cette offrande et lui dit : « Tu feras très bien de la sorte, et, lorsque tu voudras me louer ou maimer et que tu ne pourras accomplir ton désir, tu diras : Bon Jésus, je vous aime; et pour out ce qui manque à mon amour, je vous prie doffrir pour moi à votre Père lamour de votre Cur. Tu diras à la personne pour laquelle tu pries de faire de même, et si elle y revient mille fois par jour, autant de fois joffrirai pour elle mon amour au Père sans lassitude ni ennui. » (Ive part., ch. XXIII.)
31. Bonté qui répare nos négligences
Et supplée à notre impuissance
Sainte Gertrude ne pouvant mettre dans la récitation de loffice divin toute lattention et toute la ferveur quelle désirait, en était tout affligée. Le Seigneur, ne pouvant souffrir quelle fut triste, lui présenta son Cur divin, sous la forme dune lampe ardente, lui disant : « Voilà que je présente aux yeux de ton âme mon très doux Cur, lorgane de ladorable Trinité. Tu lui remettras avec confiance, pour quil y supplée, tout ce que tu ne peux accomplir parfaitement toi-même, et de la sorte, mes yeux ne yeux ne verront rien en toi qui ne soit de la dernière perfection. Car de même quun fidèle serviteur est toujours à la volonté de son maître, ainsi mon Cur sera désormais toujours à ta disposition, pour réparer à toute heure tes négligences. »
Cette bonté du Seigneur remplit la sainte dadmiration et dépouvante. Mais Lui, lencourageant par cette comparaison, lui dit : « Si, ayant une voix sonore et flexible, et de plus aimant beaucoup à chanter, tu étais avec quelquun dont la voix serait désagréable et qui ne saurait pas chanter, tu serais indignée sil ne voulais pas te laisser exécuter ce que tu peux rendre si facilement, et que lui ne peut, quà grande peine, faire entendre. Eh bien ! mon Cur divin, qui connaît la faiblesse et linconstance de lhomme, désire dune ardeur incroyable que tu linvites, sinon de paroles, au moins de quelque signe, à te remplacer et à exécuter pour toi ce que
P. 83
de toi-même tu es complètement incapable de faire. Car, pour pouvoir et savoir laccomplir, il a une vertu toute puissante et une sagesse inscrutable ; et la douceur et la bonté qui lui sont naturelles font quil na quun désir qui est de sen acquitter avec joie et bienveillance. » (Liv. II, ch. XXV.)
Laimable Sauveur rassura de la même manière sainte Lutgarde : « Ame troublée, ne te bouleverse plus lesprit en récitant tes Heures : tes prières ont été exaucées et sont montées jusquà Dieu comme un agréable encens
Ne crains rien, moi même je suppléerai à ce qui te manque. » (Vie, par le P. Jonquet, ch. v.)
32. Bonté qui fait ce que nous aurions dû faire
Un vendredi soir, Gertrude regardant le crucifix fut saisie de douleur davoir passé ce jour sans se rappeler, à chaque heure, ce que le Sauveur avait souffert pour son amour et elle Lui en exprima son profond regret. Jésus lui répondit de la croix : « Ce que tu as négligé, je lai fait pour toi ; à chaque heure jai recueilli en mon Cur ce que tu aurais dû recueillir dans le tien ; jattendais, avec une grande impatience, lheure où tu devais me dire ton regret. Appuyé sur ce sentiment que tu mexprimes, je veux offrir à Dieu mon Père tout ce que jai suppléé pour toi en ce jour, parce que, sans ton intention, tout ce que jai fait ne pourrait te profiter. » (Liv. III, ch. XLI.)
33. Bonté qui efface les taches des âmes
Sainte Gertrude dit au Seigneur : Où sont donc les taches produites par limpatience que javais en mon cur, et que javais tant soit peu manifestée dans mes paroles ? « Le feu de ma divinité les a totalement consumées, dit le Seigneur, comme cest ma coutume de consumer toutes les tâches, et de corriger toutes les difficultés dans une âme vers laquelle je mincline gratuitement poussé uniquement par ma bonté. » (Liv. III, ch. XVI.)
P. 84 III. – Dieu Bonté
34. Bonté qui nous ramène à la présence de Dieu
Le Seigneur dit à Gertrude : « Lorsque tu veux saisir quelque objet, tu étends la main, et lorsque tu as pris ce que tu voulais, tu la retires à toi ; ainsi moi-même, tout languissant damour pour toi, quand tu te dissipes aux choses extérieures, pour te reprendre, je te présente mon Cur ; puis lorsque, mobéissant, tu rentres en toi-même pour toccuper de moi, je retire à moi mon Cur avec toi, et je toffre en lui la douceur de toutes les vertus. » (Liv. III, ch.. XXVI )
35. Bonté qui réconforte
Le 22 août 1815 Elisabeth Canori pleurait ses infidélité, et si vive fut sa douleur que son cur fut sur le point déclater, il lui sembla que ce fut un miracle quelle nen mourût pas. Soudain elle entendit la voix très suave du Seigneur qui lui dit : « Ne tétonne pas de ta misère ; tourne tes yeux et regarde. » Je regardai, écrit la servante de Dieu et je vis présentes devant moi et comme alignées en bon ordre toutes les bonnes oeuvres que, avec la grâce de Dieu, jai accomplies depuis le premier usage de ma raison jusquaujourdhui. »Ecris, continua mon doux Seigneur, écrit les bons effets qua produit en moi ta grâce, » A ces mots je me mis à pleurer abondamment et je Le suppliai de ne pas exiger de moi pareille obéissance. Ma résistance ne Lui déplut pas, mais Il continua : « Ma fille bien-aimée, pourquoi veux-tu cacher les fruits de mes fatigues et de mes sueurs ? Manifeste plutôt mes éternelles miséricordes. » (Vita, ch. XXX.).
36. Bonté incomprise
Une Sur du Carmel de Dieppe, dont la mort très prompte surprit et affligea la communauté, apparut, une heure après son décès, à la Mère Françoise de la Mère de Dieu. Comme Françoise sétonnait quelle venait si tôt à elle, Notre-Seigneur
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Lui dit : « Cest quelle ma été bien fidèle durant sa vie, et jai eu soin delle à la mort. » Mais Françoise ne pouvait sempêcher de faire cette plainte : Mon Seigneur, vous avez laissé mourir notre chère Sur sans sacrements ; jespérais de votre bonté quelle aurait la grâce de vous recevoir. Il lui répondit ; ce na pas été le manque de bonté, mais un surcroit de miséricorde, car je connaissais bien quelle navait pas besoin dautre chose et je lai permis ainsi pour donner exemple aux autres. On a trop de crainte de faire recevoir si tôt les sacrements et de faire entrer pour cela les prêtres. Il vaut mieux le faire trois fois que den manquer une dans une chose si importante. On a tant de soin quil ne manque rien au corps, il faut avoir encore bien plus de soin pour les âmes. » Puis comme Françoise Le priait pour la défunte, Il lui dit : « Je la récompenserai bien des vertus quelle a pratiquées, qui nont point paru aux créatures, mais bien devant moi à qui rien nest caché. » (Vie, ch. XI.)
37. Bonté divinement affectueuse
Comme Mechtilde venait de saluer du fond de son cur son Bien-Aimé, Il lui répondit : « Quand tu me salues, je te salue à mon tour ; quand tu me loues je me loue moi aussi en toi ; et quand tu rends grâces, moi aussi en toi et par toi je rends grâces à Dieu le Père. La sainte dit : Mon Bien-Aimé, quelle est cette salutation que vous adressez à mon âme, et que je ne sens pas ? « Ma salutation nest pas autre chose que ma tendre affection pour lâme. Ainsi quune mère caresse son enfant sur ses genoux, lui apprend les paroles quil doit lui adresser à elle-même, reçoit avec un cur de mère ce quil lui dit et quelquefois len récompense par un baiser, ainsi jinstruis lâme, par une inspiration divine et un mouvement damour à me saluer, et, quand elle sen acquitte dans sa petite mesure, jaccepte ses efforts dans la mesure de la grande affection dun père et de là, je rends à lâme son salut par une effusion de grâces quelle peut bien ne pas toujours ressentir. » (IIIe part., ch. IX.)
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38. Bonté qui nous bénit et qui nous garde
Le Seigneur sadressant à une personne pour laquelle Mechtilde priait, lui dit : « Personne ne menlèvera jamais ton âme. » Puis, la bénissant, il fit sur elle le signe de la croix en disant : « Que ma divinité te bénisse, que mon humanité te fortifie, que ma tendresse te réchauffe et que mon amour te conserve ! (Ive part., ch. XXVI.)
39. Bonté qui varie ses dons par sagesse
Sainte Gertrude ayant demandé à Notre-Seigneur pourquoi les révélations dont Il la favorisait différaient de celles de ses compagnes, Notre-Seigneur répondit : « Si un maître était interrogé par plusieurs personnes dun langage différent et quil répondit à toutes dans une seule langue, cela ne serait compris par personne ; mais, sil parlait à chacun dans sa propre langue, en latin à celui qui serait latin, en grec à celui qui serait grec, on admirerait dautant plus sa science et sa sagesse. Semblablement, plus je mets de diversité dans les dons que je communique, plus est évidente la profondeur insondable de ma sagesse, qui me fait répondre à chacun selon la portée de son intelligence, et lui révéler, ce que je veux révéler, selon la capacité et le sens que je lui ai moi-même accordés ; parlant aux plus simples par des images et des comparaisons plus sensibles, et au plus éclairés dune manière moins imagée et plus cachée, mais plus élevé et plus spirituelle. » (Liv. III, ch. XLVIII.)
40. Bonté de Dieu et sa patience
à légard des pécheurs obstinés
Le Seigneur fit souvent savoir à sainte Brigitte combien il était bon et patient envers les pécheurs; voici quelques-unes des paroles quil lui dit sur ce sujet :
« Tu admires, ô mon épouse, pourquoi je souffre les méchants
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avec tant de patience, cest parce que je suis miséricordieux. Dabord ma justice les supporte afin que leur temps soit entièrement accompli
Puis parce quils ont fait quelque bien dont ils doivent être récompensés, afin quil ny ait pas un bien, quelque petit quil soit, fait pour lamour de moi, qui nait pas sa récompense. Enfin, je les souffre pour faire voir à tous les yeux combien est grande la patience divine ; cest pour cela que jai supporté Pilate, Hérode et Judas. » (Liv. Ier, ch. xxv.)
41. Ce que Dieu est pour lâme
Le Seigneur découvrit à la Mère Anne-Marie Clément les offices différents quIl remplissait à son égard ; 1° De Pasteur, qui la gouvernait ; 2° De Roi, qui voulait avoir un parfait empire sur elle ; 3° DEpoux, très cher, mais jaloux, qui la conduisait dans ses celliers pour lenivrer dun vin délicieux ; 4° De Médecin, qui guérissait ses blessures par les remèdes de ses sacrements ; 5° De Maître et de Docteur qui lui enseignait ses vérités ; 6° De législateur, qui imprimait de son doigt son nom et ses lois dans son cur ; 7° De Conseil et de Guide, la faisant marcher dans les sentiers de la justice et de léquité ; 8° De Pilote, pour la faire arriver heureusement au port ; 9° Enfin de nourriture et de pain de vie, qui devait la fortifier. (Vie, 1915, p. 189.)
CHAPITRE IV
Dieu Justice
1. Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu
Sainte Thérèse récitant à loffice ces paroles du psalmiste : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables (ps. CXVIII, v. 137), se demandait comment un Dieu si juste lui accordait à elle, si indigne, tant de faveurs et de consolations,
P. 88
quIl refusait à des âmes qui lui paraissaient bien plus fidèles et plus dignes quelle. Soudain elle entendit cette parole qui fut la première de toutes celles que le Seigneur lui adressa dans toute sa vie : « Sers-moi et ne toccupe pas dautre chose. » (Vie, ch. XIX.)
2.Dieu respecte la liberté de ses créatures
Françoise de la Mère de Dieu écrivait, le 18 octobre 1642, au P ; Gibieuf, qui fut, après le cardinal de la Bérulle, supérieur des Carmels de France : Je suis dans un grand désir que tout le monde se rende à Dieu et je lui dis quelquefois ; Vous savez, ô mon Dieu, que si je pouvais attirer à Vous toutes les âmes, je le ferais. Mais doù vient que vous, qui pouvez toutes choses, vous permettez quil y en ait tant qui se perdent ? Il me dit une fois : « Cest que jai donné la liberté à lhomme et je lui en laisse la disposition, à moins que, volontairement, il ne me redonne cette liberté ; et alors je la prends et la fait se rendre à ce que je veux. » Et Il me fit entendre quel grand bien cest pour une âme de navoir plus de liberté et dêtre captive de Lui. Il me fit connaître quIl prenait une nouvelle puissance sur moi pour que je sois de plus en plus captive et dépendante de Lui et de cette captivité me donnerait plus de liberté, maffranchissant de tout ce qui pourrait mempêcher de laimer. (Vie, ch. VIII.) Les passions seules asservissent, parce quelles font faire à lhomme ce quil voudrait ne pas faire ; au contraire, là où est lEsprit Saint, là est la liberté : ubi Spiritus, ibi libertas. En effet, ceux qui renoncent à leur liberté pour se laisser conduire en tout par le Saint-Esprit, ne font, sous sa divine influence, que ce quils se réjouissent de faire.
2. Réversibilité des grâces. Le compte quil faut en rendre
Je sentis, dit Françoise de la Mère de Dieu, la divine Majesté qui me paraissait nêtre pas contente de la lâcheté et négligence de quelques âmes, qui ne cherchaient quà se ?
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avec tant de patience, cest parce que je suis miséricordieux. Dabord ma justice les supporte afin que leur temps soit entièrement accompli
Puis parce quils ont fait quelque bien, dont ils doivent être récompensés, afin quil ny ait pas un bien, quelque petit quil soit, fait pour lamour de moi, qui nait sa récompense. Enfin je les souffre pour faire voir à tous les yeux combien est grande la patience divine ; cest pour cela que jai supporté Pilate, Hérode et Judas. » (Liv. Ier, ch. XXV.)
CHAPITRE IV, Dieu Justice
1. Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu
Sainte Thérèse récitant à loffice ces paroles du psalmiste : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables (ps. CXVIII, v. 137), se demandait comment un Dieu si juste lui accordait à elle, si indigne, tant de faveurs et de consolations
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quIl refusait à des âmes qui lui paraissaient bien plus fidèles et plus dignes quelle. Soudain elle entendit cette parole qui fut la première de toutes celles que le Seigneur lui adressa dans toute sa vie : Sers-moi et ne toccupe pas dautre chose. » (Vie, ch. XIX.)
2. Dieu respecte la liberté de ses créatures
Françoise de la Mère de Dieu écrivait, le 18 octobre 1642, au P. Gibieuf, qui fut, après le cardinal de Bérulle, supérieur des carmels de France : Je suis dans un grand désir que tout le monde se rende à Dieu et je lui dis quelquefois : Vous savez, ô mon Dieu, que si je pouvais attirer à vous toutes les âmes, je le ferais. Mais doù vient que vous, qui pouvez toutes choses, vous permettez quil y en ait tant qui se perdent ? Il me dit une fois : « Cest que jai donné l liberté à lhomme et je lui en laisse la disposition, à moins que, volontairement, il me redonne cette liberté ; et alors je la prends et la fait se rendre à ce que je veux. » Et Il me fit entendre quel grand bien cest pour une âme de navoir plus de liberté et dêtre captive de Lui. Il me fit connaître quIl prenait une nouvelle puissance sur moi pour que je sois de plus en plus captive et dépendante de Lui et que cette captivité me donnerait plus de liberté, maffranchissant de tout ce qui pourrait mempêcher de laimer (Vie, ch VIII.) Les passions seules asservissent, parce quelles font faire à lhomme ce quil voudrait ne pas faire ; au contraire, là où est lEsprit-Saint, là est la liberté : ubi Spiritus, ibi libertas. En effet, ceux qui renoncent à leur liberté pour se laisser conduire en tout par le Saint-Esprit, ne font, sous sa divine influence, que ce quils se réjouissent de faire.
3. Réversibilité des grâces ; Le compte quil faut en rendre
Je sentis, dit Françoise de la Mère de Dieu, la divine Majesté qui me paraissait nêtre pas contente de la lâcheté et négligence de quelques âmes, qui ne cherchaient quà se
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satisfaire elles-mêmes et ne travaillaient point à Lui plaire et il me dit : « Oh ! Combien perdent ces âmes par leur faute », me faisait comprendre que la grâce quIl leur voulait donner, Il la donne aux âmes fidèles (Vie, ch. XVI.) Cest la sentence de lEvangile : ôtez-lui la mine et donnez-la à celui qui en a dix
On donnera à celui qui à déjà et il sera dans labondance ; mais à celui qui na pas, on ôtera même ce quil a. » (Luc, XIX, 25, 26.) Dieu me fit entendre, dit encore Françoise, que venant juger lâme, Il lui demande compte particulièrement de lusage quelle a fait de sa vocation, de toutes ses actions, pensées, paroles et intentions, du temps quelle à passé sans lemployer à sa perfection. (Ibid.) Mais à ceux qui sont fidèles, il est accordé grâces sur grâces. « Ne vous étonnez pas, dit un jour la Sainte Vierge à Françoise, de ce que mon fils fait en vous, car lorsquiIl a choisi une âme pour se communiquer à elle et quelle Lui est adhérente (unie de cur et de volonté), on ne peut comprendre ce quIl opère, la favorisant à la place de tout ceux qui ne Lui donnent point lieu de régner en eux. » (Vie, ch. XI.)
Notre-Seigneur, dit Madeleine Vigneron, ma fait connaître que son occupation dans lEucharistie était de présenter des grâces à toutes les personnes qui se trouvaient là présentes devant Lui et que, si quelques-unes les refusaient, Il les reprenait et en faisait largesse aux autres qui étaient fidèles à les recevoir. De sorte que si, dans cette assemblée, il ny a quune âme fidèle à les bien recevoir, elle sen retourne remplie de toutes les grâces des autres. (I I e part., ch. XV.)
4. Les bontés de Dieu rendent plus rigoureux
les droits de sa justice
Le Père éternel donna à sainte Marie-Madeleine de Pazzi les instructions suivantes : « Mon Verbe ayant pris sur Lui lexpiation des péchés du monde, il semble au premier coup dil que la justice nait plus rien à faire, là où sest déployée une si grande miséricorde
Elle ne laisse pas cependant dexister toujours et même elle doit sexercer dans lavenir avec plus de rigueur et de sévérité. Car le verbe, ayant anéanti
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sur la croix tous les péchés des hommes, ne peut plus, pour ainsi dire, supporter la vue du moindre défaut dans la créature
Le sang et la mort de mon Verbe ayant comblé la créature de biens infinis, elle se trouve beaucoup plus étroitement obligée quauparavant à nous servi et à nous aimer, pour reconnaître lamour avec laquelle nous lavons créée et rachetée, doù il suit que les fautes quelle commet dans son ingratitude sont plus grandes et exigent une plus grande punition. Il est vrai cependant, ma fille, que le sang et les mérites du Verbe, lorsquon les applique aux âmes souffrantes par le sacrifice de lautel, diminuent beaucoup la rigueur de leurs peines, car la vue de ce sang mest tellement chère quelle apaise facilement mon courroux. » (Ire part., ch. XXIII.)
5. La miséricorde méprisée est vengée par la justice
Dieu dit à sainte Catherine de Sienne : « Tu le vois, ma fille bien-aimée, les hommes ont été régénérés dans le sang de mon Fils et rétablis dans la grâce : mais ils la méconnaissent et senfoncent de plus dans le mal ; ils me poursuivent de leurs outrages et méprisent mes bienfaits. Non seulement ils repoussent ma grâce, mais ils me la reprochent, comme si javais dautres buts que leur sanctification. Plus ils sendurciront et plus ils seront punis ; leur châtiment sera plus terrible quil ne laurait été avant la rédemption. Nest-il pas juste que celui qui a beaucoup reçu soit tenu de donner davantage à son bienfaiteur ?
Les hommes me sont bien redevables, eux qui ont reçu le trésor de ce sang précieux qui les a rachetés, et la dette est plus grande après la rédemption quavant. Ils me doivent lamour envers le prochain ; ils me doivent des vertus sincères et véritables et sils ne sacquittent pas, plus ils me doivent, plus ils moffensent. Ma justice alors demande que je proportionne la peine à loffense et que je rende plus terrible pour eux la peine de léternelle damnation. Aussi le mauvais chrétien est-il beaucoup plus puni que le païen. Le feu terrible de ma vengeance, qui brûle sans consumer, le torture davantage, et le ver rongeur de la conscience le dévore plus profondément.
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IV. Dieu Justice
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dément. Quels que soient leurs tourments, les damnés ne peuvent perdre lêtre ; ils demandent la mort sans pouvoir lobtenir, le péché ne leur ôte que la vie de la grâce. » (Dialogue, ch..XV.)
6. Les promesses de la miséricorde et les menaces de la justice
Le Seigneur se plaignit souvent à sainte Brigitte des désordres des pécheurs et lui fit connaître combien il est terrible pour eux de tomber entre les mains de sa justice : « Je veux entrer dans leurs curs ; mais ils disent : nous aimons mieux mourir que de quitter nos volontés. Vois, ô mon épouse, de quelle trempe ils sont : je les ai faits, et dune seule parole je pourrais les détruire ; cependant vois comme ils senorgueillissent contre moi. Maintenant, à cause des prières de ma Mère et de tous les saints, je suis encore si miséricordieux et si patient que je veux leur envoyer des paroles sorties de ma bouche et leur offrir ma miséricorde. Sils veulent la recevoir, je serai apaisé et je les aimerai ; sinon, je leur ferai ressentir ma justice et ils seront confondus publiquement devant les anges et les hommes, et ils seront jugés comme des larrons. Comme des larrons pendus au gibet sont dévorés par des corbeaux, de même ceux-ci seront dévorés par des démons sans jamais se consumer; comme ceux qui sont punis par le cep de bois ne trouvent aucun repos, de même ceux-ci seront en tout et partout environnés de douleur et damertume. Un fleuve de feu coulera en leur bouche ; de jour en jour ils seront en proie à de nouveaux supplices. » (Liv. Ier, ch v.)
O mon Seigneur, dit Brigitte, donnez-leur la force déviter le péché et la grâce de vous aimer. Notre-Seigneur lui répondit : « Ils sont accoutumés aux souillures et ne peuvent être enseignés que par les verges. Et plût à Dieu quils ne connussent et se repentissent de leurs fautes quand ils seront châtiés. » (Liv. IV, ch. CXXXI.)
O Seigneur, dit encore Brigitte, ne vous indignez-pas si je parle. Envoyez quelques uns de vos amis qui les avertissent des périls prochains et terribles qui pendent sur leur tête. Il est écrit, dit Notre-Seigneur, que le mauvais riche du fond de
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lenfer demanda quon envoyât quelquun pour avertir ses frères, afin quils ne se perdissent pas comme lui, et il lui fut répondu : non, car ils ont Moïse et les prophètes pour les enseigner. Je dis maintenant de même : ils ont maintenant les évangiles, les prophéties, les exemples et les paroles des docteurs ; ils ont la raison et lintelligence ; quils en usent et ils seront sauvés ; car si je tenvoie, tu ne pourras pas crier si haut que tu sois entendue. Si jy envoie mes amis, ils sont en si petit nombre quà peine les entendront-ils. Néanmoins jenverrai mes amis à ceux quil me plaira, et ils prépareront la voie à Dieu. » (Liv. IV, ch. XXXVII.)
1 La vénérable Marguerite du Saint-Sacrement (1619 1648) vécut au Carmel de Beaune et mourut dans une grande réputation de sainteté, qui saccrut encore après sa mort par les miracles dus à son intercession. Nous citons la Vie composée par le P. Amelote, oratorien, et publiée à £Paris en 1654.
7. Dieu retient sa justice et épanche sa miséricorde
Le Fils de Dieu montra à la vénérable Marguerite du Saint-Sacrement 1 deux fleuves qui sortaient de son côté ouvert lun se répandait continuellement sur toute la terre et lautre, qui de sa nature ne demandait quà prendre son cours, était arrêté par la main du Sauveur : « Ce fleuve qui se répand, dit-Il, cest ma miséricorde, qui est ouverte aux pécheurs ; lautre que je retiens de ma main, cest ma justice, dont jempêche les effets durant cette vie afin de donner lieu à la pénitence. Cest toutefois en telle sorte que ceux qui méprisent ma grâce tombent secrètement dans ma justice, qui, moins elle châtie par des peines manifestes, plus elle punit par des aveuglements secrets. (Liv. V, ch. v.)
8. Les âmes fidèles doivent defforcer
De faire contrepoids aux iniquités des pécheurs
« Ma fille, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, la malice des créatures est si grande que si ma colère
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nétait apaisée par mes élus et les épouses de mon Verbe, jen tirerais une vengeance dont vous ne pourriez même pas supporter la vue. Ne vous laissez donc pas endormir par une lâche indifférence, mais appliquez-vous, conjointement avec mes élus, à expier tant doutrages qui sont faits à moi et à ma vérité. Sachez que ceux qui ne font rien contre le péché sen rendent en quelque sorte complice et que les iniquités des hommes crient vengeance avec plus de force que le sang dAbel
Savez-vous à quoi ressemble la malice des créatures ? A un mur infranchissable qui sélève entre elles et qui empêche mes grâces darriver jusquà leur cur. O ma fille, ne cessez pas doffrir à moi et a ma vérité le sang de mon Verbe Lui-même pour apaiser ma colère
Voyez comme tous les hommes sont entre les griffes du démon ! Voyez comme sa gueule est ouverte pour les dévorer ! Bien loin de léviter ils vont sy jeter deux-mêmes et il nen est aucun qui lui échapperait, si mes élus ne les sauvaient par leur prière. Pour moi, jécris dans un livre qui vous est inconnu, toutes les iniquités des méchants, et je mets en regard tous les secours qui leur ont été donnés par mes élus.
Au jour du jugement, jouvrirai ce livre devant mon Verbe, a qui jai donné le pouvoir de les juger, afin quils voient la justice de leur condamnation aux peines éternelles. Je fais aussi enregistrer dans le plus grand détail toutes les bonnes actions de mes élus, pour en donner connaissance à toutes les créatures en ce grand jour, et leur faire voir que cest à juste titre que je leur donne la gloire éternelle. » (IVe part., ch. XXI.)
9. Les bons eux-mêmes portent la peine
De leurs négligences et de leurs défauts
Un certain homme, très remarquable par sa science et fort habile en droit civil, quitta son pays et vint demander à Marguerite de Cortone de prier pour quil obtînt dêtre consolé dans ses peines. Marguerite ayant prié obtint de Dieu cette réponse : « Dis à cet homme quil sest attiré la peine dont il souffre, non pour avoir eu lintention de commettre le péché, mais pour sa négligence à léviter. Car au moment où il se
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sentit porté au péché, il a résisté à la tentation, mais il nen a pas fui pleinement les occasions, et pour cela les imaginations mauvaises sont entrées dans son âme, qui lont empêché de recevoir mes grâces avec autant dabondance que sil eût été plus vigilant. Quant à cet abattement desprit dans lequel il se trouve, dis-lui den attribuer la cause à ce que, tout en désirant me servir, il conserve dans son cur un attrait trop sensible aux hommes du siècle, et il a une grande présomption de ses qualités intellectuelles. » (Vie, ch. IX, § 17.)
10. La justice divine trouve encore à punir,
même chez les âmes vertueuses qui ont fait une très précieuse mort
Au monastère dHelfta mourut, pendant que vivait sainte Gertrude, une jeune religieuse qui avait eu une grande dévotion à Marie: munie de tous les sacrements, elle était à lagonie lorsque de ses mains déjà mourantes elle prit le crucifix et salua les saintes plaies avec des expressions si tendres, et les couvrit de baisers si ardents que les assistants en éprouvèrent une merveilleuse componction. Elle fit ainsi diverses prières avec une admirable piété et sétant un peu reposée, elle mourut à ce moment. Gertrude ayant appris quelle avait dû être purifiée avant de sortir de son corps, demanda au Seigneur quelle souillure elle avait pu contracter par fragilité humaine. Le Seigneur lui répondit : « Elle se complaisait quelque peu dans son propre sens et je len ai purifiée en permettant quelle trépassât avant que le couvent nai achevé la prière commune qui se disait pour elle ; ce qui lui causa une très vive anxiété, car elle craignit de perdre beaucoup de navoir pas eu les suffrages du couvent. Ainsi a-t-elle été purifiée de cette tache. » Mais Seigneur, reprit Gertrude, ne pouvait-elle être purifiée de cette tache par la contrition du cur lorsquelle demandait, au moment de sa mort, la rémission de tout ses péchés ? Le Seigneur répondit : « Une contrition générale de la sorte na pu la purifier, pace quelle est restée quelque peu à son sens propre, en ne se rendant pas pleinement à ce quon lui enseignait. Il fallait donc quelle souffrit quelque chose pou être purifiée. » (Liv. V, ch. III.)
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Sainte Gertrude demandait au Seigneur pourquoi la vierge E
, dont il lui avait révélé la gloire avait éprouvé, en son agonie, une grande frayeur, reçut cette réponse : « Cest mon excessive fidélité qui en a été cause. Quelques jours auparavant comme elle mavait, dans sa maladie, prié par ton intermédiaire, de la recevoir après sa mort sans délai et que sur ta promesse, elle y comptait pleinement, jai voulu récompenser la confiance quelle montrait. Mais elle était dun âge où lon est rarement quitte de quelques négligences légères, comme de se plaire en des choses qui ne sont pas grandement nécessaires. Elle a du se purifier de ses taches dans la maladie, et lorsque je lappelai à la gloire, je nai pas souffert que ces douleurs, supportées avec tant de patience, ne lui donnassent pas aussitôt une gloire éternelle. Cest pourquoi jai permis quelle fût effrayée de laspect du démon, ce qui lui a tenu lieu de purgatoire tandis que ses autres souffrances restaient en elle comme un titre de sa gloire éternelle. » – Et pendant ce temps où étiez-vous, ressource des désespérés? Dit Gertrude.- « Je métais caché à sa gauche ; mais aussitôt quelle fut purifiée, je me suis présenté à elle, et lai prise avec moi pour le repos et la gloire éternelle. » (Liv. V, ch. II.)
11. Dieu, même en punissant le péché,
tient compte des vertus du coupable
« Il arrive, dit le Seigneur à sainte Brigitte, que les justes pour leur plus grand mérite font une mort très pénible, afin que ceux qui ont aimé la vertu senvolent au ciel délivrés de leurs péchés. Ainsi est-il écrit que le lion tua le prophète désobéissant et ne mangea point son corps, mais le garda. (III Rois, 24.) Sil le tua ce fut par ma mission, afin que le prophète fût puni, mais ne mangea point son corps pour manifester les bonnes uvres de lapôtre et afin que celui-ci étant purifié en cette vie, fut trouvé juste dans lautre 1. » (Liv. V, ch. IX)
1 Ainsi dit Serenus dans Cassien, (Col., VII, 25.)
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12. Dieu corrige sévèrement les âmes fidèles
Mais Il corrige en Père
Jeanne-Bégnigne Gozoz sétant trop arrêtée à réfléchir sur son peu de mérites et sur ses infidélités, Notre Seigneur lui fit connaître que ce retour sur elle-même, qui dénotait sans doute trop peu de confiance en Dieu, ne Lui agréait pas : Tu veux toujours te plaindre et parce que je te gratifie avec des distinctions si merveilleuses, tu voudrais te voir sans défaut. Eh bien, je vais te punir rigoureusement ; choisis donc une de ces trois punitions : la première de ne trouver plus de satisfaction en rien que tu fasse et qui te soit offert ; la deuxième que tu soit attaquée de grands maux corporels ; la troisième que le prochain ne trouves plus en toi la douceur quil a trouvée jusqu ici .» Contre son ordinaire de laisser à Dieu le choix de tout ce qui la concernait, elle choisit soudain la première et la dernière, sentant une grande opposition et aversion à la deuxième ; A ce coup son Epoux se plaignit fortement : Eh quoi, dit-Il, ne pourrai-je donc point encore disposer de cette ingrate à mon élection et à ma volonté ! » Alors, raconte-t-elle dans mes mémoires, Il me dit en termes exprès que je ne serais jamais sans souffrances corporelle. Je mmy soumis, Lui demandant un humble pardon et Lui promettant une soumission aveugle. Au même instant ce Dieu « qui blesse et qui guérit, qui tue et vivifie » (Deuter., XXXII, 39) vint fondre sur moi par un torrent de grâces en me disant : « Eh bien tu souffriras les trois châtiments. » Mais je neu pas lieu de me plaindre de cet arrêt, me trouvent dautre part comblée de biens. (Vie. Ch. v.).
13. Les péchés des hommes attirent les châtiments divins
Le jour de la fête de la purification de Marie, Notre Seigneur dit à Marguerite de Corttone : « Sache que le monde sera affligé de différentes tribulations pour les péchés dont Il se rends coupable. La multitude des iniquités des hommes sest tellement accrue en ce siècle que je puis te dire que
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cest à peine si jose prier mon Père pour eux, et ma Mère elle même, lavocate des pécheurs, redoute de le faire près de moi, son Fils, à cause de tant diniquités. » Après cette révélation divine, les Sarrasins remportèrent la victoire, et des maux incalculables fondirent sur Rome, la Toscane, la Sicile, lAngleterre, la France et sur beaucoup dautres provinces. (Vie, ch. IX, § 32.)
Le second dimanche de lAvent, Notre-Seigneur dit à Marguerite: « Je te dis que mon peuple ne me reconnait plus, quil moublie et na cure de moi. Cependant ces mépris et ces offenses dont je souffre, je ne men plains pas auprès de mon Père, comme je le fais avec toi, afin de ne pas attirer sur lui les châtiments quil mérite, mais jintercède afin de lui éviter une sentence de condamnation. Je tavertis que les pécheurs auront à souffrir damères tribulations, car avant la fin de ce siècle, ils auront à essuyer les fléaux de la peste, de la famine et de la guerre. La puanteur de leurs vices, tant du corps que de lesprit, est montée jusquà moi et je ne puis plus la supporter. Aujourdhui la malice des chrétiens pour inventer de nouveaux crimes surpasse celles des Juifs au temps de ma passion. » (Ibid., ch. XI, § 9.)
