confiance en la vierge Marie car elle est notre Mere a tous

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Les Gloires de Marie

 

Saint Alphonse-Marie de Liguori

(1ère partie : commentaire du Salve Regina)

 

 

CHAPITRE I : Nous vous saluons, ô Reine, Mère de miséricorde !

MARIE, NOTRE REINE, NOTRE MÈRE

II  Combien notre confiance en Marie doit être plus grande encore, parce qu’elle est notre Mère

Les serviteurs de Marie se plaisent à l’appeler leur Mère ; ils ne savent même, ce semble, l’invoquer sous

un autre titre ; jamais ils ne se lassent de la nommer ainsi. Ce n’est pas au hasard ni sans motif, car elle

est bien réellement leur Mère. Marie est notre Mère à tous, non pas selon la chair, mais selon l’esprit : elle

est la Mère de nos âmes et de notre salut.

Le péché avait dépouillé nos âmes de la grâce divine, qui est leur vie, et les avait livrées à la plus

déplorable des morts. Dans l’excès de sa miséricorde et de son amour, Jésus, notre Rédempteur, vint à

nous et nous rendit, au prix de sa mort sur la croix, la vie que nous avions perdue : Je suis venu, a-t-il dit

lui-même, afin que mes brebis aient la vie, et qu’elles l’aient plus abondamment. Il dit : Plus

abondamment, car selon les théologiens, Jésus-Christ nous apporta plus de bien en nous rachetant,

qu’Adam ne nous avait causé de mal par son péché. Ainsi, en nous réconciliant avec Dieu, Jésus est

devenu, sous le régime de la loi de grâce, le Père de nos âmes ; c’est là ce qu’Isaïe avait prédit, en

l’appelant le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Or, si Jésus-Christ est le Père de nos âmes, Marie

en est la Mère ; car, en nous donnant Jésus, elle nous a donné la véritable Vie, et, en offrant ensuite sur le

Calvaire la vie de son Fils pour notre salut, elle nous a enfantés à la vie de la grâce.

Ce fut donc en deux circonstances, comme nous l’apprennent les saints Pères, que Marie devint Mère

spirituelle.

Ce fut premièrement quand elle conçut dans son sein virginal le Fils de Dieu ; tel est l’enseignement du

bienheureux Albert le Grand ; et saint Bernardin de Sienne nous l’explique en ces termes : Quand Marie,

instruite par l’Ange des desseins de Dieu sur elle, donna le consentement que le Verbe éternel attendait

pour devenir son Fils, elle demanda en même temps à Dieu, avec un amour immense, le slut du genre

humain, et elle se dévoua tellement à l’oeuvre de notre rédemption que, comme la plus tendre des mères,

elle nous porta tous dès lors dans les entrailles de sa charité.

Dans le récit de la naissance de notre Sauveur, saint Luc dit que Marie mit au monde son premier-né.

Cela fait supposer, observe un auteur, qu’elle a eu d’autres enfants après celui-là ; mais, continue-t-il,

puisqu’il est de foi que la Vierge n’a pas eu, selon la chair d’autres enfants que Jésus-Christ, il s’ensuit

qu’elle a dû en avoir selon l’esprit, et c’est nous tous. Cette explication fut révélée par le Seigneur

lui-même à sainte Gertrude : lisant un jour dans l’Évangile le passage en question, elle en fut troublée ; elle

ne pouvait comprendre comment Jésus-Christ peut s’appeler le premier-né d’une Mère dont il est le Fils

unique ; or, Dieu lui fit comprendre que Jésus est le premier-né de Marie selon la chair, et les autres

hommes ses puînés selon l’esprit.

Ainsi s’entend encore ce qui est dit de la bienheureuse Vierge dans les Cantiques : Votre sein est comme

un monceau de froment, tout environné de lis. – Saint Ambroise commente ces paroles en disant que,

dans le sein très pur de Marie, il n’y eut qu’un seul grain, à savoir, Jésus-Christ, lequel est néanmoins

comparé à un morceau de froment, parce que dans ce seul grain étaient renfermés tous les élus, dont

Marie devait être aussi la Mère. La même pensée est ainsi exprimée par l’abbé Guillaume : En mettant au

monde Jésus-Christ, notre Sauveur et notre Vie, Marie nous a tous enfantés au salut et à la vie.

