Retour à lAccueil ( Rosaire-de-Marie.fr)
Saint Alphonse-Marie de Liguori
Divers Exercices de Dévotion en l’Honneur de la Mère de Dieu,
la très sainte vierge Marie avec leurs Pratiques
édition numérique par jesusmarie.com et Martin V.
sommaire de luvre :
re DÉVOTION : De l’Ave Maria
IIe DÉVOTION : Des Neuvaines
IIIe DÉVOTION : Du Rosaire et de lOffice
IVe DÉVOTION : Du jeûne
Ve DÉVOTION : De la visite aux images de Marie
VIe DÉVOTION : Du scapulaire
VIIe DÉVOTION De laffiliation aux congrégations de Marie
VIIIe DÉVOTION Des aumônes en lhonneur de Marie
IXe DÉVOTION Recourir fréquemment à Marie
Xe DÉVOTION (Sous ce titre je réunis ici diverses pratiques en lhonneur de Marie)
CONCLUSION
<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<
La Reine Du Ciel est si généreuse et si reconnaissante,q u’en retour des plus petits services, elle accorde de grandes grâces. Néanmoins, deux choses sont nécessaires pour être ainsi récompensé : d’abord, il faut présenter ses dévotions avec une âme exempte de péché ; sans quoi Marie nous ferait la même réponse qu’à ce soldat vicieux qui pratiquait chaque jour quelque acte de dévotion en son honneur. Un jour qu’il était pressé d’une grande faim, la sainte Vierge lui apparut, et lui présenta un mets exquis, mais dans un vase si sale qu’il n’osa point y toucher. Je suis, dit alors Marie, la Mère de Dieu, venue pour vous secourir dans votre faim. Mais dans ce vase ! reprit le soldat, je ne saurais en goûter. Et comment voulez-vous, répliqua la Vierge, que j’agrée vos dévotions, lorsque vous me les offrez avec une âme si chargée de vices ? Le soldat, converti par cette leçon, se fit ermite, vécut trente années dans le désert, et la sainte Vierge lui apparaissant de nouveau à sa mort, le conduisit au Ciel. Nous avons dit, dans la première partie (Gloires de Marie), qu’il est impossible, moralement parlant, qu’un serviteur de Marie se damne : ce qui est vrai, à la condition qu’il vive sans péché, ou qu’il ait du moins le désir d’en sortir, parce qu’alors Marie l’aidera. Si quelqu’un, au contraire, voulait pécher dans l’espoir que la sainte Vierge le sauverait, il se rendrait par sa faute indigne et incapable d’en être protégé. La seconde condition consiste à persévérer dans sa dévotion envers Marie. Thoms à Kempis avait coutume dans sa jeunesse d’adresser chaque jour certaines prières à la Vierge ; un jour il les omit, puis les négligea pendant quelques semaines, enfin les abandonna tout à fait. Une nuit, il vit en songe Marie qui embrassait ses compagnons, mais, s’adressant à lui : Qu’espérez-vous, dit-elle, vous qui avez abandonné vos pratiques de dévotion ? Éloignez-vous, vous êtes indigne de mes embrassements. Thomas se réveilla saisi de frayeur et reprit ses prières accoutumées. Richard loue aussi la persévérance, personne aussi ne peut être sûr de son salut, jusqu’à la mort. C’est donc une mémorable leçon que celle donnée au moment de sa mort, à ses compagnons, par le vénérable Jean Berchmans, de la compagnie de Jésus ; comme ils lui demandaient quelles dévotions ils devaient offrir à la Vierge pour lui être agréables et obtenir sa protection : Les moindres choses, répondit-il, pourvu qu’on les fasse avec constance. Je vais cependant indiquer, d’une manière simple et courte, diverses dévotions au moyen desquelles nous pouvons concilier notre Mère divine ; c’est, à mon avis la partie la plus utile de ce petit ouvrage. Mais je recommande moins à mon cher lecteur de les pratiquer toutes, que de pratiquer celles qu’il aura choisies avec persévérance, et avec la crainte de perdre la protection de Marie, s’il venait à les interrompre. Oh ! combien brûlent maintenant en enfer, et qui se seraient sauvés, s’ils avaient continué les dévotions envers Marie qu’ils avaient commencées !
re DÉVOTION
De l’Ave Maria
Cette salutation angélique est infiniment agréable à la sainte Vierge, parce quil semble que par là on lui renouvelle la joie quelle ressentit quand saint Gabriel lui annonça quelle avait été choisie pour être la Mère de Dieu ; nous devons, dans cette intention, la saluer par lAve Maria. Cest ce que Thomas à Kempis nous recommande ; et la Mère de Dieu dit elle-même à sainte Mechtilde quon ne peut mieux faire que de la saluer par lAve Maria. Quiconque salue Marie en sera salué à son tour. Saint Bernard entendit un jour une statue de la sainte Vierge prendre réellement une voix humaine et lui dire : " Je te salue, Bernard. " Or le salut de Marie, dit saint Bonaventure, est une grâce par laquelle elle répond à celui qui la salue volontiers par un Ave Maria. La mère de Dieu pourra-t-elle, ajoute Richard, refuser à celui qui vient à elle avec lAve Maria. Marie promit elle-même à sainte Gertrude autant de grâces à lheure de la mort quelle aurait récité dAve Maria. Le bienheureux Alain assurait quà la récitation de lAve Maria, tandis que le ciel entier est dans la joie, le démon tremble et prend la fuite. Et cest précisément ce que Thomas à Kempis atteste daprès sa propre expérience : le démon lui étant une fois apparu prit aussitôt la fuite, dès quil entendit ces paroles : Ave Maria.
La pratique de cet hommage consistera 1° à dire chaque jour, matin et soir, en se levant et se couchant, trois Ave Maria, la face contre terre, ou du moins à genoux, ajoutant à chaque Ave Maria cette courte prière : " Par votre pure et immaculée conception, ô Marie, purifiez mon corps et sanctifiez mon âme. " Demander ensuite à Marie, comme à notre mère, sa bénédiction, comme faisait toujours saint Stanislas ; et puis se placer en esprit sous le manteau de Marie, la priant de nous garder de tout péché, pendant le jour ou la nuit qui doit suivre. Il est bon davoir à cette fin une belle image de Marie auprès du lit.