14. Jugement dun mauvais riche
Un homme noble, qui se souciait peu de Dieu, étant à table et blasphémant les saints, mourut subitement. Sainte Brigitte vit son âme comparaître au jugement et le Souverain Juge lui dit : « Bien que je sache toute chose, réponds-moi, et que Brigitte entende ta réponse : Nas-tu pas entendu ce que jai dit : je ne veux point la mort du pécheur, mais sa conversion ? Pourquoi donc, le pouvant, nest-tu pas revenu à moi » Il répondit : Certes je lai entendu, mais je ne men suis pas soucié. Le Juge dit derechef : « Nas-tu pas entendu : allez, maudits, au feu éternel et venez mes élus ? »- Je lai entendu, mais je nen croyais rien. Le Juge dit encore : « Nas-tu pas entendu dire que létais juste Juge et éternellement redoutable ? Pourquoi donc ne mas-tu pas craint ? » -Je lai entendu, mais je maimais trop et jai fermé mes oreilles, jai
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endurci mon cur afin de ne pas y penser. Le Juge dit : Il est donc juste que la tribulation et langoisse ouvre ton esprit, puisque tu nas pas voulu entendre quand tu le pouvais. Alors lâme fut rejetée et une voix fut entendue qui disait : « Comme le premier principe de toute chose naura point de fin, de même ton malheur nen aura point. » (Liv. VI, ch. XXVIII.)
15. Jugement dun religieux infidèle
Parlant dun moine dissolu le Seigneur dit à sainte Brigitte : « Le cur de cet homme crie à moi comme par trois voix. La première dit : Je veux faire mes volontés ; je dormirai et je me lèverai quand il me plaira, je parlerai selon mon bon plaisir. Ce qui est de mon goût entrera dans ma bouche. Je ne me soucie point de la sobriété, mais je cherche lassouvissement de la nature; je lui donnerai tout ce quelle désire ; je désire avoir de largent en ma bourse, des vêtements moelleux. Quand jaurai toutes ces choses, je serai content ; cest en cela que je fais consister le bonheur. La deuxième voix dit : la mort nest pas si dure quon le dit ; le jugement nest pas si sévère quil est écrit. Les prédicateurs nous menacent de choses terribles pour nous faire prendre garde à bien vivre, mais elles seront plus douces à raison de la
Miséricorde divine. Pourvu que je puisse accomplir ici mes volontés, faire ce qui me plaît et jouir de ce quil y a de meilleur, que lâme aille ou elle pourra. La troisième voix criait : Dieu ne maurait point crée sil neût voulu me donner le ciel ; Il naurait pas souffert, sil navait pas voulu mintroduire dans la patrie des vivants. Je ne connais que par ouï-dire le royaume céleste, je ne sais si je dois croire ou non. Pour moi, le royaume céleste est ce que je tiens. Voilà ce quétaient ses pensées et ses volontés.
« Je vais répondre à la première voix : mon ami ta voix ne tend point au ciel ; tu ne te plais pas à considérer ma passion ; cest pourquoi lenfer test ouvert, car tu ne désires et tu aime les choses viles et basses. Je réponds à la seconde voix : mon fils, la mort te sera très dure, le jugement te sera intolérable
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il est impossible que tu lévite ; tu auras une peine très amère, si tu ne te corriges. Je réponds à la troisième voix : mon frère, tout ce que jai fait, je lai fait par amour pour toi, afin que tu me fusses semblable, et que, si tu tes retiré de moi, tu puisses revenir à moi. Or maintenant ma charité a été éteinte en toi ; mes uvres te sont à charge et à dégoût, mes paroles te semblent des fadaises, mes voies te paraissent difficiles ; cest pourquoi il te reste un supplice amer et la compagnie des diables, si tu me tournes le dos à moi, qui suis ton très débonnaire Créateur et Seigneur. »
Or ce moine infidèle fut tué par ses ennemis et sainte Brigitte entendit le Seigneur lui dire : « Va, maudit, aux incirconcis que tu as suivis, puisque tu nas pas voulu entendre la voix de ton Père. » (Liv, ch. XIX.)
16 . Jugement dun damné et dun élu
Sainte Brigitte voyait au jugement divin deux démons dun aspect très hideux. Lun dit au Juge : Donnez-moi pour épouse cette âme qui mest semblable. Le Juge lui dit : »Quel droit y as-tu ? Le démon répondit :
De quelle espèce est cette âme à qui est-elle semblable, aux anges ou aux démons ?…Le Juge reprit : « Bien que je sache toutes choses, cependant pour lamour de mon épouse ici présente, dis comment cette âme est semblable à toi. » Le démon dit : Je ne veux rien voir qui vous appartienne ; elle aussi na pas voulu voir, quand elle le pouvait, ce qui concernait le salut de son âme, mais elle samusait aux choses temporelles. Comme moi elle na rien voulu entendre qui fût à votre honneur
Tout ce quelle a pu prendre, elle la retenu et leût gardé plus longtemps, si vous eussiez permis quelle vécut davantage. . . ses désirs insatiables étaient sans bornes, sa cupidité était telle que toute la terre ne pouvait lassouvir ; telle est ma cupidité, car si je pouvais perdre toutes les âmes du ciel, de la terre et du purgatoire, je le ferais. Sa poitrine est aussi froide que la mienne, car elle ne vous aima jamais, ni ne pris goût à vos avertissements
Dès le commencement
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de ma création, ma volonté sest tournée contre Vous, de même la volonté de cette âme fut toujours contraire à vos commandements. . . Donc puisque nous sommes semblables en tout, jugez-nous et unissez-nous.
Alors un ange pris la parole : Seigneur, depuis que cette âme fut unie à un corps je la suivis toujours ; . . . maintenant je la laisse comme un sac vide de toutes sortes de biens. Elle réputait vos paroles à mensonge ; elle croyait que votre jugement était faux elle réputa votre miséricorde pour néant. Il est vrai, elle fut fidèle dans le mariage, mais par affection à celle à qui elle état unie ; elle allait à la messe, mais pour ne pas être rejetée par les chrétiens, et aussi pour obtenir la santé et pour conserver les richesses et les honneurs du monde. Or, Seigneur, vous lui avez donné plus que ne méritaient ses services ; vous lui avez donné des enfants, la santé, la richesse, et vous lui avez épargné les infortunes quelle redoutait. . . Vous lui avez donné cent pour un ; tout ce quelle a fait a été récompensé. Je la quitte maintenant, vide de toutes sortes de biens.
Le démon parla à son tour : O Juge puisquelle a suivi mes volontés, jugez quelle me soit unie
Le Juge dit : « Que lâme dise ce quil lui semble de votre mariage avec elle.» Elle dit au Juge : Jaime mieux être dans les peines de lenfer que de venir dans les joies du ciel, afin que Vous ô Dieu, vous nayez en moi aucune consolation. Vous mêtes tant à haine que je ne me soucie point de mes peines, pourvu que vous nayez aucune joie de moi. Et le démon reprit : Jai les mêmes sentiments ; jaime mieux être éternellement tourmenté que de jouir de votre gloire, si vous devez avoir de là quelque contentement.
Alors le Juge sétant tourné vers moi, Brigitte, qui voyait tout ceci, me dit : « Malheur à cette âme ! Elle est pire que le larron ; elle a eu son âme vénale ; elle a été insatiable des immondices de la chair ; elle a trompé son prochain ; cest pourquoi tous crient vengeance contre elle ; les anges détournent leur face, les saints fuient sa compagnie. » Puis sadressant au démon, le Juge lui dit : Si vous vous humiliez, je vous donnerai la gloire ; si cette âme eût demandé pardon avec résolution de samender au dernier moment de sa vie,
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jamais elle ne fut tombée entre tes mains ; mais parce quelle a préservé jusquà la fin en ton obéissance, la justice veut quelle soit éternellement avec toi. Néanmoins les biens quelle a faits en sa vie, sil y en a quelquun, restreindront ta malice et tempêcheront de la tourmenter autant que tu veux. » Comme le diable semblait se réjouir grandement, le Juge lui dit : « Pourquoi te réjouis-tu tant de la perte dune âme ? Dis-le, de sorte que mon épouse, ici présente, lentende. » Le démon dit : quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment ; plus je la tourmente, plus je suis tourmenté. Mais parce que Vous lavez racheté de votre sang, que vous lavez tellement aimée que vous êtes donné à elle, lorsque par mes suggestions, je puis vous larracher, je me réjouis.
Le Juge lui dit : ta malice est grande. Mais regarde, je le permets. » Et voici quune étoile montait au plus haut des cieux, et le démon la voyant devint muet. Cétait lâme du Frère Algotte, prieur et docteur en théologie, qui ayant été trois ans aveugle et tourmenté de la pierre, finit ses jours heureusement. Notre-Seigneur dit au démon : A qui est-elle semblable? » Le démon répondit : elle est plus brillante que le soleil, comme je suis plus noir que la fumée ; elle est toute pleine de douceurs et jouit de lamour divin et moi je suis plein de malice et damertume.
Notre-Seigneur lui dit : « Quelles pensées en as-tu dans ton cur et quest-ce que tu voudrais donner pour quelle fût en ta puissance ? » Le démon répondit : Je donnerais toutes les âmes qui sont descendues en enfer depuis Adam jusquà maintenant pour avoir celle-là 1 et je voudrais endurer les peines les plus dures, comme si on me donnait tant de coups de poignards quil ne restât pas sur moi lespace de la pointe dune aiguille.
Notre-Seigneur reprit : « Ta fureur est grande contre moi et contre mes élus, et moi je suis si charitable que, sil en était besoin, je mourrais encore, et jendurerais pour chaque âme
1 Ces paroles ne veulent pas dire que cette âme eût plus de valeur à ses yeux que toutes les autres ; mais elles manifestent la rage inexprimable du démon ; et telle est toujours sa fureur quand une âme est sauvée, surtout quand cest une âme généreuse et sainte, pour qui sa ,aine est beaucoup pllus grande.
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et pour chacun des esprits immondes le même supplice que jai enduré une fois sur la croix pour toutes les âmes. » Puis Il dit à cette âme quon voyait comme une étoile : « Viens, ma bien aimée, jouir des contentements indicibles que tu as tant désirés ; viens à la douceur qui ne finira jamais ; viens à ton Dieu et Seigneur que tu as tant de fois appelé de tes désirs. Je me donnerai à toi moi-même, moi en qui sont tous les biens et toutes les douceurs. »
Alors Notre-Seigneur se tournant vers moi, Brigitte, qui voyais tout cela en esprit, me dit : « Ma fille, tout ceci a été fait en un instant, mais parce que tu ne peux entendre les choses spirituelles que par des similitudes, jai voulu te les montrer ainsi, afin que lhomme comprenne combien je suis rigoureux aux méchants et combien débonnaire aux bons. » (Liv. VI, ch. XXXI.)
17. Jugement, purification et délivrance de lâme dun soldat
On lit dans les révélations de sainte Brigitte : Un démon apparut au jugement divin, qui tenait lâme dun défunt toute tremblante. Voici de la proie, dit-il au Juge, votre ange et moi avons suivi cette âme depuis sa naissance jusquà la fin de ses jours, lui pour la sauver, moi pour la perdre. Elle est à la fin tombée dans mes mains, mais votre justice ne sest pas prononcée ; cest pourquoi je ne la possède pas avec assurance. Je la désire avec autant dardeur quun animal affamé et si tourmenté par la faim quil mange ses membres. Pourquoi est-elle tombée en mes mains plutôt quen celles de son ange ? Le juge répondit : « Parce que ses péchés sont en plus grand nombre que ses bonnes uvres. » Le démon dit : jai un livre tout plein de ses péchés. Le nom de ce livre est Désobéissance. En ce livre sont sept livres et chacun a trois colonnes, et chaque colonne na pas moins de mille paroles et souvent plus. Puis sur lordre du Juge, le démon énuméra en détail les péchés dorgueil, de cupidité, denvie, davarice, de paresse, de colère et de volupté commis par le défunt.
Quand il eût fini son accusation, la Mère de Miséricorde
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sapprocha, et invitée par son divin Fils à parler, elle dit au démon : « Sais-tu toutes les pensées des hommes ? » – Non, répondit le diable, je ne connais que celles qui se manifestent par les uvres extérieures et ce que je puis en conjecturer.- La Sainte Vierge reprit : « Quest ce qui peut effacer les écrits de ton livre ? » – une seule chose, qui est la charité ; quiconque lobtient, soudain lécriture de mon livre est effacée. « Dis-moi, poursuivit Marie, quelquun peut-il être si méchant et si corrompu quil ne puisse venir à résipiscence pendant quil vit ? » – Il ny à personne, répondit le démon, qui sil le veut, ne le puisse avec la grâce ; Quand un pécheur, quel quil soit, change sa mauvaise volonté en une bonne, tous les démons ne sauraient le retenir.
Alors la Mère de Miséricorde dit à ceux qui étaient autour delle : « Cette âme à la fin de sa vie sest tournée vers moi et ma dit : Vous êtes Mère de Miséricorde. Je suis indigne de prier votre Fils, parce que mes péchés sont trop grands et trop nombreux. Je vous supplie donc davoir pitié de moi, car vous ne refusez jamais votre Miséricorde à qui vous la demande. Je me tourne donc vers vous et je vous promets, si je vis, de me corriger, de tourner ma volonté vers votre Fils et de naimer que Lui
» Le diable reprit : Je nai rien su dune telle volonté.- Se tournant vers le Juge, la Sainte Vierge lui dit : O mon Fils, que le démon ouvre maintenant son livre et quil voie sil y a quelque chose deffacé. » Et le démon dut reconnaître que tous les péchés de cette âme étaient effacés.
Le Juge dit alors au bon ange qui était là présent : « Où sont donc les bonnes uvres de cette âme. » Et le bon ange les énuméra. Et le diable cria, sadressant à Marie : Malheur, malheur, vous mavez déçu. Jai perdu, je suis vaincu. Le Juge dit au démon : « Je te permets maintenant de voir la vérité et la justice ; dis, que ceux qui sont ici lentende, quelle est ma volonté et quel doit être le jugement de cette âme. » Le démon répondit : quelle soit purifiée de telle sorte quil ny reste aucune tache ; car elle ne peut arriver à Vous avant quelle soit purifiée. Combien de temps sera-t-elle en mes mains ? Le Juge répondit : « Je veux que tu nentres point en elles, mais tu dois la purifier jusquà ce quelle ait
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enduré la peine selon la grandeur de sa faute. Elle doit voir ses péchés et ses abominations ; elle doit te voir en ta méchanceté ; elle doit voir les peines terribles des autres âmes. Elle doit entendre les malheurs horribles, parce quelle à voulu entendre les cris épouvantables et les moqueries des démons. Elle sera brûlée dun feu très ardent, tant au-dedans quau dehors, de sorte quil ny aura pas la moindre tache qui ne soit effacée par ce feu ; elle souffrira une grande rigueur de froid, parce quelle brûlait de lardeur de ses passions et elle était glacée dans ma charité ; elle sera aux mains du démon, afin quil ny ait pas la moindre pensée qui ne soit purifiée. Et comme elle aurait voulu vivre en son corps jusquà la fin du monde, elle devra être dans la souffrance jusquà la fin du monde. Celui qui me désire ardemment et aspire à quitter le monde pour être avec moi mérite davoir le ciel sans peine, les épreuves de la vie présente lui servant de purification ; celui qui craint la mort et pour la mort elle-même et pour les peines qui la suivent, celui-là mériterait une peine plus légère ; mais celui qui désire vivre jusquau jour du jugement par amour pour cette vie, mérite dêtre retenu dans le purgatoire jusquau jour du jugement. »
Alors la Vierge Marie, pleine de miséricorde, dit : « Béni soyez-vous, mon Fils, pour votre justice qui est unie à la miséricorde. Bien que nous voyions et sachions toutes choses en vous, néanmoins pour linstruction des autres, dites-nous quel remède on peut appliquer pour diminuer un si long temps, et quel remède pour éteindre un feu si ardent, et délivrer cette âme des mains du démon.- Il y a trois choses, répondit le Fils, qui abrégeront la peine, éteindront le feu et larracheront aux mauvais esprits ; la première, si par quelque peine on expie ses injustices ; la deuxième par de très grandes aumônes car, par laumône, les flammes sont éteintes comme le feu par leau ; la troisième par les messes et sacrifices et par les prières de ses amis. » La Mère de Miséricorde reprit alors : En quoi lui profitent maintenant les bonnes uvres quil a faites pour vous ? » – Le fils répondit : « Il ny aura pas la moindre parole dite pour mon honneur, pas la moindre bonne pensée qui naie sa récompense. Tout ce quil a fait pour lamour de moi est maintenant devant lui
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et lui sert de soulagement dans ses peines; et moindre sont les rigueurs du feu. »
La Mère de Dieu intercéda encore, alléguant que cette âme avait certaines pratiques en son honneur, comme de jeûner la veille de ses fêtes, de réciter son office, de chanter ses louanges, et elle obtint que cette âme ne vît point les démons dans toute leur horreur, quelle nentendît point les paroles qui leussent couverte de confusion, quelle nentendît point les paroles qui leussent couverte de confusion, quelle ne ressentît point le froid glacial quelle avait mérité par sa froideur pour Dieu.
Puis les saints intercédèrent à leur tour et obtinrent que les démons naient pas le pouvoir de laveugler et de lempêcher de se consoler par la pensée que ses maux prendraient fin et que la gloire lui serait donnée.
Cette âme était celle dun soldat, doux et ami des pauvres. Sa femme fit pour lui de grandes aumônes. Quatre après cette vision, sainte Brigitte la vit derechef comme un jeune enfant très beau et à demi vêtu. La sainte intercéda pour elle et le Juge lui dit : « des larmes de charité mont été présentées pour elle. Quon la porte au séjour du repos que lil na point vu , que loreille ne peut entendre, quelle-même, si elle était en la chair, ne pourrait comprendre ; là ou il ny a point de ciel au dessus ni de terre au dessous; là ou la hauteur est incompréhensible, la longueur indicible, la largeur admirable et la profondeur inexprimable ; là où Dieu est sur toute chose, autour et au-dedans de toutes choses, où il régit et contient toutes choses sans être contenu par aucune. »
Alors sainte Brigitte vit que cette âme montait au ciel, aussi brillant quune étoile. (Liv. V, ch. XL.)
18. Dieu, quand il punit ses intimes, les punit en père
Jésus dit à sainte Marguerite-Marie : « Lorsque tu feras des fautes, je les purifierai par les souffrances, si tu ne le fait pas par la pénitence, et je ne te priverai de ma présence pour cela, mais je te la rendrai si douloureuse quelle tiendra lieu de tout autre supplice. » (Ed. Gauthey, II, p. 564.)
P.106 v. – Dieu Miséricorde
1. LOcéan de la Miséricorde
« Je suis, a dit le Seigneur à la Mère Anne-Marguerite Clément, la grande mer et le vaste océan de miséricorde, sans fond ni rive. Je veux que tu tabandonnes à moi sans réserve. » (Vie, 1915, p. 284.)
« Ma miséricorde fait avec ma charité comme le fond de mon être », a-t-Il dit à sainte Marie-Madeleine de Pazzi. (IVe part., ch. x.)
« Ma miséricorde, dit le Père éternel à sainte Catherine de Sienne, est, sans aucune comparaison, beaucoup plus grande envers vous que tu ne peux le voir, car ta vue est imparfaite et finie, tandis que ma miséricorde est infinie et parfaite. Il y a donc entre ton appréciation et la réalité toute la distance du fini à linfini. » (Dialogue, ch. XXXI.)
2. Le monde perdu. Le monde racheté
Enseignement de Dieu à sainte Catherine de Sienne : « Je vous ai donné le Verbe, mon Fils unique, parce que le genre humain tout entier était corrompu par le péché du premier homme, et que, sorti de la chair viciée dAdam, vous ne pouviez plus acquérir la vie éternelle. Jai voulu unir ma grandeur infinie à la bassesse de votre humanité, afin de vous rendre la grâce quavait détruite le péché. Je ne pouvais souffrir comme Dieu la peine que ma justice réclamait pour le péché, et lhomme était incapable dy satisfaire, puisque loffense était commise contre moi, qui suis la bonté infinie. Cest pour cela que jai envoyé le Verbe, mon Fils, revêtu de votre nature déchue, afin quil souffrît dans la chair même
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qui mavait offensé, et quil endurât la douleur jusquà la mort ignominieuse de la croix. Il satisfit ainsi à ma justice, et ma miséricorde put pardonner à lhomme et lui rendre encore accessible la félicité suprême pour laquelle il avait été crée. La nature humaine unie à la nature divine racheta le genre humain, non seulement par la peine quelle supporta dans la chair dAdam, mais par la vertu de la divinité, dont la puissance est infinie. Il ne resta plus de la tache originelle après le baptême quun penchant au mal, une faiblesse des sens, qui est dans lhomme comme la cicatrice dune plaie. » (Dialogue, ch. XIV.)
3. La miséricorde combat le désespoir
La présomption et lendurcissement
« Cest ma miséricorde qui fait espérer lhomme en ma miséricorde pendant sa vie. Je ne lui accorde pas cette grâce pour quil moffense, mais pour quil se livre à ma charité et à la considération de ma bonté. Il fait le contraire, quand il moffense, parce quil compte sur ma miséricorde. Cependant je le conserve dans lespérance de ma miséricorde, afin quau moment de sa mort il puisse sy attacher, et quil ne périsse pas en tombant dans le désespoir, car ce qui est le plus odieux pour moi et le plus malheureux pour lui, cest le désespoir.
Ce dernier péché est plus grand que tous ceux quil a commis. Ce qui fait que ce péché mirrite et lui nuit plus que les autres, cest quil y a dans les autres péchés un certain plaisir, un entrainement des sens, et quon peut en avoir un regret qui attire la miséricorde ; mais dans le péché de désespoir, comment prétexter la faiblesse, puisquon ny trouve aucune jouissance, mais au contraire, une peine insupportable? Le désespoir est le mépris de ma miséricorde ; il fait croire la faute plus grande que ma miséricorde et ma bonté. Celui qui tombe dans ce péché ne se repent pas et ne pleure pas véritablement de mavoir outragé, il pleure son malheur et non mon offense ; et cest pourquoi il tombe dans lenfer, ou il sera tourmenté pour ce péché et pour tous ceux quil a commis. Sil se fût repenti de loffense quil mavait faite, sil
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avait espéré dans ma miséricorde, il eût trouvé le pardon, car ma miséricorde est infiniment plus grande que tous les péchés que peuvent commettre les créatures. Aussi ceux qui la jugent inférieure à leurs péchés, me déplaisent plus que tous les autres. Cest là le péché qui nest pardonné ni en cette vie ni en lautre. Quand vient lheure de la mort pour celui qui a vécu dans le désordre et le crime, le désespoir me déplaît tant que je voudrais le faire espérer dans ma miséricorde cest pour cela que pendant sa vie je me suis servi dun doux stratagème en le laissant trop compter sur ma miséricorde ; lhabitude de lespérance lexpose moins à la perdre au moment de la mort, quand se font entendre les terribles reproches de la conscience.
«Cette grâce vient du foyer de mon ineffable charité, mais, parce que lhomme la reçoit avec les ténèbres de lamour-propre, doù procède toute faute, il la méconnait, et la douceur de ma miséricorde nest, pour son cur, quun motif de présomption ; cest que sa conscience lui reproche en présence des démons ; elle lui rappelle la patience et la grandeur de ma miséricorde sur laquelle il comptait. Il devait se livrer à la charité et à lamour des vertus, en employant saintement le temps qui lui était donné, et il sest servi, et il sest servi du temps et de lespérance de ma miséricorde pour moffenser. » (Sainte Catherine de Sienne, Dialogue, ch. CXXXII, nor 5, 6,7, 8.)
« Celui qui moffense en sappuyant sur ma miséricorde ne peut pas dire quil espère en ma miséricorde, il est plutôt coupable de présomption, cependant il a la foi en ma miséricorde. Si, quand vient lheure de la mort, il reconnaît ses fautes et décharge sa conscience par une sainte confession, la présomption cesse, et il ne moffense plus. La miséricorde lui reste, et, avec cette miséricorde, il peut, sil le veut, se rattacher à lespérance. Sans cela il ne pourrait éviter le désespoir, qui lentraînerait avec les démons dans léternelle damnation. » (Ibid., n° 4.)
« Personne ne sera rejeté sil espère dans le sang de mon Fils et dans ma miséricorde ; mais personne aussi ne dois être assez aveugle et assez insensé pour attendre à ce dernier moment. » (Ibid., ch. CXXIX.)
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4. Providence miséricordieuse de Dieu
Envers les pécheurs
Voici une instruction donnée par Dieu à sainte Catherine de Sienne : « Pour ceux qui sont dans la mort du péché, je réveille leur conscience par la douleur
de laiguillon quils ressentent au fond de leur cur, par les peines quils éprouvent dans leur cur et par les moyens si variés que la parole humaine ne saurait les dire ; les remords et les peines quils éprouvent les éloignent bien souvent du mal. Quelquefois aussi, lorsque je vois lhomme qui penche vers le péché mortel et vers lamour désordonné de la créature, je lui ôte loccasion et le temps de céder à sa volonté mauvaise; et alors la tristesse quil en éprouve le fait rentrer en lui-même, réveille le cri de sa conscience et le guérit de la folie où il était tombé. Qui me fait agir de la sorte? Ce nest pas le pécheur qui ne me cherche pas et qui ne demande le secours de ma providence que pour pécher, ou pour jouir des richesses, des plaisirs et des honneurs du monde, cest mon amour qui me pousse, car je vous ai aimés avant votre naissance.
« Je suis aussi forcé dagir ainsi par les prières des serviteurs fidèles, qui, par la grâce du Saint-Esprit, pour ma gloire et pour lamour du prochain, demandent avec une ardente charité leur conversion, sefforçant dapaisera colère et de lier les mains de ma justice, sous les coups de laquelle le pécheur devrait tomber. Leurs larmes et leurs supplications me retiennent et me font violence. Mais qui les pousse à crier ainsi vers moi ? Cest ma Providence qui veille aux besoins de ceux que tue le péché ; car il est écrit : je ne veux pas la mort du pécheur, mais quil se convertisse et quil vive. » (Dialogue, ch. CXV.)
5. Dieu presse ses amis de prier pour les pécheurs
Notre-Seigneur se présentant à Marguerite-Marie, un jour quelle était devant le Saint Sacrement, lui dit « Ma fille, veux-tu bien me sacrifier les larmes que tu as versées pour
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laver les pieds de ma bien-aimée, qui sest rendue coupable en suivant un étranger. »
Mon Seigneur, lui répondit-elle, je vous ai tout sacrifié, ne métant réservé ni intérêts, ni prétentions en ce que je ferai, que ceux du bon plaisir de votre Cur Sacré. Deux fois Notre-Seigneur lui fit la même demande, lui disant que lâme de sa bien-aimée, tombée dans le péché, désirait en sortir ; quelle était entrée dans un purgatoire pour se purifier et quil lui fallait ce secours. Quelques temps après, Il lui dit que sa bien-aimée cétait la Visitation, qui ne devait avoir quun cur et quune âme ; que ce purgatoire était la solitude, (la retraite annuelle), ajoutant : « Ma fille, donne-leur ce dernier avertissement de ma part : Que chacune rentre en soi-même pour faire profiter la grâce que je lui présente par le moyen de ma sainte Mère, car celles qui nen profiteront pas demeureront comme des arbres secs qui ne rapportent plus de fruits. Elles pourront encore recevoir quelques lumières de ma sainteté de justice qui, en éclairant le pécheur, lendurcit, lui fait voir le mauvais état où il est, sans lui donner aucune grâce victorieuse pour len retirer, ce qui le jette dans le désespoir ou le rend insensible à sn propre malheur. Voilà lun des plus rigoureux châtiments de ma sainteté de justice, dont elle punit le pécheur impénitent. » (Ed. Gauthey, II, p.172.)
6. Personne néchappe à la main de Dieu
Apprends, ma fille, dit le Seigneur à sainte Catherine de Sienne, que personne ne peut échapper à mes mains, parce que je suis celui qui suis. Vous navez pas lêtre par vous-même, mais vous êtes fait par moi, qui suis le Créateur de toutes les choses qui participent à lêtre, excepté le péché qui nest pas (car il na pas été fait par moi), et comme il nest pas en moi, il nest pas digne dêtre aimé. La créature se rends coupable parce quelle aime le péché quelle ne devrait pas aimer et parce quelle me hait, moi, quelle devrait tant aimer puisque je suis le Souverain Bien, et que je lui ai donné lêtre avec tant damour. Mais elle ne peut méchapper, car
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P.111 Dieu Miséricorde
Ou elle est punie par ma justice pour ses fautes, ou elle est sauvée par ma miséricorde. Ouvre donc lil de ton intelligence et regarde ma main et tu verras la vérité de ce que je te dis. »
Catherine, pour obéir à lordre du Père suprême, regarda et vit dans sa main lunivers entier. « Ma fille, vois et comprends que personne ne peut méchapper, tous sont le sujet de ma justice ou de ma miséricorde, car tous ont été crées par moi et je les aime dun amour ineffable, et malgré leurs iniquités je leur ferai miséricorde par le moyen de mes serviteurs et je taccorderai ce que tu mas demandé avec tant damour et tant de douleur. » (Dialogue, ch. XVIII)
7. La miséricorde sétend aux païens
comme aux chrétiens
Le Seigneur donna à sainte Brigitte cette consolante instruction : « Je fais miséricorde aussi bien aux païens quaux Juifs et il ny a aucune créature en dehors de ma miséricorde, car quiconque pense que ce quil croit est la vérité, parce quil ne lui a jamais été prêché rien de meilleur, et fait de toutes ses forces ce quil peut, sera jugé avec miséricorde. Si rien na empêché les infidèles de rechercher le vrai Dieu, ni la difficulté, ni la crainte de perdre lhonneur et les biens, mais seulement un empêchement humain, moi qui ait vu Corneille et le Centurion qui nétaient pas baptisés être grandement récompensés, je sais quils seront rémunérés comme leur foi lexige. » (Liv. III, ch. XXVI.)
8. Combien Dieu a hâte de pardonner
Il ny a si grand pécheur auquel je ne remette aussitôt, sil se repent sincèrement, tous ses péchés, et sur qui je nincline mon Cur avec autant de clémence et de douceur que sil neût jamais péché. » – Sil en est ainsi, demanda sainte Mechtilde, comment se fait-il que lhomme misérable nen ressente rien ? Le Seigneur répondit/ « Cela vient de
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ce quil na pas encore perdu tout le goût de péché. Si après sa conversion, lhomme résistait avec force aux vices, de manière à extirper tout le goût et la délectation du péché, sans aucun doute il ressentirait la douceur de lEsprit divin. » (IVè part., ch. LVIII.)
9. La miséricorde, fruit de lamour,
est plus grande que nos infidélités
« Sais-tu bien, ma très chère fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, que tu appartiens à ce grand Dieu éternel et tout puissant et quIl taime plus que tu ne Lui es infidèle. » (IVe part., liv. LXII, avril 1667.)
Le père éternel dit à Sur Mechtilde : « Mon Cur ne peut persister à repousser de moi le pécheur ; cest pourquoi je le poursuis si longtemps jusquà ce que je le saisisse. »Et lâme de Jésus dit à son tour : « Dans la Sainte Trinité, sans interruption, joffre à tous moments tous les pécheurs de la terre, afin que Dieu ne lexs laisse pas tomber dans léternel abîme. » (Liv. Ier, ch. XIV.)
Sainte Catherine de Gênes vit un jour un rayon damour sortir de la source divine et se diriger vers lhomme pour le faite mourir à lui-même, et il lui fut montré que lorsque ce rayon rencontre des obstacles, il en résulterait une des plus grandes peines que Dieu pût avoir, sil était possible que Dieu eût de la peine. Ce rayon entoure lâme de toutes parts pour entrer en elle ; mais lâme lorsquelle est aveuglée par lamour propre, ne laperçoit pas. Et elle comprit que lorsque Dieu voit une âme se damner sans pouvoir la pénétrer à cause de son obstination, Il semble dire : « Lamour que je lui porte est si grand que jamais je ne voudrais labandonner. » Quant à lâme privée de lamour divin, elle devient quasi aussi méchante que cet amour lui-même est suave et bon. Je dis quasi parce Dieu fait encore quelque miséricorde. Il lui parut que le Seigneur disait encore : « Par ma volonté je ne voudrais jamais que tu te damnasses ; lamour que je ressens pour toi est tel que, sil métait possible de souffrir à ta place, je le ferais avec joie, mais si tu pêches, lamour ne
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pouvant demeurer avec le péché, je suis forcé de tabandonner. Unie à moi, tu serais capable de toute béatitude, mais séparée de moi, tu deviens capable de toute espèce de mal. » (Dialogue, Ire part., ch. VIII.)
10. Jésus et les pécheurs
Le Seigneur apparaissant à Mechtilde avec un vêtement ensanglanté, lui dit : « De même que mon humanité sest présentée, avec un amour ineffable à Dieu le Père, toute couverte de sang, en victime, sur lautel de la croix, ainsi, dans le même sentiment damour je moffre au Père céleste pour les pécheurs, en Lui représentant tous les divers tourments de la passion ; ett ce que je désire le plus est que le pécheur se convertisse et quil vive. » (IVe part., ch. LI.)
Autre parole du Seigneur à la même sainte : Tant quun pécheur reste dans le péché, il me retient comme enchaîné ; étendu sur la croix ; mais aussitôt quil se convertit, il me délie incontinent, et moi, comme si vraiment je venais dêtre détaché de la croix, je tombe sur lui comme autrefois sur Joseph (dArimathie), avec ma grâce et ma miséricorde, et me livre en son pouvoir, en sorte quil peu faire de moi tout ce quil veut. Mais sil persévère dans le péché jusqu’à la mort, ma justice aura pouvoir sur lui, et alors elle le jugera selon son mérite. » (Ive part., ch. LVI.)
La prière de Marguerite de Cortone consistait surtout à considérer sa vileté, et elle se demandait comment elle osait communier, sen trouvant indigne. Mais Notre-Seigneur la consola en lui disant : « Si jai revêtu ton âme de la splendeur de mes grâces, ce nest pas seulement pour ton profit personnel, mais je veux que lexemple dune vocation si gratuite de ma part donne confiance aux pécheurs qui voudrons revenir sincèrement à moi, afin quils sachent que le sein de ma miséricorde est toujours ouvert. » (Vie intime, ch..VIII, § 3.)