En second lieu, Marie nous a enfantés à la grâce sur le Calvaire, lorsque, d’un coeur brisé par la douleur,

elle offrit au Père Éternel pour notre salut la vie de son Fils bien-aimé. Saint Augustin affirme en effet

qu’en contribuant alors par sa charité à faire naître les fidèles à la vie de la grâce, Marie devint notre Mère

à tous, la Mère spirituelle de tous les membres du corps mystique de Jésus-Christ. Et c’est dans ce sens

qu’on applique à la bienheureuse Vierge ces mots des Cantiques : Ils m’ont placée comme gardienne dans

les vignes, et je n’ai pas gardé ma propre vigne. Car, dans son désir de sauver nos âmes, Marie

consentit à sacrifier, à livrer à la mort son propre Fils : En vue du salut d’un grand nombre d’âmes, dit

Guillaume, elle a abandonné son âme propre à la mort. Or, l’âme de Marie, n’était-ce pas son Jésus ?

n’était-il pas la vie et l’unique amour de sa Mère ? Saint Siméon avait donc raison de prédire à cette

tendre Mère qu’un jour son âme bénie serait transpercée d’un glaive cruel ; ce glaive fut la lance qui perça

le côté de Jésus, et, je le répète, Jésus était l’âme de Marie. Eh bien ! ce fut en ce moment que, par ses

douleurs, elle nous enfanta à la vie éternelle, et dès lors tous nous pouvons nous dire les enfants des

douleurs de Marie. Cette Mère très aimante fut toujours parfaitement unie à la volonté de Dieu ; c’est

pourquoi, voyant le Père porter l’amour envers nous jusqu’à vouloir sacrifier son Fils à notre salut, et le

Fils nous aimer jusqu’à vouloir mourir pour nous, elle conforma son amour envers le genre humain à

l’amour excessif du Père et du Fils. C’est la pensée de saint Bonaventure : " Il ne faut nullement douter,

écrit-il, que Marie n’ai voulu, elle aussi, livrer son Fils pour le salut du genre humain, afin que la Mère fût

de toute façon la fidèle imitatrice du Père. "

Il est vrai que Jésus a voulu être le seul à mourir pour la rédemption du genre humain, et, selon

l’expression d’Isaïe, à fouler le vin de notre salut ; néanmoins, ayant égard à l’ardent désir qui pressait

Marie de coopérer de son côté à ce grand ouvrage, il décida qu’elle y prendrait part en l’offrant, lui, Jésus,

à l’autel du sacrifice, et qu’ainsi elle deviendrait la Mère de nos âmes. Ce mystère nous fut dévoilé par

notre Sauveur lui-même : sur le point d’expirer, il abaissa ses regards sur sa Mère et sur son disciple saint

Jean, tous deux debout au pied de sa croix, et dit d’abord à Marie : Ecce filius tuus, " voilà votre fils ".

C’est comme s’il eût dit : Voilà l’homme que vous venez de faire naître à la grâce en offrant ma vie pour

son salut. S’adressant ensuite au disciple : Ecce Mater tua, lui dit-il, " voilà votre Mère ". Par ces paroles,

remarque saint Bernardin, Jésus donnait Marie pour mère, non pas au seul saint Jean, mais à tous les

hommes, en raison de son amour pour eux. Et c’est là, selon Silveira, le motif pour lequel saint Jean, qui

rapporte lui-même ce fait dans son Évangile, se désigne sous le nom commun de disciple : Jésus dit au

disciple : Voilà votre Mère ; le Sauveur ne parlait donc pas à Jean, mais au disciple ; c’est-à-dire qu’en

lui il voyait tous ceux qui, par la foi, sont ses disciples ; et c’était à eux tous qu’il donnait Marie pour

Mère.

Je suis la Mère du bel amour, dit Marie. Elle parle ainsi, observe un auteur, parce que son amour pour

nos âmes les rend belles aux yeux de Dieu, et l’engage elle-même à nous adopter avec toute la tendresse

d’une mère. Et quelle mère, s’écrie saint Bonaventure, quelle mère aune ses enfants et prend soin de leur

bien-être, comme vous, ô très douce Reine, vous nous aimez et veillez sur tous nos intérêts ? Heureux

ceux qui vivent sous la protection d’une Mère si aimante et si puissante ! Bien qu’au temps de David

