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Les Gloires de Marie
Saint Alphonse-Marie de Liguori
(1ère partie : commentaire du Salve Regina)
CHAPITRE VIII : Etaprès cet exil, montrez-nous Jésus, le fruit béni de vos entrailles
MARIE, NOTRE SALUT
II Marie secourt ses serviteurs dans le purgatoire
Heureuses les âmes qui se dévouent au service de cette Reine compatissante ! elle ne se borne pas à les secourir en cette vie, sa protection les suit dans le purgatoire, où elle les assiste encore et les console. Ou plutôt, comme elles éprouvent là un plus grand secours, vu leurs souffrances et l’impuissance où elles sont de se soulager elles-mêmes, cette Mère de miséricorde redouble de zèle à leur venir en aide. Selon saint Bernardin de Sienne, dans cette prison où gémissent des âmes épouses de Jésus-Christ, Marie est
comme souveraine maîtresse, elle y jouit du plein pouvoir soit d’adoucir leurs peines, soit même de les en délivrer entièrement.
D’abord, elle adoucit leurs peines. Expliquant les paroles de l’Écriture : J’ai marché sur les flots de la mer, le même Saint les applique à
Marie et lui fait ajouter : " Si je marche sur les flots, c’est afin de visiter mes serviteurs et de leur porter secours dans leurs besoins et
leurs tourments, parce que je suis leur mère ". Les flots dont il est ici question, dit-il, sont les peines du purgatoire, ainsi appelées parce
qu’elles sont passagères, à la différence de celles de l’enfer, qui ne passent jamais ; de plus elles sont comparées aux flots de la mer en
raison de leur grande amertume. Or, pendant qu’ils sont au sein de ces peines, les serviteurs de Marie reçoivent souvent sa visite et ses
consolations. On voit donc, observe Novarin, combien il importe d’honorer sur la terre cette excellente Riene, puisqu’elle ne sait oublier
ses serviteurs dans les flammes expiatrices ; il est vrai qu’elle secoure toutes les âmes qui y sont plongées ; cependant, ses dévôt
serviteurs sont traités avec plus d’indulgence et sont de sa part l’objet de ses soins plus empressés.
Voici en quels termes la divine Mère s’exprimait dans une révélation à sainte Brigitte : Je suis la Mère de toutes les âmes captives en
purgatoire ; car à toute heure mes prières adoucissent de quelque manière les châtiment dus aux fautes qu’elles ont commises pendant
leur vie mortelle.
Cette Mère compatissante ne dédaigne même pas d’entrer de temps à autre dans cette sainte prison, afin de consoler par sa présence
ses enfants affligés. C’est ce que nous assure saint Bonaventure, en appliquant à Marie ce texte sacré : J’ai pénétré dans les
profondeurs de l’abîme. Oh ! s’écrie saint Vincent Ferrier, combien Marie se montre prévenante et bonne envers les âmes qui souffrent
dans le purgatoire ! par ses soins, leur courage est continuellement relevé et leurs souffrances allégées.
Et quelle autre consolation peuvent-elles avoir dans leurs peines, si ce n’est Marie, et l’assistance de cette Mère de miséricorde ? Aussi
sainte Brigitte entendit un jour le Sauveur qui disait à sa Mère : " Vous êtes ma Mère, vous êtes la Mère de miséricorde, vous êtes la
consolation de ceux qui sont en purgatoire ". Et, selon une révélation de la bienheureuse Vierge elle-même à la même sainte, comme
une parole amie ranime un pauvre malade abandonné sur son lit de douleurs, ainsi ces âmes affligées se sentent toutes consolées, rien
qu’à entendre le nom de Marie. Oui, reprend Novarin, le seul nom de Marie, nom d’espérance et de salut que ces bonnes âmes
invoquent souvent du fond de leur prison, est déjà pour elles un grand soulagement ; mais les prières que cette tendre Mère adresse
ensuite à Dieu, dès qu’elle s’entend invoquer par elles, sont comme une rosée céleste qui vient les rafraîchir dans les vives ardeurs dont
elles sont consumées.
