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Les Gloires de Marie
Saint Alphonse-Marie de Liguori
(1ère partie : commentaire du Salve Regina)
CHAPITRE I : Nous vous saluons, ô Reine, Mère de miséricorde !
MARIE, NOTRE REINE, NOTRE MÈRE
I Combien doit être grande notre confiance en Marie, parce qu’elle est Reine de miséricorde.
L’auguste Vierge Marie ayant été élevée à la dignité de Mère du Roi des rois, la sainte Église a raison de
l’honorer et de vouloir que tous l’honorent du glorieux titre de Reine.
Si le Fils est Roi, dit saint Anathase, la Mère a le droit d’être tenue pour Reine et d’en porter le nom. Oui,
ajoute saint Bernardin de Sienne, quand Marie consentit à être la Mère du Verbe éternel, à l’instant même
et par ce consentement, elle mérita et obtint la principauté de la terre, le domaine du monde, le sceptre et
la qualité de Reine de toutes les créatures. Et, comme l’observe Arnauld de Chartres, si par la chair Marie
est unie si intimement à Jésus, comment cette divine Mère serait-elle séparée de son Fils quant à la
puissance souveraine ? Il faut donc le reconnaître, la dignité royale n’est pas seulement commune au Fils
et à la Mère, mais ils n’ont qu’une seule et même royauté.
Or, si Jésus est Roi de l’univers, c’est de l’univers aussi que Marie est Reine : " Reine du ciel, dit l’abbé
Rupert, elle commande à bon droit à tout le royaume de son Fils ". De là cette conséquence exprimée par
saint Bernardin de Sienne : Autant de créatures servent Dieu, autant doivent servir Marie. LEs anges, les
hommes et tout ce qui existe au ciel et sur la terre, étant soumis à l’empire de Dieu, le sont pareillement à
la domination de cette glorieuse Vierge. De là aussi cette exclamation de l’abbé Guéric, s’addressant à la
divine Mère : Continuez donc, ô Marie, continuez de régner en toute sécurité ; disposez à votre gré des
biens de votre Fils ; puisque vous êtes la Mère et l’Épouse du Roi de l’univers, vous êtes Reine, et avez
droit à l’empire et à la domination sur toutes les créatures.
Marie est notre Reine ; mais sachons-le pour notre commune consolation, elle est une Reine pleine de
douceur et de clémence, toute disposée à répandreses bienfaits sur notre misère. C’est pourquoi, la sainte
Église veut qu’en la saluant dans la belle prière que nous méditons, nous lui donnions le titre de Mère de
miséricorde. Selon la remarque du Bienheureux Albert le Grand, le nom même de Reine éveille l’idée de
compassion, de sollicitude en faveur des pauvres, à la différence du nom d’Impératrice, qui signifie
sévérité et rigueur. Et, d’après Sénèque, la vraie grandeur des rois et des reines consiste à soulager les
malheureux. A la différence donc des tyrans qui gouvernent dans des vues exclusivement personnelles, les
rois doivent se proposer pour unique fin le bien de leurs peuples. Et voilà pourquoi, dans la cérémonie de
leur sacre, on leur oint la tête d’huile, emblême de miséricorde ; ils sont avertis par là que, sur le trône, ils
devront surtout nourrir, envers leurs sujets, des sentiments de commisération et de bonté.
Il est donc dud evoir des rois de s’appliquer principalement aux oeuvres de miséricorde, mais non au point
d’oublier l’exercice de la justice à l’égard des coupables, quand cela est nécessaire. Cependant, il n’en est
pas ainsi de Marie : elle est Reine, mais elle n’est pas Reine de justice, obligée d’office à punir les
malfaiteurs ; elle est Reine de miséricorde, et son unique attribution est d’avoir pitié des pécheurs et de
leur ménager le pardon. Telle est la raison du nom de Reine de miséricorde, sous lequel l’Église nous
apprend à l’invoquer. J’ai appris ces deux choses, chantait David, que la puissance appartient à Dieu, et
que vous êtes, Seigneur, rempli de miséricorde. Voici sur ces paroles le commentaire du célèbre Gerson,
chancelier de Paris : La royauté de Dieu comprend l’exercice de la justice et celui de la miséricorde ; or le
seigneur l’a partagée : il s’est réservé à lui-même le règne de la justice, et il a cédé à Marie le règne de la
miséricorde, voulant que toutes les grâces accordées aux hommes passent par les mains de cette douce
Reine, pour être départies à son gré. Cette explication est confirmée par saint Thomas, dans sa préface
aux Épîtres canoniques ; quand la Bienheureuse Vierge, dit-il, conçut et enfanta le Verbe divin, elle obtint
la moitié du règne de Dieu, et devint Reine de miséricorde, Jésus-Christ restant Roi de justice.