Une autre fois, le Seigneur lui dit : « Ce qui mattire à toi, cest que je te destine à être une lumière pour le monde, afin quil soit sauvé en imitant ta pénitence. » (Ibid.,ch. v, § 45.)
Un jour, dit Soeur Marie-Aimée, que je métonnai des tendresses de mon Dieu,
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alors que je Lui avouais mes fautes, Il me dit : « Comment veux-tu que jagisse différemment à ton égard. Si le plus grand pécheur du monde se retournait vers moi après ses crimes, comme tu me reviens après tes négligences, je le recevrais incontinent dans les bras de ma miséricorde. » (Vie, ch. XIII.)
Marie-Catherine Putigny 1 eut un jour la vision des deux disciples cheminant sur la route dEmmaus. Quand toute la scène, telle que la dépeint lEvangile, eut passé sous ses yeux, le Sauveur lui dit : « Ces ainsi que jagis à légard du pécheur : mes premières avances sont plus sensibles pour laider à sortir de la mauvaise voie, mais loin de labandonner ensuite à lui-même, je marche à coté de lui dans la vie ; ma parole sinsinue doucement en son âme, elle y produit la connaissance et lamour de la vérité. Cest à lamener à ce but que ma grâce tend incessamment malgré dapparentes lenteurs. » (Vie, ch. XXIII.)
1 Sur Marie-Catherine Putigny (1803-1885) fut une humble sur converse du monastère de la Visitation de Metz. Elle vécut et mourut comme une sainte, et bien des faits prouvèrent la vérité des faveurs quelle recevait de Dieu. Sa vie a été écrite par les surs de son monastère en 1888.
11. Miséricorde disposée à accorder
plus quon oserait demander
Le Seigneur dit à Gertrude dans une communion : « Afin que tu saches que mes miséricordes sont au-dessus de tous mes ouvrages, et que rien ne saurait épuiser labîme de ma bonté, je suis tout disposé à taccorder, pour le prix de ce sacrement de vie beaucoup plus que tu noserais jamais me demander. » (Liv. III, ch. XVIII ; éd. lat., p.161.)
12. La miséricorde mérite dêtre dautant plus exaltée
Quelle fait du bien à de plus indignes
Gertrude rendait grâce au Seigneur pour les bienfaits dont Il la comblait malgré son indignité, Le vit entouré de
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tous les saints, qui faisaient résonner des chants mélodieux à la louange du Seigneur, et elle entendit ces paroles : « Fais attention avec quelle douceur cette louange pénètre les oreilles de ma Majesté et vient toucher jusquau fond de mon Cur plein damour ; garde-toi de désirer désormais avec tant dimportunité dêtre délivrée des liens de la chair, puisque, telle que tu es, je taccorde les dons gratuits de mon amour ; car plus celui sur lequel je mincline est indigne, plus je suis, et avec justice, honoré et exalté par toutes les créatures. » ( Liv. II, ch. XIX.)
13. Le bras de la miséricorde et le bras de justice
Catherine de Racconigi 1 vit un jour Notre-Seigneur crucifié de telle sorte quil avait un bras plus long que lautre. Jésus lui dit que le bras le plus court représentait sa justice, et le plus long sa miséricorde. « Deux même dit-il, ils sont égaux. Mais en ce siècle corrompu, la miséricorde est plus déployée que la justice.
14. Il ne faut jamais désespérer du salut dun pécheur
La Mère Scazziiga, qui fut la supérieure de Bénigna Consolata a témoigné au procès de béatification que la servante de Dieu avait appris de Seigneur quil exerçait sa miséricorde même dans cas les plus désespérés : « Si une personne enfoncée dans le péché trouvait la mort sous un train ou sous une automobile, que nul ne dise : elle est perdue ; car personne ne peut savoir ce qui se passe en ce moment entre lâme et Dieu. Je peux donner un tel jet de lumière, capable de susciter une lumière si intense que lâme passe du fond de liniquité à létreinte de ma miséricorde. » (Vie, p. 449.)
Sainte Catherine de Racconigi (1486-1547), du tiers-ordre de saint Dominique, vécut au milieu du monde en grand renom de sainteté.
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15. Miséricorde triomphant de la justice
Carpus indigné contre deux pécheurs qui refusaient de céder à son zèle se livra à un chagrin irréligieux, priant Dieu de terminer sans pitié, par un coup de foudre, les jours de ces deux hommes. Alors la vision suivante se déroula à ses yeux : il voit le sol se creuser en un vaste et ténébreux abîme, et ces hommes quil avait maudits se tenir en face de lui, à la gueule du gouffre, tremblants dy tomber. Carpus sefforçait lui-même de les y précipiter, lorsque Jésus, ému de compassion, quitte son trône du ciel, descend jusquà ces hommes, et leur tend la main avec bonté, pendant que les anges les soutiennent. Notre- Seigneur dit à Carpus : « De ta main déjà levée, ne frappe plus que moi, je suis prêt à souffrir de nouveau pour le salut des hommes et cela me serait doux si lon pouvait me crucifier sans commettre un crime. Au reste, vois si tu aimes mieux demeurer avec les serpents dans labîme, quhabiter avec Dieu et les anges si bons et si amis des hommes. » (Denys le mystique, lettre VIII.)
Un jour que saint Dominique prolongeait sa veille dans léglise, il vit le Fils de Dieu, assis à la droite de son Père, prêt à frapper tous les pécheurs. Sa main était armée de trois épées : de lune il abattait les têtes altières des orgueilleux ; il plongeait lautre dans les entrailles des avares ; et avec la troisième il transperçait la chair des voluptueux. Tout à coup, la douce Vierge, sa Mère se présente à Lui et embrasse ses pieds, en le conjurant de tempérer la justice par la miséricorde. « Vous qui connaissez tout, lui dit-elle, vous savez que cest la voie par laquelle vous les ramènerez. Jai un serviteur fidèle que vous enverrez leur annoncer votre parole et ils reviendront à Vous, le Sauveur de tous les hommes. Jen ai encore un autre que je lui donnerai pour aide, et qui travaillera de même. » – Votre doux visage apaise ma colère, répond le Sauveur, mais montrez-moi les ouvriers que vous proposez pour cette uvre divine. » Alors la Vierge Marie présente, tour à tour, à son fils saint Dominique et saint François, et le Seigneur Jésus dit à sa Mère sur chacun deux « Quil fasse avec zèle et fidélité ce que vous avez dit. »
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16. Miséricorde faite à un homme
Dont toute la vie avait été coupable
Le fils de Dieu parla à Brigitte, son épouse, disant : « Celui qui est malade et pour lequel tu pries, a été fort lâche à mon endroit et toute sa vie a été contraire à la mienne. Mais fait-lui dire que sil est résolu, au cas où il vivrait, à se corriger, je lui donnerai la gloire. Quon lavertisse donc de samender, car je compatis à ses maux avec une grande miséricorde. » Or, comme ce malade mourait avant le premier chant du coq, Notre-Seigneur apparut de nouveau à son épouse et lui dit : « Vois ce quest ma justice : celui qui était si malade a été jugé, et bien quà cause de sa bonne volonté je lui aie fait grâce, cependant avant quil soit entièrement purifié, son âme endurera en purgatoire un supplice si cuisant quil ny a mortel qui le puisse comprendre. Hélas ! Que nauront pas à souffrir ceux qui sont attachés au monde et qui ne sont affligés daucune tribulation ? » (Liv. VI, ch II.)
17. La miséricorde poursuivant une âme imparfaite
jusquà ce quelle soit toute à Dieu.
La Sur Marie du Saint-Esprit, du Carmel de Dieppe, raconte ce qui suit : Notre-Seigneur voulant par son infinie bonté me retirer dun abîme dinfidélités où je métais plongée moi-même, par trop dattache à une prieure, donna connaissance de mon état à Sur Françoise de la Mère de Dieu, et lobligea pendant plus dun an à Le prier pour moi ; ce quelle faisait avec une grande persévérance et charité sans que jen susse rien. Une grande partie de cette année qui était, ce me semble, 1642, jétais assaillie de différentes pensées contre cette Sur, ce qui me portait à méloigner toujours delle. Pendant ce temps, Notre- Seigneur lui montrait tout ce qui mempêchait de Lui adhérer intérieurement. Il lui dit que jaurais un grand compte à Lui rendre au jour du jugement, et que la créature à qui je donnais ce que je Lui dois à Lui ne Lui rendrai point compte pour moi. Une autre fois Il
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lui montra comment Il me poursuivait sans cesse et la résistance que jy apportais. Quelquefois, lorsquelle était en oraison devant le Saint-Sacrement, Il lui indiquait ce que je faisais dans ma cellule; si jy employais le temps fidèlement, ou si jen sortais pour aller chercher des distractions ou me satisfaire avec la prieure que jaimais trop imparfaitement. Il lui montrait combien les amitiés particulières Lui déplaisent chez les âmes religieuses. Il lui fit voir comment je Le laissais seul, parlant comme sIl eu voulu me quitter à cause de mes grandes résistances à ses grâces. Javais, en effet un continuel remords de conscience, mais je mefforçais de rejeter toutes ces inquiétudes, afin de donner plus librement cours à mes inclinations.
La Sur Françoise priait Notre-Seigneur de ne point me quitter et de me rappeler à Lui. Elle le voyait quelquefois mattendre avec une patience extrême au bout dun dortoir où je me rendais, et je lui résistais en ce lieu. Elle voyait comme Il allait au-devant de moi par un autre côté, jusquà je fusse revenue à Lui, faisant voir en cela lexcès de sa bonté pour les âmes. Mon ingratitude la touchait extrêmement et lui faisait chercher loccasion de dire quelque mot qui pût maider ; mais Notre-Seigneur lui dit une fois : Attendez, il nest pas encore temps », lui insinuant que sa patience infinie voulait attendre que jeusse achevé quelques ouvrages auxquelles jétais fort attachée. Il lui dit un jour que qund Il a bien poursuivi une âme et quelle ne se rends point, Il se retire et la laisse ; ce qui la faisait prier pour moi avec grande insistance.
La nuit qui précédait la fête de notre sainte Mère Thérèse, Notre-Seigneur la pressait fortement de demander la permission de me parler, lui disant quil était temps. Jétais alors touchée dune si grande crainte des jugements de Dieu, que je nosais me présenter devant Lui. Comme jétais devant le Saint-Sacrement, il me vint en lesprit que Notre-Seigneur me disait : « Je vous ai poursuivie longtemps, non pas comme un Dieu de vengeance pour vous accabler sous le joug de ma loi, mais comme Père de miséricorde pour vous vivifier de ma grâce. ». Cette pensée me rendit la confiance.
Ce même jour de la fête de notre sainte Mère, on nous
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permit de parler ensemble. Alors je connus quelle voyait tout mon état, et elle me dit des vérités si puissantes quelles produisaient un grand effet sur mon âme et un fort grand désir de me convertir toute à Dieu. Je fis une confession de plusieurs années, après laquelle Notre-Seigneur chargea Sur Françoise de me dire ces paroles de lEvangile : « Vous êtes pure, ne péchez plus, de crainte quil ne vous arrive quelque chose de pire. » Une autre fois Il lobligea de me dire que si je voulais me quitter moi-même, mes propres intérêts et satisfactions, je Le pourrais contenter. Une autre fois Il lui fit connaître quIl voulait que je Lui donnasse ma liberté, et que ne fisse plus rien que par dépendance de Lui, afin quil me tienne de sa main puissante et mempêche de céder à ma faiblesse. Il lui dit une autre fois quIl voulait être seul en moi, et que je Lui donnasse et le soin et lamour que javais pour la prieure; quIl voulait que je retranchasse toute la satisfaction que la nature y prenait ; enfin, quil me voulait à Lui extrêmement vide et dénuée de lamour des créatures.
Une autre fois Il lui fit connaître que cétait par grande miséricorde quIl môtait le soin dune personne que jaimais trop, et Il lui dit : « Je la connais ; ce soin la ferait retomber dans les fautes passées. » Un autre jour, comme elle remerciait Notre-Seigneur des miséricordes quIl me faisait, Il lui répondit : « Dites-lui quelle prenne garde à elle et quelle ne séchappe pas sous nimporte quel prétexte. » Il lui fit connaître que par le dépouillement de la créature, Il voulait éprouver si je laimais. Un jour de la conversion de saint Paul, durant loffice, elle sentait Notre-Seigneur près delle, lui montrant comment Il nous unissait toutes les deux en Lui, et Il lassura que nous ne nous séparerions jamais. Elle me fit signe que Notre-Seigneur était là. Et le Seigneur continuant de lui parler, ajouta, : « Dites-lui quelle ne sétonne point de tomber, et ne se lasse point de se relever ; car jai toujours les bras ouverts pour la recevoir. Je connais bien linfirmité de la créature et jaime quelle ait de la peine des manquements quelle commet contre moi. En témoignage de quoi je me donne présentement à elle; car je me donne à celui qui me désire. » (Vie, ch. IX.)
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18. La divine miséricorde poursuit le pécheur
jusquà sa dernière heure
Le 2 décembre 1920, Jésus dit à Marie-Fidèle 1 : « Jaime les pécheurs et jai soif de leurs âmes. Les souffrances que tu 2 as endurées avec ma grâce et dans une union intime avec moi, je les ai unies au sacrifice de la croix, dont elles tirent toute leurs force. . Je veux que tu me laisses toujours le choix du pécheur en faveur de qui jappliquerai le fruit de tes souffrances, et de tes sacrifices, maintenant ou plus tard. Je suis le Seigneur qui règle tout pour le mieux, selon ce qui convient à ma gloire et au salut des âmes. Ce sont les pécheurs en face de la mort qui ont un besoin plus grand de ma miséricorde. Je suis le bon Pasteur à légard des pécheurs ; cest pourquoi envers toi, ma victime jagis comme un juste juge. Ne suppose aucune âme perdue jusquau dernier moment de sa vie. Mon amour de Rédempteur et mqa sollicitude de Pasteur poursuivent le pécheur avec longanimité jusquà la mort pour le sauver et le rendre heureux ; car jaime les pécheurs. (Ed. allm., p.164 ; éd. franç., p. 175 .)
1. Sur Marie-Fidèle Weiss (1882-1923) vécut très saintement dans le monastère des tertiaires franciscaines de Reutberg, en Bavière. Sa vie, faite par son confesseur, M. Jean Muhlbauer (Munich, imprimerie des Salésiens), a été traduite en français par le R ; p ; Conrad Gurg, O.S.F., Paris, Desclée de Brouwer.
2. Le traducteur a mis : que vous avez endurées ; dans lallemand ; Notre-Seigneur tutoye Marie-Fidèle : « die du
erduldet hast. »
Chapitre VI
Jésus Consolateur
1. Jésus console ses amis malades
Sainte Angèle de Foligno étant bien malade, Jésus lui apparut et lui dit : « Ma fille, je suis venu pour te servir.
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Le service quIl lui rendit fut de se placer devant son lit avec le visage le plus gracieux et le plus aimable. Elle ne Le voyait que des yeux de lâme, mais plus clairement que ceux du corps. (Hello, ch. I ; Doncoeur ; p.234 ; Ferré, p. 233.)
Comme on chantait le Salve Regina, et quà ces paroles : misericordes oculos, Gertrude demandait la santé du corps, le Seigneur lui dit, avec un doux sourire : « Est-ce que tu ignores que je jette sue toi les regards les plus miséricordieux, quand tu souffres en ton corps, ou que tu es troublée en ton esprit ? » (Liv. III, ch. XXX, n° 9, éd. lat., p. 181.)
En la fête de la Purification, le Seigneur lui dit encore : « Si étant malade, ma bien-aimée, tu ne peux entendre ce quon chante au chur, tourne-toi vers moi et vois ce quil y a en moi, car je contiens tout ce qui peut à jamais te plaire. » (Liv. IV, ch. IX.)
Le Seigneur dit à Mechtilde : « Lorsque tu es malade, je te tiens de mon bras gauche, et quand tu es en santé, cest de mon bras droit ; mais sache bien que, quand cest du bras gauche, tu es beaucoup plus rapprochée de mon Cur. (IIè part., ch. XXXI.)
La vénérable Agnès de Langeac 1 ne pouvant chanter au chur, à cause de ses souffrances, disait à Jésus : Mon ami, vous voyez ma misère et mon impossibilité de chanter.- « Oui, ma chère fille, mais puisque je tai donné le mal, je satisferai pour toi et ferai que le chur sera servi. » Un ange chanta à sa place. (IIIe part., ch. XVII.)
Le jour de la Fête-Dieu, Notre-Seigneur fit ressentir à Armelle Nicolas de si douces communications de sa divinité que la nature ne les pouvant supporter, elle demeura presque toute loctave malade. Et comme un jour elle de plaignait à son amour de ce quelle ne pouvait comme tant dautres laller visiter au Saint Sacrement, Notre-Seigneur lui dit ces amoureuses paroles : « Ma fille, les autres me viennent visiter aux églises ; moi je viens te visiter en ta propre maison. » (Vie, ch. XXIII.) La maladie elle-même nest-elle pas comme toute épreuve, une visite de Jésus ?
1 La vénérable Agnès de Langeac (1602-1634) fut religieuse dominicaine. On connaît ses rapports avec M. Olier. (Vie, par M.de Lantages, rééditée à Paris, Poussielgue, 1963.)
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Juxta est Dominus qui tribulato sunt corde. Le Seigneur est tout près de ceux qui sont dans la peine. (Ps.XXXIII, 19 😉
Sabine de Ségur, en religion Sur Jeanne Françoise, religieuse de la Visitation de Vaugirard, Paris (1829-1888) étant un jour malade, Notre-Seigneur lui dit : « Ma fille, nous sommes mariés : toi, tu es dans ton lit qui souffres et ne peux prier ; moi je suis dans lEucharistie qui prie et ne peux souffrir. Tu souffre pour moi et je prie pour toi ; à nous deux nous faisons notre besogne. » (Sa vie, par Mgr de Ségur.)
Laccroissement de la faiblesse, des souffrances et de limpossibilité de moccuper commençait à maccabler, raconte la Mère Marie du Divin Cur 1. Le divin Epoux me consola en mettant cette image devant les yeux de mon âme. La sainte Eglise est comme un grand jardin de Dieu ; Le maître du jardin, Notre-Seigneur, vient chaque jour y prendre son plaisir. On y voit de grands palmiers, des chênes magnifiques (le pape, les évêques, les missionnaires et les prêtres) et dans un coin caché de ce jardin une petite fleur. Après avoir joui des beaux arbres, Il se dirige vers la petite fleur quIl ne montre à personne ; il sarrête là et prend plaisir à son parfum. Auparavant elle était exposée aux regards étrangers (uvres extérieures), lorsquelle était encore en bouton ; mais maintenant quelle est épanouie, Il veut jouir seul de sa vue et de son parfum. Pour la fleur, elle est assez payée de penser que le bon Maître prend plaisir à son parfum. Une fois le jour Il la visite à une heure fixe (La sainte communion) mais souvent Il la surprend par des visites inattendues et la laisse ravie du sentiment de sa douce présence. Maintenant plus dennui, la petite fleur sait pour qui elle fleurit (dans la souffrance) et attend patiemment quil plaise au Maître de la visiter et de la transplanter dans le jardin du ciel. Une fois éclose, elle ne peut plus demeurer longtemps fleurie : dans les derniers mois Il veut se la réserver exclusivement. Par
1 La Mère Marie du Divin Cur Droste (1871-1897) fut supérieure du Bon-Pasteur de Porto. Cest à la suite de la révélation que fit Notre-Seigneur à cette vénérée Mère que Léon XIII consacra le genre humain au Cur de Jésus. (Vie, par M. Chasle, Paris, Beauchesne, 1906.)
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«Pauvre âme affligée, dit Jésus à Agnès de Langeac, tout le monde te délaisse, hors ton fidèle Epoux. Courage. » (Vie, par Lantages IIIe part., ch. XVIII.)
Un jour que Anne-Marguerite Clément voulait prendre du repos, le Sauveur lui dit : « Dors, mon épouse, sur ma poitrine et sur mon Cur, et je me reposerai dans le tien. » (Vie, 1686, IIIe part., ch. VIII.)
Lan 1631, la Mère Clément voyait mourir sa sur Marie-Louise de Balot, qui était un des plus fermes soutiens de la petite fondation de Montargis ; elle sen montra fort attristée. Une de ses filles lui en témoignant de létonnement, la bonne Mère sexcusa et lui répondit que leur saint fondateur permettait de payer ce tribut à la nature. Le lendemain Jésus-Christ se présenta à elle et la reprit de sa faiblesse. « Ne suis-je pas assez sage, dit-Il, pour être ton soutien ? Et ne doit-il pas te suffire que jaie pris soin de ta conduite ? Quelques jours après, comme la vénérée Mère sentait encore son affliction, Jésus se présenta de nouveau à elle, et pour lui faire surmonter les sentiments de la nature, Il lattira dans le sein de sa providence, lui donnant de grandes assurances quIl prendrait soin de son gouvernement. « Non pas, lui dit-Il, avec cette providence que jai pour toutes les âmes en général, mais selon cette providence singulière que jai de mes élus et particulièrement de toi qui mappartiens à de si justes titres. » (Vie, 1686, IIe part., ch. IX.)
4.Jésus veut diviniser nos souffrances
Mechtilde trouvant que sa maladie la rendait inutile et quelle souffrait sans aucun fruit, le Seigneur lui dit : « Dépose toutes tes peines dans mon cur, et je leur donnerai une perfection aussi haute quaucune souffrance en a jamais pu acquérir. Ma divinité, attirant en elle les souffrances de mon humanité, se les a complètement unies ; de même, je veux transporter sur ma divinité tes peines, nen faire quune seule avec ma passion, et te donner part à cette glorification que Dieu le Père a conférée à mon humanité pour toutes ses souffrances. Donne donc toutes tes peines à lamour, disant : O mon amour, je te les confie dans la même intention que tu
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me les as apportées du Cur de Dieu, et je te prie de les y reporter, lorsque ma reconnaissance les aura rendues parfaites.
« Lorsque tu voudras me louer et que tes souffrances ten empêcheront, demande Dieu le Père de Le louer et de Le bénir de cette louange que je Lui ai adressée sur la croix au milieu des souffrances, avec cette gratitude en laquelle je Lui ai rendu grâces de ce quIl a voulu que je souffrisse ainsi pour le salut du monde, et avec cet amour qui ma fait souffrir de tout cur et de toute volonté. Ma passion porte des fruits infinis dans le ciel et sur la terre : ainsi les peines, les moindres tribulations que tu mauras confiées en cette matière, en union avec ma passion, porteront de tels fruits que les saint du ciel en recevront un accroissement de gloire, les justes plus de mérites, les pécheurs leur pardon et les âmes du purgatoire un soulagement. Quy a-t-il, en effet, que mon divin Cur ne puisse changer en mieux ? car tout le bien que contiennent et le ciel et la terre est sorti de la bonté de mon Cur (IIe part., ch.XXXVI.)
5. Jésus au chevet des mourants
Deux vierges amies de sainte Lidwine 1, eurent une vue miraculeuse de ses derniers moments ; entendant le Sauveur lui dire, au milieu de ses atroces douleurs : « Lidwine, ma bien aimée, Lidwine, courage ! Encore un moment de courage ! Voici venir lheure de la récompense, lheure du triomphe ! » Au son de cette voix, la vierge se ranime et dit à son Rédempteur : Venez-vous me prendre ? Venez-vous marracher à mon exil et memporter avec vous dans la patrie ? « Oui, Lidwine, oui; réjouis-toi, tes douleurs sont finies ; me voici ; tu ne me quitteras plus ; ô mon épouse ; viens régner avec moi ! » Lâme de la vierge aussitôt sélança, brisant ses liens mortels. Le ciel souvrit et les élus chantaient : « Sois la bienvenue, ô notre sur Lidwine, en te voyant nous sentons
1 Sainte Lidwine (1380-1433) fut, à partir de lâge de 15 ans, e proie aux plus terribles maldies. Sa vie fut un long martyre héroïquement enduré.
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nos joies saccroître dans le Seigneur. » Jésus la reçut en lui disant : « Viens, ma bien-aimée, approche, viens tout près de mon trône, cest aujourdhui que je vais récompenser ton fidèle amour. » Il la couronna et les bienheureux chantèrent : « Tu a eu, ô Lidwine, la foi des patriarches, lespérance des prophètes et la charité des apôtres ! Tu as eu, ô notre sur, lhéroïsme des martyrs, la chasteté des vierges, la sainteté des anges ! Sois couronnée comme les anges et les vierges, comme les prophètes et les patriarches, comme les apôtres et les martyrs. »
Saint Dominique, étant saisi du plus ardent désir de voir son Dieu, Notre-Seigneur lui apparut sous la forme dun jeune homme dune beauté ravissante, et lui dit, avec une douceur infinie : « Dominique, mon bien-aimé, viens aux vraies joies, viens ! » Quelques temps après, Dominique sen allait aux cieux.
6. Jésus remplace les âmes dont nous pleurons labsence
Comme on chantait la messe pour labbesse Gertrude, sainte Gertrude priait et pleurait dans sa grande douleur ; le Seigneur vint la consoler par ses paroles pleine de tendresse : Ne suis-je pas capable de remplacer tout ce que je vous ai enlevé ? Croyez aves confiance que moi, qui suis la bonté même, je serai votre consolateur ; croyez que si, de toute votre cur, vous vous tournez vers moi, je serai pour vous tout ce que chacune de vous regrette davoir perdu en elle. » (Liv. V, ch. Ier ; éd. lat., p. 511.)
7. Jésus console lâme exilée
La vénérable Anne de Jésus 1 avait un très grand désir de retourner en Espagne pour y mourir, parce que à cause
1 La vénérable Anne de Jésus (1545-1621) , lune des plus illustre parmi les filles et compagnes de sainte et compagnes de sainte Thérèse, et qui au jugement de saint Jean de la Croix fut son égale dans la vie surnaturelle, fut la fondatrice de Carmel réformé, en France et en Belgique. (Vie, par le P. Berthold-Ignace de Sainte Anne, Dessain, Malines, 1882.)
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de ses infirmités, elle se croyait désormais inutile dans ce pays pour le service de Notre-Seigneur. Comme elle se trouvait un jour à la fenêtre de communion pour recevoir la sainte Eucharistie, le Maître lui fit entendre ces paroles : « Où je suis, ne resterez-vous pas vous-même ? » A linstant même le désir quelle avait de sen aller sévanouit. (Vie, t. II. Liv. II, ch. XII.)
8. Jésus console de loubli
et des jugements méchants des créatures
Jésus ma dit ce matin, écrit Gertrude-Marie : « Quand on ne fait nulle attention à toi, cest alors que Dieu soccupe davantage de toi. » (23 février 1907.)
Un jour, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy 1, je fis connaître à mon confesseur létat et les sentiments de mon âme ; il me répondit : Voilà quelque chose qui vient de la mère Thérèse, nimitez pas sa conduite 2
Ces paroles de mépris maffligèrent beaucoup. Dans lexcès de ma peine je men allai au jardin et je me mis en oraison. Notre-Seigneur mapparut alors tel quil était sur la terre ; Il était revêtu dune chape pontificale éclatante de lumière. Il sapprocha de moi, souleva sa chape, et me montra la sainte environnée de gloire ; Il la soutenait du bras et la tenait appuyée sur son Cur ; Il me dit : la voilà, je te la montre ; ne te soucie pas de ce que lon peut dire », après quoi la vision disparut. Je me sentis embrasé dun amour plus ardent à la vue de celui que Dieu portait à notre sainte. Je la priai dans une autre circonstance de mobtenir de Dieu la grâce de connaître la vertu qui lui était la plus agréable. Elle me répondit que lhumilité était la vertu qui plaisait le plus au Seigneur. (Vie, ch. XVII.)
1 La bienheureuse Anne de Saint Barthélemy (1549-1626), compagne et coadjutrice infatigable de sainte Thérèse qui mourut entre ses bras, vécut dune vie très sainte et fonda plusieurs couvents de Carmes et de Carmélites en France et en Belgique. (Vie, par les Carmélites de Fontainebleau, 1708, rééditées à la Bonne Presse, Paris, 1895.)
2 Ainsi une même une aussi grande sainte que sainte Thérèse nétait pas goûtée de tous.
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9. Jésus console ceux qui sont surchargés
duvres extérieures.
Comme sainte Gertrude priait le Seigneur de donner aux proviseurs du monastère le moyen de payer leurs dettes, afin quils puissent se livrer avec plus de soins et de dévotion aux exercices spirituels. « Et quel profit en retirerai-je, dit le Seigneur, puisque je nai nullement besoin de vos biens, et quil mest égal que vous vous occupiez dexercices spirituels, ou que vous vous fatiguiez aux labeurs du dehors, pourvu que votre volonté se dirige vers moi par une intention pure ? Si je ne prenais plaisir quaux exercices spirituels, jaurais certainement réformé la nature humaine après la chute, en sorte quelle neut pas besoin de nourriture ou de vêtements, ni des autres choses nécessaires à la vie, qui exigent tant de sueurs et dindustrie de lhomme. Je prends, il est vrai, mon plaisir dans les exercices intérieurs des contemplatifs, mais les diverses occupations consacrées à des affaires utiles où lon cherche mon honneur et mon amour, minvitent également à séjourner et à faire mes délices parmi les enfants des hommes, qui trouvent en de telles rencontres une plus belle occasion de sexercer dans la charité, la patience, lhumilité et les autres vertus. » (Liv. III, ch. LXIX)
10. Jésus dédommage ceux qui sont privés
des offices et des cérémonies
Un interdit ecclésiastique ayant suspendu loffice divin, Gertrude sécria : Comment nous consolerez-vous, Seigneur, de la présente tribulation ? «Vos gémissements, vos désolations font mes délices, répondit le Seigneur, Mon Amour fera de nouveaux progrès en vous, comme un feu renfermé ne fait quétendre davantage son activité. Les délices que je trouverai en vous et lamour que vous avez pour moi monteront comme une eau qui, après avoir été contenue, ne sélance ensuite quavec plus de force. » – Et combien de temps durera cet interdit? dit la sainte.- « Tant quil durera, ces faveurs dureront également », dit le Seigneur. (Liv. III, ch. XVI.)
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11. Lâme qui se trouve sans secours
peut tout trouver en Jésus
Gertrude, examinant un jour sa conscience, y trouva des fautes dont elle aurait voulu saccuser, mais nayant pas de confesseur, elle se réfugia auprès du Seigneur, qui lui dit « Pourquoi te troubler, ma bien aimée? Toutes les fois que tu le désireras, moi qui suis le souverain Prêtre et le vrai Pontife, je serai à ta disposition, et chaque fois je renouvellerai en un même temps dans ton âme les sept sacrements avec plus defficacité que jamais prêtre ni pontife ne le pourront faire en les administrant lun après lautre. Dabord, je te baptiserai dans mon sang précieux, puis je te confirmerai ; puis je te confirmerai dans la vertu de ma victoire ; je ferai de toi mon épouse dans la foi de mon amour ; je te consacrerai dans la perfection de ma très sainte vie; dans la tendre affection de ma miséricorde, je te délivrerai de tout lien de péché ; dans lexcès de ma charité, je te nourrirai de moi-même, et je me rassasierai en jouissant de toi à mon tour. Dans la suavité de mon esprit, je pénètrerai ton intérieur dune onction si efficace, que la dévotion transpirera par tout tes sens, dans tous tes mouvements, ce qui sans cesse te disposera de plus en plus, et te sanctifiera pour la vie éternelle. » (Liv. III, ch. LX.)
12. Directeur éloigné
Marguerite-Marie, désirant beaucoup être dirigée, demanda tous les jours à Notre-Seigneur de lui envoyer quelquun pour la diriger: « Ne te suffis-je pas ? lui répondait cet aimable Sauveur ; que crains-tu ? Un enfant autant aimé que je taime, peu-il périr entre les bras dun Père tour puissant ? » (Ed.Gauthey, II, p. 51.)
Lorsque Marguerite-Marie voulait réfléchir sur le départ du P. de la Colombière pour lAngleterre, Notre-Seigneur la reprenait ainsi : « Eh quoi ! Est ce que je ne te suffis pas, moi qui suis ton principe et ta fin ? » (T. II, p. 103.)
Le directeur de la bonne Armelle ayant du quitter Vannes,
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Elle en ressentit une grande peine et sen plaignit amoureusement à Notre-Seigneur. Au moment de la communion, Jésus lui dit amoureusement ces paroles : « Ma fille, je te fais comme aux enfants quon retire dentre les bras de leurs nourrice, afin de les loger dans la maison de leur père, et leur donner une meilleure nourriture que celle quils avaient auparavant; ainsi toi, je veux te loger en ma maison. » Elle lui dit : Eh, Seigneur, où est votre maison ? Notre-Seigneur Lui montrant la plaie de son côté sacré, la fit entrer par là dans son Cur, lui disant que cétait là sa maison. Elle sy trouva dans un grand vide et une grande privation, mais dans une paix et un repos admirable. (Vie, ch. XV.)
Sainte Thérèse était affligée de ce que son directeur à cause de ses nombreuses occupations avait du la quitter précipitamment et de quil ne pouvait lui donner les consolations quelle jugeait nécessaires. Elle eut ensuite du scrupule de sêtre à cette occasion, laissé aller à la tristesse. Notre-Seigneur lui dit de ne pas sen étonner. « De même que les mortels désirent trouver avec qui sentretenir de leurs joies sensibles, ainsi lâme lorsquelle a quelquun qui la comprend, désire lui communiquer ses intérêts et ses peines, et elle sattriste de navoir personne avec qui le faire. » et il ajouta parlant de directeur: « Maintenant il est en bon chemin et ses uvres me sont agréables. » (Relations, 13.)
Sainte Jeanne de Chantal priant Notre-Seigneur de lui donner un guide, il lui fut dit : « Persévère et je te le donnerai. » La sainte ayant persévéré à le demander avec ardeur, le bienheureux François de Sales lui fut montré dans une vision et elle entendit ces paroles : « Voilà le guide bien-aimé de Dieu et des hommes entre les mains de qui tu dois reposer ta conscience. » (Mémoires de la Mère de Changy, p. 466.)