2° Dire lAngelus, avec les trois Ave de coutume, le matin, à midi et le soir. Le premier pape qui attacha une indulgence à cette dévotion fut Jean XXII. Et cela, comme le rapporte le Père Crasset, à loccasion dun criminel condamné au feu, qui, ayant invoqué Marie la veille de son Annonciation, demeura au milieu des flammes sans que même ses vêtements en fussent endommagés. En dernier lieu, Benoît XIII accorda cent jours dindulgence à quiconque récite cette prière, et au commencement du mois indulgence plénière à quiconque la récite après sêtre confessé et avoir communié. Le Père Crasset assure que dautres indulgences ont été accordées par Clément X à quiconque ajoute à la fin de chaque Ave Maria ces mots : Deo gratias et Mariae, cest-à-dire : Grâces à Dieu et à Marie !
Autrefois au son des cloches on voyait chacun sagenouiller pour dire lAngelus. Maintenant quelques-uns auraient honte de le faire. Mais saint Charles Borromée navait pas honte, lui, de descendre de carrosse ou de cheval pour le réciter dans la rue, et même quelquefois les genoux dans la boue. On raconte dun religieux qui, par paresse, ne sagenouillait pas au signal de lAngelus, quil vit le clocher sincliner trois fois, et lentendit lui dire : " Voilà que tu ne fais pas ce que font les créatures inanimées. " On remarquera que dans le temps pascal, ainsi que la expliqué Benoît XIV, on récite lantienne Regina Coeli au lieu de lAngelus, et que depuis les vêpres du samedi pendant toute la journée du dimanche lAngelus se dit debout.
3° Saluer la mère de Dieu par lAve Maria, toutes les fois quon entend sonner lhorloge. Alphonse Rodriguez saluait Marie à toutes les heures ; la nuit, quand lheure sonnait, les anges venaient léveiller, afin quil ny manquât pas une seule fois.
4° En sortant de chez soi, et en rentrant, saluer Marie par un Ave, afin que dehors et dedans elle nous garde de tout péché ; lui baiser chaque fois les pieds, comme le pratiquent les pères chartreux.
5° Honorer dun Ave toute image de Marie que nous rencontrons. Et, à cette intention, quiconque le pourra, fera placer dans le mur de sa maison quelque belle image dela Vierge, afin quelle soit saluée de ceux qui passent dans les rues. A Naples, et plus encore à Rome, on voit ainsi dans les rues un grand nombre de fort belles images de la Vierge que les personnes pieuses y ont placées.
6° La sainte Église ordonne que toutes les heures canoniales soient précédées de la salutation angélique, et que par là aussi se termine loffice l ainsi il serait bien de dire un Ave Maria au commencement et à la fin de toutes nos actions : je dis de toutes nos actions, soit spirituelles, comme loraison, la confession, la communion, la lecture spirituelle, lassistance au sermon et semblables ; soit temporelles, comme létude, les consultations, le travail des mains, le repas, le coucher, etc. Heureuses les actions qui se trouveront ainsi renfermées entre deux Ave Maria ! Egalement quand on séveille le matin, quand on ferme les yeux pour sendormir, dans toutes les tentations, dans tous les dangers, dans tous les mouvements de colère et occasions semblables, réciter toujours un Ave Maria. Mon cher lecteur, suivez cette pratique, et vous verrez la grande utilité que vous en retirerez. Faites attention du reste que pour chaque Ave Maria il y ait vingt jours dindulgence. Le Père Auriemma rapporte que la sainte Vierge promit à sainte Mechtilde une bonne mort, si chaque jour elle récitait trois Ave Maria, en lhonneur de sa puissance, de sa sagesse et de sa bonté. En outre, elle dit elle-même à la bienheureuse Jeanne de France que rien ne pouvait lui être plus agréable que lAve Maria, surtout récité dix fois en lhonneur de ses dix vertus. Voyez à ce sujet le Père Marracci, qui cite nombre dindulgences attachées à ces dix Ave Maria.
IIe DÉVOTION
Des Neuvaines
Les serviteurs de Marie sont pleins dattention et de ferveur pour célébrer les neuvaines de ses fêtes ; et en retour la sainte Vierge se montre alors pleine de tendresse par la distribution de grâces sans nombre et toutes spéciales. Sainte Gertrude vit un jour sous le manteau de Marie un groupe nombreux dâmes que lauguste reine contemplait avec une tendre affection, et il lui fut dit que cétaient des âmes qui dans les jours précédents sétaient préparées par des exercices de piété à la fête de lAssomption. Les exercices quon peut faire dans les neuvaines sont les suivants :
1° Faire loraison mentale matin et soir, avec la visite au Très Saint Sacrement et y joindre neuf fois Pater, Ave, Gloria Patri.
2° Faire trois visites à Marie devant quelquune de ses images, remerciant le Seigneur des grâces qui lui ont été accordées ; et demande chaque fois à la Vierge quelque grâce spéciale ; et dans quelque une de ces visites lire la prière que nous donnerons après chacune de ses fêtes.
3° Faire plusieurs actes damour, au moins cent ou cinquante chaque fois, à Marie et à Jésus, puisque nous ne pouvons rien faire qui soit plus agréable à la divine mère que daimer son fils, daprès ce quelle dit elle-même à sainte Brigitte : " Si vous voulez vous attacher à moi, aimez mon fils Jésus. "
4° Lire chaque jour de la neuvaine pendant un quart dheure quelque livre qui traite de ses gloires.