Le Père Éternel a établi Jésus-Christ Roi de justice, et, en cette qualité, Juge universel du monde ; c’est ce
que le Prophète célèbre en ces termes : O Dieu, donnez votre justice au Fils du Roi. Seigneur, ajoute ici
un savant interprète, vous avez donné à votre Fils la justice, parce que vous avez donné la miséricorde à
sa Mère. Avec non moins de bonheur, saint Bonaventure paraphrase ainsi les mêmes paroles du
Psalmiste : Seigneur ! donnez votre justice au Roi, et votre miséricorde à la Reine, sa Mère. – Ernest,
archevêque de Prague, dit pareillement que le Père Éternel a confié au Fils l’office de juger et de punir et
à la Mère celui de compatir et de soulager. A Marie peut donc s’appliquer la prophétie du même David :
Dieu a fait couler sur votre front une huile d’allégresse. Oui, car Dieu a en quelque sorte sacré de ses
propres mains Marie Reine de miséricorde, et nous a donné à nous tous, infortunés enfants d’Adam, un
motif de vive allégresse dans la personne de cette grande Reine que nous avons au ciel, et qui est toute
détrempée du baume de la miséricorde, comme dit saint Bonaventure, et toute pleine de l’huile d’une
maternelle tendresse à notre égard.
Le bienheureux Albert le Grand fait intervenir ici, de la manière la plus heureuse, l’histoire de la reine
Esther, qui fut d’ailleurs une des figures de notre Reine Marie.
On lit au livre d’Esther, que, sous le règne d’Assuérus, un édit fut publié qui condamnait à la mort tous les
Juifs de ses États. Alors MArdochée, l’un des condamnés, recommanda leur salut à Esther, et la pria
d’intercéder pour eux auprès du Roi, afin d’obtenir les révocations de la sentence. Au premier abord,
Esther refusa de faire cette démarche, craignant d’accroître par là l’indignation d’Assuérus. Mais
Mardochée lui envoya quelqu’un, chargé de lui faire des remontrances : elle ne devait pas, lui faisait-il
dire, songer uniquement à sa propre sûreté, puisque le Seigneur l’avait élevée sur le trône pour procurer le
salut de tous les Juif. Ne croyez pas que vous puissiez vous sauver seule, parce que, dans la maison du
roi, vous tenez un rang supérieur à tous les Juifs. Ainsi parlait Mardochée à la reine Esther ; ainsi
pourrions-nous aussi, nous, pauvres pécheurs, parler à notre Reine Marie, si jamais elle répugnait à nous
obtenir de Dieu la remise de la peine due à nos péchés : Ne pensez pas qu’il vous soit permis de vous
sauver seule, parce que, dans la maison du Roi, vous occupez un rang plus haut qu’aucun homme. Non,
auguste Souveraine, ne pensez pas que Dieu vous ait élevée à la dignité de Reine du monde, uniquement
en vue de votre bonheur ; il a voulu aussi que cette sublime grandeur vous mît à même de compatir plus
efficacement à nos misères et de les soulager mieux.