13. Supérieure changée
Sur Marie du Saint-Esprit qui fut convertie dune vie imparfaite à une vie très fervente par la Mère Françoise de la Mère de Dieu, raconte quau départ dune Mère prieure, elle était fort affligée quoique soumise à la volonté divine
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La Mère Françoise étant au chur, Notre-Seigneur lui dit après la sainte communion : « allez à Sur Marie du Saint-Esprit, et dites-lui quelle ne pense pas que cait été sans douleur que jai quitté ma sainte Mère pour aller à ma passion ; et que je veux que par sa douleur elle honore la mienne. Encore quelle nai pas eu la fidélité de se priver de la créature lorsquelle en pouvait jouir), je ne laisse pas par ma bonté de vouloir la récompenser de la soumission quelle me rend ; il a fallu que moi-même je fisse ce coup. » (Vie, ch. IX.)
Combien de sacrifices nous ne ferions pas si Dieu ne nous les faisait faire ; Il veut bien cependant les tenir pour méritoires.
14. A lâme sans consolation Dieu seul doit suffire.
Sainte Mechtilde priait avec ferveur demandant à Dieu quil donnât les consolations de lEsprit-Saint à une personne extrêmement affligée. Le Seigneur lui dit : « Et pourquoi se trouble-t-elle ? Je lai crée pour moi, je me suis donnée à elle pour tout ce quelle peu désirer de moi. Je suis son père dans la création, sa mère dans la rédemption, je suis son frère dans le partage du royaume, je serai sa sur pour lui donner une douce société. » ( IVe part., ch. L.)
Un jour sainte Mechtilde, excessivement troublée, se réfugia auprès de son fidèle défenseur, qui lui est apparut lui donnant, pour se soutenir, un bâton sans pommeau pour appuyer la main. Comme la sainte sétonnait que le bâton neût point de pommeau, le Seigneur lui dit : « Jy placerai ma main pour tappuyer ; ainsi, quand je te donne la consolation dans laffliction, apprends que tu reposes sur ma main ; mais si tu ne sens pas la consolation, cest que jaurai retiré ma main et alors tu devras tattacher à moi-même dun cur fidèle. » (IIe part., ch. XIII.)
15. Jésus rassure
Lâme queffraient les grâces divines
Un jour que sainte Mechtilde recevait de Dieu une grâce dune grande douceur, qui faisait un grand bien à son âme
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le tentateur survint, jetant dans son cur la crainte que ce ne fût pas là un don de Dieu. Dans lexcès de son épreuve, la sainte se précipita aux pieds du Seigneur Jésus et Lui dit : Voici, Seigneur, que je vous offre ce don pour votre louange et gloire éternelle, et je vous prie, si ce don ne vient pas de vous, que je ne le reçoive plus jamais, car je serai contente dêtre privée pour vous de toute douceur et de toute consolation. Mais le Seigneur, lappelant par son nom, répondit : « Ma bien-aimée Mechtilde, naie pas de crainte. Je te jure, par la vertu de ma divinité, que cette crainte et cette tristesse ne te nuiront pas, mais te sanctifieront et te prépareront à ma grâce. Si la joie de ton cur néprouvait de ces contrariétés, ton cur ne pourrait résister à lexcès de ma douceur. Ne soit donc pas étonnée dêtre en butte à ces pensées lorsque tu te trouves en ma présence, car le diable me tentait encore lorsque jétais attaché pour toi sur la croix. » (IIe part., ch. XII.)
16. Jésus ménage ses amis, même quand il les éprouve
Comme Gertrude, pensant aux consolations que Dieu lui donnait pour adoucir ses peines, shumiliai de ne pas les supporter avec assez de patience, le Seigneur lui dit : « En ceci comme dans le reste, je fais voir ma tendre sollicitude pour toi ainsi quune mère fait envers son petit enfant, lobjet de son amour. Ne pouvant pas le parer dor et dargent, dont le poids lécraserait, elle lui fait une parure de fleurs légères qui, sans être incommodes par leur poids, ne laissent pas que de jeter un vif éclat. Cest ainsi que jadoucis tes peines pour tempêcher de succomber sous leur poids, sans pourtant te laisser privée du mérite de la patience. » (Liv. III, ch. LXIII)
17. Jésus cache les vertus de ses élus
Sous des apparences de défaut
Une personne, selon le désir de Gertrude, priant pour la correction de ses défauts, reçut cette instruction : « Ce que
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Gertrude, mon élue, prend pour des défauts, ce sont de grands progrès de son âme, car, à cause de ce que ma grâce opère en elle, il lui serait difficile de se garder de la vaine gloire si ses vertus ne se dissimulaient pas sous des apparences de défauts. De même quun champ couvert de fumier nen devient que plus fertile, ainsi de la connaissance quelle a de ses défauts, elle rapporte des fruits de grâce beaucoup plus savoureux. Quand, avec le temps, je les aurai complètement transformés en vertus, son âme brillera comme une lumière éclatante. » (Liv. Ier, ch. III.)
18. Peines causées par nos négligences
divinement consolées
Durant les cérémonies dune messe solennelle, Mechtilde sétant laissée à la somnolence, sen affligeait devant le Seigneur, qui lui dit : « Si tu ne trouvais rien en toi qui te déplût, en quoi reconnaîtrais-tu ma bonté à ton égard ? » (IIIe part., ch. XIV.)
Françoise de Bona avait de grandes vertus et de petites faiblesses. Un jour quelle priait devant un crucifix, toute baignée de larmes, pour obtenir la délivrance dune promptitude dont elle ressentait quelquefois les innocentes saillies, elle entendit ces paroles qui en sortirent dune manière fort distincte : Si je te lavais ôtée, tu aurais quelque chose de plus fâcheux. » (Liv. II, ch. XVII.)
Une fois raconte la Mère Marie du Divin Cur ayant commis des fautes dimpatience, je demandais pardon à Notre-Seigneur et je Lui disais : Pourquoi me laissez-Vous toujours ces fautes, puisque, par elles je ne fais que Vous offenser ? Il répondit quaprès être tombée dans ces fautes et Lui avoir demandé pardon avec humilité et contrition, cette humiliation Lui donnait plus de gloire que les fautes, commises plutôt par faiblesse humaine que par volonté, ne loffensaient parce quelles Lui donnaient occasion de montrer sa miséricorde et de laver lâme dans son précieux Sang et que par là son Sang précieux recevait chaque jour une nouvelle fécondité. Une autre fois Notre-Seigneur lui fit, pour la rassurer, cette comparaison :
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« Si une épouse en portant un vase précieux qui appartient à lépoux le laisse tomber par faiblesse ou inattention, lépoux ne sera-t-il pas plus touché de compassion en pensant à la faiblesse de lépouse et au chagrin que lui cause son inattention, quil ne sera pas irrité de la perte du vase ? » (Vie, ch. VIII.)
Mais pour que la contrition répare à ce point nos négligences, il faut quelle soit inspirée par le pur amour ; si nous nous attristions de nous voir toujours si misérables, cette peine trop naturelle ne produirait pas le même effet.
19. Lâme qui tremble de se laisser emporter
par un zèle trop ardent
Gertrude se plaignait au Seigneur de ne pouvoir contenir son indignation quand elle voyait des choses contraires à la loi.. Le Seigneur répondit : « Cette émotion ne trouble pas le bien de la tranquillité, mais plutôt elle embellit ce rempart comme de différents créneaux, qui servent à lEsprit-Saint pour rafraichir plus sûrement lâme en lui soufflant ses inextinguibles ardeurs. On ne perd pas la vertu de concorde pour sopposer à linjustice ; et si le cur éclate dans le zèle qui le transporte pour moi, je me place sur la rupture, dont il pourrait souffrir, et je nen conserve que plus sûrement en lui le séjour et les opérations de mon Esprit divin. » (LIV. IV, ch. XXXVII.)
20. Lâme craignant dêtre trop sévère
La Mère Agnès de Langeac dit un jour à Notre-Seigneur : Jai peur, mon doux Jésus, de vous offenser, travaillant rudement la personne que vous mavez commise, mais je ne le fais que pour obtenir delle quelque amour envers vous.- « Fais-en, lui répartit Notre-Seigneur, comme de chose tienne ; Quand à toi, persévère ma chère fille, dans le bien que tu as commencé. Ne doute point de ma fidélité : je tassisterai. Aime-moi, sers-moi et ne crains rien. » (Vie, par Lantages IIIe part., ch. v.)
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21. Jésus console lâme qui craint dêtre trop estimée
Gertrude demandait au Seigneur pourquoi il permettait quelle eu lestime des hommes, alors que lui et ses élus avaient voulu être méprisés du monde. Le Seigneur répondit : « Je permets que certains conçoivent de toi une idée relevée, dont ils éprouvent de la douceur, et quils te traitent avec bonté, afin de les sanctifier ainsi, de les sanctifier ainsi, de les disposer à ma grâce, et de me les rendre plus agréable. »
(Liv. IV, ch. XXXV.)
22. Jésus console lâme qui souffre
de son impuissance
Dans le mois de mars 1823 Elisabeth Canori, anxieuse de ne pas faire assez pour son Dieu, le suppliait davoir pitié delle. Jésus daigna la consoler : « Ma fille, dit-il, ne tafflige pas ; console-toi, tu en as de justes raisons. Ma grâce ta fait comprendre la perfection ; tu voudrais la pratiquer ; mais les forces te manquent et de là viennent les angoisses. Aie confiance en moi et ne cède pas à la crainte. Je ne demande pas de mes serviteurs ce quils ne peuvent pas faire sans une grâce toute particulière. Tu voudrais arriver à tenir ton regard si bien fixé sur moi que tu ne pense à rien autre que moi, que tu ne parles que de moi. » – Oui, Seigneur, sécria Elisabeth, tel est bien mon désir, fixer mon regard sur vous et ne jamais le retirer. Jésus lui répondit : « Ma fille, ceci nest pas donné aux âmes voyageuses, mais seulement aux élus. Si tu ne peux arriver à tenir toujours ton regard fixé sur moi, qui dans mon amour tiens toujours mon regard fixé sur toi, ne ten étonne pas : car je suis infini et toi tu es une créature bornée, revêtue dun corps fragile. Quand tu jouiras de la vision béatifique, tout obstacle sera enlevé. Contente-toi de ce que ce saint désir martyrise ton cur et que mon amour tenseigne à souffrir
Abandonne-toi et tu me trouveras ;sois sans volonté et sans aucune propriété ; résignes-toi humblement à ma volonté ; plus tôt tu
le feras, plus tôt tu me plairas, » (Biografia, ch. xl.)
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23. Jésus console lâme religieuse qui souffre
De ne pouvoir accomplir sa règle
Une fois, quà raison de maladie, Gertrude avait été dispensée de suivre la règle, elle sen plaignit au Seigneur, craignant de Lui être moins agréable en cet état quen suivant les exercices de la communauté. Il lui répondit : « Est-ce que tu trouve que lépoux à moins de plaisir, lorsquil entretien familièrement et avec tendresse son épouse dans la chambre nuptiale, que lorsquil est tout fier de la voir se produire en public, dans tout léclat de sa parure ? » (Liv. III, ch.XXII.)
La maladie empêchait Gertrude de glorifier Dieu comme elle laurait souhaité, et elle sen plaignait à Notre-Seigneur : Quel honneur recevez-vous maintenant de moi qui suis là, assise, inutile et indolente, vous adressant à peine une ou deux paroles ou quelque chant ? A quoi un jour le Seigneur répondit : « Quelle satisfaction tu aurais si un ami toffrait, une fois ou deux, à boire dexcellent hydromel tout frais, que tu croirais capable de te fortifier ! Eh bien, sache que jai encore plus de plaisir à ce peu de paroles ou de chants avec lequel tu veux célébrer mes louanges. » (Liv. III. ch. LIX.)
24. Les sentiments violents ne sont pas nécessaires
Bénigne Gojoz ressentait de la peine de ne plus éprouver les grandes anxiétés quelle avait ressenties auparavant de voir arriver lheure de ses oraisons et le temps de la nuit pour mieux jouir de son Bien-Aimé. La Parole divine répondit à cette peine : « Je suis avec toi en tout temps et en tous lieux. Ma fille leau coule toujours doucement et comme naturellement dans les grand fleuves ; mais dans les torrents elle fait grands bruit, parce que, grossis par dautres eaux, ils inondent quelquefois par leur rapidité les terres voisines, et dautres fois restent à sec eux-mêmes ; ainsi ma fille, ces surabondances de miséricorde qui te causent ces anxiétés, ces motions et ces excès ne te font pas jouir de moi avec plus de plénitude que ma grâce, lorsquelle coule paisiblement.
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En ton âme, à la façon des grands fleuves qui sont intarissables. Souviens-toi que si la douceur de mes communications est ta bonne part pour te vivifier, mes souffrances aussi en sont une autre salutaire pour te sanctifier et enrichir de mérite. Je donne mes grâces, je dépars mes dons, joffre, je prends tout, selon mon bon plaisir dans les âmes qui sont à moi et à qui je me donne, parce que les biens sont communs entre vrais amants. » (Vie, ch. X.)
25. Jésus console lâme qui se croit abandonnée
La bienheureuse Angèle raconte ceci : Jétais dans la tribulation ; je ne sentais rien de Dieu, et il me semblait que jétais comme abandonnée de lui. Je ne pouvais plus confesser mes péchés
je ne pouvais même plus louer Dieu ni me tenir en oraison
Je demeurais en cette tribulation si forte et si horrible quatre semaines et plus. Alors jentends cette parole divine : « Ma fille aimée du Dieu tout-puissant et par tous les saints du paradis, Dieu a placé son amour en toi, il a pour toi plus damour que pour aucune autre femme de la vallée de Spolète. » Mon âme répondit, disant et criant parce quelle doutait : Comment puis-je le croire alors que je suis remplie de peine et quil me semble être comme abandonnée de Dieu ? Il répondit : « Cest quand tu te crois plus délaissée que tu es plus aimée de Dieu et quil se tient plus près de toi. » ( (Doncoeur, p. 109 ; Ferré, p. 131.)
Le Frère Arnauld layant prié de demander là-dessus au Seigneur plus de lumières, il lui fut dit : « Dis au Frère : Pourquoi est ce que pendant toute cette tribulation elle na pas moins aimé, mais davantage, quand il lui semblait quelle était abandonnée ? Et dis-lui : Cest moi qui la soutiens ; car si je ne la soutenais, elle serait submergée. » Et il lui donna lexemple dun père qui aurait un fils très cher et qui lui mesurerait ses aliments. Il les lui mesure afin quils lui soient plus profitables. Il ne lui permet ni de boire du vin pur, ni de manger avec excès, de peur que cela lui soit nuisible ; il lui mesure tout afin quil grandisse davantage. (Doncoeur, p. 113 ; Ferré p. 136.)
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Jésus dit à Marguerite de Cortone : « Observe la règle de vie que je tai donnée, ne labandonne jamais ; et si quelquefois les rayons de ma lumière sobscurcissent, si tu cesse de goûter les douceurs de ma présence après tu soupires, ce ne sera que pour éprouver ta foi et te prouver ce que tu es par toi-même sans cette joie souverainement ineffable. Lorsquil me plaira de me communiquer plus largement, tu expérimenteras alors infailliblement que cest par Moi seul que tu es devenue lumineuse et grande. Aie confiance, car au moment où je paraîtrai me soustraire, je serai encore avec toi et ne tabandonnerai jamais… Si tu ne me possédais pas déjà, tu nen aurais pas même le désir à ce degré, car cest par lui que tu grandis en mérites. Désormais tu souffriras cette soif sans te plaindre, comme tu las fait autrefois. »
Une autre fois Il lui dit quelle était la petite plante quIl avait plantée dans le jardin desséché du monde. « Tu me dis dans ta douleur que ton cur sest refroidi dans sa charité ; cest une illusion basée sur linfirmité de ton corps qui tinterdit maintenant certains jeûnes, prières et autres uvres que tu avais coutume de pratiquer autrefois ; malgré cela je te dis en vérité que, bien que ce corps paraisse privé de vie, il vit en moi et toujours dans sa première ferveur. Comment en serait-il autrement, puisque tu mas tout donné ; il est vrai que ce que tu mas donné est peu de chose, mais le Dieu qui sait tout nignore pas que situ avais pu donner davantage, tu laurais fait volontiers
Ma fille, ne doute pas de mes promesses, puisque tu tes faite pauvre pour mon amour. Ceux qui mont vu ne mont pas connu ; toi tu me connais sans mavoir vu. » -Seigneur, dit Marguerite, je suis étonnée que le monde ne courre pas à vous avec empressement. Jésus lui dit : « Je me donne dans la même mesure que lon se donne à moi. (Vie intime, ch XI § 2 et 8.)
Jésus dit un jour à Gemma Galgani : « Sache, ma fille que pendant que tu souffrait, jétais toujours près de toi ; je voyais tes travaux et je men réjouissait
Tu te lamente parce que je te laisse dans ces ténèbres, sache quaprès les ténèbres viendra la lumière et alors tu seras inondée de clartés. Je te fais passer par cette épreuve pour ma plus grande gloire, pour la joie de mes anges, pour ton propre avantage et pour
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que tu serves dexemple au prochain. Si tu maimes véritablement, tu dois maimer même dans les ténèbres. Je prends plaisir à me livrer avec les âmes qui me sont les plus chères, à des jeux damour. Ne tafflige pas si je feins de te délaisser, ne crois pas que cest un châtiment, cest une invention de ma tendresse pour te détacher entièrement des créatures et tunir à moi. Quand il te semblera que je méloigne de toi, sache quau contraire je te serre plus fortement ; quand je parais être loin, je suis plus près de toi. Aie courage ; après le combat viens la paix. Fidélité et amour ; voilà ce quil te faut ; patiente donc maintenant si je te laisse seule, souffre avec résignation et console-toi. Je te conduis par des voies âpres et douloureuses, tu dois regarder comme un honneur dêtre ainsi traitée ; ce martyre quotidien et caché éprouve et purifie ton âme. Cherche alors de grandes vertus, cours dans la voie de la sainte conformité au divin vouloir, humilie-toi et rassure-toi car si je te tiens sur la croix, cest que je taime. Nimite pas certaines âmes qui sattachent aux consolations et aux goûts spirituels, et qui naiment guère la croix. Quand vient pour elles lheure des aridités, elles diminuent peu à peu leurs prières, parce quelles ny trouvent plus les consolations quelles ressentaient autrefois. » (Biografia, ch. XXI)
« Tu te fatigues à mappeler, dit un jour Jésus à Véronique Juliani, mais je suis avec toi. Me voici » (Diario, 8 septembre 1696.)
26. Jésus rassure lâme qui se croit éprouvée
Le bienheureux Jacques de Bévagna, de lordre des Frères Prêcheurs, fut éprouvé par des peines intérieures très vives. Se croyant abandonné de Dieu, la crainte de la damnation éternelle plongeait son âme dans une tristesse inconsolable. Un jour quil priait et pleurait devant son crucifix, le Seigneur Jésus fit tomber sur lui, de la plaie de son Cur, une pluie de sang qui le couvrit tout entier : « Que ce sang, lui dit le Consolateur Jésus, sois pour toi le signe assuré de ton salut éternel. » A lheure de son agonie, Notre-Seigneur Jésus-Christ,
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la très Sainte Vierge Marie, saint Georges, martyr et saint Dominique lui apparurent. Une voix du ciel adressa ces paroles à ceux qui intercédaient pour lui pendant les prières de la recommandation de lâme : Ne priez pas Dieu pour lui, mais priez-le lui-même pour vous. »
27. Jésus rassure et instruit
Notre-Seigneur, pour dissiper les appréhensions dAgnès de Langeac qui craignait dêtre trompée par le malin esprit, lui apparut vêtu dune longue robe de couleur tirant sur le violet. Il avait les cheveux long et comme roux, la barbe était de même couleur ; les plaies de ses pieds et de ses mains brillaient comme les rayons du soleil ; a cette vue, Agnès se jeta par terre, effrayée, shumiliant devant Dieu profondément ; elle entendit alors au fond de son cur la voix de son Bien-Aimé qui disait : « Ne craint point, je suis ton Epoux ; je suis fidèle à mes épouses ; tu me vois dans la même forme que javais quand je vivais dans le monde. Naie point de peur et lève-toi ; pourquoi as-tu tant de crainte dêtre trompée ? Il y a aujourdhui un an que je tassurai que Satan naurais plus de pouvoir sur toi. Ast-il eu la hardiesse de te battre depuis? » – Non, mon cher Epoux. « – Pourquoi donc es tu encore dans la crainte, ayant reconnu les effets de mes promesses ? Cest ma grande misère répliqua-t-elle, qui me cause ces appréhensions. Notre-Seigneur souriant :
« Assure-toi que depuis ta consécration par les eaux de la religion, jai eu un soin particulier de toi et que je continuerai de le prendre. Pour te prouver que tu nes pas trompée tu me verras aujourdhui à la sainte messe en la forme dun petit enfant, la tête couronnée de rayons ; et en la communion tu me verras entre les mains du prêtre, sortant du milieu dune lune et tenant dune main un soleil très lumineux. »
Puis, changeant de discours, Il lui dit : « pourquoi as-tu voulu sauter les murailles du monastère ? Cest, mon Seigneur, que vous me donniez des grâces visibles auxquelles vous savez combien jai de répugnance, et vous savez aussi, mon doux Jésus combien de fois je vous ai supplié de me
P.141 conduire par un autre chemin, ne voulant que la croix toute nue. Le fils de Dieu témoigna par son maintien quil agréait fort en elle cette disposition
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par un autre chemin, ne voulant que la croix toute nue. Le fils de Dieu témoigna par son maintien quil agréait fort en elle cette disposition à la pure souffrance et, se plaisant à la lui faire protester: Tu ne veux rien de ce que je te donne ? » – Non, mon ami, non, mon Epoux, répondit Agnès, je ne veux point de ces grâces extérieures ; rien que des peines et des douleurs !… « Ne te fais-je pas assez pâtir ? poursuivit Notre-Seigneur. Tu souffre les peines du purgatoire ; outre cela, je tai fait voir les peines de lenfer. Cest la part que tu as demandée aux premières qui met ton corps dans cette grande et continuelle souffrance. » – Cest ce que je veux, mon Seigneur.- « Tu as bien fait de refuser ces croix extérieures ; je ten aime davantage. Mais pourquoi ne quittes-tu pas la voie de la crainte, puisque je tai fait dire si souvent quil fallait marcher par celle de lamour, qui est la plus courte et la plus assurée ? » – Cest ma misère, ô mon Tout, et mon peu de foi qui en sont la cause. « Ma fille, qui connaît aime, et qui aime craint ; lun et lautre sont bons. » Agnès ajouta : Eh ! mon Epoux, que fait-je dans cette maison, que manger et boire ? Tirez-moi après Vous, mon doux Jésus ! « Quand tu manges et bois, tu pratiques lobéissance, et en cela tu me sers. » Comme cétait la fête de la Chandeleur, Il ajouta : « Cest à ma chère Mère que tu feras les offrandes pour toutes les religieuses. Marie me les présentera ensuite afin que je les reçoive mieux venant dune meilleure part. Maintenant, ma fille, vas te préparer à me recevoir. » Quand Agnès eu fait la sainte communion, son époux lui apparut et dit : Sache, ma chère fille, que cette lune, dont tu mas vu sortir, représente ma chère Mère. Elle est la vraie lune sans changement, qui a chassé les ténèbres par ses vertus. Je suis sorti de son sein. Cest la plus belle et la plus parfaite de toutes les créatures. Elle à été la plus humble de toutes et ma plus aimé quaucune autre. Cest elle qui donne de lamour aux chérubins et aux séraphins, tant elle est pleine de dilection. Bienheureux sont ceux qui la servent, qui laiment et limitent ! Quant à ce soleil que tu as vu dans ma main droite, il représente ton Epoux. Je suis le vrai soleil de justice qui fait fondre les curs les plus glacés, les curs plus durs que le diamant. Cest moi qui suis lamour même. Je lai montré
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dans lexcès de ma passion. Oh ! Bienheureux sont ceux qui sy entretiennent, quoique le nombre en soit fort petit ! Ceux qui la méditent nauront pas peur des dernières paroles que je dirai aux pécheurs lors du dernier jugement. » (IIIe part., ch, v.)
28. Encouragements divins
Un jour de Noël, Jésus dit à Marguerite de Cortone : « Ma fille, tu es dans la tristesse ; demande-moi en ce moment ce que tu voudras. » Elle répartit : Seigneur, accordez-nous la grâce de ne vous offenser jamais.- « Pourquoi ne me demandes-tu pas la gloire de mon royaume ? » Marguerite reprit : Accordez-moi, ô mon Dieu, ce que je vous demande, c’est-à-dire de vous servir toujours, de ne vous offenser jamais, puis placez-moi où il vous plaira. Cette réponse fut si agréable au petit Enfant de Bethléem quIl lui : « Tu es mon esclave par tes péchés passés, ma servante par tes pénitences actuelles, ma sur par ton état de grâce, et ma fille par le gage que tu as reçu de ma gloire éternelle. »
Le jour de la Purification de Marie, Marguerite, avide de se nourrir du pain des anges, nosait approcher de la sainte Table par humilité, se regardant comme digne de tout mépris devant le Seigneur, parce quIl lui avait soustrait les délices de sa présence. Moi, son indigne confesseur, jessayai de rendre la confiance à son cur timoré. Jy réussis tellement quelle voulut se confesser immédiatement, et, layant absoute, je lui ordonnai de communier quand même elle ne sentirait aucune consolation, lassurant quelle recevrait malgré tout une augmentation de grâces. Ayant récité le Confiteor, jenvoyai chercher le prêtre qui devait la communier. Elle reçut la sainte Hostie avec le plus profond respect, mais comme elle ne ressentait aucune joie intérieure, contrairement à lhabitude, elle sen plaignit amèrement à Notre-Seigneur, qui lui dit : « Ma fille, ne tétonne point si tu nas ressenti aucun goût ; ton âme ny était point disposée avant de me recevoir. Je me donne tel que je te trouve. » Elle répondit : Jhésitais vraiment à mapprocher de vous, parce quil me semblait
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que mon âme nétait pas digne de recevoir un si grand sacrement. « Ma fille, répondit Jésus, il me plaît que tu me reçoives ; celui qui ta fortifiée et ta poussée à approcher de moi, a donné force et courage à la mère des pécheurs ; car je te fais la mère des pécheurs ; et qui te prête secours pour venir à moi le prête à la mère des pécheurs. De même que jai formé ma Mère, la très Sainte Vierge pour le salut du monde, de même, toute proportion gardée, je te choisis pour miroir et mère des pécheurs. Et puisque par ma grâce je te destine à être magnifique dans le ciel, je te ferai de toi une sainte sur la terre. Je ne devrais pas dire : je te ferai, car par mon infinie miséricorde tu lest déjà. Tu dis que tu es privée de toute vertu ; et moi je te dis que tu en es ornée. Tu dis que tu es pauvre parce que je te manque ; et moi je te dis que tu possède en moi un trésor infini. Ma fille, dans le cur de laquelle je trouve le repos, je ne te nomme pas le lis de mon jardin, mais le lis de mon champ, car le parfum de tes vertus pénètrera ceux même qui sont pourris de vices, et ceux qui nont pour moi aucun amour, se sentiront attirés à lodeur de ta sainteté. Et de même que la brise porte au loin lodeur des lis, moi je porterai partout lodeur de tes vertus
Cesse de tétonner si je me donne à toi tel que je te trouve. Ton âme est distraite et tiède en beaucoup de tes travaux. Vois sainte Madeleine auprès du jardin du sépulcre ; je me suis présenté à elle sous la forme quelle avait de moi dans son esprit. Je tai fait léchelle des pécheurs, afin quils montent vers moi par les exemples de ta vie. » Mais en quoi, reprit Marguerite, puis-je servir de modèle aux pécheurs ? « Ils imiteront, dit Jésus, tes abstinences, tes jeûnes, ton humilité, tes prières, les tribulations que tu as supportées pour moi avec tant dempressement. Ils imiteront la douceur de tes saintes conversations, la mansuétude qui a été le cachet de ta vie. Ils imiteront la douceur de tes saintes conversations, la mansuétude qui a été le cachet de ta vie. Ils imiteront lhonnêteté de tes murs depuis ta conversion et le soin que tu a pris de fuir le monde. » Enivrée de joies, la sainte avait absolument oublié de faire mémoire de moi auprès de Jésus, mais le très suave et très doux rémunérateur de toutes choses, Jésus, lui dit : « Tu dois prier pour ton conseiller et ton confesseur, car tu lui dois beaucoup. » – Il est vrai, Seigneur, que je lui dois beaucoup. Cest pourquoi je le recommande
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avec instance à votre divine Majesté, dautant plus quil ne ma jamais parlé avec tant donction quaujourdhui. « Sil a si bien parlé, reprit Jésus, cest que je te parlais moi-même par sa bouche. » (Vie intime, ch. VII, § 16 et 20.)
29. Jésus rassure lâme qui craint de saccorder
trop de douceurs
Une nuit que Gertrude, très affaiblie par lexercice des puissances de son âme, avait pris une grappe de raisins, avec lintention den rafraichir en elle-même le Seigneur. Il agréa cette action et Il lui dit : « Je reconnais présentement que je suis récompensé de lamertume dont, pour ton amour, je fus abreuvé, quand sur la croix on me présenta léponge, puisque, au lieu de ce breuvage, je goûte dans ton cur une indicible douceur et, plus purement tu rechercheras ma gloire en recréant ton corps, plus je trouverai de douce réfection pour moi dans ton âme. » (Liv. III, ch. LVII.)
Le Seigneur dit un jour à Gertrude : « Quand tu fais avec difficulté quelque chose au dessus de tes forces pour ma gloire, je laccepte comme si jen avais absolument besoin pour mon honneur ; mais lorsque, laissant le reste de côté, tu fais ce que réclame le bien-être de ton corps en dirigeant vers moi ton intention, je laccepte, comme si moi-même, malade, je navais pu men passer. Ainsi, je récompense en toi lun et lautre, comme lexige la gloire de ma divine magnificence. » (Liv. III, ch. LIX.)
Un jour que fatiguée, sainte Gertrude prenait un peu de repos, le Seigneur lui dit avec une douce sérénité: « Celui qui sest lassé aux uvres de la charité a parfaitement le droit de se reposer dans le tranquille appartement nuptial de la charité. » (Liv. IV, ch. XXXV)
Sainte Thérèse fut plus dune fois rassurée par le bon Maître et encouragée par Lui à accorder à la nature ce quelle réclame légitimement. Songe ma fille, quaprès ta mort, tu ne pourras plus accomplir pour mon service ce que tu fais maintenant. Prend pour moi la nourriture et le sommeil ; tout ce que tu fais, fais-le pour moi, comme si tout cela nétait
Page 145, pas vécu par toi, mais par moi-même. Cest là ce que disait saint Paul 1. » (Relation, 42)
Un jour que la sainte, éprouvant une grande faiblesse faisait un effort pour avaler un peu de pain, Jésus lui apparut, rompit ce pain et lui en porta un morceau à la bouche en dosant : « Mange ma fille et résigne-toi de ton mieux. Jai de la peine de te voir souffrir, mais cest là maintenant ce qui te convient. » (Relation, 12.)
Se trouvant obligée dentretenir assez longuement un de ses frères, Thérèse en eut quelque scrupule, craignant de violer les constitutions qui mettent en garde contre les relations trop fréquentes avec des proches. Notre Seigneur lui dit : « Tu te trompes, ma fille, vos règles ne vous enseignent quune chose : à vivre conformément à ma loi. » (Relation, 35.)
Une autre fois que Thérèse craignit de goûter trop de satisfaction dans ses rapports avec les guides de son âme, Notre-Seigneur lui dit : « Que si un malade en danger de mort se voyait redevable de la santé à un médecin, évidemment ce ne serait pas vertu de sa part de ne lui porter ni reconnaissance ni affection. Quaurait-elle fait sans un tel secours ? La conversation des personnes de vertu ne nuit point. Elle devait avoir soin que ses paroles fussent mesurées et saintes, moyennant quoi elle pourrait continuer ces relations : loin de lui nuire, elles lui seraient très utiles. » (Vie, ch. XL.)
Sainte Brigitte ayant un jour trop jeuné et trop veillé, la tête et le cur lui défaillaient, si bien que Jésus lui parlant, elle ne comprit pas bien. Alors le Sauveur lui dit : « Va, donne au corps avec modération ce qui lui est nécessaire, car cest mon plaisir que la chair ait dans une juste mesure ce dont elle a besoin, et que lâme ne soit pas empêchée par la faiblesse de sadonner aux choses spirituelles. » (Liv. VI, ch. XCI.)
1. Ce nest plus moi qui vit, cest Jésus qui vit en moi (Galat. II, 20).
30. Jésus enseigne comment il faut subvenir
aux besoins de la nature en purifiant son intention
On invitait Gertrude, vu son extrême faiblesse, à prendre quelque nourriture ; comme elle résistait, le Seigneur quelle
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avait consulté, ly encouragea en lui disant : « Prend par amour pour moi tout ce qui test nécessaire et commode, afin quainsi tu te conserve vivante plus longtemps à mon service : en toute chose où tu trouveras de la commodité, observe de même trois points : Premièrement de faire tout avec joie pour ma gloire. Secondement, de naccepte ces soulagements quafin de souffrir plus longtemps pour mon amour. Troisièmement, de consentir volontiers, pour mon amour, pour mon amour à demeurer privée des douceurs de ma présence aux cieux, autant que cela me plaira, et à demeurer en cette vallée de misère. Tant que tu accepteras les soulagements dans cette intention, je le prendrai comme si un ami buvait tout le fiel offert à son ami, et lui donnait en place le nectar le plus exquis. » (Liv. IV, ch. XXIII ; éd. lat., p. 370.)
31. Jésus, le délassement de lâme fatiguée
Gertrude, fatiguée, se retira dans sa cellule, demandant au Seigneur de parler à son âme, Il lui dit : « Comme la divinité sest reposée en mon humanité, ainsi ma divinité se repose maintenant et se délecte dans ta lassitude. Voici deux points que je viens proposer à ta méditation : considère donc quil ny à rien de plus utile à lhomme en cette vie que de se fatiguer en des travaux tels que ma divinité trouve son charme à sy reposer ; et ainsi quil se dévoue pour le prochain dans les uvres de la charité. » (Liv. IV, ch. XXIII ; éd. lat., p. 372.)
32. Lâme sainte est le ciel de Dieu
Lâme de Mechtilde se sentant éloignée de Dieu songeait à ces paroles du prophète/ « Hélas ! le Seigneur mest apparu bien loin. » (Jérémie, XXXI, 3.) Le Seigneur lui dit alors « Quest-ce que cela fait ? Partout où tu es, là est mon ciel : que tu dormes, que tu mange, ou que tu fasses tout autre chose, ma demeure est toujours en toi. » (IIIe part., ch. XLIX.)