Mais Marie ne se borne pas à consoler et à soulager ses serviteurs dans le purgatoire; souvent encore, elle les en retire par son
intercession. Le sjour de son Assomption glorieuse, comme Gerson l’assure, toute cette prison des âmes demeura vide. C’est ce que
confirme Novarin : "D’après des auteurs graves, dit-il, Marie, sur le point de monter au ciel, demanda à son Fils la faculté d’emmener
avec elle toutes les âmes qui se trouvaient alors en purgatoire. Depuis lors, continue Gerson, la bienheureuse Vierge est en possession
du privilège d’en délivrer ses pieux serviteurs. Saint Bernardin de Sienne affirme la même chose comme indibutable : " Ce pouvoir,
ajoute-t-il, elle l’exerce tant par ses prières que par l’application de ses mérites, et cela en faveur de toutes les âmes, mais
principalement de celles qui lui furent dévotes. Novarin exprime le même sentiment, à savoir que, par les mérites de Marie, non
seulement les perines des âmes du purgatoire sont adoucies, mais encore le temps de leur expiation est abrégé. Une prière d’elle suffit.
Saint Pierre Damien rapporte qu’une femme, nommé Marozie, apparut après sa mort à une de ses amies, et lui apprit que le jour de
l’Assomption, elle avait été, par Marie, délivrée du purgatoire avec d’autres âmes, dont le nombre dépassait celui des habitants de
Rome. Selon Denis le Chartreux, la même chose arrive à la fête de Noël et à celle de Pâques ; "ces jours-là, assure-t-il, Marie descend
dans le purgatoire, accompagnée d’une multitude d’anges, et en retire un grand nombre d’âmes". "Et, ajoute Novarin, j’incline à penser
qu’elle fait de même à toutes les fêtes solennelles qui se célèbrent en son honneur ".
On connaît la promesse faite par la Reine du ciel au pape Jean XXII, lorsqu’elle lui apparut et lui ordonna de faire savoir à tous ceux
qui porteraient le saint Scapulaire du Carmel, qu’ils seraient délivrés du purgatoire le premier samedi après leur mort. C’est ce que le
Pontife lui-même déclara par une Bulle, comme le rapporte le Père Crasset. Cette Bulle fut confirmée par Alexandre V, Clément VII,
Pie V, Grégoire XII, et Paul V, lequel dans un Décret de l’an 1613, s’exprime ainsi : " Le peuple chrétien peut croire pieusement que la
bienheureuse Vierge assistera de sa continuelle intercession, de ses mérites, de sa protection spéciale, après leur mort, et
principalement le samedi, jour qui lui est consacré par l’Église, les âmes des membres de la Confrérie de Notre-Dame du Mont-Carmel,
morts en état de grâce, pourvu qu’ils aient porté le Scapulaire en gardant la chasteté selon leur état, et qu’ils aient récité le petit Office
de la sainte Vierge, ou, s’ils n’ont pu le réciter, qu’ils aient observé les jeûnes de l’Église et se soient abstenus de manger de la viande les
mercredis et les samedis, excepté le jour de Noël ". Et, dans l’office pour la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, on lit également :
Selon une croyance pieuse, la sainte Vierge console les confrères du Mont-Carmel dans le purgatoire avec la tendresse d’une mère, et,
par son intercession, elle ne tarde pas à les en retirer pour les introduire dans la céleste patrie.
Ces grâces, ces privilèges, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, les espérer, si nous faisons profession d’une vraie dévotion à
cette bonne Mère ? Et si, par un plus tendre amour, nous nous distinguons entre ses serviteurs, pourquoi ne pourrions-nous pas
espérer même d’être admis dans le ciel aussitôt après la mort, et sans entrer dans le purgatoire ? Voici du moins ce que la sainte Vierge
envoya dire par le frère Abond au bienheureux Godefroi, de l’abbaye de Viller en Brabant : " Dis au frère Godefroi qu’il s’efforce
d’avancer dans les vertus ; par là, il se rendra cher à mon Fils et à moi ; et, quand son âme se séparera de son corps, je ne souffrirai
pas qu’elle aille en purgatoire, mais je la prendrai et je l’offrirai à mon Fils ".
Enfin, si nous désirons aider de nos suffrages les saintes âmes du purgatoire, ne manquons pas de les recommander à la glorieuse
Vierge dans toutes nos prières ; appliquons-leur spécialement le saint Rosaire, qui leur procure un grand soulagement, comme on le
verra par l’exemple qu’on va lire.