5° Pratiquer quelque mortification extérieure, telle que le cilice, la discipline ou autre semblable ; jeûner ou même sabstenir à table, du moins en partie, de fruits ou dautres mets que lon aime ; mâcher aussi des herbes amères ; et ensuite aux vigiles des fêtes, jeûner au pain et à leau ; mais toutes ces choses avec la permission du père spirituel. Mais les meilleures mortifications à pratiquer dans ces neuvaines sont les mortifications intérieures, comme de sabstenir de voir et dentendre par curiosité, vivre retiré, observer le silence, obéir, ne pas répondre avec impatience, supporter les contradictions, et choses semblables, qui peuvent se pratiquer avec un moindre risque de vaine gloire et un plus grand mérite ; pour celles-là on na pas besoin de lautorisation du directeur. Lexercice le plus utile sera de se proposer au commencement de la neuvaine lamendement de quelque défaut auquel on est le plus sujet. Ainsi il sera bon dans chacune des trois visites conseillées ci-dessus, de demander pardon des chutes passées, renouveler le ferme propos de ny plus retomber et implorer lassistance de Marie. Lhommage le plus cher à Marie est dimiter ses vertus ; ainsi, outre ce que nous venons de dire, on fera bien dans chaque neuvaine de se proposer quelque vertu spéciale de Marie, qui paraîtra le mieux approprié au mystère la fête. Par exemple, à la fête de la Conception, se proposer la pureté dintention ; à celle de la Nativité, le renouvellement de lesprit intérieur, et le commencement dune vie fervente ; à celle de la Présentation, le détachement de quelque chose à quoi nous nous sentons plus attachés ; à lAnnonciation, lhumilité qui fait supporter les défauts, etc. ; à la Visitation, la charité envers le prochain, soit en faisant laumône, soit du moins en priant pour les pécheurs ; à la Purification, lobéissance aux supérieurs ; enfin, à lAssomption, pratiquer le détachement, faire tout dans lintention de se préparer à la mort et régler sa conduite comme si chaque jour devait être le dernier de la vie. De cette manière, les neuvaines seront dune grande utilité.
6° Outre la communion au jour de la fête, on fera bien de demander encore au père spirituel quil laccorde plusieurs autres fois dans la neuvaine. Le Père Segneri disait que nous ne pouvons mieux honorer Marie que par Jésus ; et Marie elle-même a révélé à une sainte âme, quon ne pouvait lui offrir rien de plus agréable que la sainte communion, parce que Jésus-Christ y recueille dans les âmes le fruit de sa passion ; aussi la sainte Vierge ne paraît-elle rien tant désirer de la part de ses serviteurs que la communion, puisquelle leur dit : " Venez, mangez de mon pain, et buvez le vin que jai préparé pour vous. " (Prov. IX, 5)
7° Enfin, le jour de la fête, après la communion, il faut se dédier au service de cette divine Mère, et lui demander la grâce de la vertu quon sest proposée dans la neuvaine, ou bien quelque autre grâce spéciale. Il sera bon également de choisir tous les ans entre les fêtes de la Vierge celle qui réveille davantage notre dévotion et notre affection pour Marie, et à loccasion de cette fête, faire une préparation particulière pour nous consacrer de nouveau et dune manière plus spéciale à son service, la déclarant notre souveraine, notre avocate et notre mère. Nous lui demanderons alors pardon de notre négligence à la servir dans lannée précédente, et nous lui promettrons une plus grande fidélité pour lannée qui va suivre. Enfin, nous la prierons de nous accepter pour ses serviteurs, et de nous obtenir une sainte mort.
IIIe DÉVOTION
Du Rosaire et de lOffice
On sait que la dévotion du très saint rosaire a été révélée à saint Dominique par la sainte Vierge elle-même. Un jour que le saint était plongé dans laffliction et se plaignait à Marie des hérétiques albigeois, qui dans ces temps là faisaient beaucoup de mal à lÉglise, elle lui dit : " Ce terrain sera toujours stérile jusquà ce que la pluie y tombe. " Saint Dominique comprit alors que cette pluie était la dévotion du rosaire quil devait publier. En effet, le saint alla prêcher en tous lieux cette dévotion ; elle fut embrassée par tous les catholiques à tel point, quaujourdhui il nest pas de dévotion plus en usage parmi les fidèles de tout rang que celle du très saint rosaire. Que nont pas dit les hérétiques modernes, Calvin, Bucer et autres, pour la discréditer ? mais les grands avantages que le monde entier a retiré de cette excellente dévotion sont assez connus. Combien qui par le moyen de cette pratique ont été délivrés du péché ! combien qui ont été conduits à une vie sainte ! combien qui ont fait une bonne mort et maintenant son sauvés ! On peut lire tous les ouvrages qui en parlent ; mais quil suffise de savoir que cette dévotion a été approuvée par lÉglise, et que les souverains pontifes lont enrichie dindulgences. Toute personne qui récite la troisième partie du rosaire, gagne une indulgence de soixante et dix mille années, ceux qui le récitent en entier quatre-vingt mille, et plus encore si on le récite devant la chapelle du rosaire. Benoît XIII en dernier lieu attacha au rosaire pour quiconque en récite au moins un tiers sur un chapelet bénit par les dominicains, toutes les indulgences qui sont attachés au chapelet de sainte Brigitte, cest-à-dire cent jours pour tout Ave Maria et Pater noster que lon récite. De plus ceux qui récitent le rosaire gagnent lindulgence plénière dans toutes les fêtes principales de Marie et de la sainte Église, ainsi que des saints de lordre de Saint-Dominique, pourvu quon visite leurs églises après sêtre confessé et communié. Mais on remarquera que tout cela sentend uniquement des personnes inscrites dans le livre du rosaire ; celles-ci gagnent encore le jour où elles sinscrivent, après sêtre confessées et avoir communié, une indulgence plénière ; et si elles portent le rosaire, une indulgence de cent ans ; enfin, si elles font loraison mentale une demi-heure par jour, une indulgence de sept ans chaque fois quelles la font, et une indulgence plénière au commencement du mois.
Or, pour gagner les indulgences attachées à la récitation du rosaire, il faut en même temps méditer les mystères de chaque dizaine tels quils sont indiqués dans plusieurs ouvrages ; et si quelquun ne les savait pas, il suffirait de méditer quelquun des mystères de la passion de Jésus-Christ, comme la flagellation, la mort, etc. Il faut ensuite réciter le rosaire avec dévotion, et à ce sujet on remarquera ce que la sainte Vierge elle-même dit à la bienheureuse Eulalie, savoir, que cinq dizaines récitées posément et avec dévotion, lui étaient plus agréables que quinze récitées à la hâte et avec moins de dévotion. Ainsi, on fera bien de réciter le rosaire à genoux, et devant quelque image de la sainte Vierge ; comme aussi de faire au commencement de chaque dizaine un acte damour à Jésus et à Marie, en leur demandant quelque grâce. On remarquera en outre quil vaut mieux réciter le rosaire en commun que de le réciter seul.