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33. Lâme fidèle est dans le Cur de Jésus
Une fois que Mechtilde priait pour une personne, elle vit son âme dans le Cur divin comme un petit enfant, et le Seigneur dit : « Quelle vienne ainsi me trouver dans toutes ses tribulations, quelle se tienne à mon Cur divin, y cherchant la consolation, et je ne labandonnerai jamais. » (Ive part., ch XXXVII.)
34. Jésus agit avec lâme fidèle comme la mère
avec son enfant
Se sentant sans force et très abattue, sainte Gertrude dit au Seigneur : « Que deviendrai-je Seigneur ? Que voulez-vous faire de moi ? » Le Seigneur répondit : Comme une mère console ses enfants, moi aussi je te consolerai », et lui rappelant quelle avait vu une mère caresser son petit enfant, Il lui fit remarquer trois choses auxquelles elle navait pas fait attention.
La première est que cette mère demandait souvent à son enfant de la baiser ; et lenfant, tout faible quil était, se soulevait pour satisfaire à cette demande. Le Seigneur ajouta quelle devait, elle aussi, sélever avec grand travail, par la contemplation, à la jouissance de lobjet très doux de son amour.
En second lieu, la mère mettait à lépreuve la volonté de lenfant en lui disant : Veux-tu ceci, veux-tu cela ? et ne lui accordait ni une chose ni lautre. Ainsi Dieu tente lhomme en lui inspirant quelquefois lappréhension de grandes afflictions qui narrivent jamais ; mais du moment que lhomme se soumet, cela suffit parfaitement à Dieu, et rend lhomme digne dune récompense éternelle.
La troisième chose était que personne, si ce nest sa mère, ne pouvait comprendre le langage de lenfant, encore trop jeune pour pouvoir former ses paroles ; ainsi Dieu seul connaît lintention de lhomme, et le juge en conséquence, à la différence des hommes qui ne regardent quà lextérieur. (Liv. III, ch. xxx, n°26 ; éd. lat., p. 190.)
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35. Jésus avec nous dans les uvres entreprises
pour sa gloire
Saint Camille de Lellis (1550-1614), voulant établir lordre des clercs réguliers pour le service des malades, rencontra de si grands obstacles dans la réalisation de ses desseins, quil était tenté de découragement. Une nuit, pendant son sommeil, il lui sembla voir le Crucifix qui, tantôt inclinait sa tête et le regardait, en lui adressant ces paroles : « Ne crains rien, je taiderai et serai avec toi » ; tantôt détachait ses mains de la croix, et les étendaient vers lui, en lui disant : de quoi taffliges-tu ? Poursuis cette affaire ; je viendrai à ton secours, ce nest pas ton entreprise, cest la mienne. » (Les petits Bollandistes, par Mgr Guérin, au 18 juillet..)
La bienheureuse Anne de Saint- Barthélemy raconte comment une fois le Sauveur eut pitié des peines de sa fidèle Thérèse ; voici son récit :
A lépoque où la Réforme souffrait de grandes persécutions et où le nonce avait ordonné demprisonner tous les Carmes Déchaussés, notre sainte Mère reçut, la veille de Noël, des lettres lui annonçant que ses enfants allaient être exterminés et ses couvents détruits. Elle en éprouva une très grande douleur ; Je la priai cependant de prendre une collation avant daller à Matines. Elle se rendit, en effet au réfectoire, mais elle était si accablée quelle ne pouvait se résoudre à manger. Notre-Seigneur lui appart alors, coupa lui-même son pain et lui mit un morceau dans la bouche, en disant : « Mange, ma fille, tu souffres beaucoup pour moi, prends courage. » Ces paroles mirent le comble à sa douleur et deux ruisseaux de larmes coulèrent de ses yeux tout le temps de Matines.
(Vie de la vénérable Anne de Saint Barthélemy,(ch. XVI )
36. Dieu, le seul Ami fidèle
Une personne ne répondant pas au zèle de Gertrude pour son salut, la sainte se réfugia auprès du Seigneur qui la consola en ces termes : « Ne tattriste pas, ma fille, car jai
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permis que cela arrivât, pour le plus grand bien de ton âme ; jaime beaucoup à converser et à demeurer avec toi ; et jai voulu ainsi jouir plus souvent de ce bonheur. La mère dun petit enfant tendrement aimé désire lavoir toujours auprès delle ; quand il veut séloigner pour aller jouer avec ses petits camarades, elle place dans le voisinage quelque épouvantail pour faire peur à lenfant, qui accourt aussitôt se réfugier dans son sein. Ainsi, comme je désire tavoir toujours à mon côté, je permets que tes amis te causent quelque peine. Ne trouvant alors de fidélité parfaite en aucune créature, tu recours à moi avec dautant plus dardeur que tu trouve là une plus grande abondance de jouissances et une fidélité plus assurée. Une tendre mère cherche à adoucir par ses baisers les chagrins de son petit enfant, ainsi je veux par de douces paroles calmer toutes tes peines et tes contrariétés. » Et lui présentant son Cur, Il lui dit : « Voici maintenant ma bien-aimée, tout ce quil y a de plus caché dans mon Cur : considère diligemment avec quelle fidélité jy ai déposé tout ce que tu as fait à mon intention, et comme je lai enrichi pour le plus utile et le plus salutaire profit de ton âme ; vois encore si tu peux te plaindre que jaie, même dun seul mot, manqué de fidélité. » (Liv. III, ch. LXIII.)
37. Jésus, la force des martyrs
Au milieu des combats quil eut à soutenir et des supplices à endurer, saint Procope, martyr, conjura le Seigneur de ne pas labandonner : « Ne craignez rien, lui dit Notre-Seigneur, je serai toujours avec vous. » (Les petits Bollandistes par Mgr Guérin, au 8 juillet.)
Au milieu de ses supplices, saint Georges, martyr, fut consolé par une voix du ciel qui disait : « Georges, ne crains rien, car je suis avec toi. » (Ibid., au 23 avril.)
Pendant les cruelles tortures de son martyr, saint Victor de Marseille demanda à Dieu une pieuse résignation. Jésus lui apparut, tenant en main le glorieux étendard du combat, la croix. « La paix soit avec toi, généreux Victor, lui dit-Il, je suis Jésus ; cest moi qui souffre dans mes saints les injures
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et les tourments. Combats en soldat courageux, sois fort et constant ; je suis avec toi pour être ton ferme appui dans la lutte et ton fidèle rémunérateur après la victoire, au sein de mon royaume. » Lorsque Victor eut rendu le dernier soupir, on entendit une voix venant du ciel, qui disait : « Tu as vaincu, généreux Victor, tu as vaincu ! (Ibid., au 21 juillet.)
Livré aux plus affreux supplices, Saint Pantaléon, médecin, eut recours au Seigneur, qui lui apparut sous la figure dun vieillard et lui dit : « Je suis avec toi dans tout ces tourments que tu souffres pour mon amour avec une si grande patience. » (Ibid., au 27 juillet.)
CHAPITRE VII
Jésus Victime
1. Combien il est salutaire à lâme
de penser à la passion
Le Seigneur a assigné ses saintes plaies comme lécole où mon âme doit sinstruire, raconte sainte Véronique Juliani. Il me disait : « Tu ne dois jamais entreprendre aucune uvre, sans entrer tout dabord dans ces plaies amoureuses pour apprendre comment tu dois faire cette uvre ; et tu dois faire ainsi toujours, aussi bien pour les choses extérieures que pour les choses intérieures. » (Diario, 22 marzo 1697)
« Tu es mon épouse dit un autre jour le Sauveur à la même sainte. Quand tu te mets à faire oraison, tu dois de suite prendre place dans mes plaies, car elles sont les chambres de mes épouses, de toutes les âmes qui me sont chères.(Diario, 1 maggio 1697.)
Mais tous ne profitent pas également de la pensée des souffrances de Jésus : « Ma passion, a-t-il dit à Gertrude-Marie, reste et restera toujours un mystère, parce que jamais les hommes ne comprendront tout ce que jai souffert pour
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eux. Une âme ne comprendra mes souffrances que dans la mesure où elle y participera. » (1er octobre 1907.)
« Ma fille, dit Jésus à Marguerite de Cortone, tant que tu es demeurée près de ma croix, je tai enrichie des dons de ma grâce, et je ten eusse donné davantage si tu ne ten étais pas éloignée. Retourne donc à cette croix selon ton habitude et reste à ses pieds depuis le milieu de la nuit jusquà None. Là tu recevra des dons spirituels et les vertus dont jai déjà ornée, c’est-à-dire la lumière de la vérité pour toi et pour les autres et la force invincible contre les tentations à venir. » (Vie intime, ch. v, § 12.)
« Vois-tu, Bénigne dit Jésus à lhumble Visitandine, rien ne me plait davantage que .de voir dans les hommes le souvenir de mes travaux et de ce que jai enduré pour eux. Ceux qui séloignent de cette pensée me ravissent, autant quil est en leur pouvoir, la gloire que je me suis acquise par mes souffrances et qui ma donné le nom de sauveur du monde. » (IIIe part. ch. vII.)
Un jour du vendredi saint, Marie-Catherine Putigny, contemplant lagonie de Jésus, entendit le divin Sauveur lui tenir ce langage : « Beaucoup de personnes se trompent en croyant quil suffit de regarder ma bonté et de verser quelques larmes sur les souffrances que jai endurées ; le vrai amour veux les partager avec moi ; il accepte toutes les peines, les humiliations, les ignominies, et les unissant à celles que jai éprouvées, il les offre à mon Père éternel. » (Vie, ch. XXII.)
2 . Les préférences de Jésus sont pour ceux
Qui méditent sa passion
A sainte Angèle de Foligno fut dite cette parole : « Tous ceux qui aimeront et qui partageront ma pauvreté, mes douleurs, mon abaissement sont mes fils légitimes et ils seront les tiens, les autres ne le sont pas. Ceux qui auront lesprit fixé sur ma passion et sur ma mort, en dehors desquelles il ny a pas de vrais salut, ceux là sont mes enfants légitimes ; les autres ne le sont pas ». (Doncoeur, p. 241 ; Ferré p. 343.)
Une autre fois Dieu lui dit : « A tes fils présents et absents
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Je donnerai le feu du Saint-Esprit, il les enflammera tous, et par lamour il les transformera totalement en ma passion. Il y aura cependant entre eux de grandes différences : ceux qui se souviendront davantage de ma passion maimeront davantage ; ceux qui maimeront davantage me seront plus unis. » (Doncoeur, p. 223 ; Ferré, p. 231.)
Et à sainte Mechtilde : « Autant de fois au souvenir de ma passion, lhomme gémit du fond de son cur, autant de fois il semble appliquer une rose fraîche sur mes plaies, et il en part pour atteindre son âme un trait damour qui lui fait une blessure de salut. » (Ire part., ch. xvI.)
A la vénérable Agnès de Langeac : « Cest moi qui suis lamour même. Je lai montré dans lexcès de ma passion. Oh ! Bienheureux sont ceux qui sy entretiennent, quoique le nombre en soit fort petit ! Ceux qui la méditent nauront pas peur des dernières paroles que je dirai aux pécheurs lors du dernier jugement. » (Vie, par Lantage, t. II, IIIe part., ch. v, p.129.)
Mechtilde ayant demandé au Seigneur ce qui lui plaisait le plus en lhomme, Il répondit : cest quil médite avec un profond sentiment de reconnaissance et garde dans une perpétuelle mémoire tous les actes de vertu que jai accomplis sur la terre, toutes les peines et les injures que jai supportées pendant trente trois ans, en quelle misère jai vécu, quels affronts javais à supporter de mes créatures, et enfin que je suis mort en croix de la mort la plus amère, pour lamour de lâme de lhomme que jai acheté de mon sang précieux, afin den faire mon épouse. Que chacun ait pour tous ces bienfaits autant daffection et de reconnaissance que si javais souffert pour son salut à lui seul. » (Ie part., ch. XVIII.)
Notre-Seigneur fit connaître à Sur Marie-Marthe Chambon 1 ses desseins sur elle en lui disant : « Je tai choisie pour réveiller la dévotion à ma sainte passion dans les temps malheureux où vous vivez
Je veux que, par cette dévotion, non seulement les âmes avec lesquelles tu vis se fassent saintes, mais beaucoup dautres encore
1 Soeur Marie-Marthe Chambon(1841-1907) fut une humble sur converse du couvent de la Visitation de Chambéry. Elle eut de fréquentes extases et le don de prophétie. Sa Vie est en vente au monastère de la Visitation de Chambery.
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Ma fille, chaque fois que vous offrez à mon père les mérites de mes divines Plaies, vous gagnez une fortune immense
Que celui qui est dans le besoin vienne avec foi et confiance, quil puise constamment dans le trésor de ma Passion. Voilà de quoi payer pour tous ceux qui ont des dettes. Il ne faut pas craindre de montrer mes Plaies aux âmes
Dans la contemplation de me Plaies on trouve tout pour soi et pour les autres. Jaccorderai tout ce que lon me demandera par la dévotion aux plaies. Ceux qui les honorent auront une vraie connaissance de Jésus-Christ. » (Vie, pp. 61 et 62.p)
3. Jésus invite lâme fidèle à contempler
lune après lautre toutes ses souffrances
Les premiers jours de Carême de lan 1631, Jésus voulant unir à Lui la vénérable Anne-Marguerite Clément lui dit : QuIl allait à la montagne de la myrrhe et quIl voulait quelle y montât avec Lui pour y être instruite par la prière et la mortification à combattre ses ennemis. Il linvita à laccompagner au jardin des Oliviers pour réparer par lassiduité de son amour la fuite honteuse de ses apôtres. Layant menée dans la maison du pontife, elle sappliquait à regarder les liens dont il était environné ; mais Jésus lui dit : Ce ne sont pas ces cordages qui me serrent, mais les liens de lamour ; lamour est fort comme la mort. Vois-tu jusquà quel point mon amour me captive, comprend par là combien ce même amour te doit captiver. » Lappliquant ensuite aux indignités que les Juifs commirent contre Jésus, Il lui montra que lamour des créatures faisait la même chose dans son cur. « Car, lui dit Il, ton âme étant mon image, nest-ce pas la défigurer de souffrir que dautres que moi y fassent impression. » Et Il lui fit alors comme une application de sa face divine sur son âme, pour y réimprimer de nouveau ses traits.
Continuant sa marche sur les pas de son Epoux, elle entra avec lui au prétoire, où son cur se trouva accablé de douleurs en voyant les douleurs de son Sauveur flagellé ; mais ne voulant pas quelle sy appliquât plus longtemps, Il lui dit :
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Egrediamur in agrum,surgamus advineam.(Cant., VII, 11, 12.).
Sortons dans les champs, allons à la ville. «Cette vigne, lui dit-Il est ton âme, où mon amour me presse tant darriver. Mon travail et mes soins lont défrichée, ma passion et ma mort lont mise en état de produire son fruit. Mais je prétends que ta ferveur et ta fidélité soient les deux mains qui la cultivent pour men faire goûter les fruits. »
Revenant au mystère de la flagellation, elle pressait son Epoux de lui dire pourquoi Il souffrait de si grands tourments pour des créatures ingrates : « Qui aime endure » lui dit le divin Sauveur. Puis la faisant mettre au pied de la colonne : « Je suis larbre de vie chargé de fruits chargé de fruits excellents, à lombre duquel je veux que tu
reposes. » Et Il lui fit comprendre que les fruits dont Il parlait étaient les mérites de sa passion et de sa mort. Enfin Il lui montra ses plaies comme autant de portes ouvertes, où Il linvitait dentrer pour pénétrer jusquà son Cur. Puis Il la pressa dêtre à Lui sans partage, « car, lui dit-t-Il, quand tu te lies à une créature me fais souffrir la même violence que jéprouve lorsquon marracha mes vêtements après ma flagellation ». Enfin, layant conduite au Calvaire, Il prit la Croix et la planta dans son cur, afin quétant toujours à lombre de cet arbre de vie, elle goutât toujours la douceur de ses fruits. (Vie, 1686 IIe part., ch. Vie, 1915, pp. 239 sq.)
4. Jésus fait à ses amis la confidence de ses douleurs
Jésus se montre à Madeleine Vigneron tout déchiré, couvert de plaies et de sang depuis la tête jusquaux pieds et Il lui dit : « Vois ma fille et reconnais ton cher Epoux crucifié; voilà les blessures que mon peuple infidèle me fait quand il moffense mortellement. Sache que tes larmes, qui viennent de lamour que tu me portes, men adoucissent la douleur. » (Ire part., ch. v.)
Une autre fois Il lui dit : « Regarde, ma fille, comme on ma traité. » Son visage paraissait pourtant extrêmement doux et lon y remarquait une grande compassion pour les pécheurs. « Non, disait-Il, vous les tourments ne me sont rien,
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sils voulaient recevoir tous les bons mouvements que je leur inspire ; mais ce qui me perce le cur, cest quaprès leur avoir mérité tant de bonnes pensées et de pieux sentiments par cette grande abondance de sang que jai répandu, voulant maintenant en remplir leur cur très libéralement, ils me le refusent. » Je le vis, ajoute la servante de Dieu, prendre un visage plein dindignation, Il semblait prêt à tout foudroyer. Mais reprenant sa douceur Il me dit : « Ma fille, tu ne saurais rien faire qui me soit plus agréable que de temployer pour ces pauvres misérables. »
« Ma fille, lui dit encore ce bon Sauveur, il faut que de temps en temps je te vienne dire mes afflictions les plus secrètes comme à ma meilleure amie. Cest quon ne maime point. Pour toi, il y a quelque temps que tu commence un peu ; ton âme est un arbre qui prend croissance, mais auparavant tantôt il croissait, tantôt il décroissait. » Et Il me la fit paraître comme un arbre quil cultivait avec beaucoup de soin.
Il semble, dit toujours Madeleine Vigneron, quun des principaux tourments intérieurs de Notre-Seigneur sur la croix ait été laffliction quIl concevait de la grande compassion dont seraient touchées les personnes qui laimeraient en considérant ses grandes souffrances. Car mayant trouvée comme le cur percé de douleur dans la compassion de tant de souffrances quIl endurait : « Ma fille, ma-t-il dit, jai tant de douleur de ta tristesse, que je veux bien pour ta consolation te témoigner que mes souffrances sont à toi et quelles tappartiennent ; car je tabandonne peines, souffrances, mérites. » ( IIe part., ch. IV.) On a donc une part dautant plus grande aux fruits de la passion que lon y pense davantage.
5. Jésus a souffert toute sa vie
Notre-Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Tu dis, ma fille que mon amour ma contraint à souffrir et que le zèle de vos âmes ma poussé à faire tout ce que jai fait. Sache donc alors que si je suis venu te chercher au prix des angoisses les plus terribles, toi aussi tu dois venir à moi par
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La voie des amertumes et des afflictions. Ne cesse pas de prêcher ma passion et dis à chacun que jai passé toute ma vie dans les travaux et les souffrances. » (Vie intime, ch. v, § 13.)
Notre-Seigneur dit à Françoise de la Mère de Dieu : « Je nétais pas comme les autres enfants ; étant dans le sein de ma Mère javais une claire connaissance de la captivité que je subissais et de tout ce que je souffrirais dans tout le cours de ma vie des injures, des coups de fouet que je devais recevoir en ma passion. Je savais que je serais couvert de crachats, moqué, blasphémé et crucifié. Je connaissais lingratitude et les péchés de tous les hommes et dès lors je satisfaisais pour eux. » le Seigneur ajouta : « Les hommes étaient avant ma mort plus excusables quils ne le sont à présent car ils navaient pas autant de connaissances de moi. Mais présentement quils connaissent ce que jai fait et souffert pour eux, leur ingratitude est grande. Je ne peux plus souffrir pour eux ; souffrez au lieu de moi et pour moi. Oh ! ma fille, si vous saviez combien le nombre est grand de ceux qui moffensent et combien il y a peu dâmes en qui je trouve lieu de faire tout ce que je veux. » (Vie,ch. XXVIII)
Jésus dit à Jeanne-Bénigne : « Je voulais souffrir, et sans ménagements, jusquà la fin de ma course mortelle. Mes douleurs ne seront jamais bien comprises ; et leur vue fera une des plus grandes parties de votre béatitude durant léternité car vous connaîtrez alors lamour que jai eu pour les hommes par ce que jai souffert pour leur salut. ( Vie, ch. XIII)
Tu es bien fatiguée Marguerite, dit Jésus à la sainte pénitente, mais je me suis fatigué davantage en suivant le chemin de la croix, car mes peines ont été plus prolongées que ne lindique la sainte Ecriture. En effet, depuis la résurrection de Lazare, je lisais dans le cur de mes ennemis toutes les tortures quils me préparaient, et mon âme, unie à ma Divinité se représentait tantôt la trame de leurs trahisons, tantôt les menaces, les fouets, les cris de mes ennemis. Je voyais les clous et les épines. Je sentais lamertume de fiel, le poids de la croix et le fer de la lance. La prescience de ces tourments sans nombre me causait une telle peine que mon corps lui-même en subissait le contre-coup, sans cependant
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que mes disciples sen aperçussent. » (Vie intime, ch. v, § 24.)
La Soeur Madeleine Orsini était depuis longtemps dans une grande tribulation. Jésus lui apparut attaché à la croix, lexhortant par le souvenir de sa passion à souffrir avec patience ; la servante de Dieu lui dit : Mais Seigneur vous navez été que trois heures sur la croix, tandis que moi jendure cette peine depuis plusieurs années ? » – Ah ! ignorante, que dis-tu, repris le Seigneur ? Depuis le premier moment que je fus dans le sein de ma Mère, je souffris dans mon cur tout ce que jendurai plus tard sur la croix.» (Parole citée par saint Alphonse dans Lamour des âmes, ch. III n° 5.) Même quand il dormait, dit saint Bellarmin, la croix ne cessait de tourmenter ce cur aimant.
6. Avec quel amour Jésus a enduré sa passion
Parole du Sauveur à sainte Brigitte : « Aime-moi de tout ton cur, car je tai aimée. Je me suis librement donné à mes ennemis. Quand je voyais la lance, les clous, les fouets et autres instruments préparés pour ma passion, je men approchais néanmoins avec joie. Et quand sous ma couronne dépines ma tête fut toute sanglante et que mon sang ruisselait partout, jeusse mieux aimé que mon Cur fût déchiré en deux que de ne pas te posséder et ne pas taimer. Tu serais donc trop ingrate si tu ne maimais pas, moi qui tai témoigné tant damour. » (Liv. Ier, ch. XI.)
7. Les peines intérieures de Jésus
La bienheureuse Camilla-Baptista Varani 1, Clarisse, avait travaillé plusieurs années à sa réforme spirituelle, lorsquelle fut admise à la communication des peines intérieures du Cur
1 La bienheureuse Camilla-Baptista, Varani (1458-1527) naquit et mourut à Camerino, dans lOmbrie. (Le Opere spirituali della Beata Battista Varani, Camerino,1894, p. 108 et suiv.) Jignore à qui fut empruntée la traduction ici insérée ; Jy ait fait quelques modifications pour rendre plus exactement loriginal.
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affligé de lHomme-Dieu. Jésus lui ayant appris que ses douleurs étaient aussi grandes que son amour pour son Père, elle lui demanda dans une oraison de lui faire connaître chacune des peines qui accablèrent son Cur sacré. Jésus lui répondit : « Sache, ma fille, que les peines que jai portées dans mon Cur furent innombrables et infinies. Il te sera facile de le comprendre si tu fais attention que je suis le chef dun corps dont tous les chrétiens sont les membres, membres qui sont innombrables, comme tu le vois, et dont la plupart me furent, me sont et me seront arrachés par le péché mortel. »
8. Membres arrachés dans retour
du corps mystique de Jésus
« Cette peine fut pour mon Cur une des plus cruelles. Figures-toi, en effet, quel est le supplice dun criminel à qui lon arrache les membres par violence, et tu sauras quel fut mon martyre à la pensée, profondément sentie, de tant dâmes qui me sont arrachées pour toujours et de tant dautres qui se séparent de moi pour un temps et me causent autant de déchirements quelles commettent de fautes mortelles. Or, il faut que tu saches que la douleur causée par labscission dun membre spirituel lemporte dautant sur celle dun membre corporel que lâme est supérieure à la matière. Tu ne saurais comprendre, ni toi ni personne, latrocité et lamertume de la peine dont je parle ; peine pourtant si souvent renouvelée que le nombre en est incalculable.
« Pour ne parler ici que des damnés, autant dâmes perdues, autant de membres arrachés à mon corps, avec les douleurs quil vous est facile dimaginer. Je dois dire cependant que toutes ces séparations ne me furent pas également cruelles. Comme les péchés mortels ne sont pas tous égaux entre eux, comme il y a diverses manières de le commettre, les séparations quils opèrent mont causé des déchirements plus ou moins douloureux. Et, pour le dire en passant, de là viennent les diversités que lon remarque en enfer dans la qualité et la quantité des tourments quon y endure. Et parce que leur volonté demeurera éternellement perverse, leurs supplices
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aussi seront éternels. Oh!combien cette triste pensée que ces membres innombrables ne me seraient jamais, jamais, jamais rendus métait insupportable ! Aussi ce fatal jamais est ce qui tourmente et tourmentera le plus éternellement ces âmes réprouvées, tous leurs autres maux ne sont rien en comparaison de cette pensée désespérante. »
9. Le fatal jamais des âmes tant aimées
Dans laccablement de douleur que me cause ce fatal jamais, jaurais volontiers consenti à souffrir de nouveau toutes ces nouvelles séparations, avec leurs déchirements divers, non pas une seule fois, mais une infinité de fois, pour recouvrer une seule de ces âmes et la voir réunie à lintégrité de mes membres vitaux, je veux dire mes élus, qui conserveront éternellement la vie quils tiennent de moi. Cest moi, en effet, qui suis la vie vitale, cest-à-dire la vie de tous les êtres qui jouissent de ce grand bienfait. Tu peux juger par ce que je viens de dire : que pour une seule âme jaurais voulu souffrir une infinité de fois toutes ces peines, combien les âmes humaines me sont chères. Il faut aussi que tu saches que ce douloureux « jamais » afflige tellement les âmes perdues par un effet de ma justice, quil nen est pas une seule qui ne voulut souffrir milles enfers à la fois pour recouvrer lespérance de mêtre réunie dans un temps quelconque ; mais hélas ! leur triste séparation est sans retour ; et, je le répète, cest là le plus affreux de leur supplice. Voilà ma fille, quelle fut la première peine intérieure, qui ne cessa, jusquà ma mort, de déchirer mon Cur. »
10. En quel sens Jésus a souffert les peines
des damnés
La bienheureuse demanda à Notre-Seigneur sil était vrai quil eut éprouvé les peines des damnés, et sil avait éprouvé les sensations diverses quopèrent dans ces âmes le froid, le chaud, laction du feu, des coups et violences des esprits infernaux.
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Jésus répondit : « Je nai pas senti, ma fille, la diversité des supplices que souffrent les damnés de la manière que tu lentends ; cela même ne pourrait pas être, puisquil sagit de membres morts et séparés de moi, qui suis leur chef. Je texpliquerai ma pensée par la comparaison suivante : Si un de tes membres était dévoré par quelque douleur atroce, tu la sentirais vivement jusqu’à ce que le chirurgien leût retranché de ton corps, mais ce retranchement, une fois fait, on pourrait le couper ou le déchirer, le soumettre à laction du feu, le donner aux chiens et aux loups, sans que ton âme éprouvât le sentiment de ces tourments divers parce que lunion nexisterait plus entre ton corps et ce membre mort. Cependant tu serais très peinée de voir un membre qui fut le tien ainsi jeté au feu, accablé de coups, dévoré par les chiens et les loups. Je sentis les mêmes peines à légard des réprouvés. Lorsque le péché mortel les arracha de mon Cur, la douleur fut terrible, et parce quils conservèrent, tant quils vécurent, le pouvoir de se réunir à moi, je ressentais tous leurs mots, et partageais toutes leurs peines ; mais depuis que leur mort eu rendu cette réunion impossible, je fus délivrée de ce sentiment douloureux ; jéprouvais cependant une autre peine ineffable et incompréhensible en considérant quils avaient été mes vrais et propres membres, et que cependant ils étaient tombés sous la puissance des esprits infernaux et soumis à des peines innombrables et éternelles.
11. Membres séparés pour un temps
du corps mystique de Jésus
Une autre douleur, qui transperça mon Cur, me fut causée par mes élus eux-mêmes ; car sache que tous ceux dentre eux qui ont péché ou pécheront mortellement, mont fait le même mal, par leur séparation, que tous ceux qui sont tombés au fond des abîmes, puisque ce sont autant de membres que ce cruel péché arrachait de mon corps.. Plus était grand lamour que je leur portais et qui devait sétendre jusquaux siècles des siècles, ainsi que celui qui devait les unir éternellement à moi, plus jétais affligé de les voir me
161. Jésus victime
quitter, eux, mes membres véritables. Aussi puis-je dire que la douleur que je ressentis dans tous ces membres me causa les plus cruels déchirements. Je souffrais, en effet, bien davantage en eux que dans les réprouvés, puisque ceux-ci, une fois morts, étaient séparés entièrement de moi ; mais pour les élus je sentis et je partageai tous les mots quils devaient endurer et pendant leur vie et après leur mort ; je sentis donc tous les tourments des martyrs, toutes les mortifications des pénitents, toutes les tribulations de ceux qui étaient tentés, toutes les souffrances de ceux qui étaient malades. Je partageai tous les maux quils devaient endurer et pendant leur vie et après leur mort ; je sentis donc tous les tourments des martyrs, toutes les mortifications des pénitents, toutes les tribulations de ceux qui étaient tentés, toutes les souffrances de ceux qui étaient malades. Je partageai leurs persécutions, leurs infamies, leurs travaux, leurs dangers, leurs fatigues ; en un mot, toutes les afflictions, petites et grandes, dont ils étaient accablés, comme, à tes mains tu sentirais les coups qui seraient donnés à tes yeux, à tes mains, à tes pieds ou à quelquautre de tes membres. Pour avoir une idée de ces peines, suppose ma fille, que tu eusses mille yeux, mille pieds, mille mains et ainsi de tes autres membres, et que tous fussent torturés à la fois par des moyens aussi atroces que variés, nest ce pas que ce supplice te paraîtrait intolérable ? Eh bien ! ma fille, mes membres ne se comptent pas par milliers et par millions ; ils sont innombrables. Il est de même impossible de compter les peines des martyrs, des confesseurs, des vierges et de tous les autres élus : cela va presque à linfini. Conclus donc que, de même que personne ne peut comprendre quelles sont dans le paradis les jouissances, les gloires, les récompenses accordées aux bienheureux, ainsi ne se peuvent savoir ni comprendre les peines intimes que jendurai pour mes élus, lesquelles, par la divine justice, devaient être proportionnées à ces jouissances, à ces gloires et à ces récompenses célestes.
12. Jésus partageant toutes les douleurs de ses élus
« Mais mon Cur ne se borne pas à sentir toutes ces afflictions de leur vie, il sent également la diversité et la multiplicité des tourments qui leur restent à subir dans le purgatoire, selon la qualité et le nombre de leurs péchés ; car ces âmes ne sont pas des membres morts et séparés de leurs corps,
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comme celles des damnés, ce sont des membres vivants, spirituellement unis à moi, et dont jendure, par conséquent, toutes les souffrances. Voilà, ma fille ma réponse à ta question. Tu mas demandé quel sentiment javais de toutes ces peines ; Je tai répondu que je ne sentais pas les souffrances des réprouvés, mais celles que mes élus devaient endurer dans le purgatoire, je les partageai. Du reste, il ny a aucune différence entre les peines de lenfer et celles du purgatoire, si ce nest que les premières dureront toujours, tandis que les dernières ne dureront quun temps, et que les habitants de lenfer sont réduits au désespoir, pendant que les âmes du purgatoire demeurent résignées et contentes, souffrent en paix et rendent grâce à la justice de Dieu. Mais cen est assez sur cette peine. »
13. Pensées des douleurs causées à Marie, sa Mère
« Ecoute, écoute ma fille, il me reste à te raconter dautres peines qui me furent aussi bien amères. Quel glaive aigu transperça mon Cur, toutes les fois que je vis la douleur que mes souffrances et ma mort devaient causer à ma pure et innocente Mère ! Car personne ne compatit aussi douloureusement quelle au supplice de son Fils. Aussi dans le ciel, nous lavons couronnée de gloire, élevée au-dessus de tous les anges et de tous les hommes; cétait justice et ainsi faisons-nous toujours 1 ; plus une créature est affligée, humiliée en ce monde pour lamour de moi, plus elle est exaltée et béatifiée au royaume éternel : or, comme personne ici-bas na souffert pour moi autant que ma très douce Mère, personne aussi ne légale dans la gloire.
«Sur la terre elle fut comme un autre moi-même en partageant mes opprobres et mes douleurs ; maintenant elle est encore un autre moi, par la gloire et la puissance. Mais souviens-toi ma fille, quelle ne participe point 2 à la Divinité dont aucune créature ne saurait être participante. La Divinité
1 Cf. La bienheureuse Varani, par la comtesse de Rambuteau, p. 116, Paris, Lecoffre, 1906. Nous avons emprunté à cet auteur la traduction de plusieurs passages.
2 Par nature
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nappartient quà nous : Père, Fils et Saint-Esprit. Sache que toutes les peines et douleurs que jai ressenties dans mon humanité, ma Mère bien-aimée les sentait et les partageait, mais je souffrais, dans une mesure plus parfaite et plus élevée quelle parce que jétais Dieu et homme tout ensemble tandis quelle était une simple créature. Ses peines maffligeaient à tel point que si ceût été la volonté de mon Père éternel, ceût été pour moi une consolation de les prendre toutes sur moi et de len décharger ! Ceût été le plus grand adoucissement à mes maux ; mais je ne pouvais trouver aucun soulagement dans mon cruel martyre. »
« La douleur de ma Mère, a dit le Sauveur à sainte Brigitte, a plus ému mon Cur que la mienne propre, mais jai tout souffert par amour. » (Liv. V, ch. VIII.)