Marie ne fut pas encore née, cependant, au dire de saint Augustin, ce prophète demandait déjà à Dieu de

le sauver à titre d’enfant de cette Vierge glorieuse : Sauvez, disait-il, le fils de votre Servante. De quelle

servante ? demande ce saint Docteur, si ce n’est de celle qui a dit : Je suis la Servante du Seigneur ? Eh !

s’écrie Bellarmin, qui aura l’audace d’arracher les bras de Marie ses enfants, lorsqu’ils y cherchent un asile

contre les poursuites de leurs ennemis ? Quel démon assez furieux, quelle passion assez violente pour les

vaincre, s’ils placent leur confiance dans la protection d’une Mère si puissante ? Quand la baleine voit son

petit exposé à périr dans une tempête ou à être pris par les pêcheurs, elle ouvre la bouche, dit-on, et le

reçoit dans son sein. Ce qui est sûr, c’est qu’ainsi fait Marie : quand cette bonne Mère voit ses enfants

exposé à de trop grand périls par la violence des tentations, elle les cache avec amour comme dans ses

propres entrailles, assure Novarin, les y tient à l’abri du danger, et ne cesse de les garder jusqu’à ce qu’elle

les ait mis en sûreté dans le port du salut.

O Mère pleine de tendresse ! ô Mère pleine de bonté ! soyez à jamais bénie ! et béni soit à jamais le Dieu

qui vous a donnée à nous pour Mère, et pour refuge assuré contre tous les hasards de cette vie ! – Dans

une révélation faite par elle-même à sainte Brigitte, la très sainte Vierge s’est comparée à une mère qui,

voyant son fils entre les épées de ses ennemis, n’épargnerait aucun effort pour lui sauver la vie. C’est ainsi

que j’agis, ajouta-t-elle, et que j’agirai toujours en faveur de mes enfants, quelque coupables qu’ils soient,

pourvu qu’ils invoquent mon secours. Voilà donc le moyen de vaincre l’enfer, et de le vaincre à coup sûr,

dans tous les combats qu’il nous livre ; nous n’avons qu’à recourir à celle qui est la Mère de Dieu et la

nôtre, en disant et en répétant sans cesse : Je me réfugie sous votre protection, ô sainte Mère de Dieu ! –

Combien de victoires les fidèles n’ont-ils pas remportées sur l’enfer par cette courte, mais puissante prière

! C’est par ce moyen qu’une grande servante de Dieu, la soeur Marie-Crucifiée, bénédictine, triomphait

toujours des démons.

Courage donc, ô vous qui êtes les enfants de Marie ; et nous savons qu’elle reçoit pour ses enfants tous

ceux qui désirent l’être ; courage et confiance ! Pouvez-vous craindre de périr, défendus et protégés

comme vous l’êtes par une telle Mère ? Voici ce que doit se dire, à la suite de saint Bonaventure,

quiconque aime cette bonne Mère et se met sous sa protection : O mon âme ! que crains-tu ? tu ne

saurais perdre la cause de ton salut éternel, puisque la sentence est laissée à la décision de Jésus, qui est

ton Frère, et de Marie, qui est ta Mère. – La même pensée remplissait saint Anselme d’une joie qu’il nous

communique en s’écriant : O heureuse confiance ! ô refuge assuré ! La Mère de Dieu et ma Mère ; avec

quelle certitude ne devons-nous pas espérer, puisque l’affaire de notre salut est entre les mains d’un Frère

si bon et d’une Mère si compatissante !

Écoutons donc la voix de notre Mère, qui nous appelle : Si quelqu’un est petit et faible comme un enfant,

nous crie-t-elle, qu’il vienne à moi. Les enfants ont toujours à la bouche le nom de leur mère ; et, dans

tous les dangers qui les menacent, à la moindre crainte qui les saisit, on les entend aussitôt s’écrier : Ma

mère ! ma mère ! – Ah ! douce Marie, ah ! douce Mère, c’est là précisément ce que vous désirez que,

comme vos enfants, nous vous appelions à notre secours dans tous les périls, parce que vous voulez nous

protéger et nous sauver, ainsi que vous avec toujours fait quand vos enfants ont eu recours à vous.