Quant au petit office de la Vierge quon dit avoir été composé par Pierre Damien, Urbain II a accordé beaucoup dindulgences à ceux qui le récitent ; et la sainte Vierge a montré plusieurs fois combien cette dévotion lui est agréable, ainsi quon peut le voir dans le père Auriemma. Elle aime aussi beaucoup les litanies, auxquelles sont attachés deux cents jours dindulgence pour chaque fois quon les dit ; lhymne Ave maris stella, quelle prescrivit à sainte Brigitte de réciter chaque jour, et par-dessus tout le cantique Magnificat, puisque dans ce cantique nous la louons avec les mêmes paroles par lesquelles elle loue Dieu.
IVe DÉVOTION Du jeûne
Il est un grand nombre dentre les serviteurs de Marie, qui tous les samedis et aux veilles de ses fêtes, ont coutume de lui offrir un jeûne au pain et à leau. On sait que le samedi est un jour consacré par lÉglise en lhonneur de la Vierge, parce que ce jour là, dit saint Bernard, elle demeura inébranlable dans sa foi après la mort de son fils. Cest pour cela que les serviteurs de Marie ne manquent jamais en ce jour de lui offrir quelque hommage particulier, mais principalement le jeûne au pain et à leau, selon la pratique de saint Charles Borromée, du cardinal de Tolède, et dun grand nombre dautres ; et même lévêque de Bamberg, Nittard, ainsi que le père Joseph Arriaga de la compagnie de Jésus, passaient le samedi sans prendre aucune nourriture.
Quant aux grâces signalées dont la Mère de dieu a favorisé ceux qui lui ont offert ce pieux hommage, on peut lire dans le père Auriemma. Quil nous suffise entre toutes les autres de citer la miséricorde dont fut lobjet ce chef de brigands, qui par cette dévotion mérita encore de vivre après même quon lui eût coupé la tête. Ce misérable était en état de péché mortel, et il put ainsi se confesser avant de mourir. Après sêtre confessé, il déclara que la sainte Vierge lui avait conservé la vie à cause de son jeûne du samedi, et il expira aussitôt après. Ainsi, offrir à Marie un jeûne tous les samedis, devrait paraître peu de chose à ceux qui prétendent témoigner une dévotion spéciale à Marie, et surtout à ceux qui déjà auraient mérité lenfer. Je soutiens que celui qui pratique cette dévotion sera difficilement damné ; non pas néanmoins que, si la mort le surprend en état de péché mortel, la sainte Vierge doive faire un miracle pour le sauver, comme il advint à ce brigand ; ce son là des prodiges de la divine miséricorde qui ont lieu bien rarement, et sur lesquels il y aurait folie de fonder lespoir de son salut éternel : mais je dis que celui qui offrira cet hommage à la Mère de Dieu obtiendra facilement par elle la persévérance dans la grâce divine et une bonne mort. Tous les frères de notre petite congrégation, au moins ceux qui peuvent le faire, jeûnent au pain et à leau en lhonneur de Marie ; ceux, ai-je dit, qui peuvent le faire : car si quelquun était pour cause de santé dans limpossibilité de pratiquer ce jeûne, on lui dirait de se contenter le samedi dun seul mets, ou dobserver le jeûne ordinaire, ou bien encore de sabstenir de fruits ou dautres aliments de son goût. Il faut le samedi rendre à Marie tous les hommages particuliers, faire la communion, ou pour le moins entendre la messe, visiter quelque image de la Vierge, porter le cilice, etc. Mais au moins les veilles des sept fêtes de Marie, ceux qui lui sont dévoués auront soin de lui offrir ce jeûne au pain et à leau, ou de lhonorer de toute autre manière le mieux quil leur sera possible.
Ve DÉVOTION De la visite aux images de Marie
Le père Segneri dit que le démon na pu mieux faire pour se consoler des pertes quil a essuyées par lextinction de lidolâtrie, que de persécuter les saintes images par le moyen des hérétiques. Mais la sainte Église en a pris la défense jusquà leffusion du sang par le martyre ; et la mère de Dieu a montré même par des prodiges combien elle sait gré à ses dévots du culte et des visites quon rend à ses images. Saint Jean Damascène eut la main coupée pour avoir défendu de sa plume les images de Marie, mais sa protectrice la lui rendit miraculeusement. Le père Spinelli raconte quà Constantinople tous les vendredis après vêpres, un voile qui était devant limage de Marie, souvrait de lui-même et quil se refermait aussi de lui-même aussitôt après les vêpres du samedi. Saint Jean de Dieu vit pareillement une fois un voile tendu devant une image de la sainte Vierge souvrir de lui-même, en sorte que le sacristain croyant que le saint était un voleur, voulut lui donner un coup de pied, mais son pied demeura paralysé.
Aussi tous les serviteurs de Marie ont-ils coutume de visiter fréquemment et en grande dévotion les images et les églises consacrées en son honneur. Ce son là vraiment, dit saint Jean Damascène, les cités de refuge où nous trouvons moyen déchapper aux tentations et aux châtiments mérités par nos fautes. Saint Henri, empereur, quand il entrait dans une ville, allait avant toute autre chose visiter quelque église de la Vierge. Le père Thomas Sanchez ne rentrait jamais à la maison sans avoir auparavant visité quelque église de Marie. Que ce ne soit donc pas pour nous une chose pénible de visiter chaque jour notre reine dans quelque église ou chapelle, ou dans notre propre maison : il serait bon davoir à cette fin chez nous, dans lendroit le plus solitaire, un petit oratoire avec limage de Marie, quon aurait soin denvironner de tentures, de fleurs, de chandelles ou de lampes, et devant laquelle on réciterait les litanies, le rosaire, etc. Cest dans cette intention que jai composé un petit livret déjà réimprimé huit fois, pour la visite à faire chaque jour du mois tant au Saint-Sacrement quà la bienheureuse Vierge. Un serviteur de Marie pourrait encore faire célébrer avec solennité dans une église ou chapelle quelquune de ses fêtes, et la faire précéder dune neuvaine avec exposition du Très-Saint-Sacrement, et même des instructions.
Mais il sera bon de rappeler ici le fait que raconte le père Spinelli dans les Miracles de Marie, n° 65. En lannée 1611, la veille de la Pentecôte, il y avait grand concours de peuple à la célèbre chapelle de Marie in Monte-Vergine ; mais cette multitude ayant profané la fête par des bals, des débauches et des indécences, on vit tout à coup un incendie éclater dans lhôtel où ils étaient, en sorte quen moins dune heure et demie tout fut réduit en cendre, et il y périt plus de quinze cent personnes : cinq seulement survécurent, et déposèrent avec serment avoir vu la mère de Dieu elle-même, qui avec deux torches ardentes allait mettre le feu à lédifice.