14. Participation aux souffrances de Marie-Madeleine
« Qui dira aussi ce que jai souffert en voyant laffliction de ma fille chérie, Marie-Madeleine ? Cest un autre mystère douloureux, car la perfection de mes sentiments, à moi qui suis lamour-maître, et sa douce affection, à elle, ne peuvent être connues et comprises que de moi seul. Notre mutuelle amitié a servi de principe et de fondement à toutes les amitiés spirituelles des bienheureux. Ils peuvent sen faire une idée, ceux qui ont lexpérience du saint et spirituel amour ; mais atteindre à la hauteur des sentiments de Madeleine, nul ne le pourra jamais
Jamais il ne se rencontra un tel maître, ni une telle disciple ; jamais il ny eut et il ny aura sur terre une autre Marie-Madeleine.
« Sa compassion pour moi ne fut dépassée que par celle de ma Mère ; aussi ma Mère et Madeleine furent-elles les premières à qui japparus après ma résurrection. »
15. Les douleurs de ses apôtres
« Une autre douleur, qui déchirait mon âme, était la pensée fixe et continue de mes apôtres. Je les voyais ébranlés, je les voyais tomber, eux qui étaient les colonnes du ciel et les fondements de mon Eglise militante. Je les voyais dispersés,
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Comme des brebis sans pasteurs ; je pensais à tout ce quils auraient à souffrir par amour pour moi ; je contemplais davance leurs tourments et leurs martyres. Or il faut que tu saches, ma fille que jamais père na eu pour ses enfants, ni frère pour ses frères, ni maître pour ses disciples, un amour aussi tendre et aussi cordial que celui que je portais à ces disciples, à ces frères, à ces fils bien aimés.
Tous les hommes, mes créatures, je les aime dun amour infini ; néanmoins jai voué un sentiment spécial à ceux qui ont partagé ma vie mortelle. Aussi je pensais bien plus à mes apôtres quà moi-même, lorsque je mécriai au Jardin des Oliviers : « Mon âme est triste jusquà la mort. »
Je les voyais sans moi, cest-à-dire sans chef, sans maître et sans père et ce délaissement métait si pénible, quil me semblait une mort anticipée. Quiconque voudra lire le dernier discours que je leur adressai après la Cène, ne pourra, quelque dur quil soit, retenir ses larmes, parce que toutes les paroles qui composent ce discours respirent la compassion ; elles sortaient du fond de mon Cur, qui me semblait se fendre damour pour ses chers amis
« Ce nétait pas dune vue confuse que japercevais de loin leurs cruels martyres. Je voyais crucifier Pierre, décapiter Paul, écorcher Barthélemy, je voyais enfin par quel genre de mort chacun devait finir sa vie. Juge de la peine que jéprouvais dans mon âme par cette supposition. Si tu étais unie à quelque par les liens dun saint amour et que tu la visses injuriée, torturée, suppliciée à cause de toi et pour ton amour, combien tu serais désolée dêtre loccasion de ses souffrances ! Et ta désolation serait dautant plus amère que tu voudrais, au contraire, pouvoir lui procurer paix et consolations. Or, cétait moi, ma fille qui devait être la cause des infortunes de mes apôtres ; aussi de la douleur que je ressentis pour eux, il mest impossible de te donner aucune comparaison.
16. La trahison de Judas
« Il y eut une autre peine, grande, effroyable, qui ne me quittait pas, semblable à un glaive aigu et empoisonné, que
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lon eu enfoncé et retourné continuellement dans mon Cur ; ce fut limpiété et lingratitude de mon disciple si aimé, de Judas, linique, le scélérat, le traître ; puis lendurcissement, la méchanceté, lingratitude de mon peuple choisi, le peuple juif ; enfin laveuglement, la malice lingratitude de toutes les créatures. Combien fut grande lingratitude de Judas ? Après lui avoir pardonné tous ses péchés, je lavais choisi pour un de mes apôtres. Je lui avais donné le pouvoir des miracles, et javais fait de lui le dispensateur de tout ce qui métait offert. Lorsque je vis le dessein de me trahir se former dans son cur, je redoublai les preuves de ma tendresse pour le détourner de cette pensée criminelle, rien ne put toucher son mauvais cur. Au contraire, plus je lui témoignais dattachement et plus il saffermissait dans sa résolution perfide. Enfin vint la Cène, ou je fis cet acte humiliant et si touchant de lui laver les pieds. Je mhumiliai devant lui comme je lavais fait devant les autres, mais mon Cur ny tint plus, je pleurai amèrement. Ce qui me faisait pleurer, cest que je disais intérieurement : O Judas ! Que tai-je donc fait pour que tu me trahisses si cruellement ? O infortuné disciple ! Voilà donc la dernière preuve que je te donnerai de mon amour ! O fils de perdition ! Pourquoi donc veux-tu abandonner ton Père et ton Maître? O Judas ! Si tu désires trente deniers, qui ne vas-tu pas les demander à ma Mère, qui est aussi la tienne ? Elle se vendra plutôt elle-même pour tépargner un crime et me sauver la vie ; Ah ! Judas, disciple ingrat et insensible, je te lave aujourdhui les pieds et les baise avec tant damour, et tu vas me baiser dans quelques heures pour me livrer à mes ennemis ! O mon cher et bien-aimé fils, quel retour pour un père qui pleure ta perte avec plus de douleur que sa passion et sa mort, parce que cest pour sauver quil est venu en ce monde !
17. Larmes et baisers de Jésus sur les pieds de Judas
« Pendant que mon Cur parlait ainsi, mes larmes arrosaient ses pieds, mais il ny prenait pas garde, parce que mes longs cheveux retombant sur mon visage lempêchaient de
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sapercevoir que jétais tout éploré. Mais Jean, mon disciple bien-aimé, à qui javais confié tous les mystères de ma passion, pendant cette douloureuse Cène, observait ma douleur, voyait couler mes larmes sur les pieds du traître, et comprenait très bien quelles provenaient de mon tendre amour pour ce malheureux. Lorsquun père, en effet, voyant que son fils se meurt, sempresse à le servir, cest avec une effusion damour extraordinaire, et il ne peut sempêcher de dire dans son cur : Adieu, mon fils, voici le dernier service quil me sera donné de te rendre. Cest ainsi que jen agissais avec cet infortuné ; je caressais en quelque sorte ses pieds et les baisais avec une tendre compassion. Or Jean, qui épiait, avec son regard daigle, toutes mes actions et tous mes gestes, était plus mort que vif. Lorsque japprochai de lui le dernier, car son humilité lui avait fait prendre la dernière place, voyant que je minclinais pour laver ses pieds, il me prit entre ses bras, où il me tint assez longtemps enlacé, pleurant, sanglotant et me disant dans son cur, sans proférer aucune parole extérieure : O mon Père ! O mon cher Maître ! O mon Frère bien-aimé ! O mon Seigneur et mon Dieu ! Comment avez-vous eu le courage de laver et de baiser de votre bouche sacrée les pieds maudits de ce traître infâme ? O mon cher Maître, mon cur va se fendre si je vous vois laver mes pieds infects et appliquer votre bouche sacrée sur ces objets si méprisables. O mon Dieu ! Chaque nouvelle preuve de votre amour ne sert quà augmenter mon inconsolable douleur ! Après ces paroles Jean se déchaussa cependant par obéissance et me présenta en rougissant ses pieds à laver.
Je tai dit tout cela, ma fille, pour que tu sache combien mon Cur eut à souffrir dans cette circonstance, de la part dun disciple qui semblait prendre à tâche de me montrer dautant plus de haine que je lui témoigne plus damour.
18. La haine obstinée du peuple juif
« La haine obstinée du peuple juif fut aussi pour mon Cur un supplice intolérable, et tu comprendras facilement, si tu prends garde à lingratitude quelle supposait. Javais fait
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des Juifs un peuple saint, un peuple sacerdotal. Je lavais choisi parmi tous les peuples de lunivers, pour la portion de mon héritage. Je le tirai de la servitude et des mains puissantes du Pharaon. Avec quelle tendresse je veillai sur lui dans le désert, le nourrissant dun pain miraculeux, éclairant sa marche aux heures de la nuit et le protégeant, le jour, contre les ardeurs du soleil ! De ma propre bouche je lui donnai ma loi sur le mont Sinaï.
« Je voulus naître de sa race. Enfin, durant les trois dernières années de ma vie je lui prodiguai les guérisons et les miracles. Jai rendu la vue aux aveugles, louïe aux sourds, la parole aux muets, la santé aux malades, la vie aux morts. Et, en retourde tant de bienfaits, jentends les Juifs crier comme dans une tempête de fureur : Donnez-nous Barabas.- Et Jésus ? Crucifiez-le ! Crucifiez-le ! Il me parut alors que mon Cur se brisait.
« Personne ne sais, sinon par une dure expérience, combien il est cruel de recevoir tous les maux de ceux-là mêmes quon a comblé de tous les biens ; pour exprimer cette douleur il nest point de terme ici-bas. »
19. Combien Jésus à souffert de lobstination des pécheurs
Faisant oraison la nuit, raconte sainte Véronique Juliani, jeus une vision intellectuelle par laquelle je vis Notre-Seigneur couvert dune sueur de sang, tel quil était dans le jardin de Gethsémani. Le Seigneur me fit comprendre quelle grande douleur ce fut pour son Cur de voir la perfide obstination de tant de pécheurs endurcis et combien il serait fait peu de cas de son sang très précieux. Et Il me dit : « Quiconque sunira à ces peines intimes que jendurerai, quelque grâce quil désire, je la lui accorderai. » Il me dit encore : « Ma bien-aimée, je souffris beaucoup en portant ma croix sur le chemin du Calvaire, et je souffris beaucoup plus encore dans lintime de mon Cur quand je rencontrai ma très sainte Mère. Et cependant le plus grand était le tourment que me causait la vue continuelle dun si grand nombre de mes enfants, qui devaient ne pas vouloir profiter de douleurs aussi atroces. » (Diario,9 aprile, jour du vendredi saint 1694.)
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20. Gethsémani
Dans son oraison sur Jésus agonisant au Jardin des Oliviers, Marguerite-Marie entendit ces paroles : « Jai plus souffert intérieurement ici quen tout le reste de ma passion, me voyant dans un délaissement général du ciel et de la terre, chargé des péchés de tous les hommes. Jai paru devant la sainteté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, ma froissé dans sa fureur, me faisant boire le calice, qui contenait le fiel et lamertume de sa juste indignation, comme sil eût oublié le nom de Père pour me sacrifier à sa juste colère. Il ny a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que je souffris alors ; et cest cette même douleur que lâme criminelle ressent quand elle est devant le tribunal de la sainteté divine, qui sappesantit sur elle, la froisse, lopprime et labîme en sa juste fureur. » (Ed. Gauthey, II, p. 162.)
« Même si lon écrivait un nouvel évangile, disait Jésus a Marguerite de Cortone, jamais les hommes ne sauraient combien fut déchirante ma douleur au Jardin des Olives. » (Vie intime, ch. v, § 42.)
Un jour après la communion, Notre-Seigneur fit voir à Françoise de la Mère de Dieu le grand poids quIl a porté de la justice de Dieu, son Père, et Il lui dit : « dautant plus que mon Père est juste et équitable, dautant plus lourd était le poids que je portais de la rigueur de sa justice contre le péché ; et plus je suis juste et innocent, plus javais dopposition au péché » (Vie, ch. xv.)
21. Et beaucoup plus encore !
Un jour que saint Vincent Ferrier priait dans léglise du couvent, devant un Crucifix, et quil méditait sur les douleurs du Sauveur, attendri jusquaux larmes, il sécria : Seigneur, est-il possible que vous ayez tant souffert ? Le crucifix, tournant la tête du côté où était le saint, lui répondit : Oui, Vincent, et beaucoup plus encore ! » (Vie, par le P. Pages, Ière part., ch. VIII.)
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22. Couronnement dépines, Crachats
Flagellation. Crucifiement
Sainte Véronique Juliani raconte comment Notre-Seigneur la fit participer à son couronnement dépines : Le Seigneur, dit-elle, a retiré de sa tête la couronne quIl portait et Il ma fait signe quIl voulait me la donner ; puis sapprochant de moi, Il me la mise sur la tête. Je ressentis alors une vive douleur, non seulement autour de la tête, mais partout. Je sentais au milieu du cerveau comme un gros clou qui me faisait presque perdre connaissance. Et le Seigneur me disait : « Cependant ce nest rien auprès de ce que jai éprouvé au couronnement dépines ; ce que tu ressens nest quun faible rayon de mes douleurs ; et il faut que tu les éprouves toutes pour te transformer toute en moi. » (Diario, 3 aprile 1697)
Le Seigneur, dit la même sainte, ma dit quil souffrit beaucoup quand les soldats Lui remplirent la bouche de leurs crachats, de poussière et dimmondices. « Je te le fais savoir afin que tu te prépares plus encore à souffrir, et je te dis que celui qui fera quelque chose en souvenir de mes souffrances non connues, je lui accorderai ce quil me demandera. (Ibid.)
Lamour, dit Bénigne Gojoz, ma appris que ce prodigieux nombre de coups de fouets fut un soulagement pour Jésus et que, par leffusion de tant de sang, son Cur fut soulagé dans son ardeur de souffrir pour la gloire de son Père et le salut des hommes. (Vie, IIe part., ch. XIII.)
De grâce, Sauveur adorable, disait à Jésus Elisabeth Mora, dites-moi ce que je dois faire pour compenser les injures que vous avez reçues de moi et de tant de pécheurs, mes frères.- « Pas autre choses, ma fille, répondit Jésus, que doffrir mes mérites à mon Père éternel. »
(Biografia, ch. XII, p. 107.)
Jésus raconta à sainte Brigitte comment on lavait crucifié : « Etant monté sur la croix, jétendis mes bras, non par contrainte, mais de moi-même, et ayant ouvert ma main droite, je la posai sur la croix ; aussitôt, les bourreaux plein de cruauté la crucifièrent ; la perçant avec un gros clou à la partie où les os étaient plus solides ; puis ils tirèrent et étendirent la main gauche
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pour la crucifier aussi. Après, ayant tiré le corps outre mesure et ayant joint les pieds, ils les crucifièrent et ils étendirent avec tant de violence le corps et les membres que les nerfs, les muscles et les veines en furent presque rompus. Alors ils remirent sur ma tête ma couronne dépines quils mavaient ôtée pour me crucifier; les épines percèrent si bas que mes yeux furent soudain remplis de sang, ainsi que mon visage, mes oreilles et ma barbe. » (Liv. VII, ch., XV.)
Mechtilde dit au Seigneur : Dites moi, je vous prie, de toutes les souffrances quendura le Christ pour nous, laquelle lui fut la plus douloureuse ? LAmour répondit : « Ce fut dêtre étendu en croix, au point que tous les membres étaient sortis de leurs jointures. Lui rendre grâces pour cette souffrance sera pour lui un service aussi agréable que dappliquer sur toutes ses plaies longuent le plus calmant. Lui rendre grâce aussi pour la soif, quil éprouva sur la croix pour le salut de lhomme, sera pour lui comme le rafraîchissement le plus agréable. Lui rendre grâces ppour avoir été attaché avec des clous à la croix, sera pour lui comme si on le délivrait de la croix et de toutes ses peines. » (IIe part., ch. XVII.)
P.171 Jésus victime
24. De chacun de ses tourments
Jésus a fait un principe de grâces
Ecoutons ce touchant colloque de Jésus et de Mechtilde : « Je te le dis en vérité : jaccepterai les larmes répandues pieusement pour ma passion comme si on lavait soufferte pour moi-même.- Comment ferai-je, mon Seigneur, pour obtenir ces larmes ?- Je vais te lapprendre. Pense dabord avec quelle amitié et quelle affection je suis allé à la rencontre de mes ennemis, qui me cherchaient avec des épées et des bâtons pour me faire mourir
23. Pourquoi Jésus nest pas descendu de la croix
Sainte Brigitte entendit le Sauveur expliquer ainsi pourquoi il était resté sur la croix : « Si je fusse descendu de la croix, comment se serait manifestée ma patience invincible ? Et tous se seraient-ils convertis ? Nauraient-ils pas dit que jaurais fait cela à laide de la magie ? Car sils sindignaient de ce que je ressuscitais les morts, guérissais les malades, ils en auraient bien dit dautres si je fusse descendu de la croix. Jai voulu être pris afin que le captif fût affranchi ; jai voulu être attaché afin que le pécheur fût délié ; par ma constance à demeurer en la croix jai rendu constantes toutes les inconstances et jai rendu ferme la faiblesse. » (Liv. v, ch. v.)
24. De chacun de ses tourments
Jésus a fait un principe de grâces
Ecoutons ce touchant colloque de Jésus et de Mechtilde : « Je te le dis en vérité : jaccepterai les larmes répandues pieusement pour ma passion comme si on lavait soufferte pour moi-même. Comment ferai-je, mon Seigneur, pour obtenir ces larmes ? Je vais te lapprendre. Pense dabord avec quelle amitié et quelle affection je suis allé à la rencontre de mes ennemis, qui me cherchaient avec des épées et des bâtons pour me faire mourir, comme si javais été un brigand et un malfaiteur ; cependant je suis allé au devant deux avec lempressement dune mère qui va au devant de son fils pour larracher à la gueule des loups. Secondement lorsquils me frappaient sans pitié de leurs soufflets, autant de soufflets quils me donnaient, autant de baisers affectueux jai donnés aux âmes de tous ceux qui, jusquau dernier jour, doivent être sauvés par les mérites de ma passion. Troisièmement, pendant quils me flagellaient avec tant de férocité, jai fait pour eux une prière si efficace à mon Père céleste, que beaucoup dentre eux en furent convertis. Quatrièmement, lorsquils menfonçaient la couronne dépines sur la tête, autant de pointes dépines pénétrèrent dans mes chairs, autant de pierres précieuses je plaçai dans leur couronne. Cinquièmement, quand ils me clouèrent à la croix et métendirent les membres au point que lon pu compter mes os et mes entrailles, jattirai à moi, par ma divine vertu les âmes de tous ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle, ainsi que je lavais dit auparavant : Lorsque je serai élevé, jattirerai à moi par ma divine vertu les âmes de tout ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle, ainsi que je lavais dit auparavant : Lorsque je serai élevé, jattirerai tout à moi. (Jean, XII, 21.) Sixièmement, lorsque la lance mouvrit le côté, jai présenté dans mon Cur à boire la vie à tous ceux qui en Adam avaient bu la mort, afin que tous devinssent des fils de vie éternelle. » (Ire part., ch. XVIII.)
25 ; Comment Jésus a voulu être lié
Pour être tout au pouvoir de lhomme
Jésus dit à sainte Mechtilde : « Quand jentrai dans le monde au moment de ma naissance, je fut lié de bandelettes
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dans des langes, tellement que je ne pouvais me mouvoir, en signe que je me livrais, moi tout entier avec les biens que japportait du ciel, en la puissance et au service des hommes. Car celui qui est lié na plus de puissance ; il ne saurait se défendre et on peut lui enlever tout ce quil possède. Semblablement quand je sortis du monde, jai été attaché à la croix, sans pouvoir également me mouvoir, en signe que je laissais à lhomme tous les biens que javais acquis durant ma vie mortelle. Ainsi toutes mes uvres, tous les biens que je possédais comme Dieu et comme homme, toute ma passion, tout a été abandonné à lhomme qui peut dès lors me ravir en toute confiance ce qui est à moi, et tout mon désir est quil jouisse de tous mes biens.» (Ire part., ch. v.)
26. Jésus pensait à tous dans sa passion
Ses souffrances ont rendu les nôtres méritoires
« Pendant que jallais à la mort, a dit Jésus à Véronique Juliani, je moffrais et joffrais toutes mes souffrances à mon Père éternel ; dans ce moment je vous avais tous présents devant moi, et joffrais mes souffrances pour tous et pour chacun. Toi aussi tu étais présente à mon esprit et je te faisais participante de tous les mérites de ma passion. Ce fut là le principe de ta sanctification et ce qui rendit méritoires toutes les peines que tu devais avoir. Toutes tes souffrances étaient alors devant mes yeux, aussi bien celles que tu as déjà endurées que celles qui te restent à subir ; et moi; avec le prix infini de mon sang, je te méritais des mérites sans nombre, mérites (que tu dois gagner) par le moyen des souffrances qui te restent à endurer. Vois donc un peu si la souffrance nest pas une bonne chose, elle qui a été rachetée avec toi par le sang que jai répandu. » (Diario, 14 luglio 1697.)
27. Lespoir du pécheur
Le Seigneur dit à Gertrude : « Si tu crois que jai été offert en croix à Dieu le Père parce que jai voulu être offert de
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la sorte, crois aussi que je veux encore moffrir à Dieu le Père chaque jour pour tout pécheur, avec autant damour que je me suis offert en croix pour le salut de tout le monde. Ainsi tout pécheur, quelque énorme poids de péchés qui laccable, peut respirer dans lespoir du pardon, en offrant à Dieu le Père ma très innocente passion et ma mort et quil croie bien que par là il obtiendra une abondante rémission de ses fautes, car il ny a pas sur terre un remède plus efficace contre le péché que le dévot souvenir de ma passion, uni à une vraie pénitence et a une foi droite. » ((Liv. IV, ch. XXV ; ed. lat., p 377.)
CHAPITRE VIII
Les victimes de Jésus
1. Jésus veut et se choisit des Victimes
1. Il y aura toujours des victimes de Jésus
« Ma fille, a dit Jésus à Gemma Galgani, jai besoin de victimes et de victimes fortes. Pour calmer le juste courroux de mon divin Père, il me faut des âmes qui, par leurs souffrances, leurs tribulations et leurs privations, réparent ce que font les pécheurs et les ingrats. Oh ! puissé-je faire comprendre à tous combien mon Père céleste est irrité contre le monde impie. Plus rien ne retiens sa colère et un terrible châtiment se prépare pour tout lunivers. » (Biografia, ch. XXI)
Le Seigneur a dit à Marie Brotel : « Jai toujours répandu sur mon Eglise des grâces abondantes de sainteté pour former des âmes intérieures qui puissent désarmer ma justice. Il y a eu, à toutes les époques, des victimes cachées, qui ont coopéré à luvre du salut des âmes. Cependant jai rarement accordé autant de grâces semblables quà lépoque actuelle ; mais elles sont imparfaitement reçues par la suite de lattache aux
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biens crées et de la crainte de la souffrance. Et cependant si je ne suis pas désarmé par les âmes intérieures, il faut que ma justice frappe de grands coups. » (Vie, ch. v et appendice I, n° 20.) Un jour voyant Notre Seigneur triste et accablé à la vue du malheur des hommes, elle Lui dit : combien cela durera – t-il. « Pour moi, répondit Jésus, je souffrirai dans les membres de mon Eglise jusquà la fin du monde ; pour toi celà finira et sera remplacé par la gloire. » (Ibid., ch.XI.)
Notre-Seigneur montra un jour à Françoise de la Mère de Dieu une grande multitude et lui fit entendre que cétaient les hérétiques dAngleterre. Il lui dit : « Voyez tout ce peuple ; je suis mort pour eux tous, et il ny en a pas un qui maime. Je veux que vous maimiez pour eux et que vous fassiez tous les jours quelque pénitence pour leur conversion. » Une autre fois, au moment où elle se rendait à la récréation, Notre-Seigneur se présenta à elle et lui dit : « Adorez-moi au lieu de ceux qui moffensent ; on me foule aux pieds, on minjurie, on blasphème contre moi. » On sut depuis quen ce moment même des soldats hérétiques commettaient de grandes irrévérences contre le Saint Sacrement. Un autre jour Jésus se montra avec un visage irrité : « Je suis courroucé contre mon peuple ; on foule mes mérites aux pieds ; on profane les sacrements. Jai dessein de châtier le monde par la famine ; cest pourquoi je nai pas envoyé de pluie. Si je ne châtie pas les pécheurs, ce nest pas que je ne le puisse faire,, mais je patiente et les attends à pénitence ; et puisquils ne se convertissent point, je veux faire paraître que je suis Dieu et les châtier. » Et dans une autre circonstance Il dit : « Ce nest plus moi qui suis fâché, cest mon Père ; car comme jai eu soin de sa gloire et suis mort pour réparer le déshonneur qui Lui avait été fait par le péché, Il prend maintenant soin de mon honneur et Il veut me venger des pécheurs qui méprisent mes mérites. » Ces paroles excitaient le zèle de Françoise, qui redoublait ses prières et sacrifices pour les pécheurs. Jésus lui dit encore que bien que toutes les personnes religieuses semploient à Le prier, Il en choisit en chaque communauté quelques-unes pour avoir soin de ses affaires, prendre le parti de ses intérêts et aspirer continuellement à sa gloire, comme faisaient les âmes quelle voyait près
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de Lui, et qui avaient par leurs prières apaisé le courroux de son Père, lequel consentait à attendre encore le monde à pénitence et à différer son châtiment, car il y a longtemps quil serait dans les abîmes sans les prières de ses amis. Il lui explique aussi que sil y a dans chaque couvent quelque âme qui Lui adhère plus particulièrement (qui Lui est plus étroitement unie), il sen trouve quelques unes qui, par leurs négligences et leur peu dattention à Lui correspondre, Lui donne occasion de les laisser et de se retirer delles. (Vie, ch. VI.)
Dans ce cas Jésus va ailleurs chercher des âmes plus fidèles : « Je toffre ce calice, a dit Jésus à Gertrude-Marie, parce que je taime dun amour spécial ; si tu le refuses, je loffrirai à une âme moins aimée que toi et qui lacceptera. »(6 octobre 1907).
Un jour que je souffrais beaucoup, raconte encore Gertrude-Marie, Notre-Seigneur a daigné me faire connaître ses amis de la terre : « Jai mes amis sur la terre comme je les ai dans le ciel, ma-t-Il dit, et ceux là sont mes véritables amis qui souffrent beaucoup pour mon amour. De la souffrance découle un suc mystérieux, qui nourrit lâme, qui la vivifie, qui la transforme pour ainsi dire. » (15 septembre 1907) « Jai été bien des fois sur le point de châtier mon peuple ; mais quand je regarde mes saints, je ne peux plus punir. » (1er octobre 1907.) Plus la persécution se déchaînera, plus je mapprocherai de mes fidèles amis, de mes enfants bien aimés, plus je leur demanderai de souffrir avec moi et pour moi. » (17 octobre 1907.)
Le divin Maître a dit à Benigna : « La faim très ardente que jai de sauver le plus dâmes que je peux me pousse à chercher des âmes que je puisse associer à mon uvre damour. » (Notice, p. 84.)
2. Souffrir avec Jésus
La vie de la vénérable Agathe de la Croix, vierge de lordre de saint Dominique (+ 1621,) fut remplie de douleurs intérieures et extérieures impossible à décrire. Un jour Jésus-Christ se présenta à elle tel quil était au jardin des Olives et lui découvrit son Cur en disant : « Regardez, ma fille,
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ces flots abondants damertume qui mont envahi de toutes parts. Je veux quils environnent aussi votre cur. » Depuis cette vision, elle fut torturée cruellement dans les profondeurs de son âme.
Souvent écrit la Mère Marie du Divin Cur, Notre-Seigneur mexprime son désir de prendre sa demeure dans mon cur pour sy réfugier quand le monde loublie, et pour y trouver son plaisir en conversant avec moi comme un époux avec son épouse. Vous savez déjà, mon Père, de quelle manière je sens souvent sa présence, et que par cela je goûte un bonheur inexplicable. Lautre jour Il ma dit quIl ne voulait pas que je meure parce quIl voulait encore continuer ces relations. Comme Il ne voulait pas que des églises ou sanctuaires où Il habite soient détruits, ainsi Il ne voulait pas non plus que ma maladie me conduise encore à la mort, parce quIl voulait encore conserver cet endroit de son habitation. Il me dit aussi quen trouvant ainsi sa demeure en moi, il ne se trouverait plus seul et isolé dans le monde. (Vie, ch. VIII, 19 novembre 1896.)
Mais par là même quIl la choisissait pour être consolatrice, Jésus lappelait à être victime avec Lui. Notre-Seigneur me fit comprendre que lorsque le corps mystique de la sainte Eglise exigeait des secours pour quelques besoins en général ou en particulier, Il envoyait souvent des souffrances corporelles, maladies etc., à quelques unes de ses épouses, afin dobtenir par là des grâces nécessaires. » (21 novembre 1896.)
Le vendredi dans loctave du Saint Sacrement, 1896, Marie du Divin Cur demandait au Seigneur pourquoi cette prolongation de la maladie et des souffrances ? Jésus répondit : « Jai racheté le genre humain par la croix, par la croix je sanctifie encore les âmes. Plus jattache étroitement une âme à la croix, plus je me la rends semblable par la souffrance et plus aussi je me lunis étroitement. Les souffrances de mes élus achèvent luvre de ma rédemption. Chaque fois que je munis une épouse par la souffrance, cest un nouveau, cest un nouveau couronnement pour luvre de la rédemption. » Il dit encore : « Sache, mon enfant, que de la charité de mon Cur je veux faire descendre des torrents de grâce par ton cur dans les curs des autres. Cest la raison pour laquelle on sadressera
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à toi avec confiance ; ce ne sont pas tes qualités, mais cest moi qui en est la cause. Jamais quelquun qui se rencontrera avec toi ne séloignera sans que son âme soit, de quelque manière, consolée, soulagée ou sanctifiée, ou ait reçu quelque grâce, même le pécheur le plus endurci. Sil veut profiter de la grâce, il ne tient quà lui
Je suis uni à chaque âme qui se trouve en état de grâce, mais jai choisi quelques âmes en particulier pour munir à elles dune manière toute spéciale. Cette union est si sublime et si intime quelle nest surpassée que par lunion entre les trois Personnes de la Sainte Trinité. » (25juin 1896, Vie, ch. IX.)
Après quil eut été décidé quelle nirait pas à Lourdes demander sa guérison, Notre-Seigneur lui dit : « Je veux que tu souffres sans soulagement, sans consolation naturelle. Je déroule devant tes yeux de nouveau le tableau des souffrances, comme aussi le tableau de mon amour. Je te choisi de nouveau comme victime, comme holocauste, et pour lexpiation des sacrilèges, et je te donne de nouveau mon Cur avec tous ses trésors. Ta devise doit être : Amour, sacrifice, réparation. » Un jour Il mavait dit que je devais me laisser jeter comme une balle tantôt dun côté, tantôt de lautre. (23 juillet 1897, ch. x.)
Notre-Seigneur ma invitée à souffrir en réparation des sacrilèges : « Je tappelle à la prière, au sacrifice et aux souffrances. Tes souffrances vont augmenter et tu dois te préparer à de plus grandes souffrances. » Notre Seigneur attendait ma réponse, Il enflammait mon cur de son divin amour, et moi, pleine de confiance en sa divine grâce, je ne pouvais résister à sa demande. Il me présentait des douleurs, des persécutions, des calomnies, le mépris de tous, etc. Jacceptai tout. Il me disait ensuite quIl désirait trouver dans un cur humain un lieu de repos et de consolation préparé par lamour et les souffrances, et que sans aucun mérite de ma part Il avait choisi mon cur, que mon cur devait être un autel, où tout se consume dans les flammes de lamour divin. (7 avril 1897, ch. x.)
Jésus dit à Bénigne Gojoz : « Ta gloire est en la croix ; lEpoux et lépouse, par un effet de grâce et damour, nauront quun trône » et je vis, raconte Bénigne, à lombre de cet adorable
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Crucifié, une petite crucifiée sur la même croix et attachée par les mêmes clous. Cest, lui dit Jésus, pour te faire comprendre létat dunion à mon humanité crucifiée dans lequel je tai mise, dans lequel tu seras longtemps et par lequel tu recevras des avantages infinis qui te rendront comme bienheureuse. Cest dans cet état que jai sauvé lhomme et que jai glorifié mon Père
Ma bonté munit à toi et ma grâce tunit à moi dans les dispositions dune âme crucifiée par amour. Je ressens pour toi le même amour que je ressentis distinctement pour ton âme sur la croix ; ainsi lamour commun entre nous nous unit de nouveau par les faveurs intimes que tu reçois et que tu recevras en cet état présent, dans lequel tu es crucifiée avec moi par union, par amour et par grâce. Lorsque lâme souffre, je suis près delle et je munis à elle par la même souffrance. Tu verras aussi, par cette intime représentation, que si ton âme crucifiée avec moi se regarde en moi, elle sy voit comme dans un miroir très beau, très clair et représentant merveilleusement bien les objets qui sy peignent. » Plus tard, le Verbe divin lui dit cette intime parole : « Epouse, il est mieux et plus convenable à notre amour que tu te renfermes au-dedans de moi-même. Ainsi, dit Bénigne, lamour me cachant en Jésus, je me vis plus auprès de Lui sur la croix, mais je me trouvai dans le Cur adorable de mon Sauveur, et jy fus comme perdue à moi-même durant trois années entières. (Vie, ch. XIV)
3. Jésus choisit ses victimes
Notre-Seigneur ayant apparu à la bienheureuse Marguerite-Marie lui dit : « Je cherche une victime pour mon Cur, laquelle se veuille sacrifier comme une hostie dimmolation à laccomplissement de mes desseins. » Comme elle sen reconnaissait indigne, Jésus lui dit : « Non, je nen veux point dautre que toi, et cest pour cela que je tai choisie. » (Ed. Gauthey, II, p. 561.)
Une autre fois la bienheureuse vit les trois Personnes de ladorable Trinité se présenter à elle ; et il lui sembla que le Père éternel, lui offrant une grosse croix toute hérissée dépines,
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accompagnée de tous les autres instruments de la passion, lui disait : « Tiens, ma fille, je te fais le même présent quà mon Fils bien-aimé. » – « Et moi, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ, je ty attacherai comme jy ai été attaché, et je ty tiendrai fidèle compagnie. » – Le Saint-Esprit ajouta : « Moi, nétant quamour, je ty consumerai en te purifiant. » (T. II, p. 74.)
Jésus-Christ apparut à la bienheureuse Marie-Barthélemie Bagnesi ((1514-1577), crucifié et couvert de plaies sanglantes ; « Je veux, lui dit ce Rédempteur souffrant, je veux tassocier aux douleurs de ma passion. » – O Jésus répondit Barthélémie, pourquoi cette grâce insigne à votre pauvre petite servante ? Dès ce moment, sa tête fut visiblement entourée dune couronne dépines aigues.