Lorsqu’Assuérus vit Esther en sa présence, il lui demanda avec amour ce qu’elle désirait. O mon Roi,
répondit-elle, si j’ai trouvé grâce devant vos yeux, accordez-moi le salut de mon peuple pour lequel
j’implore votre clémence. – Assuérus l’exauça et ordonna aussitôt que la séquence fût révoquée. Or, si
Assuérus accorda le salut des Juifs à Esther, parce qu’il l’aimait, comment Dieu, qui aime Marie d’un
amour immense, pourrait-il ne pas l’exaucer lorsqu’elle le prie pour les pauvres pécheurs qui réclament
son intercession, et qu’elle lui dit : O mon Roi et mon Dieu, si j’ai trouvé grâce devant vous, si vous
m’aimez, accordez-moi le salut de ces pécheurs pour lesquels j’intercède auprès de vous. – Si vous
m’aimez !… Ah ! elle n’ignore pas, cette divine Mère, qu »elle est la bénie, la bienheureuse, celle qui, seule
entre tous les enfants d’Adam, a trouvé la grâce perdue par l’homme ; elle sait qu’elle est la Bien-Aimée
de son Seigneur, plus aimée que tous les saints et tous les anges ensemble ; comment donc Dieu
pourrait-il ne pas l’exaucer ? Qui ne connaît pas la force des prières de Marie auprès de Dieu ? Une loi de
clémence sort de ses lèvres, dit le Sage, chacune de ses prières est comme une loi aussitôt sanctionnée
par le Seigneur, et qui garantit un arrêt de miséricorde à tous ceux pour qui elle intercède. – Saint Bernard
demande pourquoi l’Église appelle Marie Reine de miséricorde, et il répond : C’est que l’on croit qu’elle
ouvre l’abîme de la miséricorde divine à qui elle veut, quand elle veut, et comme elle veut ; en sorte que
nul pécheur, si criminel soit-il, ne se perd, pourvu que Marie le protège.
Mais n’est-il pas à craindre que Marie ne refuse de s’entremettre our certains pécheurs qui lui paraîtront
trop souillés ? ou bien ne devons-nous pas nous laisser intimider par la majesté et la sainteté de cette
grande Reine ? – Oh ! non, réponds saint Grégoire VII ; autant elle est sainte et élevée, autant elle est
douce et miséricordieuse envers les pécheurs qui l’invoquent avec un vrai désir de s’amender. Les airs de
grandeur que prennent les rois et les reines de la terre, inspirent la terreur, et sont cause que leurs sujets
craignent de paraître en leur présence ; mais demande saint Bernard, quelle appréhension pourrait
empêcher les malheureux d’aller à cette Reine de miséricorde ? Elle ne laisse rien paraître de terrible ou
d’austère en sa présence, elle ne montre que douceur et bonté à quiconque va la trouver ; " à tous, elle
offre le lait et la laine " ; non contente de les donner à qui les lui demande, elle les offre même à tous ; elle
leur offre le lait de la miséricorde pour les animer à la confiance, et la laine de sa protection pour les
garantir des foudres de la justice divine.
Au rapport de Suétone, quelque faveur qu’on demandât à l’empereur Titus, il ne savait la refuser ; parfois
même, il promettait plus qu’il ne pouvait tenir ; et à ceux qui l’avertissaient : un prince, répondait-il, ne
doit renvoyer mécontent aucun de ceux qu’il a une fois admis en sa présence. Ainsi parlait Titus, mais,
dans le fait, il lui arrivait peut-être souvent de faire de fausses promesse ou de manquer à sa parole. Notre
Reine, au contraire, est incapable de nous tromper, et elle est assez puissante pour procurer tout ce qu’elle
veut à ses dévots ; elle a d’ailleurs le coeur si bon, si compatissant, assure Lansperge, qu’elle ne saurait
renvoyer sans consolation un malheureux qui la prie. Mais, ô Marie, s’écrie saint Bernard, comment
pourriez-vous refuser votre appui aux misérables, quand vous êtes Reine de miséricorde ? quels sont les
sujets de la miséricorde, sinon les misérables ? Vous êtes Reine de miséricorde, et moi, je suis le plus
misérable de tous les pécheurs ; je tiens donc le premier rang parmi vos sujets, et vous devez prendre soin
de moi plus que de tous les autres. Ayez donc pitié de nous, ô Reine de miséricorde, et pensez à nous
sauver.
Et ne dîtes pas, ô Vierge sainte, semble ajouter saint Georges de Nicomédie ; ne dîtes pas que la
multitude de nos péchés vous empêche de nous secourir ; car telles sont votre puissance et votre bonté,
qu’il n’est pas de fautes si nombreuses qui puissent en dépasser les bornes. Rien ne résiste à votre
puissance, parce que votre Créateur, qui est aussi le nôtre, regarde votre gloire comme la sienne, et croit
se faire honneur à lui-même en honorant sa Mère ; aussi le fait-il avec une joie extrême : on dirait qu’en
exauçant vos prières, il acquitte une dette. Oui, une dette, car, veut dire le saint, bien que Marie soit
infiniment obligée envers son Fils, qui l’a choisie pour Mère, on ne peut nier qu’à son tour il ne soit,
lui-même fort obligé envers Marie, puisqu’elle lui a donné l’être humain. Eh bien ! pour payer en quelque
sorte à sa Mère tout ce qu’il lui doit, Jésus se plaît à accroître sa gloire, qui lui est si chère, et spécialement
en lui accordant toutes ses requêtes.