En conséquence, je prie autant quil est en moi les serviteurs de Marie, de sabstenir eux-mêmes et dengager aussi les autres à sabstenir daller dans ces oratoires de Marie au temps des fêtes, car à ces époques il en revient plus davantages à lenfer que dhonneur à la divine Mère. Quiconque a cette dévotion doit aller les visiter dans les temps où il ny a pas de concours.
VIe DÉVOTION Du scapulaire
De même que les hommes tiennent à honneur davoir des gens qui portent leur livrée, ainsi la très-sainte Vierge aime à voir ses serviteurs porter son scapulaire ; ce doit être un signe quils se sont consacrés à son service, et quils appartiennent à la famille de la Mère de Dieu. Les hérétiques modernes tournent en ridicule cette dévotion comme de coutume ; mais la sainte Église la approuvée par un grand nombre de bulles et dindulgences. Le père Crasset et Lezzana parlant du scapulaire des Carmes, disent que vers lan 1251, la sainte Vierge apparut au bienheureux Simon Stock, Anglais de nation, et que lui donnant son scapulaire elle lui dit que ceux qui le porteraient seraient à labri de la damnation éternelle. Voici ses propres paroles : " Recevez, mon fils bien-aimé, ce scapulaire de votre ordre : cest le signe de ma confraternité ; privilège personnel pour vous et pour tous les Carmes : celui qui à sa mort sen trouvera revêtu naura point à craindre le feu éternel. " En outre, le père Crasset raconte que Marie était apparue une autre fois au pape Jean XXII, lui ordonna de faire savoir à tous ceux qui porteraient ce scapulaire quils seraient délivrés du purgatoire le samedi après leur mort, ainsi que ce même pontife le déclara textuellement dans sa bulle confirmée depuis Alexandre V, par Clément VII et dautres papes, comme on peut le voir dans louvrage déjà cité du père Crasset. Or, daprès ce que nous avons remarqué dans la première partie, Paul V donne à entendre la même chose, et semble expliquer les bulles des papes ses prédécesseurs ; car il prescrit dans sa bulle les conditions à observer pour gagner les indulgences attachées à cette pratique ; savoir, lobservance de la chasteté, chacun selon son état, et la récitation du petit office de la Vierge : il avertit ceux qui ne peuvent le réciter dobserver au moins les jeûnes de lÉglise, et de sabstenir de manger de la viande le mercredi.
Les indulgences attachées au scapulaire des Carmes, comme aussi à ceux des Douleurs de Marie, de la Merci, et surtout de la Conception, sont sans nombre, quotidiennes et plénières, pour le temps de la vie t pour le moment de la mort. Quant à moi, jai voulu prendre tous ces scapulaires. On saura surtout quau scapulaire de lImmaculée Conception, qui est bénit par les pères Théatins, outre beaucoup dindulgences particulières, sont attachées toutes les indulgences accordées à quelque ordre religieux, à quelque lieu de dévotion, à quelque personne que ce soit. Et particulièrement en récitant six fois Pater, Ave et Gloria Patri, en lhonneur de la très sainte Trinité et de Marie immaculée, on gagne chaque fois toutes les indulgences de Rome, de la Portioncule, de Jérusalem et de Galice, qui se montent à 533 indulgences plénières, sans parler des indulgences partielles qui sont innombrables. Tous ces détails sont tirés dune feuille imprimée par les père Théatins eux-mêmes.
VIIe DÉVOTION De laffiliation aux congrégations de Marie
Il en est qui désapprouvent les congrégations, en disant quelles deviennent quelquefois une source de procès, et que plusieurs ny entrent que par des vues humaines. Mais de même quon ne condamne pas les églises et les sacrements, sous prétexte que beaucoup de gens en abusent, ainsi on ne doit pas non plus condamner les congrégations. Les souverains pontifes, au lieu de les condamner, les ont approuvées avec de grands éloges, et les ont enrichies dindulgences. Saint François de Sales, dans son Introduction, exhorte instamment les séculiers à entrer dans les congrégations. Que ne fit pas saint Charles Borromée pour les établir et les multiplier ? Dans ses synodes il engage positivement les confesseurs à presser leurs pénitents dy entrer ; et cest avec raison, car ces congrégations, et surtout celles de la sainte Vierge, sont comme autant darches de Noé, dans lesquelles les pauvres séculiers trouvent un refuge contre le déluge de péchés et de tentations dont le monde est inondé. Nous-mêmes, dans le cours de nos missions, nous avons constaté à loisir lutilité des confréries. Régulièrement parlant, on trouve plus de péchés dans un seul homme qui se tient éloigné de la confrérie, que dans vingt qui la fréquentent. On peut dire que la congrégation est cette tour de David doù pendent mille boucliers, larmure des forts (Cant., IV, 4). Et voici la raison pour laquelle les congréganistes y recueillent grand nombre de moyens de défense contre lenfer, et y trouvent pour conserver la grâce divine des pratiques dont lusage est bien difficile aux séculiers hors des congrégations.
En premier lieu, un des moyens de se sauver est de penser aux maximes éternelles : " Pensez à vos fins dernières, et vous ne pècherez jamais " (Ecclés. 7, 40). Et sil y en a tant qui se perdent, cest quils ny pensent pas (Jerem. 10 21). Mais ceux qui vont à la congrégation trouvent un moyen de se recueillir, pour y penser, dans les méditations, les lectures, et les sermons quils y entendent. " Mes brebis entendent ma voix. " (Jn, 10, 27).
En second lieu, pour se sauver, il est nécessaire de se recommander à Dieu : " Demandez, et vous recevrez. " (Jn 16, 24). Or, cest ce que font continuellement les membres des confréries, et Dieu les exaucent plus facilement, puisquil a dit lui-même quil accorde bien volontiers ses grâces aux prières faites en commun : " Si deux dentre vous sunissent sur la terre, tout ce quils auront demandé, mon Père le leur accordera. " (Mt 18, 19), Sur quoi saint Ambroise fait cette réflexion : " Beaucoup dhommes faibles, réunis ensembles, deviennent puissants : et il est impossible que les prières dune nombreuse réunion ne soient pas exaucées. "
En troisième lieu, dans la congrégation, il est plus facile de fréquenter les sacrements, soit à cause des règlements auxquels on est soumis, soit à cause des exemples quon reçoit de la part des autres confrères. Or, par les sacrements on obtient plus facilement la persévérance dans la grâce divine : car le saint concile de Trente a déclaré que la communion est comme un antidote par lequel nous sommes délivrés de nos fautes journalières, et nous sommes préservés du péché mortel.