Notre-Seigneur apparut à la bienheureuse Ozanne, vierge du tiers-ordre de saint Dominique (1449-1505), sous la forme dun petit enfant ravissant de beauté, le front couvert de belles boucles de cheveux blonds, mais ceint dune couronne dépine et une longue croix sur les épaules : il tendit en souriant ses petits bras vers la jeune vierge et lui dit : « Chère Ozanne, je suis le fils de Marie ; à mon exemple il faut te disposer à beaucoup souffrir ; cependant ne crains point, jamais je ne tabandonnerai. »
La vénérable Anne-Madeleine Rémuzat 1, encore pensionnaire, vit un jour le Sauveur lui apparaître et lui dire : ma fille, je cherche une victime. » La jeune enfant nomme alors à Notre-Seigneur les personnes qui lui semblent les plus saintes, et au nom de chacune Jésus répond : « Non, ce nest pas celle que je veux. » Enfin Il lui dit : « Cest toi-même, ma fille, que je choisis pour ma victime. » (Vie, ch. III.)
La Mère Marie-Dominica-Clara Moes navait que sept ans quand, le 8 décembre 1838, elle fit vu de chasteté perpétuelle : « Viens Epouse bien-aimée de mon coeur
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aimée dun amour éternel et tai choisie de préférence à dautres pour devenir lEpouse de mon Cur divin. » Alors le Cur de Jésus souvrit et la Très Sainte Vierge y fit entrer la petite épouse. « Maintenant, lui dit le Seigneur, tu es toute à moi et je suis tout à toi. Dès maintenant tu ne dois vouloir que ce que je veux, ne désirer que ce que je désire, ne vouloir être que là où je veux que tu sois. Tu ne dois souffrir, travailler et agir que pour moi. Les cadeaux de noces que je te donne sont ceux-là mêmes qui mont été donnés par mon Père céleste, afin que je puisse tacquérir pour mon épouse : ce sont des souffrances, des persécutions, des humiliations et des peines de toutes sortes. » (Vie, I Theil, Kap. Lll, § 3.)
« Ma pauvre petite Marguerite, dit Jésus à lhéroïque pénitente de Cortone, naie pas de doute sur la pleine et entière rémission de tes péchés. Je tai placée pour devenir la lumière éclatante de ceux qui sont placés à lombre de leurs vices et un foyer de chaleur à ceux qui croupissent dans la tiédeur, afin quils maiment et me suivent avec ferveur. Je tai placée pour servir dexemple aux pécheurs, afin quils apprennent clairement de toi quen cédant à mes inspirations et en se préparant à laide de ma grâce, à obtenir leur justification, je suis prêt à user envers eux de la même miséricorde dont jai usé envers toi. » (Vie intime, ch. II, § 5.)
En la fête de Noël 1914, Jésus se montra plein de beauté à Sur Marie-Fidèle, Il lui dit : « Jai soif dâmes qui sachent maimer comme je désire lêtre, qui madorent en esprit et en vérité. Veux-tu donner de la consolation à mon Cur ? Veux-tu accepter de nouvelles souffrances et coopérer à la réalisation de mes desseins envers les âmes. Es-tu prête à tabandonner à moi-même dans la plus grande épreuve, à te laisser consumer comme victime de mon amour, à vivre et à mourir dans cet état ? Plonge-toi dans ton indignité totale, enterre-toi dans ton néant et laisse-toi enterrer. Je ne veux de ton côté aucune autre coopération que labandon ; tout le reste je veux le faire. » (Ed. allem., p. 160 ; éd. franç., p. 171.)
P.181. Les victimes de Jésus
4. Saintes exigences de Jésus
Jésus dit à Gertrude-Marie : « Je suis un Dieu jaloux. Plus jaime une âme, plus jexige delle ; elle ne me donne jamais assez, et cela vient de mon ardent amour pour elle. » (29 octobre 1907.)
Le Sauveur dit à Bénigne Gojoz : « Bénigne, demande-moi le salut de mon peuple, demande-moi que je lui pardonne; emploie à cela tes dix jours (de retraite), ne laisse rien à souffrir pour moi et pour mobliger à faire grâce au monde, surtout à cet Etat (le royaume de Savoie). Renouvelle pour cela toutes tes ardeurs et tes plaisirs souffrants. » Cétaient ses pénitences quIl nommait ainsi. Il lui en demanda des nouvelles et très rudes. Elle obéit et en fit de prodigieuses sans que Jésus souffrit quelle se donnât le moindre soulagement. Une fois, soupirant un peu, il lui arriva de pousser un hélas ! mais le Sauveur lui dit soudain : « Eh quoi Bénigne est elle déjà lasse ? Cette amante de Jésus veut-elle faire ce que na pas fait son Epoux et descendre de la croix ? Oh ! Bénigne, cest ce que le Bien-Aimé ne te permettra pas. Tu dois te refuser ce quun autre peut raisonnablement saccorder. » Je connus alors, dit Bénigne, que les avantages de la souffrance amoureuse sont comme divins, et jappris que les croix délection aident à porter celles de vocation ; que celles dimpression et de participation aux douleurs de Jésus sont les plus pénibles mais aussi les plus méritoires ; que celles que lobéissance cause et impose sont les plus utiles, et que celles que la Providence permet journellement doivent être portées plus amoureusement, comme les plus précieuses. » (Vie, IIIe part., ch. VI.)
5. Lâme doit se faire victime pour consoler Jésus-Victime
Le jour du vendredi saint, au milieu des grâces quelle reçut de Dieu, Mechtilde dit au Seigneur : O mon Dieu très doux, quest-ce que lhomme peu vous rendre pour vous être ainsi lassé arrêter et lier en ce jour pour son salut ? Le Seigneur
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dit : « Quil se laisse lier, volontiers, à cause de moi, du lien de lobéissance.- Quelle louange vous rendra-t-il pour ce que vous avez été couvert des sales crachats des Juifs et cruellement souffleté par eux ? Je te le dit, en vérité, tous ceux qui méprisent leurs supérieurs me crachent au visage. Si lon veut donc moffrir une réparation de cet outrage, on doit honorer ses supérieurs.- Quelles actions de grâce doit-on vous rendre, ô tendre ami, pour les soufflets?- que lon suive rigoureusement les coutumes prescrites et les constitutions de son ordre.- Quelles louange vous faut-il, ô très fidèle ami, pour la souffrance que vous avez endurée, lorsquon enfonça sur votre tête impériale la couronne dépines et quon en fit sortir le sang avec tant dabondance quil voila toute votre aimable face?- Que lhomme résiste avec force aux tentations, et autant de fois quil en aura surmonté, autant de pierres précieuses il placera sur mon diadème, – Que faire, ô le plus savant des maîtres, pour les avanies quon vous a faites en vous revêtant de blanc comme un pauvre insensé ?
Ne cherchez dans les vêtements ni la parure, ni la rareté, mais seulement la nécessité.- Quelles actions de grâce, ô lunique de mon cur, vous offrir pour votre cruelle et barbare flagellation ? – Que lon demeure toujours avec moi dans une fidélité et une patience parfaite, dans ladversité comme dans la prospérité Quest ce que vous accepterez, mon bien-aimé, pour vous être laissé percer les pieds et attacher ainsi à la croix ? Quil sexerce en toutes les bonnes uvres, et que pour moi il évite toute mauvaise action. Quelques actions de grâces, ô douceur sans pareille, doit-on vous rendre pour cette plaie damour que vous avez reçue en croix, cette plaie qui fit sortir de votre très doux cur de leau et du sang pour nous guérir ? Que lhomme conforme toujours sa volonté à ma volonté et que ma volonté lui plaise toujours en tout et par-dessus tout. » (Ire part., ch. XVIII ; ed. lat., p. (51.)
Le Seigneur dit à Gertrude : « Pour que jaie en ton cur
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une parfaite délectation, donne-moi la liberté dy faire et dy renfermer tout ce que je voudrai, une parfaite sans déterminer si ce sera la douceur ou lamertume que jy verserai. » La sainte dit : Enseignez-moi, ô mon unique espérance et salut de mon âme, comment je pourrai vous payer quelque retour pour votre passion, à vous si amère et à moi si salutaire ? « Si quelquun suit le sentiment dautrui et non le sien propre, répondit le Seigneur, il me payera la captivité, les liens et les injures que jai subis, dès le matin pour le salut. Celui qui avouera humblement quil est coupable, me dédommagera de laccusation portée contre moi à la première heure, par de faux témoins, et de la sentence de mort qui en est résulté. Celui qui prive ses sens des choses qui peuvent les flatter me paie la flagellation que jaie subie à la troisième heure et celui qui obéit à des supérieurs maussades et difficile, me soulage de ma couronne dépines. Celui qui, étant offensé fait le premier des démarches pour la paix me récompense de mon portement de croix. Si quelquun étend ses efforts dans les uvres de charité au-delà de ce quil peut, il me solde cette extension cruelle qui, à la sixième heure, me fit étendre les bras sur la croix. Celui qui affronte loutrage et la tribulation pour retirer le prochain du péché, me paye la mort que jai soufferte à la neuvième heure pour le salut des hommes. Celui qui, étant outragé, répond avec humilité, fait comme sil me descendait de la croix. Enfin celui qui préfère le prochain à soi même, trouvant quil a droit à plus dhonneurs, de commodités, ou dautres avantages, celui-là me paye pour ma sépulture. » (Liv. IV, ch. XXXI.)
6. Jésus continue de souffrir dans ses intimes
Le Seigneur dit à Gertrude : « Lamour qui manimait au temps de ma vie mortelle, lorsque jenduras en mon corps toutes les angoisses et les amertumes de la passion et de la mort, aujourdhui même que je suis devenu immortel, je léprouve en ton cur, qui tant de fois sest ému et pénétré de compassion au sujet de mes angoisses et de mes amertumes pour le vrai salut de tous ceux qui doivent être sauvés. Cest
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pourquoi je te donne, pour cette compassion avec laquelle tu as compati durant ce jour à mes douleurs, tout le fruit de ma sainte passion et de ma précieuse mort, en augmentation de ta béatitude éternelle. » (Liv.IV, ch.XXV ; éd. lat., p. 379)
7. Jésus donnant sa croix à lâme sa victime
Un jour que, pendant son oraison, Marguerite-Marie considérais Notre-Seigneur sur larbre de la croix, Jésus la tint fortement attachée à Lui : « Reçois, ma fille, lui disait-Il, la croix que je te donne et plante-là dans ton cur, layant toujours devant les yeux et la portant entre les bras de tes affections. Les plus rigoureux tourments quelle te fera sentir seront inconnus et continuels : une faim sans te rassasier, une soif sans te désaltérer, une ardeur sans rafraîchîssemment. » La sainte ne comprenant pas ces paroles, Notre-Seigneur lui en donna lexplication : « Lavoir dans ton cur, c’est-à-dire quil faut être crucifié en toute chose ; la porter entre tes bras, c’est-à-dire lembrasser amoureusement toutes les fois quelle se présente, comme le plus précieux gage de mon amour que je te puisse donner en cette vie. Cette faim continuelle des souffrances sera pour honorer celle que javais de souffrir pour mon Père éternel ; cette soif sera de moi et du salut des âmes, en mémoire de celle que jai eue sur larbre de la croix. » (Ed. Gauthey, II, p.154)
8. Ce que Jésus choisit pour ses amis
Un jour Notre-Seigneur se présenta à sainte Marguerite-Marie, portant dune main le tableau de la vie la plus heureuse pour une âme religieuse, et de lautre, une vie abjecte, crucifiée : « Choisis, ma fille celui qui tagréera le plus : je te ferai les mêmes grâces au choix de lun comme de lautre. » Elle répondit : O mon Sauveur, je ne veux que vous et le choix que vous ferez pour moi. Alors Il lui dit, en lui présentant le tableau de crucifixion : « Voici que je tai choisi et qui magrée le plus, tant pour laccomplissement de mes
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desseins que pour te rendre conforme à moi. Lautre tableau est une vie de jouissance et non de mérite pour léternité. » (Ed. Gauthey, II, p.78.)
9. Ce que préfèrent les amis de Jésus
Le 2 février 1697, Jésus se montra à Véronique Juliani sous les traits dun enfant de six à sept ans, tenant à la main un lis, une palme et une croix. Il lui dit : Veni sponsa mea (Viens mon épouse et des saintes et des anges répondirent : Viens, tu seras couronnée. Alors le Seigneur présenta à la sainte deux couronnes, une dépines et lautre de pierres précieuses. Il linvita à choisir. Sans en choisir aucune, dit la sainte, et toute soumise au divin vouloir, javais cependant un vif désir de la couronne dépines. Le Seigneur me contenta ; de sa main Il me la posa sur la tête Il donna à la très Sainte Vierge, qui se tenait près de Lui la couronne de pierres précieuses. Jésus tenait encore à la main le lys et la palme : combat et victoire, et il faisait signe à la sainte de prendre lun des deux ; sur le lys était écrit ces mots : joies et contentements : sur la palme : combats et victoires. Cette fois encore, je men remis au bon plaisir divin. Il me donna la palme, qui, tout aussitôt devint une croix et Il remit le lis à la Très Sainte Vierge. (Diario, 2 febraio 1697.)
Notre-Seigneur apparut à la bienheureuse Catherine de Racconigi lorsquelle navait encore que dix ans lui présentant deux couronnes ; lune de fleurs, lautre dépines . Elle choisit pour celle dépines pour être plus semblable à son Bien Aimé qui lui dit en souriant : « Je loue ta grandeur dâme dans le choix que tu fais, mais tu nes encore quune faible enfant, et tes forces ne sont pas en proportion avec ton cur. Je ne couronnerai donc point encore ton front avec un diadème douloureux : je te le garde pour plus tard. » Elle le reçut en effet plus tard.
La bienheureuse Ozanne de Mantoue, favorisée de la couronne dépines et de la plaie du côté, obtint, après un an de prières ferventes la grâce de participer aux autres douleurs de son Epoux. Il lui apparut environné dun admirable éclat
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et lui dit : « Tu veux donc avoir mes stigmates ? »- Oh ! oui, et plus que je ne puis lexprimer.- Prends garde, ma fille lui dit Notre-Seigneur, les douleurs que tu désires sont bien cruelles et au-dessus de tes forces. Il vaudrait mieux pour toi supporter une peine modérée que de succomber sous de nouveaux tourments. Tu te repentiras peut-être de ta demande. » – Rien ne sera trop lourd pour mes épaules, répondit Ozanne, si vous venez à mon secours. Il y a longtemps que jai mis mon espérance en Vous ; remplissez donc votre promesse. Notre Seigneur lassura de son secours et lui accorda la faveur quelle sollicitait.
Sainte Catherine de Sienne souffrait beaucoup dune horrible calomnie ; et elle répandait devant Dieu ses prières et ses larmes, lorsque le Sauveur lui apparut, tenant dans sa main droite une couronne dor enrichie de pierres précieuses et dans sa main gauche, une couronne dépines. « Ma fille bien aimée, lui dit-Il apprends quil faut que tu portes lune après lautre ces couronnes; choisis celle que tu préfères maintenant. Si tu prends la couronne dépines pour cette vie, je te garderai pour lautre la couronne précieuse; mais si tu prends la précieuse, il faudra porter celle dépines après ta mort. Moi, Seigneur dit Catherine, jai depuis longtemps renoncé à ma volonté et promis de suivre en tout la vôtre : je nai pas de choix à faire : mais si vous voulez que je réponde, je vous dirai quen cette vie je préfère et veux être conforme à votre bienheureuse passion, que mon bonheur sera de toujours souffrir pour vous. Aussitôt prenant à deux mains la couronne dépines, elle la met avec tant de force sur sa tête que les épines y entrent de toutes parts. Alors le Seigneur lui dit : « toute chose est en mon, pouvoir, et si jai permis ce scandale, je puis le faire cesser en un instant. Achève luvre que tu as commencée ; ne cède pas au démon qui ten empêcher ; je te donnerai sur lui une victoire éclatante; tout ce quil a préparé contre toi tournera à sa honte et à ta gloire. » (Vie, par le bienheureux Raymond, IIe part., ch. IV.)
Il fut montré à Marguerite-Marie, un jour quelle était devant le Saint Sacrement, lardeur dont les séraphins sont embrasés, et elle entendit ces paroles : « Naimerais-tu pas mieux jouir avec eux que de souffrir, être humiliée et méprisée
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pour contribuer à létablissement du règne de mon Cur dans ceux des hommes? » Sans hésiter elle embrassa la croix, toute hérissée dépines et de clous qui lui était présentée. (Ed. Gauthey, II, p. 304.)
N°10 Ceux qui nous font souffrir sont les instruments de Dieu
Notre-Seigneur voulait que Margueritte-Marie ne cherchât quen Lui sa consolation. Sil arrivait, dit-elle, que je me voulusse procurer quelque consolation, Il ne me faisait rencontrer que de la désolation et de nouveaux tourments pour tout soulagement. Il lui dit un jour : « Je te fais bien de lhonneur, ma chère fille, de me servir dinstrument si nobles pour te crucifier. Mon Père ma bien livré entre les mains cruelles des bourreaux pour me crucifier, et moi je me sers, pour cet effet, à ton égard, de personnes qui me sont consacrées et au pouvoir desquelles je tai livré. Je veux que tu moffre pour leur salut tout ce que tu souffriras.» (Ed. Gauthey, II, p. 97.)
N°11 Compatissons aux souffrances de Jésus
Une fois, Notre-Seigneur lui montrant le mauvais traitement quIl recevait dans une âme où Il était comme lié, foulé aux pieds et méprisé, lui dit dne voix triste : Regarde comme les pécheurs me traitent et me méprisent. » Elle le vit encore dans un cur qui résistait depuis longtemps à son amour. Il avait les mains sur ses oreilles sacrées et les yeux fermés, disant : « Je nécouterai point ce quil me dit, ni ne regarderai point sa misère, afin que mon cur nen soit pas touché et quil soit insensible pour lui comme le sien lest pour moi. » (Contempl., p. 68.)
Après la sainte communion, son divin Epoux se présenta à Marguerite-Marie, sous la forme dun ecce homo, tout couvert de plaies et de meurtrissures : son sang adorable coulait de toutes parts. Il lui disait dune voix triste et douloureuse : « Ny aurait-il personne qui ait pitié de moi et qui veuille
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compatir et prendre part à ma douleur, dans le pitoyable état où les pécheurs me mettent, surtout à présent ? » (Vie, p. 366 ; éd.Gauthey, II, p. 114.)
Le 28 juin 1694, raconte sainte Véronique Juliani, étant la nuit en oraison, Notre-Seigneur se fit voir à moi tout couvert de plaies de la tête aux pieds, et Il me dit: « Vois comme mont traité les pécheurs. » Et pendant quIl parlait, ses plaies se rouvrirent, et le sang coulait de toutes parts.
Il me donna alors une certaine connaissance de ce quest le péché. Hélas, on ny pense pas. Je crois que si cette lumière eût dure quelque temps, jen serais morte de douleur. (28 gennaro 1694.)
N°12 Les bras en croix
Gertrude dit au Seigneur : Enseignez-moi, mon excellent Docteur, une pratique que nous puissions particulièrement observer en mémoire de votre passion. Le Seigneur répondit : « Priez, les bras étendus et représentez ainsi à Dieu le Père une image de ma passion, pour le bien et lamendement de toute lEglise, en union de cet amour avec lequel jai étendu les mains sur la croix. » – Si lon voulait agir ainsi, il faudrait se cacher en un coin, dit la sainte, car ce nes pas la coutume. Le Seigneur répondit : « Cette attention à chercher un coin me plairait déjà et relèverait cette action ainsi que des perles relèvent une parure. » Et Il ajouta : »Si quelquun se faisait une pratique de prier ainsi publiquement les bras étendus, sans craindre les contradictions, il me ferait autant dhonneur quen fait à un roi celui qui le met sur le trône 1.. » (Liv. IV, ch. XVI.)
1 Jeanne-Bénigne Gajoz, en priant, se tenait souvent à genoux, les bras en forme de croix, pace quelle était assurée par lexpérience quelle en avait faite, que Dieu ne lui refusait rien de ce quelle Lui demandait en cette posture crucifiée et crucifiante, de laquelle souvent elle était élevée à des transports desprit, en sorte que ses pieds ne sappuyant point, elle souffrait plus quen toute autre de ses pénitences. (Vie,Iére part.., ch.XV.)
Catherine Emmerich attribuait aussi une grande puissance à la prière faite les bras en croix. Le Seigneur, disait-elle ne me refuse rien, car son divin Fils a de la sorte persévéré dans la prière jusquà la mort. (Schmoeger, Fribourg, 1896, 1896, Kapitel XVI, §9.).
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N°13Dieu, en donnant les stigmates se propose le bien des âmes
Le 20 mai 1697, le Seigneur apparaissant à Véronique Juliani lui montra ses plaies et lui dit : « Ces plaies, je les ai mises en toi (par les stigmates) pour le bien de toutes ces âmes et aussi du monde entier ; mais je ne trouve personne qui veuille les recevoir. On a plus foi en moi ; tous sappuient sur des créatures aussi fragiles queux-mêmes. Dis tout cela à ton confesseur, manifeste tout, décrit tout afin quon sache lamour infini que je porte à toutes les âmes. De nouveau, je te dis de ne pas craindre dêtre trompée ; toutes ces uvres sont miennes ; ce sont les effets de mon amour infini que je porte à toutes les âmes. Toutes ces uvres sont miennes ; ce sont les effets de mon amour pour toi, ô mon épouse. »
Mgr. Eustachi, évêque de Citta di Castello, avait voulu examiner et faire examiner la plaie que la sainte avait au côté ; il en coûtait extrêmement à celle-ci de montrer cette plaie a différentes personnes ; pour diminuer cette peine, le Seigneur lui envoya une extase, et elle ne put savoir par qui elle avait été examinée. Elle demanda au Seigneur : Combien de personnes ont vu cette plaie, Seigneur, et tout ce quont fait le prélat et mon confesseur était-ce bien de votre goût ? Elle reçu de Jésus cette réponse : « Tiens-toi tranquille ; jai voulu que tout se passât ainsi, et jen ai tiré beaucoup de bien pour une âme et jen tirerai plus encore. Jaime tant les âmes que je voudrais que tout le monde le vît et le connût, afin que se ravivât le souvenir de ma passion, et que se renouvelât parmi les chrétiens la foi qui est bien tombée. On na plus que le nom de chrétiens. Surtout par le moyen de ces plaies qui sont les miennes, dans toutes tes uvres et tes prières, recommande les besoins de la sainte Eglise. De nouveau je te confirme comme médiatrice entre moi et les pécheurs. »
Le 2 juin suivant, Il lui dit encore : « Je suis ton Epoux, et
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Je veux que tu sois ma médiatrice auprès de tes Surs pour les attirer toutes à moi. Je veux me servir de toi. Aussi ces plaies que jai mises en toi ne sont pas pour toi seule, mais pour toutes, afin que par ce moyen toutes puissent recevoir le fruit de ma passion, Ces plaies seront un motif de plus davoir parmi cette vraie charité que je souhaite tant voir dans toutes leurs âmes. Dis leur de ma part que je les aime dun amour infini, que toutes se donnent à moi, quelles se dépouillent de tout et quelles sabandonnent entièrement à moi. Et tout ce que je te dis, manifestele à celui qui tient ma place. » (Diario, 1697.)
N°14 Lamour tient lieu de stigmate
Pendant quelle réfléchissait à la grâce des stigmates accordée par le Seigneur à saint François et à sainte Catherine de Sienne, la Mère Anne-Marguerite Clément sentit une douleur au fond de son cur aussi violente que sil eut été percé en cinq endroits ; aussitôt elle entendit ces paroles du Sauveur : « Je veux imprimer sur ton cur cinq sortes damours au lieu des stigmates dont jai marqué mes amants, afin quils te soient comme un mémorial qui te fasse toujours souvenir de ma passion et de ma mort. Ils seront comme des pierres précieuses qui orneront ton âme pour me la rendre plus agréable ». Et Il lui expliqua les cinq blessures quelle avait reçues : « La première a été faite par lamour souffrant qui endure tout sans se plaindre ;; la deuxième par lamour languissant dans lattente du Souverain Bien ; la troisième par lamour sincère, pur et dépouillé de tout le crée ; la quatrième par lamour constant, et fort à porter toute sortes de tourments ; la cinquième par lmour persévérant qui ne se lasse point de combattre contre soi-même et contre les ennemis de lâme. » (Vie, 1915, p. 385.)
Saudreau P.19I Les victimes de Jésus
II. Jésus encourage et fortifie ses victimes
15. Jésus prédit des tribulations à ses amis
16. et leur promet ses faveurs
Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Je suis ton Sauveur, ô ma fille, qui ait souffert le supplice de la croix pour effacer la sentence de mort portée contre toi et pour te ramener à moi par la pénitence comme Mathieu et Madeleine. Tu ne sortiras pas de ce monde par le martyre du sang comme saint Mathieu, mais de même que Madeleine a été lobjet de nombreux murmures après avoir foulé aux pieds ses vains ornements pour me suivre, ainsi beaucoup se moqueront de toi, parce que tu marches à ma suite. Toutefois nen ai cure, puisque tu es ma fille, mon amie, ma sur que jaime par dessus toutes les femmes qui vivent à présent sur la terre. Dis à ton confesseur de demander au Père Jean de prier instamment pour toi car tes peines seront telles que tous deux auront des doutes à ton égard, et ces doutes resteront fixés dans lesprit dun certain nombre jusquà ta mort
Je ne veux pas que tu examines tes peines, ni que tu les comptes, mais que tu reposes avec elles entre tes bras de mon amour
» (Vie intime, ch. v, § 15.)
« Ne crains pas que les promesses que je tai faites ne saccompliront pas ; tu seras grande dans le ciel si tu supportes sans murmurer et sans te plaindre les peines que je tai annoncées. » (Ibid ., § 16.) Donnez-moi dit Marguerite, une pleine sécurité de vos promesses.- Tu ne peux posséder, dit le Seigneur, cette sécurité pendant ta vie, tu nen jouiras que dans le ciel. »- Seigneur, reprit Marguerite, vos saints ont-ils éprouvé comme moi cette inquiétude ? « Jai donné à mes saints la force dans leurs supplices ; la sécurité, ils ne lont eue quau ciel. ( § 17 .) Tes peines croîtront, parce que le temps de ta vie sera abrégé » ; elle vécut cinquante ans, elle avait trente ans lors de sa conversion.(§ 27.) Tu nauras une confiance pleine et parfaite que dans la gloire de mon royaume. Jagis ainsi afin que tu conserves
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Les grâces que je tai accordées, que tu les augmentes et que tu reste dans la vigilance et la sollicitude de ton salut. » (§29.) « Tu crois, lui dit-il un autre jour, avoir passé locéan des tribulations que tu dois endurer, mais tu souffriras encore beaucoup de peines, de murmures, et tu seras délaissée. (§28.) Je ne veux pas que tu goûtes lallégresse en ce monde, pas plus que je ne lai goûtée moi-même. Tu me suivras en partageant mes peines. Je te prépare des tribulations, parce que tu es dans la voie et non dans la patrie. Je serai et je ne serai pas avec toi. Je te revêtirai de ma grâce, mais tu ten croiras dépouillée, parce quen étant en toi, je ferai en sorte de nêtre pas reconnu. Je veux te conserver dans ma crainte, afin que tu croisses en ma grâce. (§ 33.) Sache que dici peu ton confesseur sefforcera de taider dans tes peines, sans pouvoir réussir, parce que je tappelle à moi par cette voie. (§ 39.) Tu nauras jamais de toi une complète sécurité pendant ta vie, ni même ceux qui te dirigent. Tous les jours de ta vie jusquà celui de ta mort, tu recevras de nouvelles grâces et aussi de nouvelles afflictions. (Ch. VII, § 21.) Jusquà la fin de ta vie tu croîtras sans cesse dans mon amour. ( § 25.) Prépare-toi au combat et aux souffrances, car ils seront rudes et terribles tout le temps de ta vie. Comme on purifie lor en le jetant dans la fournaise, ainsi je te purifierai par les tribulations, les tentations, les infirmités, les douleurs, les craintes, les veilles, les larmes, la faim, la soif ; lorsque tu seras ainsi purifiée, tu passeras à la gloire de léternelle félicité. Cependant ne te laisse pas abattre, arme toi de courage, souffre avec joie toutes ces épreuves, je serai avec toi et je te soutiendrai par les consolations de ma présence. (Ch. v, § 1er.) Ne cherche pas mes baisers, ô ma fille avant davoir souffert pour mon amour toutes les peines qui te sont réservées. » (Ch. VI, § 11.)
Un jour de vendredi saint le Seigneur montra dans une vision au vénérable François de Hoyos comment les princes des prêtres et les anciens du peuple lavaient traité dimposteur, de menteur et dhypocrite; et Il lui dit : « Le jour viendra où toi aussi on te traitera dimposteur, de menteur et dhypocrite ; regarde-moi bien, et fais selon le modèle que je te montre. » (Vida, XII.)
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Mais il y aura à combattre et ton confesseur aura sa part de ces luttes. Dis-lui de ma part quil nait en vue que ma gloire et le bien de chacune des âmes, et quil aille de lavant. Que lon dise ce que lon voudra, il devra ny pas prendre garde. Je suis pour lui, quil ait confiance en moi. » (Diario,) 10 giugno 1695.) Le matin du même jour, à la sainte communion, le Seigneur montra à Véronique une grande croix, lui disant : « Cette croix test destinée, je te la mettrai sur les épaules, mais je taiderai
Cette croix est le gouvernement de ce monastère ; je veux que tu aies cette charge pour accomplir tous mes desseins sur toi pour toi ; il y aura là pour toi de grandes souffrances; mais ne crains pas, je suis et serai toujours avec toi. » (Ibid.) La sainte demandait souvent au Seigneur daugmenter ses peines ; Jésus lui dit un jour : « Si tu demandes des peines, il faut que ton amour grandisse. « 11 gugno 1697.) « Tu es ma bien-aimée, lui dit-Il une autre fois, cest pourquoi je veux que la souffrance soit constamment avec toi. « (6 gennaro 1699.) Un jour Il lui fit voir tous les instruments de sa passion et lui dit : « Ils sont tous pour toi et tu dois participer à tous les tourments quils me causèrent. Ce sera pour toi une cruelle torture, mais elle te servira de purgatoire et ton âme sera purifiée de ses péchés comme lor dans le creuset est purifié par le feu. » (15 octobre1702.) Une autre fois Il la conviait par un appel pressant à partager ses douleurs : « Apprend de moi que je suis doux et humble de cur. Allons ! Coeur pour cur, vertu pour vertu. Unis- toi à moi ; vis toute pour moi ; donne-toi toute à moi. Que fais-tu, âme nonchalante ? Ne vois-tu pas que mes peines te crient de me suivre, que les fouets de ma flagellation, que mes angoisses et toutes mes douleurs tinvitent, que les épines, les clous et la croix sont autan de voix qui pénètrent dans ton cur et dans ton âme ? Cest moi qui te parle et qui, par ces instruments de ma passion te fait participante de mes douleurs, afin que tu apprennes à souffrir et dans les souffrances à pratiquer toutes les vertus, car les souffrances et la vertu vont toujours ensemble. » (19 aprile 1715.)
Un jour que toutes les Surs se hâtaient pour aller entendre la parole de Dieu, la sur Mechtilde malade dut rester dans sa cellule. Comme elle sen plaignait au Seigneur, le
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consolateur des affligés lui apparut sous lhabit des Frères Précheurs et lui fit ce sermon : Vois, mon épouse comme mes yeux sont beaux, comme ma bouche est droite, comme mon Cur est embrasé, comme mes mains sont fines et délicates, comme mes pieds sont agiles et imite-moi. Tu dois endurer avec moi les souffrances de ma passion : on te trahira par envie, on cherchera à semparer de toi par des détours, on te prendra par la haine,, on te liera par des calomnies, on te voilera les yeux en refusant de croire à tes paroles ; la haine du monde te frappera par ses soufflets, tu sera enchaînée par lobéissance, tu seras traduite au tribunal de la confession, frappée par limposition de la pénitence, envoyée avec mépris à Hérode, dépouillée dans lexil, flagellée dans la pauvreté, couronnée des épines de la tentation, couverte des crachats du mépris ; tu portera ta croix dans lhorreur que tinspireront les péchés, tu seras crucifiée en renonçant à tout ce qui serait conforme à ta volonté, clouée à la croix par lexercice des vertus ; blessée par lamour tu mourras en croix restant immobile par ta persévérance. Ton cur sera percé par lamour ; tu seras détaché de la croix en triomphant de tes ennemis, tu seras ensevelie par lhumiliation ; tu ressusciteras des morts en expirant pieusement tu monteras au ciel enlevée par le souffle de Dieu. » (Liv. Ier, ch. XIII.)
Quand le projet formé par sainte Thérèse détablir un couvent réformé fut connu à Avila, une violente persécution séleva contre elle. Je ne savais, dit-elle que devenir.
Comme je me recommandais à Dieu, Notre-Seigneur daigna me consoler et mencourager : « Je verrais par là, me dit-Il, ce quavaient souffert les saints qui fondèrent les ordres religieux : il me restait encore à souffrir des persécutions plus nombreuses que je ne pouvais limaginer, mais nous ne devions pas nous en mettre en peine. » (Vie, ch.XXXII.)
Notre-Seigneur apparaissant un jour à la Mère Elisabeth de la Croix 1ui dit quIl lavait choisie particulièrement pour
1 La Mère Marie-Elisabeth de la Croix (1582-1629) fut la fondatrice dun couvent de Refuge pour les repenties à Nancy. Boudon a écrit lhistoire de sa vie, qui fut celle dune sainte. (uvres de Boudon, Migne.)
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la croix, quelle nétait pas appelée à de certaines opérations de son divin amour quelle avait lues dans les vies de quelques saints, mais bien pour souffrir et par ses souffrances coopérer au salut des âmes et quainsi, en quelque lieu quelle fût, elle ne pensât pas à être exempte de peines. Un jour Notre-Seigneur lui dit : « Suis- moi » et elle vit le chemin par lequel Il voulait quelle Le suivit, tout parsemé de croix grandes et petites. (Ire part., ch. Ier.)
Le 2 novembre 1672, étant devant le Saint Sacrement pour lui faire amende honorable de labus quelle avait fait de ses grâces, Marguerite-Marie simmolait à la divine volonté, priant le Seigneur de recevoir le sacrifice delle-même quelle désirait Lui faire et de lunir au sien. Notre-Seigneur lui répondit : « Souviens-toi que cest un Dieu crucifié que tu veux épouser ; cest pourquoi il te faut rendre conforme à Lui en disant adieu à tous les plaisirs de la vie, puisquil ny en aura plus pour toi qui ne soient traversés de la croix. » (Ed. Gauthey, I, pp. 86-89.)