Quelle confiance ne devons-nous donc pas avoir en cette auguste Reine, nous qui la savons si puissante
auprès de Dieu, et en même temps si riche de miséricorde, que personne au monde n’est exclu de sa
tendresse et de ses faveurs ! C’est ce que la bienheureuse Vierge a révélé elle-même à Sainte Brigitte : "
Je suis, lui dit-elle un jour, la Reine du ciel et la Mère de miséricorde ; je suis la joie des justes et la porte
par laquelle les pécheurs ont accès auprès de Dieu. Il n’est pas de pécheur maudit au point d’être privé
des effets de ma miséricorde tant qu’il vit sur la terre ; car il n’en est aucun qui ne doive quelque grâce à
mon intercession, ne fût-ce que celle d’être moins tenté par les démons. Aucun pécheur, ajute-t-elle, à
moins qu’il ne soit tout à fait maudit (c’est-à-dire frappé de la malédiction finale et irrévocable qui se
prononce contre les damnés), aucun pécheur n’est tellement rejeté de Dieu, qu’il ne puisse, en m’appelant
à son aide, retourner à Dieu et obtenir miséricorde. Tout le monde, dit-elle encore, m’appelle Mère de
miséricorde, et vraiment, c’est la miséricorde de Dieu envers les hommes qui m’a rendue si
miséricordieuse à leur égard. Enfin, elle conclut en ces termes : Bien malheureux sera donc, dans la vie
future, et malheureux à jamais, celui qui se sera damné faute de recourir à moi, comme il le pouvait, dans
la vie présente, à moi, si miséricordieuse envers tous les hommes, et si désireuse de venir en aide aux
pécheurs. "
Voulons-nous donc assurer notre salut, allons souvent, allons sans cesse nous réfugier aux pieds de cette
douce Reine, et, si la vue de nos péchés nous épouvante et nous décourage, souvenons-nous que Marie a
été établie Reine de miséricorde pour sauver, par sa protection, les pécheurs les plus coupables et les plus
désespérés pourvu qu’ils se recommandent à elle. Ils doivent former sa couronne dans le ciel, comme lui
lui fait entendre l’Époux divin, en lui disant : Viens du Liban, mon Épouse ; viens du Liban, viens, tu
seras couronnée . . . des cavernes des lions et des montagnes qui servent de retraite aux léopards.
Quelles sont, en effet, ces retraites de bêtes monstrueuses, sinon les malheureux pécheurs ? leurs âmes ne
sont-elles pas réceptacles de péchés divers, monstres les plus affreux que l’on puisse concevoir ? – Oui, ô
Marie ! je le dis avec l’abbé Rupert, c’est le salut de ces pauvres pécheurs qui sera votre couronne en
paradis, couronne bien digne de vous et la mieux appropriée à une Reine de miséricorde.
On peut lire à ce sujet l’exemple suivant.