En quatrième lieu, outre les sacrements il y a dans les confréries une foule de pratiques de mortification, dhumilité, de charité envers les confrères malades et les pauvres. Or, il serait bon que dans toutes les confréries on introduisît ce saint usage dassister les pauvres malades du pays.
Ce serait une chose bien profitable dintroduire en lhonneur de la Mère de Dieu la congrégation secrète des confrères les plus fervents. Je veux indiquer ici brièvement les exercices quon a coutume de pratiquer dans ces congrégations secrètes : 1° On fait une demi-heure de lecture. 2° On dit vêpres et complies du Saint-Esprit. 3° Les litanies de la sainte Vierge, et alors les confrères désignés font quelque acte de mortification, comme de tenir la croix sur leurs épaules, et choses semblables. 4° On fait un quart dheure de méditation sur la passion de Jésus-Christ. 5° Chacun saccuse des fautes commises contre la règle, et reçoit la pénitence du directeur. 6° Un frère désigné lit le bouquet des mortifications pratiquées dans la semaine précédente, et ensuite on annonce les neuvaines qui se présentent à cette époque, etc. Enfin on prend la discipline pendant la durée dun Miserere et dun Salve Regina, et chacun baise les pieds du crucifix placé au pied de lautel. Quant au règlement, chaque confrère devrait 1° faire chaque jour loraison mentale ; 2° la visite au Saint-Sacrement et à la Vierge ; 3° lexamen de conscience le soir ; 4° la lecture spirituelle ; 5° éviter les jeux et les conversations du monde ; 6° fréquenter la communion et embrasser la pratique de quelques mortifications, comme la chaîne, la discipline, etc. ; 7° recommander chaque jour à Dieu les âmes du purgatoire et les pécheurs ; 8° enfin, si un confrère venait à tomber malade, tous les autres seraient tenus de le visiter. Mais revenons à notre sujet.
On a déjà dit de quelle utilité il est pour le salut de servir la Mère de Dieu ; et les confrères font-ils autre chose que la servir dans la congrégation ? Là que de louanges ils donnent à Marie ! que de prières ils lui présentent ! Là, dès le principe ils se consacrent à son service, la choisissant dune manière toute spéciale pour leur patronne et leur mère : ils sinscrivent sur le livre des fils de Marie ; et comme ils ont voulu être ainsi des fils et des serviteurs distingués de Marie, elle les traite ensuite avec distinction et les protége pendant la vie et à la mort. En sorte quun confrère peut dire quen entrant dans la congrégation il a reçu tous les biens.
Tout confrère doit donc se proposer deux choses : la première est lintention, cest-à-dire naller à la congrégation dans aucune autre vue que de servir Dieu et sa sainte Mère, et de sauver son âme. La seconde est de ne pas sabsenter de la congrégation pour affaires séculières aux jours prescrits, car il y va pour traiter de laffaire la plus importante qui puisse loccuper sur la terre, laffaire de son salut éternel. Il aura soin en outre dattirer à la congrégation tous ceux quil pourra, et particulièrement dy faire rentrer des confrères qui lauraient quittée. Oh ! de quels terribles châtiments le Ciel a puni ceux qui ont abandonné la congrégation de la Vierge ! A Naples un confrère lavait quittée, et comme on lexhortait à y rentrer, il répondit : " Jy rentrerai, quand on maura rompu les deux jambes et coupé la tête. " Ces paroles furent une prophétie. Peu de temps après, ses ennemis lui rompirent effectivement les jambes et lui coupèrent la tête. Au contraire les confrères persévérants, sont grâce à Marie, pourvus de tous les biens temporels et spirituels. On peut lire dans le Père Auriemma les faveurs spéciales que Marie procure aux congréganistes pendant la vie et à la mort, mais surtout à la mort. Le Père Crasset raconte quen 1486 un jeune homme étant sur le point de mourir, sendormit, et que sétant éveillé il dit à son confesseur : O mon père, jai été en grand danger de me voir damné, mais la sainte Vierge ma délivré. Les démons ont présenté mes péchés devant le tribunal de Dieu, et ils se préparaient déjà à me traîner en enfer, mais la sainte Vierge est venue et leur a dit : " Où conduisez-vous ce jeune homme ? quel droit avez-vous sur un de mes serviteurs, qui ma si longtemps servie dans ma congrégation ? " A ces mots les démons se sont enfuis ; et cest ainsi que jai été sauvé dentre leurs mains. Le même auteur rapporte ensuite quun autre congréganiste également à larticle de la mort eut à soutenir un grand combat contre lenfer : mais ayant remporté la victoire, il sécria transporté de joie : " Oh ! que cest un grand bien davoir servi Marie dans sa congrégation ! ". Et il mourut aussi pleinement consolé. Ajoutons avec le même auteur quà Naples le duc de Popoli disait à son fils en mourant : Mon fils, sachez que le peu de bien que jai fait, je reconnais le devoir à ma congrégation ; je ne puis donc vous laisser de meilleur héritage que la congrégation de Marie. Jestime plus lavantage davoir été congréganiste que duc de Popoli.
VIIIe DÉVOTION Des aumônes en lhonneur de Marie
Les serviteurs de Marie ont coutume de faire des aumônes en lhonneur de cette divine mère, et cela particulièrement les jours de samedi. Saint Grégoire parle dans ses Dialogues dun pieux cordonnier, appelé Deus-dedit, qui distribuait aux pauvres chaque samedi ce quil gagnait dans la semaine : de sorte quune autre sainte personne vit dans une vision un palais somptueux, que Dieu préparait dans le ciel à ce serviteur de Marie, et auquel on ne travaillait que les jours de samedi. Également saint Gérard, mais nimporte en quel temps, ne refusait jamais rien de ce qui lui était demandé au nom de Marie. Le Père Martin Guttiérez de la compagnie de Jésus en faisait autant, et en retour il put assurer quil navait jamais demandé aucune grâce à Marie sans lobtenir. Ce serviteur de la divine mère ayant été tué par les huguenots, elle apparut à ses compagnons avec quelques vierges, par les mains desquelles elle fit envelopper le corps dun linceul et lenleva. Saint Ébrard, évêque de Salzbourg, suivait la même pratique, et cest pour cela quun saint religieux le vit semblable à un enfant entre les bras de Marie, qui lui disait : " Voici mon fils Ébrard qui ne ma jamais rien refusé. " Alexandre de Halès en faisait autant ; et un frère convers de lordre de Saint-François lui ayant demandé au nom de Marie de consentir à se faire franciscain, il renonça au monde et entra dans cet ordre. Que les serviteurs de la Vierge ne refusent donc pas de donner chaque jour quelque aumône en son honneur, et de laugmenter les jours de samedi. Que du moins, sils ne peuvent faire autre chose, ils fassent quelque bonne uvre au nom de Marie, comme dassister les malades, de prier pour les pécheurs, et pour les âmes du purgatoire, etc. Les uvres de miséricorde sont infiniment agréables à cette mère de miséricorde.