« En épousant ton âme, a dit Jésus à Sur Saint-Martinien, je tai avertie que tu souffrirais ; la souffrance ne teffrayait pas ; tu mas tout donné, par conséquent je suis maître dagir comme bon me semblera ; tu auras part à mes souffrances afin davoir part à ma gloire. Je me plais à te voir combattre et parler de moi à ceux et à celles qui ne pensent pas à moi. Je ten prie, ma fille, mon épouse, toi qui mes si chère, console mon Cur ; je te lai donné avec toutes mes vertus : prends chacune delle et offre-les-moi pour chacun des vices contraires qui se produisent sous tes yeux. Je ten prie, prends part à mes douleurs ; console mon Coeur il en a besoin, et à mon tour je consolerai le tien. » (Lettre du 20 septembre 1861.)
17. Jésus fait connaître la part que le ciel et lenfer
Prendront aux épreuves de sa victime
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi était professe depuis une année quand, la veille de la Pentecôte, le Verbe éternel lui annonça les épreuves par où elle devait passer : Sache quà
P.197 commencer du jour de la fête de la Sainte Trinité, tu me seras tellement unie que tu entreras en partage de tous les trésors du ciel. Sache, de plus, que pendant cinq années tu seras privée des douceurs sensibles de ma grâce, et tu te trouveras dans une espèce de sécheresse spirituelle, qui te fera croire que tu es abandonnée de Dieu et des hommes. Mais persuade-toi que ce ne seront que des apparences trompeuses, que jamais je ne retirerai la main qui te soutient et que dans toutes les occasions je serai toujours prompt à te secourir. Du reste cet état de privation où tu vivras, sera un sujet de plaisir et de complaisance au Père éternel, un motif de joie aux Esprits bienheureux qui entourent le trône de la divinité, un exemple pour tous les hommes, une augmentation de supplice aux damnés, la confusion des démons, un soulagement des âmes du purgatoire et une abondante consolation pour toi-même. Je veut en user avec toi comme un vaillant capitaine en use avec ses soldats, ne les élevant au premier rang quaprès avoir longuement éprouvé leur courage
En récompense de la fidélité que tu mettras à observer mes ordres, je te donne ma parole que tous les vendredis, à lheure où jexpirai sur la croix, tu recevras cet Esprit que je rendis entre les mains de mon Père, et quoique ce ne soit pas toujours dune manière sensible, elle nen sera pas moins véritable, car dans ces instants tu me seras tellement unie quil serait plus facile quun homme vive sans cur que lEpoux céleste sans son Epouse bien aimée
Plusieurs monstres sortiront de lenfer pour faire de toi le théâtre de leur fureur, ils ne se contenteront pas dexercer leur rage sur ton corps, ils tenteront toutes sortes de moyens de porter leurs atteintes jusques à lâme
Les saints, ces grands protecteurs qui prennent un soin si particulier de tout ce qui te regarde, ne tabandonneront pas. Ils te donneront une nourriture toute spirituelle pour soutenir ton esprit dans tes faiblesses, et mêleront à tes peines et combats des consolations qui, pour être moins sensibles, nen seront pas moins vraies et solides. » (Vie de la sainte, par Paccini, confesseur du couvent, trad. Brochand, Paris, 1670. Ire part., ch. XIV.)
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17. Jésus fait connaître quels sont ses préférés
Angèle de Foligno demandant au Seigneur de lui faire connaître ses véritables enfants, Il lui répondit par cette parabole : «Un homme qui a beaucoup damis prépare un festin avec soin immense et les invite ; mais beaucoup dentre eux ne viennent pas. Quelle sera la douleur de celui qui a préparé un festin très abondant? Il place tous ceux qui sont venus à la table du festin. Bien quil les aime tous et quà tous il fasse part de son banquet, cependant il place ceux quil aime davantage à ses côtés, à une table spéciale. Il invite ses amis intimes à manger dans le même plat et à boire à la même coupe que lui. » – Seigneur, dis-je avec joie, quel est le festin ? Quand avez-vous invité tout le monde ? Oh dites-moi, dites- moi ! Il répondit : « Jai invité tous les hommes à la vie éternelle : que ceux-là viennent qui veulent venir ! Personne ne peut sexcuser et dire : Je ne suis pas invité. Et si tu veux voir combien jai aimé les hommes et désire les voir à ma table regarde la croix. Quelques uns viennent et prennent place. » Ici Jésus me donnait à entendre quil est lui-même la table et la nourriture des convives.- Et ces appelés, dis-je alors, par quelle voie sont ils venus ? « Par la voie de la tribulation, me fut-il répondu. Ce sont les vierges, les chastes, les pauvres, les infirmes, les éprouvés. » Et il nommait les nombreuses catégories de ceux qui doivent être sauvés. Et ma joie fut immense, car je compris lordre et la raison de toutes ces choses. Tous ces élus portaient le nom de fils. Et il métait dit comment la virginité, comment la pauvreté, la maladie, la perte des proches, des biens temporels, toutes les tribulations étaient imposées pour leur bien à ces enfants du Seigneur. Ils ne le comprennent pas tout dabord, mais plus tard ils supportent paisiblement ces épreuves et reconnaissent quelles viennent de Dieu. Mais les invités à une table spéciale, qui boivent à la table du Seigneur, qui mangent au même plat que Lui, sont ceux qui veulent connaître quel est cet homme si bon qui les a invités, afin de pouvoir lui plaire
Ils comprennent combien le Dieu tout-puissant les a aimés et ils se savent indignes. Pour le com
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Prendre, ils vont à la croix, ils sy fixent et ils regardent, ils y reconnaissent lamour
Lâme alors apprend quelle doit mourir à elle-même, à ses vices et à ses péchés et monter à une grande dignité
A ceux qui sont ses fils intime Dieu permet quil arrive de grandes tribulations ; cest une grâce spéciale quil leur fait afin quils mangent dans un même plat avec lui
ils peuvent sentir lamertume de la tribulation, mais cette amertume leur devient douce parce que lamour et la grâce sont en eux. (Trad. Hello, ch. L; Doncoeur, pp. 88 SQ. ; Ferré, pp 97 sq.)
Touche mes plaies, dit le Sauveur à Madeleine Vigneron, approche et pose ta main. » – Je vous sens et je vous touche assez, répondit-elle, par les souffrances que vous me donnez ; elles sont plus vôtres quelles ne sont miennes
Alors Il lui dit doucement dans le fond du cur : « Oh oui, ma fille, ce sont là les plus douces caresses que je témoigne à une âme que jaime. » (IIe part., ch. XVIII )
Jésus dit à Marguerite-Marie : « Je chéris si fort la croix que je ne puis mempêcher du munir étroitement à ceux qui la porte comme moi, pour lamour de moi. » (Autobiographie, Editions Gauthey P. 89.) La sainte écrit : Notre-Seigneur me déclara quil ne voulait point diminuer ma sensibilité, ni mes grandes répugnances, tant pour honorer celles quIl avait bien voulu ressentir au Jardin des Olives que pour me procurer des matières de victoire et dhumiliation. (Ibid., p. 82.)
18. Jésus aussi était innocent
Un jour Catherine, Agnès et Cécile, trois grandes saintes du ciel, apparurent à Pierre de Vérone, de lordre de saint Dominique, dans sa cellule et conférèrent avec lui : un religieux entendant ces voix, suspecta son innocence, laccusa et le fit condamner. Ses supérieurs reléguèrent Pierre au couvent dIësi, pour y mener une vie retirée et pénitente, sans jamais plus paraître en public. Le saint qui navait pas voulu se défendre dans la crainte de manifester la grâce reçue du ciel et afin de souffrir comme une victime pour Dieu,
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supporta cette confusion avec une patience admirable ; cependant il lui échappa de sen plaindre amoureusement au crucifix, devant qui seul il déchargeait son cur. Eh quoi ! mon Dieu, lui dit-il, vous savez mon innocence, comment souffrez-vous que je demeure si longtemps plongé dans linfamie ? Notre Seigneur lui répondit : « et moi Pierre, nétais-je pas innocent ? Avais-je mérité les opprobres et les douleurs dont jai été accablé durant le cours de ma passion ? Apprends donc de moi à souffrir avec joie les plus grandes peines, sans avoir commis les crimes pour lesquels on te les impose. » Ces paroles de Jésus-Christ firent une telle impression sur le cur de Pierre, quil mit dès lors toute sa félicité dans les souffrances, tout son honneur dans lhumiliation et toute sa joie dans la croix de Jésus-Christ. Mais bientôt le Seigneur fit connaître son innocence et il léleva à une haute sainteté. (Petits Bollandiste, par Mgr Guérin, au 29 avril.)
Sur Anne-Marie de la Fosse, sainte religieuse de la Visitation dAngers (morte en 1680) se plaignant amoureusement à Notre-Seigneur dans loraison de quelques procédés qui lavait fait souffrir, le divin Maître en lui montrant ses plaies lui dit au fond du cur : « Et moi, ma fille, quavais-je fait ? » (Archives de la Visitation dAngers.)
19. Jésus na jamais cherché son plaisir
Un jour que Marguerite-Marie se sentait portée à lamour du plaisir, son divin Sauveur se présenta à elle dans le mystère de la flagellation, lui faisant ce reproche : « Voudrais-tu bien prendre ce plaisir ? Et moi qui nen ai jamais pris aucun, et me suis livré à toutes sortes damertumes pour ton amour et pour gagner ton cur, voudrais tu donc encore me disputer ce cur? » (Ed. Gauthey, II, p.45 .)
Et une autre fois : « Je veux être toute ta joie et ta consolation, mais je serai aussi ton tourment et ton supplice. » (Ed. Gauthey, I, p. 131.)
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20. Le sacrifice réclame le sacrifice
Saint Hamon ou Aymon, de labbaye de Savigny, était chargé des frères convers de la maison, et avait beaucoup à souffrir dans cet emploi. Un jour quil était plus accablé quà lordinaire, il vit au moment de la communion, Jésus-Christ, attaché à la croix, mais plein de vie, ayant la tête penchée du côté droit, et lui disant : « Si tout innocent que je suis, jai souffert de si grands maux pour lamour de vous, nest-il pas bien juste que vous comptiez pour rien la peine que vous endurez pour moi. » (Petits Bollandistes,au 30 avril.)
Véronique Juliani étant un jour en prière devant le crucifix qui se trouvait à linfirmerie du monastère, entendit une voix qui sortait de ce crucifix et qui lui dit : «Sois en paix, ta vie sera une souffrance continuelle ; je le veux ainsi, afin que tu me ressemble à moi, ton Epoux crucifié. » (Diario, t. Ier, p. 192.) Une nuit, dit-elle encore, pendant que je faisais oraison, le Seigneur mapparut tenant en main un calice et Il me dit : « Ce calice est pour toi, je te le donne afin que tu goûtes ce que jai gouté moi-même, mais non pas maintenant. Prépares-toi, le temps viendra où tu le boiras. » Et Il me fit comprendre combien il serait amer : à lintérieur jaurai à endurer tous les tourments et tous les coups des démons, le délaissement et cette agonie que produit la privation du Souverain Bien et de tous les secours ; à lextérieur, calomnies, reproches, mépris, contrariétés, (16 giugno 1694.) Deux mois plus tard, le Seigneur se montre à elle de nouveau, tout sanglant, et tout couvert de plaies ; Il tient encore ce calice à la main, et Il lui dit : « Me voici, ma bien aimée, regarde ces plaies ; elles sont autant de voix qui tinvitent à boire ce calice amer. Je te le donne et je veux que tu le goûtes. » (25 agosto 1694.) Tu es ma bien-aimée, lui dit-Il un autre jour, et je prends plaisir à te voir souffrir ; cest dans les peines que je te veux (17 settembre 1694.) Une nuit, la sainte avait soutenu de grands combats. Comme elle sappliquait à la prière, lextase la saisit et Jésus se montra à elle tout glorieux et plein de joie : « Me voici, lui dit-Il, que veux-tu autre chose ? -Seigneur, je ne veux que vous, cest pourquoi
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Je vous ai tant appelé à mon secours, et jamais vous nêtes venu. Et Jésus reprit : « Jamais je ne me suis éloigné. Regarde-moi un peu. » Parlant ainsi, raconta la sainte, Il me montra une très belle croix quIl tenait à la main, toute pleine de joyaux et de pierreries ; elle était si belle que je ne puis le faire comprendre. Il la serra dans ses bras et Il me dit que ces magnifiques bijoux et pierres précieuses étaient toutes les souffrances que javais endurées les jours précédents ; mais que je devais continuer à souffrir, si je voulais Lui procurer une grande joie. (25 septembre 1694.)
21. Le divin Crucifié veut des âmes crucifiées
Saint Bernardin de Sienne, demandait à Dieu de lui faire connaître sa volonté sur lui, entendit une voix qui disait : « Bernardin, tu me vois dépouillé de tout et attaché a une croix pour ton amour ; il faut donc, si tu maimes, que toi aussi tu te dépouilles de tout et que tu mènes une vie crucifiée. » Pour suivre ces conseils, Bernardin entra dans lordre de saint François. Plus tard, étant religieux, il lui sembla entendre Jésus-Christ lui dire : «Mon fils, tu me vois attaché à la croix ; par là tu seras sur de me trouver. » (Petits Bollandistes, au 20 mai.)
22. Jésus souffrant est la voie qui conduit à son Père
Au commencement de sa conversion, Henri Suso, toit enivré des douceurs den haut, se sentait plein dattrait pour les choses divines ; mais imiter et partager la douloureuse passion de Jésus-Christ leffrayait. Jésus-Christ le reprit avec sévérité : « Ne le sais-tu pas, je suis la porte par laquelle les vrais amis de Dieu, qui veulent parvenir à la véritable félicité, doivent passer? Il faut, si tu veux vraiment parvenir à ma pure divinité, que tu passes dabord par mon humanité souffrante et que tu ty conformes. » (Lexemplaire, ch. xv.)
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23. Tes souffrances seront aussi nombreuses que les étoiles
Le Seigneur ayant fait connaître à Henri quil nétait pas au bout de ses épreuves, Seigneur, dit le bienheureux, montrez-moi combien jai encore de souffrances à supporter. Le Seigneur répondit : Lève les yeux au ciel, si tu peux compter la masse innombrable des étoiles, tu pourras aussi compter les souffrances qui te sont réservées ; et de même que les étoiles paraissent être petites, et sont cependant immenses, de même tes peines paraîtrons petites aux yeux des hommes, et cependant, daprès ta propre expérience, elles te seront lourdes à porter. » Le serviteur dit alors : Ah ! Seigneur, montrez-moi à lavance mes peines, afin que je les connaisse. Le Seigneur répondit : Non, il est préférable que tu ne saches rien, afin que tu nhésite pas. Cependant, parmi les innombrables peines que tu auras à supporter, je veux ten nommer simplement trois. La première est celle-ci : jusquici cest toi qui te frappais de tes propres mains, tu cessais quand tu voulais, et tu avais compassion de toi-même; je veux maintenant tarracher à toi-même et te jeter sans défense aux mains détrangers qui te frapperont. Tu assisteras à un effondrement de ta réputation, tu seras en butte au mépris de quelques hommes aveuglés, et tu souffriras plus de cela que de blessures faites par les pointes de ta croix. Lorsque tu te livrais à tes exercices de mortification, tu étais grand, tu étais admiré ; maintenant tu seras abaissé, tu seras annihilé.
La seconde peine est celle-ci : Bien que tu te sois infligé mainte cruelle torture, il test cependant resté, avec la permission de Dieu, une nature tendre et aimante; il tarrivera que, là où tu aurais pensé trouver un amour particulier et de la fidélité, tu ne trouveras que de linfidélité, de grandes souffrances et de grandes peines. Tes épreuves seront si nombreuses que les hommes qui ont pour toi quelque amour souffriront avec toi par compassion.
« La troisième peine est celle-ci. Jusquici, tu nété quun enfant à la mamelle, un enfant gâté, tu as nagé dans la douceur divine comme un poisson dans la mer. Je veux maintenant te retirer tout cela, je veux que tu e sois privé et que
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tu souffres de cette privation, que tu sois abandonné de Dieu et des hommes, que tu sois persécuté publiquement par tes amis et par tes ennemis. Je veux te le dire en un mot, tout ce que tu feras, qui pourrait tapporte de la joie ou de la consolation, naboutira pas, et tout ce qui te fera souffrir, tout ce qui te sera contraire réussira. »
24. Le chien et le lambeau détoffe
Suso tout effrayé des paroles du Seigneur était plongé dans la tristesse quand une voix lui dit intérieurement : « Aie bon courage, je serai avec toi et je taiderai avec ma grâce à surmonter toutes ces peines. » Il se leva et se remit entre les mains de Dieu. Le matin après la messe, comme il était assis tout triste dans sa cellule et pensait à ce qui était arrivé, il eut froid, car cétait pendant lhiver, une voix lui dit alors intérieurement : « Ouvre la fenêtre de ta cellule, regarde et apprend. » Il ouvrit et regarda, il vit un chien qui courait au milieu du cloître, portant dans sa gueule un lambeau de tapis, il jouait avec ce tapis, le jetait en lair, le traînait par terre, le déchirait et y faisait des trous. Le serviteur leva les yeux au ciel, et soupira profondément ; une voix lui dit alors intérieurement : « Tu seras ainsi jeté par la bouche de tes frères et déchiré. » Il pensa en lui-même : Puisquil ne peut pas en être autrement, résigne-toi, vois comme ce tapis se laisse maltraiter en silence, fais de même. Il descendit, prit le tapis et le garda pendant de longues années comme son cher trésor ; lorsquil avait un mouvement dimpatience, il le prenait, afin de se reconnaître en lui, et de se taire courageusement. Lorsquil détournait son visage avec mépris de quelques-uns qui lopprimaient, il en était puni intérieurement, et une voix lui disait, il en était puni intérieurement, et une voix lui disait au fond de son cur : « Souviens-toi que moi ton Seigneur, je nai pas détourné mon visage de ceux qui me crachaient à la face. » (Lexemplaire ,ch. XXII.)
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25. Les grâces augmentent avec les souffrances
Le Père céleste dit un jour à Jeanne Bénigne que seule lâme crucifiée avec son Fils, par grâce, par amour et par la pure souffrance, attire et ses yeux et son Cur, comme étant la plus disposée à recevoir ses divines miséricordes : « Ma fille, lui dit-Il, souffrira incessamment ; mais plus elle portera de souffrances, plus elle me glorifiera, plus jaugmenterai mes grâces à son égard, plus ma volonté sinclinera vers la sienne, plus je ferai ce quelle désire et plus elle méritera de gloire. » (Vie, IIIe part., ch. III.)
Mais pour que la souffrance produise ces effets admirables, lâme doit sélever au-dessus de ses peines et se maintenir dans la région de lamour : « Ne crains pas, dit Jésus à Bénigne, lorsque pour me faire honorer par toi, je permets que lon dise que tu es trompée du démon, voulant faire la sainte ; que tu fais tout pour parvenir à être supérieure, et que tu refuses de satisfaire et servir tes surs, ou que tu le fais imparfaitement, ne voulant pas montrer aux autres tes inventions pour faire tout si bon elle était chargée de la cuisine pour te rendre nécessaire ; mais tiens-toi alors, Bénigne, ferme dans ton application et élévation desprit en ma Divinité. » ( IIIe part., ch. VII.)
26 .La vraie patience est une patience damour
Jésus-Christ à sainte Catherine de Sienne : « Mes serviteurs doivent soffrir à moi en sacrifice, ce sacrifice doit être à la fois spirituel et corporel. Le vase nest pas séparé de leau quand on le présente au maître. Leau sans le vase ne pourrait lui être présentée, et le vase sans leau lui serait inutile. Vous devez donc moffrir le vase de toutes les peines que je vous envoie, sans en choisir le lieu, le temps et la mesure, laissant tout à mon bon plaisir. Mais ce vase doit être plein, cest-à-dire que vous devez endurer les peines avec amour, avec résignation, et supporter avec patience les défauts du prochain, ne haïssant que le péché. Votre vase, alors est plein
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de leau de ma grâce qui donne la vie, et je reçois avec délices ce présent que me font mes épouses, les âmes fidèles. Jaccepte leurs ardents désirs, leurs larmes, leurs soupirs, leurs humbles et continuelles prières ; et ces preuves de leur amour apaisent ma colère contre mes ennemis et les hommes pervers, qui commettent contre moi tant doffenses.
« Ainsi donc, souffrez avec courage jusquà la mort ; ce sera le signe évident de votre amour pour moi. Après avoir mis la main à la charrue, ne regardez pas en arrière par crainte de quelque créature ou de quelque tribulation. Réjouissez-vous au contraire, dans vos épreuves ; le monde se complait dans les injustices ; pleurez-les, parce que celles qui moffensent vous offensent, et celles qui vous offensent moffensent. Ne suis-je pas devenu une seule chose avec vous ?… Le monde vous poursuit et vous poursuivra jusquà la mort, parce quil ne maime pas. Si le monde mavait aimé, il vous aimerait ; mais réjouissez-vous, car votre joie sera grande dans le ciel. » (Dialogue, ch. XII.)
27. Lamour se montre et grandit par le sacrifice
Au milieu de ses rudes épreuves, la bienheureuse Lidwine était consolée par son ange gardien qui, de la part de Jésus, lui adressait ces paroles : « Non, non, je ne veux pas que ma bien-aimée se désole, elle me reverra, je lui reviendrai, je la consolerai, son cur reposera encore sur mon Cur. Quelle ait courage ! les jours de lépreuve finiront, et elle aura montré plus damour, elle aura conquis plus de gloire, car elle aura passé par où jai passé ; nai-je pas été abandonné ? Nai-je pas souffert »
28. Par lamour la croix deviens légère
Saint Pierre ayant apparu à Catherine de Racconigi, elle craignait davoir été trompée par le démon ; Jésus la rassura en ces termes : « Rassure-toi, mon épouse, celui qui est venu nest pas le démon, mais Pierre, mon fidèle serviteur, le même que je tai donné pour maître. Il a bu déjà le calice de ma
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passion, en souffrant le martyre pour mon amour
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craindre de succomber. Cependant quil prenne courage, quil ait confiance en moi ; je ne permettrai pas quil tombe dans limpatience et finalement il persévèrera. » ( Vie intime, ch. v, § 30.)
32. Avis à ceux qui craignent trop les labeurs
Et qui désirent trop ardemment les douceurs de la solitude
Notre Seigneur dit un jour à Sainte Thérèse : « Penses-tu, ma fille, que le mérite consiste à jouir ? Non, mais à travailler, à souffrir et à aimer. Tu nas pas entendu dire que saint Paul ait gouté plus dune fois les joies célestes, tandis quil a eu très souvent à souffrir. Regarde aussi ma vie, toute remplie de souffrances ; tu ny trouves dautre jouissance que celle du Thabor. Quand tu vois ma mère, me tenant entre ses bras, ne timagine pas que ses joies fussent exemptes dun cruel tourment : dès quelle eut entendu les paroles de Siméon, mon Père, par une vive lumière léclaira sur ce que jaurais à souffrir. Ces grands saints qui passaient leur vie dans le désert, pratiquaient sous linspiration de Dieu de très rudes pénitences ; en outre, ils soutenaient de grands combats contre le démon et contre eux-mêmes et restaient fort longtemps sans aucune consolation spirituelle. Crois-le, ma fille, ceux-là reçoivent de mon Père de plus grandes souffrances qui sont le plus aimés de Lui, et ces souffrances sont la mesure de son amour. En quoi puis-je mieux te montrer le mien, quen choisissant pour toi ce que jai choisi pour moi-même ? Regarde ces plaies, tes douleurs niront jamais jusque là. Cest là le chemin de la vérité. Quand tu lauras compris, tu maideras à pleurer la perte des mondains, dont tous les désirs, tous les soins ne tendent quà un but tout contraire. »
En commençant mon oraison, continue sainte Thérèse, javais un si violent mal de tête, quil me semblait presque impossible de la faire. Notre Seigneur me dit : « Tu connaîtra ainsi la récompense attachée à la souffrance. Ton indisposition te mettant hors détat de me parler, je suis venu moi-même mentretenir avec toi et te consoler. »
(Relation.)
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III.- Victimes avec Jésus pour les pécheurs
33. Larmes, prières, souffrances expiatrices
pour les pécheurs
Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une voix qui disait : « Regarde, ma fille, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion
Je veux que, lorsque je te ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds après mavoir reçu, pour faire amende honorable à mon Cur, offrant à mon Père le sacrifice sanglant de la croix, à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les indignités que je reçois dans ce cur. » La sainte fut surprise dentendre ces paroles sur une âme qui venait de se laver dans le sang précieux ; Notre-Seigneur lui dit : « Ce nest pas quelle soit dans le péché, mais la volonté de pécher nest pas sortie de son cur, ce que jai plus en horreur que lacte même du péché, car cest appliquer mon sang par mépris sur un cur corrompu, dautant que la volonté du mal est la racine de toute corruption. » A ces mots, la sainte souffrit de grandes peines, demandant miséricorde pour cette âme ; Notre-Seigneur lui dit : « Jai oui ton gémissement, et jai incliné ma miséricorde sur cette âme. » (Ed. Gauthey, I, p. 112.)
Notre-Seigneur présentant à Marguerite-Marie cinq curs infidèles, desquels elle Lui demandait la conversion, lui dit : «Charges toi de ce fardeau et participe aux amertumes de mon Cur. Verse des larmes de douleurs sur linsensibilité de ces curs, que javais choisis pour les consacrer à mon amour, ou bien laisse-les sabîmer dans leur perte, et viens jouir de mes délices. » (Ed. Gauthey, II, p 179.)
Une autre fois, Notre-Seigneur lui dit : « Il est vrais, ma fille que mon amour ma tout fait sacrifier pour les hommes, sans quils me rendent de retour, mais je veux que tu supplées a leur ingratitude par les mérites de mon Sacré-Cur. Je veux
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te donner mon Cur ; mais auparavant il faut que tu te rendes sa victime dimmolation, pour quavec son entremise tu menaces une communauté religieuse, quil veut reprendre et corriger dans son juste courroux. »
En même temps Notre-Seigneur lui fit voir ce quil fallait quelle souffrit pour le salut de ces âmes. La sainte navait pas le courage de dire oui et daccepter les sacrifices que le bon Dieu lui réservait. Il lui fut dit comme à saint Paul « Il tes dur de regimber contre les traits de ma juste colère ; mais, puisque tu mas fait tant de résistance pour éviter les humiliations quil te fallait souffrir, je te les donnerai au double car je ne demandais quun sacrifice secret et maintenant je le veux public, dune manière et dans un temps hors de tout raisonnement humain et accompagné de circonstances si humiliantes ; quelles te seront un sujet de confusion pour le reste de ta vie, dans toi-même et dans les créatures, pour te faire comprendre ce que cest que de résister à Dieu. » (Ed. Gauthey, II, p. 84.)
34. Laisser à Dieu lapplication des expiations accomplies
Marguerite-Marie sétant présentée devant Dieu comme une hostie dimmolation, Notre-Seigneur lui dit : « Oui, ma fille, je viens à toi comme souverain sacrificateur pour te donner une nouvelle vigueur ; Ma paix tes rendue et ma sainteté de justice est satisfaite par le sacrifice que tu ma fait pour rendre hommage à celui que je fis au moment de lIncarnation, le mérite duquel jai voulu joindre à celui que tu mas fait ; afin de lappliquer en faveur de la charité, comme je te lai fait voir. Cest pourquoi tu ne dois plus rien prétendre en ce que tu pourras faire et souffrir, ni pour accroissement de mérite, ni satisfaction de pénitence ou autrement, tout étant à ma disposition pour la charité. Donc, à mon imitation tu agiras et souffriras en silence, uniquement pour la gloire de Dieu, dans létablissement du règne de mon Sacré-Cur dans celui des hommes, auxquels je le veux manifester par ton moyen.» (Ed. Gauthey, II, p.86.)
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35. Combien une victime fidèle est puissante
Sur le cur de Dieu
On lit dans le Vie de Sur Jeanne-Bénigne Gozos que Dieu la faisait souvent satisfaire à sa divine justice, par ses pénitences et ses peines corporelles, pour les péchés qui se commettaient en tant de guerres dont lEurope était remplie. Quelquefois elle était transportée en esprit sur les lieux pour y être témoin des désordres qui se commettaient. Alors Dieu lexcitait à demander la paix et le pardon pour les peuples par ces intimes paroles : « Bénigne, eh ! dis-moi que je pacifie ces rois, que je cesse de les châtier par eux-mêmes. » (Vie, Ière part., ch. x.)
Un jour, se trouvant accablée de peines et en proie à des douleurs corporelles martyrisantes, elle se plaignait à son bien-aimé, qui lui dit : « Hé !quoi, Bénigne se plaint ! Ne se souvient-elle plus des grâces que ses souffrances apportent au monde ? c’est-à-dire la conservation de la paix en ce pays, la préservation de la peste et de la disette universelle, le bonheur dun royaume dans lequel elle est née (la France), la conservation du roi qui y domine et celle du prince Charles-Emmanuel) qui règne si heureusement dans les états où je lai conduite de ma main. Ce sont là des biens que jaccorde en faveur des douleurs que Bénigne souffre ; mais, puisquelle sen plaint, elle nestime pas mes grâces ; elle compte pour rien le salut de ces deux têtes couronnées que je lui ai accordé, et ne se souvient pas quelle sest offerte à moi pour souffrir toutes choses afin de lobtenir et de satisfaire à ma justice pour leurs péchés. Mais non, Bénigne rappellera tous ces doux souvenirs et elle voudra bien souffrir incessamment pour mon amour. » (IIIe part., ch. XII.)
Une autre fois, se trouvant dans un grand abîme de ténèbres et de peines intérieures, elle fut tout à coup élevée dans le Cur de Jésus, qui lui demanda : « Que dit de moi Bénigne? » Elle répartit : Oh ! Seigneur, elle dit avec saint Pierre que vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant, mon Dieu, mon Juge, mon Roi et mon amour. Et Jésus lui répondit : « Et moi je te dis que Bénigne est celle par qui je vais purgeant le monde de péché
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et dhérésies, lui accordant souvent la vraie conversion des uns et des autres, ainsi que celle des païens et des Turcs ; » Une autre fois, Il lui dit en la caressant : Ma Reine, je te promets une grande victoire de tes frères chrétiens contre le Turc ; cest par toi seule quon lobtiendra. » Un jour entendu dire en récréation que le Turc faisait quelques progrès, elle en parla à Notre-Seigneur, le lendemain, à la communion. Il lui dit : « Oh ! ma fille, ne doute point des grands succès contre cet ennemi de mon Eglise, tant que tu tâchera davancer dans mon amour. » Souvent elle priait le bon Dieu de bénir les désirs quelle avait de le glorifier en priant pour le salut de tout le monde, et elle recevait cette réponse : « Je le fais, Bénigne, et je tassure que tu ne vis plus que pour ma gloire et pour le salut des âmes. »
Une fois, raconte-t-elle, que les pluies gâtaient les biens de la terre et que lon faisait céans beaucoup de prières pour les faire cesser, mon doux Sauveur me dit : « Ce peuple est ingrat; il sobstine dans le châtiment et se rend insolent dans la prospérité. » Puis Il eut pitié de ma douleur et me dit : « Bénigne, pour cette fois je pardonne à ce peuple et en cet instant même je retire mon châtiment. » En effet, au sortir du chur, je vis briller le soleil et le beau temps dura longtemps
Une autre fois, dans loctave des Rois, me trouvant dans des langueurs mortelles, je dis à mon amour que je ne pouvais comprendre comment jaimais à vivre parmi tant de douleurs et de lâchetés en son service. Lors cet Amant incomparable en bonté répartit : « Oh a fille, cest parce que tu vis encore sur la terre que je maintiens la paix dans ces états-ci, et que jen éloigne la peste et la disette. »
Une autre fois, me trouvant accablée de nouvelles infirmités, je connu que Dieu était fâché contre le public, ce qui mobligea à prier pour les peuples et pour ceux qui règnent sur eux. Il me dit : « Ma fille, tout ce monde-ci est en possession de mille biens que ma grâce et ma bonté lui accordent, et il agit comme ignorant que tout bien vient de moi. » Je répondis : Seigneur, ce peuple a souffert et souffre encore ; les récoltes so nt petites depuis deux ans et les impôts sont grands. A quoi sa parole divine répartit : « Ma fille, je retiens les fléaux de guerre, de peste et de famine universelle ;
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comptent-ils pour rien ces trois grandes faveurs ? Au moins faut-il que Bénigne men remercie pour tous, puisque les tristes gémissements de ma tourterelle retiennent mes justes châtiments à leur égard. »
Une fois après laction de grâce, je fus élevée en Dieu perdant la mémoire de toutes les choses de la terre et restant absorbée en mon souverain Bien, auquel je demandai la réunion des princes de France à leur roi pour le bien public (cétait pendant les guerres de la Fronde). On me répondit dune parole vraie : « Tu es exaucée, Bénigne, les troubles civils de la France vont être calmés, et la paix entre les deux couronnes se fera en son temps », ce qui arriva miraculeusement, comme elle lapprit quelques jours plus tard. (Vie, IIIe part., ch. xv.)
36. Lamour torturant et réconfortant
Rend capable de sauver les âmes
Un jour que Sur Marie-Josèphe Kumi souffrait beaucoup, son Bien-Aimé lui rappela son rôle de martyre de la charité, lui montra plusieurs milliers de pécheurs près de tomber en enfer, et lui dit : « La charité cause tes douleurs, mais elle te réconfortera ; elle ne laissera en toi aucune partie de saine, mais tu conserveras la vie ; elle te donnera toujours les forces nécessaires pour supporter de nouvelles peines. Je tai appelée dans un ordre apostolique, celui de mon serviteur Dominique, parce que je tai choisie aussi pour la pêche des âmes. Par cet amour torturant tu en prendras une multitude. » (Vie, ch. IX.)
37. Il faut toujours des expiations
Parce quil y a toujours des péchés
Ma vie, raconte Marie Brotel, est un continuel combat avec Notre-Seigneur afin dobtenir de Lui miséricorde pour les âmes, et la souffrance ne sarrête pas non plus. Notre-Seigneur me découvre ordinairement toutes les âmes et tous les péchés du monde, et Il me dit : « Ma fille, comment veux-tu quavec