EXEMPLE
Le père Eusèbe Nieremberg rapporte que, dans une ville d’Aragon, une jeune fille nommée Alexandra, noble et d’une grande beauté,
était recherchée avec passion par deux jeunes gens. Ceux-ci, emportés par la jalousie, se prirent un jour de querelle, tirère l’épée et se
tuèrent l’un l’autre. Outrés de douleur, les prents tournèrent leur ressentiment contre la pauvre demoiselle, cause première d’un si grand
malheur, la mirent à mort et lui coupèrent la tête, qu’ils jetèrent dans un puits. A quelque temps de là, saint Dominique passa par la
ville, et, par une inspiration divine, il s’approcha du puits et s’écria : " Alexandra, venez dehors ". O prodige ! la tête de la mort apparaît,
se place sur le bord du puits, et prie le saint de l’entendre en confession. Il l’entend ; puis, en présence d’une foule immense attirée par
cette merveille, il lui donne la communion. Saint Dominique lui commanda ensuite de déclarer comme elle avait obtenu une si grande
grâce. Alexandra répondit qu’au moment où on lui avait tranché la tête, elle se trouvait en état de péché mortel, mais que la
bienheureuse Vierge lui avait conservé la vie en récompense de sa dévotion à réciter le Rosaire.
Pendant deux jours, la tête demeura ainsi vivante sur le bord du puits, à la vue de tout le monde, après quoi l’âme d’Alexandra s’en alla
en purgatoire. au bout de quinze jours, elle apparut à saint Dominique belle et resplendissante comme une étoile, et lui fit qu’un des
principaux moyens de secourir les âmes dans les peines du Purgatoire, c’est de réciter pour elles le rosaire, et qu’en retour, une fois
entrées en paradis, elles intercèdent pour ceux qui leur ont appliqué cette puissante prière. Quand elle eut fini de parler, le saint vit cette
âme bienheureuse s’élever toute transportée de joie, vers le royaume des élus. (1)
(1) NOTE DU TRADUCTEUR : Le père Van Ketwigh, savant dominicain dAnvers, dans son excellent ouvrage publié en 1720 sous le
titre de Panoplia Mariana, défend contre toute critique ce miracle de saint Dominique. Il prouve au long, d’après les meilleures
autorités, à la tête desquelles figure le Docteur Angélique, ce que saint Alphonse dit brièvement au paragraphe précédent, savoir, que la
Mère de Dieu peut sauver certains pécheurs, même quand ils sont morts en état de damnation, en obtenant que leur jugement demeure
suspendu jusqu’à ce qu’ils se soient dûment réconciliés avec Dieu.
PRIÈRE
O Reine du ciel et de la terre, ô Mère du Souverain Seigneur de l’univers, ô Marie la plus grande, la plus élevée des créatures, il est
vrai que, sur la terre, il en est beaucoup dont vous n’êtes ni aimée ni connue ; mais, dans le ciel, combien de millions d’anges et de
bienheureux vous aiment et vous louent sans cesse ! Ici-bas même, combien d’âmes heureuses brûlent d’amour pour vous, et sont toutes
éprises de votre bonté ! Ah ! puissé-je vous aimer aussi, ma très aimable Souveraine ! puissé-je ne penser qu’à vous servir, à vous
louer, à vous honorer, et à vous gagner tous les coeurs. Vous avez gagné, par votre beauté, le coeur d’un Dieu; vous l’avez, pour ainsi
dire, arraché du sein de son père éternel, pour se faire homme et votre Fils ; et moi, misérable vermisseau, je ne vous aimerais pas ?
Ah ! ma très douce Mère, je veux vous aimer, et vous aimer beaucoup, et je veux faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour amener
aussi les autres à vous aimer. Agréez donc, ô Marie, agréez le désir que j’ai de vous aimer, et secondez mes efforts pour y parvenir.
Je sais que votre Dieu regarde d’un oeil de complaisance ceux qui vous aiment; après sa propre gloire, il ne désire rien tant que la
vôtre, il veut vous voir honorée et aimée de tous. C’est de vous, ô ma Reine, que j’espère toute ma félicité : c’est vous qui devez
m’obtenir le pardon de tous mes péchés, et ensuite la persévérance ; c’est vous qui devez m’assister à l’heure de ma mort ; c’est vous
qui devez me retirer du purgatoire ; c’est vous, enfin, qui devez me conduire en paradis. Toutes ces grâces, ceux qui vous aiment les
attendent de vous, et moi aussi je les espère, moi qui vous aime de tout mon coeur et par-dessus toutes choses après Dieu.