IXe DÉVOTION Recourir fréquemment à Marie.
De tous les hommages que nous pouvons offrir à notre mère, je soutiens quaucun ne lui plaît autant que de recourir souvent à son intercession, en lui demandant assistance dans tous nos besoins particuliers, comme de prendre ou donner conseil, dans nos périls, dans nos peines, dans nos tentations, et surtout dans les tentations contre la pureté. La divine mère nous délivrera certainement alors, si nous recourons à elle en lui adressant la prière Sub tuum, etc., ou lAve Maria, ou même seulement en invoquant le saint nom de Marie, qui a une vertu particulière contre les démons. Le bienheureux Santi, franciscain, dans une tentation dimpureté, eut recours à Marie, et la Vierge lui apparaissant aussitôt lui posa la main sur la poitrine et le délivra. Il est bon également en pareil cas de baiser ou serrer entre ses mains le rosaire, le scapulaire, ou bien de regarder quelque image de la sainte Vierge. Et à ce propos on saura que Benoît XIII a accordé cinquante jours dindulgence à quiconque prononce les noms de Jésus et de Marie.
Xe DÉVOTION (Sous ce titre je réunis ici diverses pratiques en lhonneur de Marie)
1° Célébrer, ou faire célébrer, ou du moins entendre la messe en lhonneur de la sainte Vierge. On ne nie point que le saint sacrifice de la messe ne doive être offert quà Dieu seul, à qui on loffre principalement en reconnaissance de son souverain domaine ; mais cela nempêche pas, dit le saint concile de Trente, quon ne puisse en même temps le lui offrir pour le remercier des grâces accordées aux saints et à sa sainte mère, et pour obtenir de ces derniers que, puisquon fait ainsi mémoire deux, ils daignent intercéder pour nous. Cest pour cela quon dit à la messe : " Afin que ce sacrifice serve à leur gloire et à notre salut. " La sainte Vierge elle-même a révélé à une personne que cet hommage dune messe offerte à son intention, ainsi que trois Pater, Ave et Gloria Patri dits à la très-sainte Trinité pour la remercier des grâces faites à Marie, lui sont infiniment agréables ; car ne pouvant par elle-même remercier pleinement le Seigneur de toutes les faveurs qui lui sont accordées, elle est satisfaite de ce que ses enfants laident à remplir ce devoir.
2° Révérer les saints qui ont été unis de plus près à Marie, comme saint Joseph, saint Joachim et sainte Anne. La sainte Vierge elle-même recommanda un jour à un gentilhomme la dévotion envers sainte Anne sa mère. Pareillement il faudrait honoer les saints qui ont eu le plus de dévotion à la mère de Dieu, comme saint Jean lÉvangéliste, saint Jean-Baptiste, saint Bernard, saint Jean Damascène, qui fut le défenseur de ses images, saint Ildefons qui défendit sa virginité.
3° Lire chaque jour quelque livre qui parle des gloires de Marie ; prêcher, ou du moins insinuer à tous, et particulièrement à ses proches, la dévotion envers la Mère de Dieu. Un jour la sainte Vierge dit à sainte Brigitte : " Fais en sorte que tes enfants soient les miens. " Prier chaque jour pour les vivants et pour les morts, qui se sont montrées les plus dévoués à Marie.
On remarquera dailleurs les nombreuses indulgences accordées parles souverains pontifes à ceux qui honorent de diverses autres manières cette reine du ciel : 1° cent jours dindulgence sont accordés à ceux qui diront : " Bénie soit la sainte et immaculée conception de la bienheureuse Vierge Marie ; " et lorsque après le mot immaculée on ajoute et très pure, on gagne encore, dit le Père Crasset, dautres indulgences pour les âmes du purgatoire. 2° quarante jours dindulgence à ceux qui récitent le Salve Regina ; 3° deux cent jours à ceux qui récitent les litanies ; 4° vingt jours à ceux qui inclinent la tête aux noms de Jésus et de Marie ; 5° dix mille ans à ceux qui diront cinq Pater et cinq Ave en mémoire de la passion de Jésus et des douleurs de Marie.
Dans lintérêt des personnes pieuses, je vais encore indiquer ici dautres indulgences attachées par les souverains pontifes à certaines autres pratiques. 1° Trois mille huit cents ans à ceux qui entendent la messe ; 2° Benoît XIII a accordé sept ans dindulgence à ceux qui font les actes du chrétien, avec la résolution de recevoir les sacrements pendant la vie et à larticle de la mort. Et si on les continue pendant un mois, indulgence plénière applicable pour les âmes du purgatoire et pour soi-même à larticle de la mort. 3° La rémission du tiers de ses fautes à quiconque récite quinze Pater et Ave pour les pécheurs. 4° Le pape Benoît XIV a accordé plusieurs indulgences à ceux qui font loraison mentale pendant une demi-heure chaque jour, et une indulgence plénière une fois le mois, pourvu quon se soit confessé et quon ait communié. 5° Trois cents jours à ceux qui récitent loraison Anima Christi, etc. 6° Cinq ans à ceux qui accompagnent le viatique, et six ans si cest avec un flambeau. Que si on ne le peut, on gagnera une indulgence de cent jours, en récitant un Pater et un Ave. 7° Deux cents jours à ceux qui se prosternent devant le Très-Saint-Sacrement ; 8° un an et quarante jours à ceux qui baisent la croix ; 9° trente jours à ceux qui inclinent la tête au Gloria Patri. 10° Cinquante jours aux prêtres qui avant la messe récitent Ego volo celebrare missam, etc. 11° Cinq ans à ceux qui baisent lhabit régulier. On peut encore lire dans le Père Viva une liste de diverses autres indulgences. Mais pour gagner les indulgences énumérées ci-dessus, on aura soin de sy disposer par un acte de contrition.