EXEMPLE
Il est raconté dans la vie de la soeur Catherine de Saint-Augustin, que, dans l’endroit où habitait cette
servante de Dieu, se trouvait une femme appelée Marie, qui avait mené une vie scandaleuse dès sa
jeunesse, et qui, parvenue à un âge avancé, persistait avec obstination dans ses désordres. Chassée enfin
par les habitants, et réduite à se retirer dans une grotte solitaire, elle y mourut consumée par une horrible
maladie, sans secours humains et sans sacrements. Après une telle vie et une telle mort, son cadavre fut
enfoui comme celui d’un animal immonde. Soeur Catherine avait coutume de recommander instamment à
Dieu les âmes de tous ceux qui passaient à l’autre vie ; néanmoins, ayant appris la triste fin de cette
malheureuse, elle ne songea nullement à prier pour elle, la croyant, comme tout le monde, à jamais
perdue. Quatre ans s’étaient écoulés, lorsqu’un jour se présenta devant elle une âme du purgatoire, qui lui
dit : " Soeur Catherine, quel malheur est le mien ! vous recommandez à Dieu les âmes de tous ceux qui
meurent ; je suis la seule dont vous n’ayez pas eu compassion ! – Et qui êtes-vous ? demanda la servante
de Dieu. – Je suis, répondit-elle, cette pauvre Marie qui mourut dans la grotte. – Quoi ! êtes-vous donc
sauvée ? – Oui, je suis sauvée, grâce à la miséricorde de la sainte Vierge. – Et comment ? – Quand je me
vis près de mourir, me trouvant ainsi abandonnée de tout le monde et chargée de tant de péchés, je me
tournai vers la Mère de Dieu et lui dis : " Reine du ciel, vous
êtes le refuge des pauvres délaissés, et me voici abandonnée de tout le monde ; vous êtes mon unique
espérance, vous seule pouvez me secourir, ayez pitié de moi ". La douce Marie m’obtint la grâce de faire
un acte de contrition, je mourus et je fus sauvée. Cette bonne mère m’a procuré en outre la faveur de voir
ma peine abrégée, en rachetant par l’intensité de mes souffrances une bonne partie des années qu’elles
devaient durer. Il ne faut que quelques messes pour me délivrer du purgatoire ; je vous prie de me les
faire dire, et je vous promets de ne jamais cesser, après cela, de prier Dieu et la bienheureuse Vierge pour
vous ". Soeur Catherine fit aussitôt célébrer des messes pour elle, et, au bout de quelques jours, cette âme
lui apparut de nouveau, plus brillante que le soleil, et lui dit : " Je vous remercie, ma chère Catherine ; je
vais maintenant en paradis chanter les miséricordes de mon Dieu et prier pour vous ".
PRIÈRE
O Marie, Mère de mon Dieu et ma souveraine Maîtresse, tel que se présenterait à une grande reine un
misérable tout couvert de plaies et de souillures, tel je me présente à vous, qui êtes la Reine du ciel et
de la terre ; du haut de ce trône glorieux où vous êtes assise, ne dédaignez pas, je vous en supplie,
d’abaisser vos regards sur ce pauvre pécheur, Dieu vous a rendue riche comme vous l’êtes, pour que
vous secouriez les pauvres, et il vous a établie Reine de miséricorde oiyr viys nettre à même de
soulager les misérables L regardez-moi donc, et prenez compassion de moi ; regardez-moi et ne
m’abandonnez pas que vous ne m’ayez changé de pécheur en saint. Je reconnais que je ne mérite rien,
ou plutôt, en punition de mon ingratitude, je mériterais de me voir dépouillé de toutes les grâces qui
me sont venues du Seigneur par votre entreprise ; heureusement, la Reine de miséricorde, ne va pas
cherchant des mérites, mais des misères ; tout son désir est de scourir les nécessiteux ; et qui est plus
pauvre et plus nécessiteux que moi ? O glorieuse Vierge, je sais que vous êtes la Reine du monde, et
par conséquent ma Reine ; je veux me consacrer à votre service d’une manière plus spéciale, et vous
laisser disposer de moi comme il vous plaît. Je vous dis donc avec saint Bonaventure : Gouvernez-moi,
ô ma Reine, et ne me laissez pas à moi-même ; commandez-moi, employez-moi selon votre gré, et
même châtiez-moim quand je ne vous obéis point ; oh ! combien me seront salutaires les châtiments de
votre main ! J’estime plus l’honneur de vous servir que celui de commander à toute la terre. JE SUIS A
VOUS, SAUVEZ-MOI. Recevez-moi au nombre des vôtres, ô Marie, et, comme tel, pensez à me sauver.
Non, je ne veux plus m’appartenir à moi-même, je me donne à vous ! Et si dans le passé, je vous ai mal
servie, ayant laissé échapper tant d’occasions de vous honorer, je veux désormais m’unir à vos
serviteurs les plus affectionnés et les plus fidèles. Je ne veux pas qu’à partir de ce jour personne vous
honore et vous aime plus que moi, ô mon aimable Reine. Je vous le promets et cette promesse, j’espère
la tenir avec votre secours. Amen.