 

 

                               EXEMPLE

L’histoire des fondations de la Compagnie de Jésus au royaume de Naples rapporte ce qui suit d’un jeune

gentilhomme écossais, nommé Guillaume Elphinstone, et parent du roi Jacques. Né dans l’hérésie, il en

suivait les fausses doctrines ; mais, éclairé d’une lumière divine qui lui faisait entrevoir son erreur, il vint

en France, où, grâce surtout à l’intercession de la bienheureuse Vierge, il connut enfin la vérité, abjura

l’hérésie, et se fit catholique. Il passa ensuite à Rome. Là, un de ses amis, le voyant un jour fort affligé et

en pleurs, lui en demanda la cause. Le jeune homme répondit que, pendant la nuit, sa mère lui était

apparue et lui avait dit : " Mon fils, que tu es heureux d’être entré dans le sein de la véritable Église ! pour

moi, ayant eu le malheur de mourir dans l’hérésie, je suis à jamais perdue ! " Dès lors, i redoubla de

ferveur dans la dévotion à Marie, qu’il choisit pour son unique Mère ; elle lui inspira la pensée

d’embrasser la vie religieuse, et il en fit le voeu.

Cependant, comme il était malade, il se rendit à Naples, espérant que le changement d’air rétablirait sa

santé ; mais le Seigneur voulait qu’il y mourût ; et qu’il mourût religieux. Peu après son arrivée en cette

ville, sa maladie ayant été jugée mortelle, il obtint des pères jésuites, à force de prières et de larmes, son

admission dans leur Ordre ; et lorsqu’il reçut le Viatique, il prononça ses voeux en présence du saint

sacrement, et fut déclaré membre de la Compagnie.

Ainsi consolé, il attendrissait tout le monde par la vie effusion avec laquelle il remerciait Marie, sa bonne

Mère, de l’avoir arraché à l’hérésie, ramené dans le sein de la véritable Église, et conduit enfin dans la

maison de Dieu, pour y mourir au milieu des religieux, ses frères. " Oh ! s’écriait-il, quelle gloire de mourir

environné de tous ces anges " ! Comme on l’exhortait à prendre un peu de repos, il répondit : " Ah ! ce

n’est pas le moment de me reposer, maintenant que la fin de ma vie approche ". Au moment de mourir, il

dit à ceux qui étaient présents : " Mes frères, ne voyez-vous pas ici les anges du ciel qui m’assistent ? "

Un des religieux, l’ayant entendu prononcer quelques mots à vois basse, lui demanda ce qu’il disait. Il

répondit que son ange gardien lui avait révélé qu’il n’aurait que fort peu de temps à passer en purgatoire,

et qu’il entrerait bientôt dans le ciel. Il reprit ensuite ses doux entretiens avec Marie, sa Mère bien-aimée ;

et, en répétant : " Ma Mère ! ma Mère ! " comme un enfant qui s’endort dans les bras de sa mère, il

expira paisiblement. Peu après, un saint religieux sut par révélation qu’il était déjà en paradis.

 

 

                                PRIÈRE

O Marie, ma très sainte Mère, comment est-il possible qu’ayant une Mère si sainte, je sois si pervers ;

qu’ayant une Mère si embrasée d’amour pour Dieu, je sois si attaché aux créature ; qu’ayant une Mère

si riche de vertus, j’en sois si dénué ? Ah ! ma très aimable Mère, il est vrai, je ne mérite plus d’être

appelé votre enfant, je m’en suis rendu trop indigne par ma mauvaise vie ; je serai content si vous

daignez me recevoir au nombre de vos serviteurs ; pour être compté parmi les derniers de vos

serviteurs, bien volontiers je donnerais tous les royaumes de a terre. Oui, je serai content, si vous

m’accordez cette grâce ; cependant, ne me refusez pas celle de vous appeler ma Mère ; ce nom me

console, me touche le coeur, et me rappelle l’obligation où je suis de vous aimer ; ce nom m’inspire

une grande confiance en vous ; quand le souvenir de mes péchés et de la justice divine me remplit de

terreur, je me sens fortifié et tout rassuré par la pensée que vous êtes ma Mère. Permettez-moi donc de

vous dire : Ma Mère, ma très aimable Mère ! C’est ainsi que je vous appelle et veux toujours vous

appeler. Après Dieu, vous devez être en tout temps dans cette vallée de larmes, mon espérance, mon

refuge et mon amour. J’espère mourir dans ces sentiments, en remettant, à mon dernier soupir, mon

âme entre vos mains bénies, et en vous disant : Ma Mère Marie, Marie ma Mère ! assistez-moi, ayez

compassion de moi, Amen.



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