Je passe sous silence diverses autres pratiques de dévotion qui se trouvent dans plusieurs livres, comme celles des sept allégresses, des douze privilèges de Marie, et semblables. Mais je terminerai cet ouvrage par ces belles paroles de saint Bernard : " O femme bénie entre toutes les femmes, vous êtes lhonneur du genre humain, le salut de notre peuple. Vous avez un mérite qui na pas de bornes, et un plein pouvoir sur toutes les créatures. Vous êtes la Mère de Dieu, la souveraine du monde, la reine du ciel. Vous êtes la dispensatrice de toutes les grâces, lornement de la sainte Église. Vous êtes lexemple des justes, la consolation des saints, et la source de notre salut. Vous êtes la joie du paradis, la porte du ciel, la gloire de Dieu. Vous voyez que nous avons publié vos louanges, et nous venons vous supplier, ô mère de bonté, de faire ce qui est impossible à notre faiblesse, dexcuser notre audace, dagréer nos hommages, et de bénir nos travaux, en imprimant dans tous les curs votre amour, afin quaprès avoir aimé et honoré votre fils sur la terre, nous puissions le louer et le bénir éternellement dans le ciel. Amen.
CONCLUSION
Là-dessus, mon cher lecteur et frère, fils affectueux de notre mère Marie, je vous dirai en terminant : Continuez de grand cur à honorer et à aimer cette bonne mère. Employez-vous aussi de tout votre pouvoir pour quelle soit aimée des autres ; et entretenez-vous dans la ferme confiance que si vous persévérez jusquà la mort dans une sincère dévotion à Marie, votre salut est assuré. Je finis, non point parce que je nai plus rien à dire des gloires de cette grande reine, mais afin de ne pas vous causer trop dennui. Le peu que jen ai dit peut bien suffire pour vous inspirer lamour du grand trésor que recèle la dévotion à la Mère de Dieu, et elle saura bien y répondre par les effets de sa puissante protection. Agréez donc le désir qui ma fait entreprendre cet ouvrage, et qui nétait autre que de vous voir sauvé, et devenu un saint en vous voyant devenu le fils affectueux et tendrement passionné de cette aimable reine. Or, si vous reconnaissez quen cela mon livre vous a été de quelque utilité, je vous prie davoir la charité de me recommander à Marie, et de lui demander pour moi la grâce que je lui demande pour vous, savoir que nous nous voyions un jour en paradis réunis à ses pieds, avec tous ses autres enfants chéris.
Et pour madresser à vous, en terminant, ô Mère de mon Sauveur, et ma Mère, ô Marie, je vous prie dagréer le triste fruit de mes veilles, et le désir que jai conçu de vous voir louée et aimée de tous. Vous savez combien jai désiré de pouvoir terminer cet opuscule avant la fin de mes jours, qui nest pas éloignée. Maintenant je dis que je meurs content, puisque je laisse sur la terre un livre qui continuera de vous louer et de vous préconiser, comme je nai cessé moi-même de le faire depuis que, par votre entremise, jai obtenu de Dieu ma conversion. O Marie immaculée, je vous recommande ceux qui vous aiment, et particulièrement ceux qui auront la charité de me recommander à vous ; donnez-leur la persévérance, sanctifiez-les tous, et ainsi conduisez-nous tous ensemble dans le ciel pour vous y louer dune voix unanime. Ô ma très-douce mère, il est vrai que je suis un pauvre pécheur, mais je me fais gloire de vous aimer, et je me flatte dobtenir de vous de grandes choses, entre autres de mourir en vous aimant. Jespère quau milieu des angoisses de la mort, lorsque le démon me remettra mes péchés devant les yeux, jaurai pour me fortifier, la passion de Jésus-Christ dabord, et puis votre intercession ; en sorte que je pourrai sortir de cette misérable vie dans la grâce de Dieu, et être admis à laimer et à vous remercier, ô ma mère, dans les siècles des siècles. Amen. Ainsi je lespère. Ainsi soit-il.
Ô notre souveraine maîtresse, dîtes pour nous à votre fils : " Ils nont pas de vin. " Oh ! quil est désirable le calice enivrant de ce vin ! Lamour de Dieu inspire jusquà livresse le mépris du monde, donne la ferveur, le courage, lindifférence pour les choses du temps, lardeur à se procurer les biens invisibles. "
Vous êtes, ô Marie, ce champ plein de fleurs odorantes dont un saint patriarche avait le pressentiment, remplie que vous êtes de grâces et de vertus. Vous avez paru dans le monde comme une aurore lumineuse et empourprée, parce quaprès avoir franchi lobstacle des péchés originels, vous êtes née avec léclat de la connaissance de la vérité, et la pudeur quinspire lamour de la vertu : les puissances ennemies nont aucune prise sur vous, parce que vous êtes cette tour à laquelle sont appendus mille boucliers et toutes sortes darmes pour les hommes forts ; car il nest pas de vertu qui nait en vous son plus bel éclat, et vous réunissez en vous seule tous les mérites de chacun des saints pris à part.
O notre souveraine maîtresse, notre médiatrice, notre avocate, recommandez-nous à votre fils. Faites, ô vierge bénie entre toutes les femmes, par la grâce que vous avez méritée, que celui qui sest servi de vous pour se rendre participant de notre infirmité et de notre misère, nous rende aussi, au moyen de son intercession, participants de votre béatitude et de votre gloire.
Rose charmante, si vous avez pitié de moi, si vous maimez, inspirez-moi tant damour que je puisse un jour en mourir.
O ma souveraine, accordez-moi le bonheur de vous aimer toujours, et enfin dexpirer en prononçant votre nom.
Douce Marie, mon espérance, vous êtes lheureuse étoile qui doit me guider au port, me conduire aux cieux.
Vive Jésus, Marie, Joseph et Thérèse !
Le père Segneri dit que le démon na pu mieux faire pour se consoler des pertes quil a essuyées par lextinction de lidolâtrie, que de persécuter les saintes images par le moyen des hérétiques.